Tragédie de Laclotte

Tragédie de Laclotte

Combat de Laclotte

La tragédie de Laclotte est une fusillade survenue le 7 juin 1944 à Castelculier, dans le département français de Lot-et-Garonne.

Sommaire

Contexte

Le débarquement du 6 juin 1944

Grâce aux rares possesseurs de radios, on sait que de terribles combats font rage sur les plages de Normandie. Le débarquement tant attendu a bien eu lieu. C’est l’opération Overlord. Au prix de lourdes pertes, les G.I., les Rangers Canadiens, les Britanniques, tous les soldats alliés ont escaladé les falaises d’Utah, Omaha Beach, sous le feu des batteries ennemies souvent intactes. La tête de pont est solidement établie.

Le corps franc Pommiès

Le 5 juin en début de soirée, les deux messages annonciateurs du débarquement pour le lendemain sont diffusés de Londres . C'est aussi l'ordre pour le corps franc Pommiès de passer à la lutte ouverte, par des actions de sabotage et de guérilla. Les trois compagnies du bataillon corps franc Pommiès d'Agen sont aussitôt mobilisées. La compagnie Fred Streiff installe provisoirement son PC au château de Laclotte, sa zône d'action est la partie sud-est d'Agen. Sont alors notamment concernées les sections Raymond Guichard de Bon-Encontre, André Mazeau et Maurice Mainguet de Saint-Pierre-de-Clairac.

André Mazeau quitte le domicile de son père pour rejoindre son groupe de combat au PC provisoire de Laclotte. Château situé à Castelculier[1].

La réunion de Laclotte

Dans la soirée du 6 juin, vers minuit, le Lieutenant Fred Streiff, avec les deux officiers de sa compagnie, l'abbé Pierre Frischman (comme lui réfugié lorrain) et l'abbé Pierre Maurel (natif d'Agen), a organisé la réunion de ses chefs de groupes. Il convient, suivant les ordres du commandant du bataillon Michel Ribourt, de définir les lieux des actions à conduire "les bouchons" pour chaque groupe et leur déploiement pour le lendemain soir 7 juin.

Dans la journée et la soirée les armes détenues par les résistants des groupes Guichard et Mazeau ont été amenées au château de Laclotte, aux fins de préparation et vérification de leur état.

Le principal dépôt d'armes de la compagnie avait lui été constitué, au Château de Castelculier, par le groupe Guichard chargé de l'armement de la compagnie. Ce dépôt principal est situé dans le grenier d'un local proche du domicile de Joseph Ribourt. Joseph, frère aîné du commandant Michel, héberge son jeune frère depuis son repli de Fréjus en mars 1944. Résistant au sein de l'O.R.A, il était là-bas recherché par la Gestapo qui a brûlé sa maison. Il a dû fuir, et est venu se réfugier chez son frère. L'accès au grenier n'est possible que par un petit œil-de-bœuf extérieur sous le faîte du toit. Faits confirmés par les fermiers Poumeyrol, proches voisin,s et Ginette Vidal (devenue Mme Castagné).

La réunion de Laclotte s'est inscrite en conformité aux ordres du commandement du CFP comme suite au débarquement [2].

Castelculier

À Castelculier, règne un calme apparent. Carmen Boé, 20 ans, s'est levée de bonne heure. Elle habite au lieu dit « Moustet », une ferme proche du château de Laclotte. Elle doit se rendre à vélo à Bon-Encontre pour récupérer les clefs du château de Laclotte[3]. Pendant son trajet, elle croise une colonne allemande de cinq voitures et un camion chargés de soldats en armes. Le convoi se dirige en direction de Saint-Caprais-de-Lerm. Objectif, « Laclotte » , ce château érigé à flanc de côteau et propriété de la famille Chaudordy à qui l’on doit les Goya du musée d’Agen. La propriétaire, Mlle de Laborie, s’est prudemment repliée en ville à Bon-Encontre.

