Théologie évangélique

Théologie évangélique

Étant donné que le christianisme évangélique n’est pas constitué en Église et n’a pas de hiérarchie statuant sur la doctrine, on ne peut lui reconnaître de profession de foi qui serait officiellement représentative. Néanmoins, on observe parmi les divers courants et dénominations évangéliques une unité quasi infaillible sur les points suivants. Il faut saisir que, dans la visée évangélique ou de la foi évangélique, ceux-ci sont constitués avec une volonté déclarée d’être fidèle aux écrits bibliques. Ces points de profession de foi sont très souvent soutenus par des passages bibliques et en général par une interprétation transversale de ce que la Bible déclare sur un de ces points de profession de foi.

Sommaire

Autorité de la Bible

Les débats familiers du christianisme occidental depuis la Réforme ont souvent posé la question de savoir sur qui ou sur quoi se fondait l'autorité dans l'Église chrétienne. Se sont alors avancées des voix pour affirmer l'importance relative qu'il fallait donner à l'Écriture, à la Tradition et à la Raison. Dit autrement, qu'est-ce qui fait autorité : la Bible, le pape ou l'érudit ?

La plupart des héritiers de la Réforme, au premier rang desquels les évangéliques, affirment sans détour que c'est à la Bible, « l'Écriture », qu'il faut donner la première place, et que tout le reste vient par après. C'est ainsi que les protestants, et moins encore les évangéliques, ne possèdent pas de tradition. Chez les évangéliques, la tendance est d'ailleurs à ce que le croyant ait un accès direct au texte de la Bible et en retire ce qu'il pense s'appliquer à lui-même. Cette pratique est fondée sur l'explication théologique que la Bible affirme elle-même avoir quelque chose de divin, qui l'investit de l'autorité que le chrétien se doit de lui conférer.

Pour une discussion plus avancée de la question de l’inspiration divine de la Bible parmi les protestants, avec une lumière particulière sur les positions adoptées parmi les évangéliques, consulter l’article détaillé : « Théopneustie ».

La Bible est considérée comme étant « inspirée » par Dieu Lui-même[1] à l’homme (au sens étymologique du terme, c.-à-d. « insufflée »[2] (par l’Esprit Saint) – à la suite de la Seconde épître de l’apôtre Paul à Timothée, chapitre 3, verset 16, et des propos de Jésus dans divers passages de l’Évangile) ; autrement dit il est considéré que Dieu a « supervisé » la rédaction de chaque ligne de la Bible afin qu'elle contienne un message dans un langage humain envoyé par Dieu utilisant l’intellect, les styles d'écriture et le talent rédactionnel humains – cette notion est appelée « théopneustie ». Souvent appelée « la Parole de Dieu » ou « l’Écriture » (langage biblique), elle est considérée comme infaillible et, dans certains milieux évangéliques, sans erreur – cette notion est appelée « inerrance biblique ». Ceci lui vaut parfois d’être interprétée d’une manière très littérale, dans certains courants, et notamment les plus conservateurs en matière religieuse (courants ultraconservateurs et fondamentalistes). Néanmoins, il s'avère qu'en fonction des milieux, les évangéliques ont toujours tâché de concilier les notions d'infaillibilité et éventuellement d'inerrance bibliques avec une forme rigoureuse de critique de la Bible qu'impose, comme on en convient, la dimension rationaliste du protestantisme. Selon l’un des piliers du protestantisme, la Sola Scriptura, on considère que la Bible détient l’autorité suprême en matière de foi et de direction de la vie du croyant, les évangéliques considèrent également son infaillibilité (c.-à-d. que les évangéliques considèrent que cette autorité suprême en matière de foi et de pratiques ne peut pas être sujette à erreurs). Le croyant ne peut d’ailleurs avoir la certitude de saisir l’« Écriture » avec justesse que s’il remet sa lecture à l’Esprit Saint.

