- Succession de charles iv de france
-
Succession de Charles IV de France
La succession de Charles IV le Bel fut un grave problème dynastique concernant la couronne de France, qui servit de prétexte au déclenchement de la guerre de Cent Ans.Sommaire
La fin du miracle capétien
De 987 à 1316, chaque roi de France eut la chance d'avoir un fils pour lui succéder. Ainsi, la succession au trône ne soulevait aucune contestation, si bien qu'au fil du temps, l'élection par les pairs du royaume n'eut plus lieu d'être. Philippe Auguste fut le dernier roi élu par les pairs du royaume, et sacré roi du vivant de son père en 1179. Depuis 987, les Capétiens avaient toujours transmis la couronne à leur fils aîné, et ce droit d'aînesse devint à lui seul une source de légitimité incontestable.
Cette précieuse chance (ou miracle capétien) prit fin avec Louis X le Hutin, fils aîné de Philippe le Bel. Le jeune Louis X mourut en 1316, après un règne de dix-huit mois, laissant sa femme Clémence de Hongrie enceinte.
Outre ce fragile espoir de descendance mâle, Louis X laissa une fille de son précédent mariage avec Marguerite de Bourgogne. Cette fille, prénommée Jeanne, fut soupçonnée de bâtardise. En effet, sa mère Marguerite de Bourgogne avait été condamnée après avoir été reconnue coupable d'adultère avec un écuyer, Philippe d’Aunay.
On attendit donc avec impatience que Clémence de Hongrie donna à la France l'héritier mâle tant espéré. Et, le 15 novembre 1316, on célébra la naissance d'un petit garçon, qui fut tout de suite proclamé roi : Jean Ier le Posthume. Par malheur, l'enfant ne vécut que cinq jours, et le royaume demeura sans héritier direct.
À qui la couronne allait-elle revenir ? À la petite Jeanne, présumée bâtarde, au risque de la voir épouser plus tard un prince étranger ? Les pairs de France ne pouvaient se résoudre à prêter le serment d'allégeance à un homme n'appartenant pas la lignée des lys.
Tandis que Jeanne était soutenue par sa grand-mère maternelle Agnès de Bourgogne, son oncle, « le duc Eudes IV de Bourgogne, voulait défendre le droit au royaume pour Jeanne, sa nièce ». Les arguments qu'ils invoquaient en faveur de Jeanne étaient en parfaite conformité avec le droit féodal qui autorisait, depuis toujours, à une fille à succéder au fief.Un autre candidat au trône se manifesta immédiatement : Philippe de Poitiers, surnommé Philippe le Long, frère de Louis X le Hutin et oncle de Jean Ier et de Jeanne. Il était déjà régent de France depuis la mort de son frère aîné, devançant les ambitions de son frère cadet Charles de la Marche et de son oncle Charles de Valois, frère cadet de Philippe le Bel. Philippe le Long était intelligent et réussit à écarter sa nièce Jeanne du trône. Pour cela, il invoqua le droit canonique spécifiant que seuls des hommes sont sacrés pour devenir prêtre ou évêque, or, l'onction royale reçue par le roi le jour de son sacre était comparable à celle reçue par un membre du clergé et de ce fait, ne pouvait donc pas être administrée à une femme.
Cette explication préalable était nécessaire : pour la première fois, les femmes étaient écartées de la succession au trône de France, « les lys ne filent pas la laine ». « La couronne de France ne saurait tomber en quenouille. » (entre les mains d'une femme). Le 17 janvier 1317, Philippe V le Long était sacré roi de France à Reims.
En 1322, Philippe V le Long meurt après un règne de six ans. Il ne laissa que des filles. C'est donc sans heurts et tout à fait normalement que son frère cadet, Charles de la Marche, devint roi sous le nom de Charles IV le Bel.
Malgré deux mariages successifs avec Marie de Luxembourg et Jeanne d'Évreux, Charles le Bel, tout comme son frère Philippe le Long, ne laissa que des filles lorsqu'il trouva la mort à son tour en 1328.
Ainsi, en moins de quatorze ans, les trois fils de Philippe le Bel, Louis X le Hutin, Philippe V le Long et Charles IV le Bel disparurent. La rumeur parla d'une malédiction, et cette thèse fut développée dans la saga Les Rois maudits de Maurice Druon. Ces morts à répétition furent fort inquiétants à l'époque, car les fils de Philippe le Bel étaient jeunes, en pleine santé et rien ne laissait présager une fin si rapide.