Château de Laclotte

Le maquis

Un groupe de maquisards a repris possession des lieux dans la journée du 6 juin 1944 pour en faire le PC provisoire (pour 48 heures). Il s'agit de la compagnie Fred Streiff, sur décision de ce dernier. Compagnie du Corps franc Pommiès, qui est l'une des compagnies du bataillon d'Agen sous commandement de Michel Ribourt alias Riche depuis mars 1944. Au milieu des bois en sommet de colline, le château offre une certaine discrétion et possibilité d'échappatoire. Il s'agit de préparer le déploiement des groupes vers leurs sites d'action en soutien au débarquement. Mais dénoncés, en début de soirée du 6 juin à la Gestapo par un jeune milicien, suite à l'imprudence de l'adjoint du groupe Raymond Guichard alias Jura chargé de l'armement, ils vont ce 7 juin 1944 en fin de matinée subir l’assaut d'une section de SS des forces allemandes. Ces hommes de la Division SS Das Reich de sinistre mémoire, combattants sans pitié venus du front de l’Est et rompus aux techniques de la guérilla, interviennent sous la conduite d'Henri Hanack, dit « le balafré », de la Gestapo d'Agen.

Les fermiers

Plusieurs fermiers travaillent dans les champs aux alentours du château.[4].

Le combat

Le combat est bref. Vers les onze heures, les maquisards décrochent grâce aux sacrifices de deux d’entre eux qui couvrent la retraite et abattent un officier SS.

Les victimes

  • Le résistant André Mazeau, chef du groupe local, 21 ans, fut abattu alors qu'il s'opposait à la progression des Allemands venus les appréhender après avoir lui-même abattu un officier allemand.
  • Le résistant Charles Gœrig, appartenant au groupe local du Corps franc Pommiès, 24 ans, fut fait prisonnier, puis exécuté avec des otages civils.
  • Parmi ces derniers, Marcel Boé, 17 ans, arrêté par les Allemands furieux de la perte d'un officier et exécuté avec les autres prisonniers;
  • Jean Clovis Boé, son père, 43 ans, fut arrêté par les Allemands en voulant porter assistance à son fils qu'il a aperçu chutant et pensant qu'il avait été blessé.[5]. Il sera torturé[6] puis exécuté avec les autres prisonniers.
  • Raymond Roger Afflatet, 15 ans, arrêté par les Allemands près de son domicile suite à la mort de l'officier allemand lors de l'accrochage et exécuté avec les autres prisonniers.
  • Émile Jean Afflatet, son père, 56 ans, fut arrêté par les Allemands, près de son domicile, à 150 mètres au sud du château. Il sera exécuté avec les autres prisonniers.

Les témoins

Madame Marie Afflatet, épouse d'Emile Jean Afflatet, et Madame Marcelle Boé, épouse de Jean Clovis Boé, sont les témoins indirects de la tragédie. Elles seront entendues par des inspecteurs de la 7e Brigade de recherche de Police Judiciaire de Bordeaux le 18 mars 1946.

Les incendies

Le château de Laclotte et la ferme de la famille Afflatet sont brûlés par les Allemands.

Château de Castelculier

Vers 14 heures, la colonne quitte les lieux du drame et prend d'assaut le vieux château inhabité de Castelculier.[7].

Saint-Pierre-de-Clairac

N'ayant rien trouvé au château de Castelculier, la colonne se dirige ensuite vers Saint-Pierre-de-Clairac et cerne le village. Les Allemands trouvent, laissée sur la table de la cuisine de l'épicerie, une liste portant en clair la véritable identité de résistants du groupe et en regard l'arme remise la veille au soir. Armes qui avaient été récupérées au domicile de Raymond GUICHARD, responsable de l'armement de la compagnie, à Bon-Encontre dans l'après-midi du 6 juin par les responsables du groupe du village. C'est avec cette liste de noms en main qu'Hanack et les Waffen SS rassemblent les résistants cités et tous les hommes du périmètre. Quelques heures plus tard, neuf victimes jonchent le bord de route, où sera implanté le monument à leur mémoire, deux autres victimes seront relevées près de leur domicile incendié au lieu-dit « Rougères ».

Cérémonie

Quand Carmen Boé prend connaissance de ces tragiques évènements, elle réalise avoir croisé les assassins de son père, de son frère...

