Stélla

Stélla
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Stélla

Titre original grec moderne : Στέλλα
Réalisation Michael Cacoyannis
Scénario Iákovos Kambanéllis
Acteurs principaux Melina Mercouri
Giórgos Foúndas
Sociétés de production Milas film
Pays d’origine Drapeau de Grèce Grèce
Genre Drame
Sortie 1955
Durée 100 minutes

Pour plus de détails, voir Fiche technique et Distribution

Stélla (en grec moderne : Στέλλα) est un film grec réalisé par Michael Cacoyannis et adapté d'une pièce de théâtre de Iakovos Kambanellis, sorti en 1955 et présenté au Festival de Cannes 1955. C'est le premier film de Melina Mercouri.

Stélla, chanteuse de rebetiko dans un cabaret de Pláka à Athènes, préfère mourir plutôt que de perdre sa liberté. Ce mélodrame est un hommage à la tragédie grecque antique et à la culture populaire traditionnelle. Stélla est condamnée par le destin non parce qu'elle veut être libre à tout prix mais parce qu'elle a abandonné son identité grecque au profit de modèles extérieurs qui ne lui conviennent pas.

Prix rétrospectif du meilleur film pour la période 1950-1955 à la Semaine du cinéma grec 1960.

Sommaire

Le film

Synopsis

Stélla est une célèbre chanteuse du cabaret Paradise à Pláka à Athènes. Très belle, tous les hommes sont amoureux d'elle, mais elle défend sa liberté de vivre et d'aimer qui elle veut quand elle veut. Elle a deux amants principaux : Alekos, un jeune homme de bonne famille et Miltos, né dans les quartiers populaires du Pirée et star de football à l'Olympiakos. Le premier veut l'épouser mais elle préfère le second. Lorsque Alekos la demande en mariage, il lui dit qu'elle n'aurait plus à travailler. Elle rompt immédiatement avec lui. Miltos, quant à lui, se montre violent avec elle. Il exige de nombreuses choses sous la menace : qu'ils sortent ensemble sinon il fonce dans le cabaret avec sa voiture ; qu'elle danse avec lui sinon il fait exploser un bâton de dynamite. Cependant, Stélla n'est jamais impressionnée et Miltos la reconnaît alors comme son égale.

L'entourage de Stélla a du mal à comprendre la jeune femme : la sœur d'Alekos qui ne comprend pas pourquoi Stélla a refusé un « beau mariage », les membres de l'orchestre ou le patron du cabaret. Après la mort accidentelle d'Alekos, Miltos la demande en mariage. Stélla finit par céder. Elle se trouve alors face à la mère de Miltos qui lui dit qu'elle devra quitter le cabaret, vivre dans la maison choisie par son mari et lui faire de nombreux enfants. Stélla taraudée par ses doutes ne vient pas à la noce, abandonnant Miltos qui l'attend devant l'autel. Les anciens amants se retrouvent le lendemain à l'aube dans les ruelles de la ville. Miltos poignarde Stélla dans un dernier baiser car c'est le seul moyen pour lui de laver la honte et restaurer son honneur.

Fiche technique

Acteurs

Analyse

Stélla, deuxième film de Michael Cacoyannis est parfois considéré comme son meilleur film. Tiré d'une pièce de théâtre écrite par Iákovos Kambanéllis, il offre son premier rôle au cinéma à Melina Mercouri[2]. L'héroïne du film Stélla est une héroïne tragique condamnée autant par ses contemporains dont elle refuse les codes que par le destin lui-même. Elle est aussi l'instrument de sa propre fin. Elle se coupe de ce qu'elle est vraiment, une Grecque, en tentant d'adopter des codes qui ne sont pas les siens, ceux de la culture américaine importée. L'idée n'est cependant pas de s'arc-bouter de façon conservatrice sur la culture grecque, mais de faire évoluer l'identité grecque en intégrant les apports nouveaux, tout comme les rebetikos, venus d'Asie mineure et de Smyrne ont été intégrés dans l'identité grecque depuis les années 1920[3].

