Solidarité française

Solidarité française

La Solidarité française (1933-1939) est une des ligues d'extrême droite des années 1930 en France.

Sommaire

Un mouvement fascisant

La Solidarité française est un mouvement politique créé au début du printemps 1933 par François Coty — qui se faisait appeler le « Duce français » —, le célèbre parfumeur créateur des parfums Coty, ancien patron du Figaro, propriétaire du quotidien L’Ami du Peuple. Il avait auparavant financé le Faisceau de Georges Valois dans les années 1920 puis les Croix-de-Feu au début des années 1930. Il décidé de se doter de son propre mouvement politique, tout en confiant sa direction au commandant Jean Renaud, un ancien officier de la Coloniale né à Toulouse en 1880, qui a mené une double carrière, littéraire (auteur de romans, titulaire du grand prix de littérature coloniale en 1931) et militaire, de 1898 à 1931, au verbe haut et coloré, admirateur de l'ordre et de la force virile.

Son programme est publié pour la première fois dans L'Ami du peuple du 24 mars 1933 sous le titre « La réforme de l'État ». Il s'inscrit alors dans la tradition plébiscitaire et bonapartiste, à l'instar des Jeunesses patriotes. En même temps, la nouvelle ligue emprunte l'image du fascisme italien : défilé au pas cadencé, port de l'uniforme - la chemise bleue - et salut « à l'antique ». Ainsi que le thème du corporatisme, développé au sein de la ligue par Louis Mouilleseaux[1], qui s'en veut le théoricien.

Le dicours se radicalise à partir de 1934, de 1935 surtout, dans un sens antidémocratique ; sa radicalisation est manifeste en 1936. Jean-Renaud finit par revendiquer l'étiquette de « fasciste » en septembre 1937. Pour autant, Jean-Renaud est moins un idéologue qu'un homme d'action démagogue, utilisant les thèmes en vogue à droite et à l'extrême droite dans les années 1930. La radicalisation de la ligue s'explique par la mort de François Coty à l'été 1934 ; Jean-Renaud en devient le seul chef or il imprime la ligue de sa personnalité. Elle s'explique aussi par le renouvellement de l'équipe dirigeante, par l'arrivée d'un groupe d'hommes hostiles à la République et tenants de l'activisme, comme Jean-Pierre Maxence, qui rejoint la Solidarité française au début de l'année 1935. Jean-Pierre Maxence est un jeune intellectuel[2] catholique de 29 ans, néo-maurrassien, influencé par l'Action française de Maurras, par Jacques Maritain et par Henri Massis, qui cherche à moderniser les formules de Charles Maurras et qui méprise le conservatisme « bourgeois ». Il est conscient des faiblesses de la ligue — chef médiocre, rivalités de personnes, manque de cadres —, mais il espère réorganiser ce mouvement ébranlé par des crises internes[3] . Il prend en charge la structure étudiante de la ligue, la Légion universitaire, et tente d'imiter les étudiants d'Action française. Mais cette structure peine à dépasser la centaine de membres. Il devient ensuite délégué à la propagande, enchaînant les réunions de mai 1935 à avril 1936. Mais, en conflit ouvert avec Jean Renaud dès la fin de l'année 1935, il est vite marginalisé.

Le Canard enchaîné, puis les adversaires du mouvement, lui attribuèrent le surnom de « Sidilarité française », car le mouvement aurait recruté une partie de ses troupes de choc dans le sous-prolétariat maghrébin.

L'action aux côtés des autres ligues

La Solidarité française a participé à la manifestation du 6 février 1934 avec les autres ligues d'extrême droite et associations d'anciens combattants : l'Union nationale des combattants (UNC), les Jeunesses patriotes, les Camelots du Roi et l'Association républicaine des anciens combattants.

Elle fait partie en 1934-1935 de la coalition souple (du Front national), qui regroupe des mouvements d'extrême droite tels que l'Action française et les Jeunesses patriotes de Pierre Taittinger.

