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Tchantchès
Les marionnettistes des principaux théâtres liégeois en 2007 et leur Tchantchès (chaque théâtre ayant son Tchantchès).Date de création Début du XIXe siècle Type d'élément Marionnette Matériaux bois de tilleul Type de spectacle marionnettes Lieux d'utilisation Liège ( Belgique) Manipulateurs célèbres Gaston Engels Joseph Crits, Denis Bischeroux, Les Pinets, Conti, Henri Libert. actuellement Denis Fauconnier Compagnies célèbres Musée Tchantchès, Mabotte, Théâtre à Denis, Al botroule modifier Tchantchès (parfois écrit Tchantchèt) est un personnage de fiction issu du folklore liégeois représenté par une marionnette.
Sommaire
Origine folklorique de la marionnette liégeoise
Au début du XIXe siècle, on attribua souvent de manière erronée l'origine de la marionnette liégeoise à un Sicilien (en réalité Toscan) nommé Conti qui établit en Outremeuse un théâtre de marionnettes de type sicilien ou marionnettes à tringle unique en 1854. Cette fausse paternité vit le jour après la guerre 40 donnant vérité à un roman de Dieudonné Salme (wa): " Li Houlot" car nul ne sait réellement d'où proviennent ces marionnettes. Ce qui est certain c'est que d'après d'autres écrits on retrouve des traces des marionnettes liégeoises avant l'arrivée de ce fameux Conti. Certains journalistes, ayant enquêté sur le sujet tels que Alexis Deitz où Auguste Hock, parlent d'un premier théâtre sédentaire avec ce type de marionnettes en 1826 dans le quartier d'Outremeuse.
Au programme de ses théâtres on y jouait tous les écrits populaires du XIXe siècle. En particulier les romans de chevalerie de la "collection Bleue" des éditions Larousse, mettant le plus souvent en prose, les chansons de geste du Moyen Âge liées au preu Charlemagne. Dans les entre-scènes intervenait un personnage que l’on avait nommé Tchantchès. Le public liégeois, surtout dans les milieux ouvriers, réclama à corps et à cris tant et si bien que de l’entre-scènes il entra dans les scènes et devint contemporain de Charlemagne. Et comme à l’époque certains romantiques voulaient absolument faire naître Charlemagne en région liégeoise, Tchantchès n’eut vraiment pas à se déplacer beaucoup pour rencontrer le grand personnage.
Origine du nom
D'après Maurice Piron entre autres, linguistiquement Tchantchès viendrait de « petit Jean » en flamand (Jantches) prononcé à la wallonne (D'jan tchès).
De nombreuses orthographes de son nom (Chanchet, Tchantchet, Jantches, Jeanches...) se retrouvent, notamment dans des registres de mines où dans des journaux populaires d'époque ; et pour cause, le wallon s'écrivait comme il se prononçait, sans aucune orthographe, jusque dans les années 50.
Ce n'est qu'avec Jean Haust qui fixe l'orthographe wallonne que Tchantchès s'écrira avec « ès » final, orthographe apposée sur le monument de Jean Zommers érigé en 1957 en Outremeuse, au détriment du « èt » plus populaire.
C'est à cette même époque que les politiciens liégeois s'occupant de la culture dans la fin des années 1950 décideront très officiellement que la signification de Tchantchès viendrait d'une altération enfantine de « François » en bon wallon, bien que dans la littérature liégeoise François se traduise par Françwès.
Le personnage
Le personnage ainsi appelé est une figure folklorique et emblématique de Liège; en particulier du quartier d'Outremeuse. C'est à l’origine une marionnette à tringle représentant le public venant au théâtre de marionnette. Dans les années 1920, suite à la disparition des théâtres "bourgeois" ( destinés aux classes sociales les plus riches qui ferment leurs portes, car leurs clients ont de nouvelles activités), il ne reste plus que les théâtres ouvriers. Le costume de Tchantchès se fixe: le pantalon à carreau noir et blanc, le sarrau bleu, le foulard rouge à pois blancs, la casquette noire. C'est le costume typique des ouvriers de la fin du XIXe début XXe siècle dans le nord de l’Europe.
Tchantchès arbore également le nez rouge d’amateur de peket, le genièvre.
Réellement les premières traces de l'apparition de ce personnage remontent vers 1860 dans le théâtre de Léopold Leloup dans la rue Roture. Dans ce théâtre venaient de nombreux étudiants en médecine... C'est afin de les contenter que ce petit personnage intermède de second rang occupera finalement le devant de la scène.
Question caractère, il incarne l’esprit frondeur des Liégeois qui, à l’époque de sa création (milieu du XIXe siècle), venaient de bouter les Hollandais dehors peu après qu’ils aient fait de même avec les princes-évêques : il n’est pas impressionné par les titres et les couronnes, il est courageux et déterminé, assoiffé de liberté mais aussi sensible à la gloriole. À cet archétype du bonhomme liégeois il fallait associer une bonne femme liégeoise, ce fut fait avec Nânesse, la femme de Tchantchès. À la maison c’est elle qui porte la culotte, son révolutionnaire de mari n’a qu’à bien se tenir car sa poêle à frire ne sert pas qu’à faire des bouquettes. Ne serait-ce pas une manière de souligner avec ironie le présumé décret d’Albert de Cuyck qui marquerait le début des libertés individuelles à Liège : « bonhomme en sa maison est le roi ».