Trinité

Point que l’on retrouve dans presque tous les courants principaux du christianisme, selon lequel le Dieu unique, éternel et personne est éternellement présent et révélé dans trois Personnes divines, à savoir, le Père (Dieu Tout-puissant), le Fils (ou « Fils unique » – littér. μονογενης, monogénès, « unique engendré » ; Jésus-Christ) ; et l’Esprit Saint (ou « Souffle Saint »). L’ancrage insistant des évangéliques dans les écrits bibliques les font certes différer du catholicisme en ce qu’ils ne tiennent à justifier ce credo que sur base de passages ou concepts bibliques et non sur la Tradition ou les conciles (sachant que la naissance de ce dogme est souvent rattachée au concile de Nicée qui eut lieu au début du IVe siècle). Cette conception trinitaire de Dieu porte à diverses conséquences dans la foi chrétienne évangélique :

Dieu le Père

est pour l’être humain le Tout-puissant Créateur du ciel et de la terre (comprenez « de l’univers dans son entièreté »). Par conséquent, un chrétien ne saurait qu’être créationniste (au sens strict – ceci n’excluant que pour certaines tendances évangéliques la possibilité de l’évolution des espèces). De plus, Dieu est pour l’humain un Père aimant, et la relation de l’humain avec Dieu doit nécessairement (bien que pas exclusivement) être celle d’un enfant vis-à-vis de son père).

Jésus

Article détaillé : Christologie.

Il est considéré comme parfaitement homme et parfaitement Dieu. Cette composante de la Trinité, outre le fait qu’elle ne se saisit pas facilement, mérite qu’on s’y attarde, notamment parce que les caractéristiques du monde protestant et évangélique entraînent notamment que ce point de vue prend une résonance et des conséquences toutes particulières.

  1. Jésus-Christ est considéré comme Fils unique de Dieu ou du Père (Jean 3:16), ou encore unique engendré, sans aucune connotation biologique (croyance en sa naissance miraculeuse), mais au sens biblique du terme, qui selon l’interprétation évangélique détient un statut filial symbolique et spirituel à Dieu, rapproché de manière transversale à Isaac, fils d’Abraham (livre de la Genèse). En effet, Isaac était aussi appelé fils unique de son père, alors que la Bible présente pertinemment qu’il avait un demi-frère, Ismaël. L’unicité d’Isaac en tant que fils d’Abraham serait donc symbolique et d'ordre spirituel ; les interprétations rabbinique (juive) et protestante considèrent en effet qu’Isaac était le "fils unique" car il était le seul à réaliser la promesse de Dieu. À côté de cela, l’épisode du sacrifice d’Isaac par son père est vu comme un appui à cette compréhension, comme "pointant vers" Jésus, ou, pour reprendre le langage biblique, ce sacrifice n’était que "l’ombre des choses à venir" (Colossiens 2:16-17), à savoir, Jésus offert comme sacrifice.
  2. Jésus-Christ est, considéré comme "Dieu fait homme" – pour le dire grossièrement. C’est un objet de foi ferme que Jésus-Christ n’est qu’une manifestation charnelle de Dieu, et qu’il a existé de toute éternité (surtout év. selon Jean, 1:1-3). En effet, il est considéré comme la Parole (ou Verbe, ou encore Logos) de Dieu faite chair, c'est-à-dire son Expression même par excellence, rapprochée selon l’exégèse protestante et évangélique de la Sagesse de Dieu décrite surtout par le roi Salomon dans l’Ancien Testament (notamment et surtout livre des Proverbes 9:1) et les écrits deutérocanoniques en tant qu’émanation ou rayonnement de la Sagesse de Dieu –bien que considérés comme apocryphes par les protestants, ceux-ci utilisent ces écrits pour appuyer le fait que l’hypostase de Jésus en tant que quasi-personnification d’un attribut de Dieu était présente dans la pensée juive et les Écrits canoniques ou non)[3]. L’existence éternelle de Jésus est également supportée dans la Bible, aux dires des évangéliques, par les christophanies (manifestations du Messie en forme humaine avant la naissance de Jésus – voir surtout le grand prêtre Melchisédech dans la Genèse peut-être sous-entendu dans l’évangile selon Jean, chap. 1 v. 10), et les propos et faits de Jésus (entre autres nombreuses choses, le fait que Jésus se décrive de la même manière que le Dieu d’Israël, YHWH (Yahvé ou Jéhovah) s’est révélé à Moïse – Jean 8:58 en parallèle avec Exode 3:14). Par-dessus tout, le fait que l’exégèse évangélique considère comme acquis le fait que Jésus ait été condamné pour une accusation de blasphème par les Juifs, parce qu’il avait prétendu être Dieu, constitue probablement l’un des premiers objets d’attestation de la divinité de Jésus.
  3. Jésus-Christ est, considéré dans sa divinité, comme partie prenante au jugement des vivants et des morts qui aura lieu à la fin des temps. Ressuscité, élevé au ciel (Ascension), toujours vivant et "siégeant à la droite de Dieu" (Marc 16:19 et passages similaires ; Actes 2:33 et passages similaires), il est le seul digne intercesseur auprès de Dieu (inspiré de la théologie paulinienne) pour défendre la cause des croyants convertis"à Christ". En tant que manifestation de Dieu, le christianisme évangélique insiste énormément sur la personne de Jésus-Christ. À ses dires, en conséquence, la chrétienneté n'est pas une religion, mais une relation, qui consiste essentiellement en une relation d'engagement avec Jésus-Christ, considéré comme seul chemin vers Dieu. En ce, Jésus-Christ est le digne et le seul chef de l'Église (rupture classique du protestantisme vis-à-vis du catholicisme), Église qui est aussi appelée corps du Christ (imagerie paulinienne).