Cependant, exactement comme son frère Louis X, Charles IV le Bel laissait sa femme enceinte. Avant de mourir, le dernier fils de Philippe le Bel avait désigné comme régent du royaume son cousin germain, Philippe de Valois. Celui-ci était le fils aîné de Charles de Valois, frère cadet de Philippe le Bel.
Quand la reine Jeanne d'Évreux accoucha quelques mois plus tard d'une petite fille prénommée Blanche, on se désintéressa aussitôt d'elle.
Qui deviendra roi de France ?
Le roi Charles IV n'est plus. Il n'a pas de descendance mâle. Il est le dernier fils de Philippe le Bel. Qui peut donc prétendre à la couronne ?
- Philippe, comte de Valois : neveu de Philippe IV le Bel, cousin germain des trois derniers rois, régent du royaume sur volonté de Charles le Bel. Il est en position de force : il est populaire auprès de la noblesse et appuyé par des personnages influents tels que Robert d'Artois, son beau-frère. Par les mâles, il est le plus proche du sceptre.
- Philippe, comte d'Évreux : également un neveu de Philippe le Bel, (il est le fils de Louis d'Évreux, demi-frère cadet de Philippe IV le Bel et de Charles de Valois). Philippe d'Évreux est donc lui aussi cousin germain des trois derniers rois. De plus, il avait amélioré sa position en épousant la fille de Louis X le Hutin, Jeanne de France.
Alors que le conseil des pairs de France délibére pour savoir lequel de ces deux puissants seigneurs va monter le trône, une missive arrive d'Outre-Manche. Dans cette lettre, Isabelle, y expose les droits de son jeune fils Édouard III, roi d'Angleterre, à la couronne de France, et qu'il faut le considérer comme le troisième prétendant :
- Édouard III, roi d'Angleterre et duc de Guyenne : petit-fils de Philippe IV le Bel par sa mère, Isabelle, sœur des rois Louis X, Philippe V et Charles IV. Il est donc le neveu des trois derniers rois de France. En 1328, il n'a que 16 ans, et est encore sous la tutelle de sa mère. En outre, c'est un prince étranger, de la dynastie des Plantagenêts.
Le conseil des pairs et ses juristes étudient cette question : Isabelle de France peut-elle transmettre un droit qu'elle n'a pas ? Son fils Édouard peut-il prétendre à la couronne des Capétiens ?
Louis VIII le Lion †1228 ___|_________________________________________________________________ | | Saint Louis IX †1270 Robert Ier d'Artois | | | Robert II d'Artois Isabelle d'Aragon †1271 Philippe III le Hardi †1285 Marie de Brabant †1322 †1302 |_________________________|______________________________________| | | | Philippe d'Artois ________|___________________________ | †1298 | | | | Philippe IV le Bel (1268-1314) Charles de Valois (1270-1325) Louis d'Évreux †1319 Robert III d'Artois __________|_____________________ | | †1342 | | | | | | Louis X Philippe V Isabelle Charles IV Philippe de Philippe †1316 †1322 †1358 †1328 Valois d'Évreux __|_____ | (1293-1350) (1306-1343) | | | Jeanne Jean I Édouard III †1349 †1316 d'Angleterre (1312-1377)
Isabelle de France est alors dotée d'une réputation détestable. Surnommée la « Louve de France », elle s'est liguée avec les nobles anglais contre son mari, le roi Édouard II, qui a été vaincu et capturé. Après avoir fait mettre à mort son époux, elle s'affichait en public avec son amant régicide, le lord Mortimer. Toutes ces nouvelles étaient bien connues en France. Sans compter que son fils Édouard III était, du point de vue français, un étranger, de surcroît un Plantagenêt !
On apercevait la situation qu'on avait craint en 1316, c'est-à-dire qu'un souverain étranger prenne le pouvoir en France. Cela, les pairs ne le voulaient pas.
Seulement, le raisonnement d'Isabelle était faussé par un détail qu'elle comptait comme quantité négligeable : si, en tant que femme, Isabelle pouvait transmettre ce droit à la couronne bien qu'elle ne puisse en disposer pour elle-même, alors les filles de Louis X le Hutin, Philippe V le Long et Charles IV le Bel pouvaient également transmettre ce droit.