La légende de Tchantchès
Tchantchès possède plusieurs légendes; cependant, une d'entre elles sort du lot et est même parfois considérée comme réelle. Elle fut écrite en 1939 pour une exposition internationale à Liège, mais ne sera publiée que bien plus tard en 1956 par l'office du tourisme pour la création du tout nouveau Musée Tchantchès qui ouvrira ses portes en 1957 dans la rue Grande Bêche en Outremeuse. Ce musée, créé pour recevoir les costumes de Tchantchès, déménagera rue Surlet quelques années plus tard. C'est cette version que nous présenterons ici.
Tchantchès, d'après une tradition locale émaillée de bien naïfs anachronismes, est né à Liège, de façon miraculeuse, le 25 août 760 : il vint au monde entre deux pavés du quartier d'Outremeuse, actuellement République Libre d'Outremeuse. Les braves gens qui le trouvèrent furent merveilleusement étonnés de l'entendre chanter, dès son entrée dans la vie : « Allons, la mère Gaspard, encore un verre ! ». C'était un bébé joufflu, goulu, riant sans cesse ; toutefois, il boudait à la seule vue de l'eau ; c'est pourquoi, pour le rendre tout à fait aimable, son père adoptif lui faisait sucer un biscuit trempé dans du pékèt ; il le sevra avec un hareng saur et son pupille en contracta, pour le restant de ses jours, une soif inextinguible.
Comme tous ceux qui sont appelés à une grande destinée, Tchantchès connut les déboires de l'existence : à la cérémonie du baptême, la sage-femme lui cogna si malencontreusement le nez sur le bord des fonts sacrés que l'appendice nasal du pauvre enfant se mit à s'allonger démesurément et le faciès de l'innocente victime en devint ridicule au point qu'il servit de modèle pour les masques de carnaval. Plus tard, atteint de la rougeole, le bambin fut obligé de prendre de l'eau ferrugineuse : constant guignard, il avala un morceau de fer à cheval qui lui resta dans le gosier. Dès lors, il ne sut plus tourner la tête que de gauche à droite et de droite à gauche, il dut désormais se mettre à plat ventre pour fixer le sol et sur le dos pour regarder en l'air.
À cause de son pif cyranesque, Tchantchès hésita d'abord à sortir de chez lui, mais bientôt, son instinct de liberté lui fit affronter la foule et il s'offrit à faire Saint-Måcrawe, c'est-à-dire, à être porté tout barbouillé de noir de suie sur une chaise à porteurs soutenue et escortée par tous les gens du quartier. Cet événement mémorable eut lieu la veille de l'assomption de l'an 770. Il connut le grand triomphe et s'aperçut bientôt que la laideur, accompagnée de l'esprit et de bonté d'âme, sait se faire aimer. Depuis ce jour, il fut sacré « Prince di Dju d'là Mouse » (prince d'Outremeuse).
Un jour en flânant au bord de la Meuse, il fit la rencontre de l’évêque Turpin et de Roland, neveu de Charlemagne. Turpin morigénait Roland sur ses déplorables résultats en latin. Tchantchès, avec son impertinence habituelle, intervint dans la conversation et, pour mettre d'accord maître et élève, prononça cette sentence profonde :
— Oui, Seigneur Chevalier Roland, le latin ne sert à rien du tout, mais est très utile quand même.
— Quel est ce manant ? demande Roland.
— Tchantchès, Prince de Dju d'là, pour vous servir Seigneur Chevalier.L'évêque Turpin regarda notre ami avec complaisance : « Et bien, Tchantchès, je vais te présenter céans au grand Empereur Charlemagne, tu serviras dorénavant de compagnon à son neveu Roland ».
Et c'est ainsi que Tchantchès fut introduit à la cour de Charlemagne. Vint la brillante expédition d'Espagne. L'histoire fourmille d'anecdotes très intéressantes, montrant le degré d'intimité que Tchantchès avait pour Charlemagne. C'est ainsi qu'un jour, il entra délibérément dans la tente de l'Empereur qui prenait un repas de grand gala et qui lui dit en avalant une bouchée: Que veux-tu Tchantchès ? Laisse-moi manger mes moules.
Une autre fois encore, il sert de chambellan à l'auguste guerrier :
— Sire Empereur, l'Ambassade du noir nègre, Roi de Marsille, désire vous parler.
— A combien sont-ils?
— Ils ne sont qu'à un.