L’Esprit Saint (ou Saint(-)Esprit, ou encore « Esprit »)

L’Esprit de Dieu ou Dieu en tant qu’Esprit est considéré comme étant pleinement Dieu, mais il s’agit de la manifestation éternelle de Dieu dans la dimension humaine. C’est la présence de l’Esprit que Jésus a promise dans l’Évangile à ceux qui se convertiraient, attestée par les premiers témoins du Christ (surtout livre des Actes des Apôtres), Esprit que tous les courants évangéliques considèrent comme présent et œuvrant dans les histoires personnelles de chaque croyant, ainsi que dans le devenir de l’Église universelle (voir plus bas). Partie prenante de la conversion de l’individu, il est aussi considéré comme à l’origine divers dons, qui varient beaucoup si l’on se base sur les écrits néotestamentaires, mais il est courant que les dénominations charismatiques mettent l’accent sur tel ou tel don prodigués par l’Esprit. On peut citer : les dons créatifs (écriture et arts), les dons pastoraux (encadrement et guidance des communautés), les dons apostoliques (prédication, enseignement…), les dons prophétiques (prophétie dans ses diverses formes), les dons prodigieux (prodiges et miracles). Le christianisme évangélique revient depuis grosso modo un siècle sur une emphase sur l’Esprit et son action dans les vies humaines et dans l’Église (comprenez « la communauté des croyants »). Ainsi, l’on considère que passée l’acceptation de Jésus dans sa vie (comprenez « la conversion »), le chrétien n’est plus censé vivre selon la chair mais selon l’Esprit (théologie paulinienne).

Résurrection

Il y a plusieurs façons de ressusciter. De celles-ci, le christianisme évangélique met sans doute plus l’emphase sur la nouvelle naissance qui se déroule à la conversion du croyant, considérée comme véritable passage de la mort spirituelle à la vie spirituelle (basé sur Jean 3:3 "Jésus lui répondit: En vérité, en vérité, je te le dis, si un homme ne naît de nouveau, il ne peut voir le royaume de Dieu", et Jean 10:10). Cette emphase, souvent très forte dans certaines dénominations, a valu à plusieurs groupes de chrétiens évangéliques le quolibet de chrétiens nés de nouveau, plus fameux sous l’équivalent anglo-saxon de born-again Christians[4] (voir 2Corinthiens 5:17 et Galates 6:15). C’est pourtant, il faut le dire, l’une des manières les plus justes de désigner les chrétiens d’obédience évangélique sous l’angle de la conversion personnelle. La croyance en une résurrection finale de tous les morts à la fin des temps fait également partie de la confession de foi des évangéliques.

