Théorie MOND

Théorie MOND

MOND ((en) Modified Newtonian dynamics, en français : « dynamique newtonienne modifiée ») est une théorie physique, adaptée de la mécanique classique, proposée pour expliquer le problème de la courbe de rotation plate des galaxies spirales. Elle constitue une alternative au concept de matière noire, dont l'existence n'a toujours pas pu être mise en évidence.

Il a été calculé que si la matière noire existait, alors elle aurait une abondance au moins cinq fois plus importante que la matière baryonique, pour constituer de 83 %[1] à 90 %[2] de la densité totale de l'Univers observable[3], selon les modèles de formation et d'évolution des galaxies, ainsi que les modèles cosmologiques.

MOND repose sur une modification de la seconde loi de Newton aux accélérations très faibles. Elle est généralisée dans le cadre d'une théorie relativiste, la théorie tenseur-scalaire.

Sommaire

Le problème de la gravitation

Article détaillé : Matière noire.

En 1932, l'astrophysicien américain Fritz Zwicky constate que dans les grands amas de galaxies la vitesse de ces dernières comparée aux modèles théoriques révèle un écart très important. En effet, à ces vitesses, la masse de la galaxie (que l'on déduit de la luminosité de celle-ci) ne suffirait pas à les maintenir : elles devraient s'éloigner. Il proposa alors que cet écart était lié à la présence d'une source de gravitation non visible, c'est-à-dire autre que stellaire.

Néanmoins, ses calculs pour déterminer la proportion de cette « matière noire » ont montré qu'elle était bien plus représentée que la masse visible.

La courbe de rotation prévue par les équations de Newton (A) et la courbe observée (B) , en fonction de la distance au centre de la galaxie.

À partir de 1978, Vera Rubin commence à observer le phénomène à une échelle plus petite. Elle remarque que dans les galaxies, plus les étoiles sont éloignées du noyau galactique, plus leur vitesse angulaire est élevée. L'observation initiale de cette uniformité de la vitesse fut inattendue car la théorie de la gravité de Newton prédisait que les objets plus éloignés ont une vitesse moindre. Par exemple, les planètes du système solaire orbitent avec une vitesse respective qui décroît alors que leur distance respective croît par rapport au Soleil. On se retrouve avec le même problème : comment expliquer qu'à un point donné la mesure soit supérieure à la valeur théorique ?


De même, la vitesse que peuvent maintenir les objets soumis à la gravitation doit correspondre, d'après la théorie de Newton, à la force exercée par elle, c'est-à-dire de la masse présente. On observe pourtant que les galaxies sont plus lumineuses au centre qu'en bordure : la théorie de Newton n'est vérifiée que s'il existe une masse supplémentaire : la matière noire revint de nouveau faire parler d'elle.

On peut toutefois « observer » la matière noire : l'effet de lentille gravitationnelle — non expliqué par la théorie MOND — permet de déduire la masse d'après les équations de la relativité générale : on se rend ainsi compte que la masse observée ne correspond pas à la masse prédite. Une interprétation équivalente, utilisée par la généralisation de la théorie MOND, appelée théorie tenseur-scalaire (TeVeS), est qu'en réalité c'est le champ de gravitation qui est modifié.

Ces deux approches ne peuvent pas être départagées par les observations actuelles, si on admet l'existence d'énergie sombre et d'une certaine forme de matière noire dans la théorie MOND/TeVeS[4].

Sa naissance

En 1983, le physicien et professeur israélien Mordehai Milgrom propose une petite modification de la théorie de Newton. Il montre que cela permet de résoudre le problème de la rotation trop rapide des étoiles et des galaxies : il baptise sa théorie « MOND » (pour Modified Newton Dynamics en français : « dynamique de Newton modifiée »).

Cependant, cette approche fut au départ entièrement empirique. De plus il est apparu en 2006 qu'elle était en contradiction avec certaines observations astronomiques. En particulier, contrairement à la théorie de la matière noire, elle n'expliquait pas l'aspect de l'amas du boulet. Cela fut résolu en admettant dans la théorie l'existence d'une certaine quantité de matière noire sous forme de neutrinos.

En 2004, la Physical Review du mois d'octobre publie les travaux d'un autre chercheur israélien, Jacob Bekenstein. Celui-ci a montré que MOND était en accord avec le principe de relativité, tout comme la théorie de Newton : ce sont donc deux solutions possibles aux énergies et aux champs faibles de la gravité.