— Alors qu'ils entrent turtous par deux et que le dernier ferme la porte.Tchantchès ne quittait jamais Charlemagne et Roland : en toutes circonstances, dans les conseils privés et sur le champ de bataille, il était toujours là pour les aider de ses avis judicieux ou de ses terribles coups de tête, car Tchantchès était le champion des soukeus de Dju d'la. Voici la façon de combattre de Tchantchès : sans lance, sans épieu, sans épée, pour gonfanon un mouchoir rouge autour du cou, pour bouclier, son sarrau bleu, pour heaume, sa casquette de soie noire ajustée en un tour de main sur son crâne solide comme du roc. Il crache dans ses mains, empoigne l'adversaire par les deux épaules, et pan ! En plein dans le sternum, lui lance un coup de tête qui lui brise les côtes et l'envoie dans un monde meilleur. Nulle cuirasse, si solide soit-elle, ne peut résister à ce magistral bélier ; tout homme atteint par Tchantchès est un homme mort, et lui-même, grâce à son nez béni est invulnérable. Pendant la bataille de Roncevaux, Roland trop téméraire, envoya dormir Tchantchès, qui bâillait durant le combat et qui, pour sa part, avait fracassé les côtes d'au moins trois mille Sarrasins. Ce fut la seule cause du fameux désastre.
Quelle que ne fut pas la douleur du héros liégeois en contemplant avec Charlemagne, le corps inerte du preux Roland ! Pour mieux témoigner de sa tristesse, il ôta sa casquette et s'arracha des poignées de cheveux (c'était la coutume à l'époque) en prononçant cette homélie funèbre : Sire Empereur, votre vaillant neveu a s'dåye[1], nous le vengerons !
Tchantchès accompagna son maître au siège de Saragosse et ce fut lui qui franchit le premier les remparts de la ville. De retour à Aix-la-Chapelle avec la cour Impériale, il assista au châtiment du traître Ganelon. Ce félon devait être écartelé, mais Tchantchès s'y opposa. Il voulut et obtint que le comte infidèle fut noyé dans une cuve d'eau distillée, supplice que notre homme trouvait le seul logique, en l'occurrence, parce que bien souvent à Liège il avait entendu chanter : Lâche, va-t-en, je te renies. A toi l'opprobre et le mépris !. Ce qu'il comprenait ainsi: à toi l'eau propre et le mépris.
Tchantchès, malgré les objurgations de l'Empereur, revint dans sa bonne ville de Liège et ne se consola jamais d'avoir dormi pendant la dernière phase de la bataille de Roncevaux. Après une franche ripaille, il mourut de la grippe espagnole et fut enterré à l'endroit même où s'élève son monument, place de l'Yser. Rien n'a pu le terrasser, même la vieillesse, il s'éteignit à l'âge de 40 ans! Regretté par toute la population, il est resté le prototype du vrai liégeois: mauvaise tête, esprit frondeur, grand gosier, ennemi du faste et des grandes cérémonies, farouchement indépendant, mais cœur d'or et prompt à s'enflammer pour toutes les nobles causes.
Tchantchès en bande dessinée
Le personnage de Tchantchès a fait l'objet de deux adaptations en bande dessinée.
La première fois en juillet 1940 par Al Peclers, sous la forme d'un strip quotidien dans les pages du journal La légia. Tchantchès y vivra 3 histoires (Les aventures de Tchantchès, Tchantchès au Far-West et Tchantchès et les conspirateurs) qui seront peu après éditées en album, par les éditions Gordinne.
Pour la seconde adaptation datant de 1988, les éditions Khani ont publié un premier album Tchantchès, contenant plusieurs courtes histoires, dessinées par François Walthéry. Un second album: Tchantchès gamin des rues, a été publié en 1995 par les éditions Noir Dessin Production.
Albums
- 0 Tchantchès, ses 3 premières aventures, Noir Dessin Production, 2007
Scénario et dessin : Al Peclers - 1 Tchantchès, Khani Editions, 1988
Scénario : Michel Dusart, Jean Jour - Dessin : Francis, Laudec, François Walthéry - Couleurs : Vittorio Leonardo - 2 Tchantchès, gamin des rues, Noir Dessin Production, 1995
Scénario : Michel Dusart, Jean Jour - Dessin : Didier Casten, François Walthéry
Voir aussi
Bibliographie
- 1950 : Histoire d'un type populaire. Tchantchès et son évolution dans la tradition liégeoise, par Maurice Piron, Bruxelles: Palais des académies
- la légende de Tchantchès, suivi de la véritable histoire des théâtres de marionnettes à liège -152 pages format 17/24 cm - éditeur noir dessin production
- "La marionnette liégeoise" Par Claude Neven , édition du CEFAL
- "La fabrication de la marionnette traditionnelle liégeoise" Par José Maquet édité par L'ASBL des p'tits bonshommes
- Tchantchès histoire d'un type populaire" Par Maurice Piron édité par libro-science
Articles connexes
Liens externes
Notes et références
- wallon avoir son compte en
Catégories :- Folklore liégeois
- Marionnette (personnage)
- 0 Tchantchès, ses 3 premières aventures, Noir Dessin Production, 2007
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