Jugement dernier

C’est une croyance dans le christianisme en général et dans d’autres religions monothéistes qu’à la fin des temps les humains seront jugés par Dieu. Jésus-Christ, alors, à la suite des écrits bibliques (y compris l'Ancien Testament), reviendra personnellement, corporellement et de manière visible. Alors que ces autres religions et branches du christianisme conçoivent qu’ils seront jugés sur base de leurs actions (ou "œuvres"), un point important du protestantisme en général, est de croire que les humains seront jugés sur leur foi, à savoir dans le christianisme évangélique en particulier, sur leur acceptation ou non de Jésus-Christ en tant que Sauveur et Seigneur lorsqu’ils entendirent l’évangile chrétien au cours de leur vie. Voir aussi l’article sur l’eschatologie chrétienne.

Le Plan de Salut

Le plan du salut selon les évangéliques est basique. La doctrine évangélique s'appuyant exclusivement sur la Bible, il s'énonce à l'aide de versets dont les suivants :

« Tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu; et ils sont gratuitement justifiés par sa grâce, par le moyen de la rédemption qui est en Jésus-Christ[5]. »

« Le salaire du péché, c’est la mort; mais le don gratuit de Dieu, c’est la vie éternelle en Jésus-Christ[6]. »

« Car Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse point, mais qu’il ait la vie éternelle[7]. »

« Si un homme ne naît de nouveau, il ne peut voir le royaume de Dieu[8]. »

« Il n’y a donc maintenant aucune condamnation pour ceux qui sont en Jésus-Christ[9]. »

L'appellation « évangélique » vient du terme évangile : du grec ευ-άγγελον (eu-ággelon, littéralement « bon message », par extension « bonne nouvelle »). Pour les évangéliques, la bonne nouvelle consiste en ce que tout homme pécheur par nature doit subir un châtiment éternel en Enfer, mais que par la foi en Jésus, il peut accéder gratuitement au Salut (éternel lui aussi), et ce sans passage par un Purgatoire. Ce plan de Salut est vu différemment par l'Église catholique romaine.

Voir aussi

Notes et références

  1. Le terme grec d'origine de la Seconde Épitre de Paul à Timothée, ch. 3, v. 16, « θεονπευστο » (theônpneustô) est en fait difficile à traduire. Selon les travaux de l’éminent théologien d’orientation presbytérienne, Benjamin B. Warfield (en), θεονπευστο n’est pas à traduire par « inspirée par Dieu », qui traduirait plutôt le latin divinitus inspirata de la Vulgate. Il s’agirait bien plus justement de « spiration » plutôt que d’inspiration. La traduction en question serait plus justement que l’Écriture « spire de Dieu », ou littérairement rendu, que l’Écriture expire par Dieu ou tient son souffle de Dieu.
  2. Le souffle de Dieu est une image biblique qui représente sa puissance créatrice (cf. Psaume 33:6). Lorsque Paul, donc, déclare que « toute écriture » est le produit du souffle divin (cf. plus bas : Esprit Saint), « tient son souffle de Dieu » (2 Tim. 3:16), il affirme avec autant d’énergie qu’il pourrait en user que l’Écriture est un produit d’une opération divine toute spécifique. Il est donc important de noter que le grec ne porte pas la signification que les termes de la Bible ont été insufflés dans les auteurs humains, mais plutôt que celle-ci « respire » Dieu. La révélation divine constitue une sorte d’écoulement perpétuel de la puissance créatrice de Dieu.
  3. (en) James Partick Holding, Jesus: God's Wisdom (« Jésus, Sagesse de Dieu »)
  4. Notons, pour les lecteurs québécois, que le Grand dictionnaire terminologique de l’Office québécois de la langue française préconise la traduction française de « born again » par « régénéré ». Malgré cela, l’usage va plutôt dans le sens de « né de nouveau », d’autant que c’est l’expression utilisée par les évangéliques francophones.
  5. Romains 3:23.24
  6. Romains 6:23
  7. Jean 3:16
  8. Jean 3:3
  9. Romains 8:1

Liens internes


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