En mai 2005, une équipe de l'Université d'Oxford, dirigée par Constantinos Skordis, a calculé les effets de la gravité sur de petites condensations produites 300 000 ans après le Big Bang en utilisant la description de MOND. Leur simulation évoque le fond diffus cosmologique, observé par le satellite WMAP.

Démonstration simplifiée

Selon les lois de Newton, dans une trajectoire circulaire, on a équilibre entre la force centrifuge et l'attraction gravitationnelle :

a = \frac{v^2}{r} = \frac{G M}{r^2}

Le volume d'une galaxie disque de rayon R et d'épaisseur e est V = πR2e. La masse de la galaxie, pratiquement entièrement à l'intérieur du rayon Rmax, correspondant au maximum de vitesse, de masse volumique ρ, est donnée par :

M = \pi R_{max}^2 e \rho

Faisant l'approximation que la masse est pratiquement à l'intérieur du rayon correspondant à la vitesse maximale, on peut écrire :

r \simeq R_{max} = \sqrt{\frac{M}{\pi e \rho}}

Ce qui, introduit dans la première équation, donne la loi selon laquelle la vitesse maximale varie comme la puissance 1/4 de la masse :

 v= \sqrt{G} (M\pi e\rho)^{1/4}

MOND et la matière noire

WMAP a pu mesurer avec une grande précision les anisotropies du fond diffus cosmologique. Ces mesures sont en accord avec l'existence de la matière noire. Mais des travaux publiés en 2007 par Zlosnik et ses collaborateurs ont montré qu'il était possible de produire des modèles au sein de la théorie de Bekenstein qui soient en aussi bon accord.

Si une seule particule de matière noire est directement détectée, la théorie est invalidée. Les physiciens travaillent en 2008 à déceler les effets prédits par cette théorie dans le système solaire. La décélération anormale de la sonde Pioneer, dont on ignore les causes en date de 2011, pourrait en être un.

Le verdict pourrait provenir d'une mesure parfaitement fiable de cet effet, ce qui necessiterait sans doute une mission spatiale dédiée à cette mesure.

Description

Principes de la modification

La clef de voûte de cette théorie est que la deuxième loi de Newton sur la force de gravitation n'a été vérifiée qu'à des accélérations élevées.

La seconde loi s'énonce ainsi :

\mathbf F = m \frac{\mathrm d^2\mathbf r}{\mathrm dt^2} = m \mathbf a

F est la force, m la masse et r la position (ou a l'accélération).

Si la force en question est la force de gravitation, alors l'accélération d'un objet soumis à l'attraction d'un corps est donnée par la formule :

\mathbf a = G\frac{M}{r^2}

avec G la constante de gravitation, M la masse du corps qui attire et r la distance entre ce corps et l'objet que l'on considère.

Dans la théorie de Newton, la force d'attraction entre deux corps décroît comme le carré de leur distance. Dans MOND, cela n'est vrai que jusqu'à un certain seuil : au delà, elle décroît comme l'inverse de leur distance. Cela permet de décrire la courbe de rotation des étoiles (ou des galaxies).

Description mathématique

En 1983, Mordehai Milgrom, physicien à l'Institut Weizmann en Israel, a publié deux articles dans Astrophysical Journal proposant une modification du principe fondamental de la dynamique de Newton. Initialement, cette loi énonce que pour tout objet de masse inertielle m, soumis à une force  \vec F , a une accélération  \vec a vérifiant  \vec F = m \vec a .

Cette loi est bien connue, et a toujours été confirmée dans toutes les expériences de physique classique. Toutefois, elle n'a jamais été expérimentée dans des situations où l'accélération est extrêmement faible, ce qui est le cas à l'échelle galactique : les distances y sont si grandes que l'attraction gravitationnelle est minuscule.

Modification de la loi de Newton

La modification proposée par Milgrom est la suivante : au lieu de  \vec F = m \vec a , il postule que l'on a :

 \vec F = m. \mu \!\left(\frac{a}{a_0}\right).\vec a , avec a = | \vec a |~~ et
 \mu (x) = 1 \mbox{    si    }  x\gg 1
 \mu (x) = x \mbox{    si    } |x|\ll  1

Le terme a0 étant supposé être une nouvelle constante de la physique ayant la dimension d'une accélération.