Affranchissement féminin

Les principaux thèmes que Cacoyannis développa dans la suite de sa carrière sont présents dans Stélla, dont celui de l'affarnchissement, de la liberté féminine du carcan de la société traditionnelle. Il retourne ainsi le mythe traditionnel de la mariée vierge en présentant comme héroïne une femme libre qui couche avec les hommes qu'elle choisit, avant le mariage qu'elle refuse, allant jusqu'à finalement mourir pour rester libre. Cependant, elle ne revendique pas l'émancipation féminine au niveau politique ou économique : pas de discours sur le droit de vote ou contre le système de la dot. Par contre, elle refuse de se voir réduite à la cuisine, la vaisselle ou le ménage[4]. Le scénario fait même coïncider le jour du mariage de Stélla avec le jour du Non, l'une des deux fêtes nationales grecques, qui commémore le refus de soumission de la Grèce à l'Italie de Mussolini le 28 octobre 1940[3]. Stélla incarne le désir secret de la majorité des femmes grecques à l'époque mais qu'elles n'osent pas vivre. Stélla est d'ailleurs rattrapée par le code de l'honneur qui gouverne encore la société patriarcale grecque. Elle n'y a pas sa place et elle est tuée[5].

Influence de la tragédie antique

Pour Cacoyannis, Stélla s'inscrit dans la tradition de la tragédie grecque. Pour lui, les spectateurs dans la salle et dans le film lui-même sont l'incarnation du chœur antique : ainsi, lorsque Miltos tue Stélla à la fin, une foule les entoure. Il y a aussi l'inévitabilité du destin. Stélla sait que pour effacer l'affront, Miltos ne peut que la tuer. Pourtant, lorsqu'elle rentre chez elle au petit matin et qu'elle voit Miltos qui l'attend devant sa porte, elle ne fuit pas. Elle accélère même son pas vers lui. De même, après avoir tué Stélla, Miltos ne fuit pas non plus : il prend dans ses bras la seule femme qu'il ait jamais aimée et attend la police[2],[3]. Si Stélla rejette les règles et le carcan de la société patriarcale grecque de l'époque, celle-ci, qui l'a condamnée d'avance, la rattrape inévitablement et l'élimine. Enfin, le montage de la dernière nuit de Stélla et Miltos les montre dansant et cherchant l'oubli dans la danse en parallèle : elle dans les boîtes de jazz et lui au Paradise. Le montage saccadé s'accélère, montrant que les deux amants sont irrémédiablement liés l'un à l'autre et entraînés vers la mort[6].

Affirmation de la culture populaire grecque

L'héroïne Stélla apparaît pour la première fois dans le film au cours d'une scène de répétition du spectacle. Stélla veut transformer son tour de chant pour imiter ce qu'elle a vu dans les films américains. Mais rien ne se passe comme elle le veut : le projecteur n'arrive jamais à la suivre correctement, le disque saute et elle trouve son costume de scène ridicule. Finalement, après s'être réfugiée, frustrée, dans sa loge, elle fait le soir son tour de chant habituel. Elle est alors présentée comme triomphante, entourée de son orchestre traditionnel de bouzoukis jouant de la musique populaire, des rebetikos, ces airs populaires issus des bouges du Pirée par exemple où s'étaient réfugiés une partie des populations déplacées lors de la « Grande Catastrophe » de 1922. C'est une affirmation très forte de cette culture populaire très longtemps rejetée par les autorités grecques. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle le jeune bourgeois Alekos vient au cabaret : parce que sa famille considère la musique populaire comme barbare et que lui désire s'encanailler[3].

Après la fuite de Stélla le jour de son mariage, elle fait la tournée des boîtes de jazz d'Athènes tandis que Miltos danse seul au Paradise sur des airs populaires traditionnels[3].