Isabelle de France avait tout simplement oublié que ses frères n'étaient pas morts sans postérité, mais sans descendance mâle. Donc, s'il était reconnu que les femmes pouvaient transmettre la couronne de France, ce n'était pas Isabelle de France qui était légitime en tant que sœur du roi défunt, mais la fille aînée de Charles IV en tant que descendante directe.
Cependant, personne ne songea à proposer la candidature d'une des filles des trois derniers rois. Reconnaître le droit des femmes à transmettre le trône, c'eût été considérer de facto que les règnes de Philippe V le Long et de Charles IV le Bel n'étaient rien d'autre qu'une usurpation au détriment de Jeanne de France, fille de Louis X le Hutin.
Les pairs ne voulaient pas prendre le risque de donner le trône à une bâtarde. Et, au lieu de proposer une des filles de Philippe le Long ou de Charles le Bel, afin d'éviter des querelles de droit interminables, ils décidèrent que les femmes devaient être exclues de la succession.
La fameuse loi salique ne sera évoquée qu'en 1358, pour défendre les droits des Valois face aux prétentions du roi d'Angleterre.
Ainsi, quelle que soit la tournure juridique, les droits d'Édouard III étaient très contestables.
« Le roi trouvé »
Édouard III fut donc évincé de la compétition, mais il restait deux prétendants au trône, Philippe de Valois et Philippe d'Évreux.
Un accord fut conclu afin de satisfaire tout le monde. Philippe d'Évreux et sa femme Jeanne reçurent le royaume de Navarre et diverses compensations territoriales, en échange de quoi ils reconnaissaient Philippe de Valois comme roi de France.
Le royaume de Navarre appartenait au roi de France depuis le mariage de Philippe IV le Bel et de Jeanne de Champagne, reine de Navarre et comtesse de Brie. Louis X le Hutin l'avait hérité de sa mère et en 1328, on reconnaissait enfin le titre de reine de Navarre à sa fille Jeanne, malgré les soupçons de bâtardise (cette restitution tardive n'avait pas le moins du monde empêché Philippe le Long et Charles le Bel de s'intituler officiellement roi de France et de Navarre). De plus, Philippe de Valois, n'étant pas lui-même descendant et héritier des rois de Navarre comme l'étaient ses prédécesseurs, restitua sans regret le royaume de Navarre à Jeanne, l'héritière légitime, en échange de sa renonciation à la couronne de France. Ce royaume de Navarre ne reviendra aux rois de France qu'au moment, bien plus tard, où Henri de Navarre, futur Henri IV, accédera au trône de France, instaurant ainsi la dynastie des Bourbons. Dès lors, les souverains français porteront à nouveau le titre de « roi de France et de Navarre ».
Peu après, Philippe de Valois est proclamé roi de France sous le nom de Philippe VI de Valois par les Pairs du royaume. La branche des Valois prenait le pouvoir à la suite des Capétiens directs.
Le surnom de « roi trouvé » lui fut donné peu après son couronnement lors de la bataille de Cassel du 23 août 1328 par les Flamands lesquels, avant la bataille, s'étaient moqué du roi de France en peignant un coq sur leur étendard avec cette inscription : Quand ce cocq icy chantera, le Roy trouvé cy entrera[1].
Les conséquences de la succession de 1328
La dernière élection royale remontait à Philippe Auguste, en 1180. Le pouvoir royal en sortait fragilisé et la légitimité du comte de Valois n'était pas aussi inattaquable que celle de ses prédécesseurs sur le trône. On attendait de grandes largesses, de grands cadeaux de la part du nouveau roi. Édouard III vint rendre hommage au « roi trouvé », espérant lui aussi quelques compensations territoriales. Philippe VI de Valois ne comprit pas le danger qui le menaçait et ne fit rien pour s'en prémunir.
La succession de Charles IV le Bel, décidée en faveur de Philippe VI, servit de leitmotiv à un Édouard III avide de conquêtes. Moins d'une décennie après la mort du dernier Capétien direct, éclatait la calamiteuse Guerre de Cent Ans.
Bibliographie
- Ouvrages modernes :
- Maurice Druon, Les Rois maudits, en particulier le sixième tome : Le Lys et le Lion.
- Jean Favier, La Guerre de Cent Ans : Le Seuil, 1980.
Note et références
- ↑ Antonin Roche, Histoire de France, 1867, p. 351
Catégories : Événement de la guerre de Cent Ans | Capétien | 1328
Wikimedia Foundation. 2010.