La définition exacte de µ n'est pas spécifiée, seul est précisé son comportement pour les valeurs extrêmes de x. D'ailleurs, Milgrom a démontré que la formule de µ ne change pas les principales conséquences de sa théorie, tel l'aplatissement de la courbe de la vitesse de rotation des bords des galaxies.

Limite classique

En vertu du principe de correspondance, on doit retrouver la physique de Newton que l'on observe couramment, dans les conditions où elle semble vraie.

Dans la physique habituelle, a est beaucoup plus grand que a0, ainsi  \mu \left( \frac{a}{a_0} \right)= 1 et donc \ \vec F = m. \vec a . Par conséquent, la modification du principe fondamental de la dynamique est négligeable et Newton aurait pu ne pas s'en apercevoir.

Force à faible champ

  • Dans le cas d'un objet sur le bord d'un disque galactique, l'accélération a est beaucoup plus petite que la constante a0 car la force gravitationnelle est très faible, donc  \mu \left( \frac{a}{a_0} \right)= \frac{a}{a_0} et F = m. \frac{a^2}{a_0}  : la force gravitationnelle est toujours la même que dans la théorie newtonienne, mais l'accélération \ a est nettement modifiée.

Loin du centre de la galaxie, la force gravitationnelle subie par une étoile est, avec une bonne approximation :

F = \frac{GMm}{r^2}

G est la constante gravitationnelle, M la masse de la galaxie, m la masse de l'étoile et r la distance entre le centre de la galaxie et l'étoile.

Avec la nouvelle loi de la dynamique, nous avons :

 F = \frac{GMm}{r^2} = m \mu{ \left( \frac{a}{a_0}\right)} a d'où :  \frac{GM}{r^2} = \mu{ \left( \frac{a}{a_0}\right)} a

Comme la distance r est très grande, a est beaucoup plus petit que a0 et donc  \mu{ \left( \frac{a}{a_0}\right)} = \frac{a}{a_0} , ce qui donne :

 \frac{GM}{r^2} =  \frac{a^2}{a_0} , et ainsi :  a = \frac{\sqrt{ G M a_0 }}{r}

Comme l'équation donnant l'accélération centripète sur une orbite circulaire est  a = \frac{v^2}{r} on a :

 a = \frac{v^2}{r} = \frac{\sqrt{ G M a_0 }}{r} d'où la vitesse tangentielle de la rotation :  v = \sqrt[4]{ G M a_0 }

Ainsi, la vitesse de rotation des étoiles au bord d'une galaxie est constante, et ne dépend pas de la distance r : la courbe de la vitesse de rotation est plate. Comme la théorie MOND a été créée pour résoudre le problème de l'aplatissement de la courbe de la vitesse de rotation, il n'y a pas à être surpris à constater qu'elle concorde avec les observations de ce phénomène.

À partir des observations astrophysiques, Milgrom a déduit une valeur de sa constante :

a0=1,2×10−10 ms−2

Pour donner un sens à cette constante, Milgrom dit : "C'est grossièrement l'accélération qu'il faudrait pour passer du repos à la vitesse de la lumière pendant la vie de l'univers. C'est également l'ordre de grandeur de l'accélération récemment découverte de l'expansion de l'univers[5],[6]."

Voir aussi

Bibliographie

  • Ciel & Espace n°439 (décembre 2006), pages 46-56.
  • Science & Vie, Et si la matière noire n’existait pas…, n°1090, juillet 2008, p. 74-79.

Notes et références

  1. site de la NASA2
  2. Site du LAPP6
  3. (en)Astrophysical constants and parameters, PDG consultable également sur table des constantes astrophysiques.
  4. (en) « On the Proof of Dark Matter, the Law of Gravity and the Mass of Neutrinos », Université de St. Andrews, NAOC Beijing, Université Libre de Bruxelles (2006).
  5. (en) Dark-matter heretic, interview of Physicist Mordehai Milgrom, American Scientist, January-February 2003, Volume 91, Number 1, Page: 1.
  6. Avec l'accélération a0, il faudrait 5,8 fois l'âge de l'univers pour arriver à la vitesse de la lumière. Ou bien, en partant à vitesse nulle, et avec l'accélération a0 pendant l'âge de l'univers, on arriverait maintenant à 17,3% de la vitesse de la lumière.

Liens externes


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