Depuis ce drame, une cérémonie du souvenir a lieu tous les 7 juin sur les lieux de la tragédie. La mémoire de Laclotte résonne comme un témoignage, l'évocation d'un vécu transformant les contemporains en témoins.

Voir aussi

Liens internes

Liens externes

Bibliographie

  • Crimes de guerre en Agenais de Jacques Brissaud (Edition Imprimerie Moderne en 1949, puis Edition Librairie Quesseveur en 1997).

Archives départementales

  • Dossier 1W444

Des dérogations aux règles de communicabilité des archives publiques sont exigées pour les dossiers suivants:

  • Dossier 1738W34, dossier n° 488 (procès HANACK)
  • Dossier 1738W81, dossier n° 836 (instruction GUICHARD Raymond)
  • Dossier 1738W80, dossier n°836 (procès LANGE Jean),

Notes & références

  1. [1] Déclaration de Monsieur Robert Mazeau, le 29 mars 1946, dans l'enquête menée par la police judiciaire de Bordeaux]
  2. Déclarations du 10 avril 1946 de Maurice Mainguet, chef du groupe des résistants du village voisin de Saint-Pierre-de-Clairac
  3. Elle déclare le dimanche 10 juin 2007 que son père lui confia cette mission alors qu'il se rasait. Elle ne connaissait pas les enjeux de cette mission. Elle se souvient simplement des dernières paroles de son père
  4. Dans leurs dépositions aux inspecteurs de la BR de PJ de Bordeaux du 18 mars 1946, Mesdames Afflatet et Boé confirment que leurs familles ne font partie d'aucune organisation de résistance. Elles déclarent toutes les deux avoir remarqué du mouvement au château de Laclotte le 6 juin 1944. Elles déclarent se douter qu'il s'agissait de la Résistance. Malgré cela, Madame Boé déclare que son fils et son mari devaient aller travailler les champs aux alentours du château le 7 juin... Dans la tragédie de Saint-Pierre-de-Clairac, certains membres des familles des victimes déclarent ne pas être au courant d'éventuelles activités de résistance... Pourquoi Messieurs Afflatet et Boé sont-ils allés travailler les terres du château de Laclotte tout en sachant les mouvements de résistance observés la veille au château de Laclotte? D'après le témoignage d'une des filles Boé en juin 2007 (Paulette agée de 9 ans à l'époque), Jean Clovis Boé aurait parlé de contre-ordre pour justifier le programme de la journée. La famille Boé ne devait pas travailler les terres de Laclotte. Suite aux mouvements de la veille autour de Laclotte, la présence d'agriculteurs sur les terres de Laclotte devait certainement participer à la normalisation de la situation... Par ailleurs, elle se souvient avoir vu sa mère distribuer un paquet à un inconnu (certainement de la nourriture). Ces indices semblent indiquer un soutien actif de la population envers la résistance. Enfin, Carmen Boé déclare que son père ne participait pas à sa connaissance à des réunions, mais elle savait qu'il participait à certaines actions de sabotage, comme d'autres agriculteurs de la région... (à vérifier)
  5. Jean Clovis Boé parlait quelque peu allemand. Il aurait tenté de négocier la libération des otages civils en discutant directement avec un officier nazi. Les Allemands n'ont-ils pas trouvé bizarre qu'un agriculteur puisse parler leur langue?
  6. Témoignage recueilli par le magistrat Jacques Brissaud et publié dans son ouvrage Crimes de guerre en Agenais: un voisin distant à vol d'oiseau à plus de 400 mètres du drame, déclare avoir entendu ses cris de douleurs et ses hurlements de souffrance.
  7. Déclarations de René Salon du 19 avril 1946 dans l'enquête menée par la police judiciaire de Bordeaux. Le nouveau maire de Castelculier déclare avoir appris plus tard que les Allemands étaient venus là pour récupérer des armes appartenant à un mouvement de résistance. A noter qu'il était le frère de Marcelle Boé ; par ailleurs, leurs parents vivaient au lieu-dit « Mérigot », une ferme située en contrebas du vieux château de Castelculier.
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