Stélla et Melina Mercouri

Melina Mercouri

Le film a révélé au cinéma Melina Mercouri. Si c'était son premier film, ce n'était pas son premier rôle. Elle avait déjà triomphé au théâtre. Issue d'une riche famille bourgeoise d'Athènes (son grand-père Spyrídon Merkoúris avait été maire d'Athènes et son père député et maire de la ville), elle s'était mariée très jeune pour pouvoir fuir. Elle avait presque immédiatement divorcé pour entamer sa carrière d'actrice. Elle s'était rendue célèbre pour son interprétation de Blanche Dubois dans Un tramway nommé Désir. Elle était aussi chanteuse et interprète de rebetikos. D'une certaine façon, elle est Stélla autant qu'elle l'incarne. Et ce rôle forgea son image publique[7],[8]. Elle fut ensuite Katherina, la veuve/prostituée du village dans Celui qui doit mourir de Jules Dassin en 1957. Katherina est tuée quand elle commence à refuser les hommes. Elle incarna aussi Belle, la sorcière dans The Gypsy and the Gentleman de Joseph Losey, la même année. Ilya, le personnage qu'elle incarne dans Jamais le dimanche, toujours de Jules Dassin en 1960, est un avatar, sur un mode plus léger, de Stélla. Son personnage de Topkapi (Jules Dassin 1964), Elizabeth Lipp, dit « Je suis une nymphomane »[9].

La personnalité publique de Melina Mercouri a pu souvent être comparée à son personnage de Stélla. Elle avait affirmé sa liberté dès sa jeunesse et ses premiers rôles. Ses rôles suivants renforcèrent le mythe « Stélla ». Sa vie amplifia l'effet. Son mariage avec Jules Dassin fut conçu comme égalitaire, voire comme un mariage où l'homme abandonnait sa carrière pour être avec la femme qu'il aimait. Elle s'opposa à la dictature des colonels et leur affirma depuis son exil après qu'ils lui ont retiré son passeport « Je suis née Grecque ». Elle fit une carrière politique avec le PASOK et fut ministre de la Culture. De ce poste, elle lança une vive campagne internationale pour le retour en Grèce des marbres du Pathénon. Pour les Grecs, mais aussi pour l'étranger, elle incarnait l'archétype de la femme grecque et « l'essence de la grécité ». Elle devint un symbole unificateur du pays : passion pour l'amour et la liberté ; refus de l'autorité ; renommée culturelle internationale ; synthèse du passé glorieux et de la modernité assimilée ; synthèse des classes sociales moyennes et populaires qui n'est finalement qu'un développement et une appropriation collective de son personnage de Stélla[10].

Réception

Le film fut mal reçu par le public grec qui y vit l'apologie d'une prostituée. Il fit cependant 133 518 entrées à Athènes lors de sa sortie[2].

Par contre, il fut le premier des grands succès internationaux du réalisateur comme le montra son accueil lors du Festival de Cannes 1955[2],[4].

Stélla a obtenu le Golden Globe du meilleur film étranger en 1956.

Annexes

Bibliographie

  • (fr) Michel Demopoulos (dir.), Le Cinéma grec, Cinéma/Pluriel, Centre Georges Pompidou, 1995. (ISBN 2858508135)
  • (en) Dimitris Eleftheriotis, Popular cinemas of Europe: studies of texts, contexts, and frameworks., Continuum International Publishing Group, 2001. (ISBN 9780826455932)
  • (en) Dan Georgakas, « From Stella to Iphigenia: The Woman-Centered Films of Michael Cacoyannis », Cineaste, printemps 2005, vol. 30, n°2.

Notes et références

  1. Tassos Goudelis, « Drame antique et cinéma grec » et Niki Karakitsou-Gougé, « Le mélodrame grec : "une esthétique de l'étonnement". » in M. Demopoulos (dir.), Le Cinéma grec, p. 85 et 107-108.
  2. a, b, c et d Ninos Fenek Mikelides, « Brève histoire du cinéma grec. (1906-1966) », in Michel Demopoulos (dir.), Le Cinéma grec, p. 52.
  3. a, b, c, d et e Dan Georgakas, « From Stella to Iphigenia », p. 25.
  4. a et b Dan Georgakas, « From Stella to Iphigenia », p. 24
  5. D. Eleftheriotis, Popular cinemas of Europe., p. 157-158.
  6. D. Eleftheriotis, Popular cinemas of Europe., p. 158.
  7. Dan Georgakas, « From Stella to Iphigenia », p. 26.
  8. D. Eleftheriotis, Popular cinemas of Europe., p. 156-157.
  9. D. Eleftheriotis, Popular cinemas of Europe., p. 160 et 162
  10. D. Eleftheriotis, Popular cinemas of Europe., p. 161-163

Liens externes


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