Une implantation et des effectifs mal connus

À son apogée, en 1934, la ligue aurait peut-être eu plusieurs dizaines de milliers de membres mais la plupart s'étaient contenté d'adhérer et ne militaient pas. L'hebdomadaire de la ligue Le Journal de la Solidarité française, à destination des militants, et l'important tirage de L'Ami du peuple, que François Coty, avant sa mort, a tenu à laisser à l'organisation qu'il a fondée, assurent aussi la diffusion de ses idées bien au-delà des adhérents. Pour son malheur, son fichier fut vendu par un de ses membres à une organisation de gauche qui l'édita sous le titre Les Ennemis du peuple. On y constate qu'elle trouvait des adhésions dans la petite bourgeoisie et notamment celle de la boutique.

Le 6 février 1934 semble avoir profité à cette organisation, en Lorraine par exemple et plus précisément en Moselle mais les effectifs sont faibles[4]. Le déclin est notable dès la seconde moitié de l'année 1935 et la ligue végète jusqu'en 1936. Ce qui s'explique par le manque d'argent, les dissensions, la personnalité autoritaire de Jean-Renaud qui ne supportait pas la contestation - les nombreuses exclusions en témoignent - et la concurrence des autres ligues, les Croix-de-feu notamment, plus dynamiques.

De la ligue au parti

La Solidarité française est dès l'origine à la fois une ligue et un parti. Elle a changé de nom, depuis le débat sur les ligues de décembre 1935 : Parti de la solidarité française, puis Parti national corporatif en décembre 1935. Elle a présenté trois candidats aux élections législatives de 1936, qui sont tous battus : Jean-Renaud, Jean-Pierre Maxence et Louis Mouilleseaux, à Verdun[5].

Elle devient officiellement un parti politique avec la dissolution des ligues par décret du 18 juin 1936, par le gouvernement du Front populaire, en application de la loi adoptée six mois plus tôt (et toujours en vigueur). Elle prend le nom de Parti du rassemblement français en juillet 1936 puis devient le Parti du faisceau français en juin 1937. Un parti qui situe son action politique en dehors de la légalité républicaine cependant. Ses effectifs sont alors squelettiques.

Bibliographie.

Liens internes.

Notes et références

  1. Industriel lorrain d'origine, écrivain et éditeur, il a publié le pamphlet Pour nettoyer les écuries d'Augias en 1933, L'entente communautaire, Le corporatisme et la défense de l'État et Le manifeste syndical en 1936. Après l'épisode de la Solidarité française, il publie d'autres ouvrages : Le manifeste paysan : essai d'une doctrine humaniste appliquée à l'agriculture française, en 1937, écrit avec Pierre Mathé et François de Clermont-Tonnerre.
  2. Il a fondé ou participé à des revues, aussi confidentielles qu'éphémères, que les historiens qualifient de revues de la « jeune droite non conformiste » : La gazette française, revue Jacques Maritain, Les cahiers, qu'il a fondé en 1928 à 22 ans, La revue du siècle, Combat dans la seconde moitié des années 1930, La revue française. In Michel Winock, Le siècle des intellectuels, Paris, le grand livre du mois, 1997. Jean-Pierre Maxence sera pendant l'Occupation employé aux bureaux parisiens du Commissariat aux prisonniers, nommé directeur des services sociaux. In Michel Bergès, Vichy contre Mounier : les non-conformistes face aux années 40, Paris, Economica, 1997 ; Jeannine Verdès-Leroux, Refus et violences : politique et littérature à l'extrême droite des années trente aux retombées de la Libération, Paris, Gallimard, 1996 ; Albrecht Betz, Stefan Martens, Hans Manfred Bock, Les intellectuels et l'Occupation 1940-1944 collaborer, partir, résister, Paris, Autrement, 2004.
  3. « Cette adhésion, que nous donnions sans réserve, nous ne la donnions pas tant, on le voit, à l'état présent, temporaire, de la Solidarité française, mais bien plus à ses virtualités, à ce qu'elles contenaient de puissance, à ce qu'elles pouvaient promettre d'avenir ». In Jean-Pierre Maxence, Histoire de dix ans, 1927-1937, Paris, Gallimard, 1939, p. 317
  4. La Solidarité française apparaît en Lorraine dans la Meuse en septembre 1933 où une section est fondée à Bar-le-Duc, qui compterait une centaine de membres. Puis à Nancy, à Metz, à Saint-Dié et à Epinal à la fin de l'année 1933. Elle totalise 7 sections en février 1934 dans cette région. Elle rassemblerait 800 adhérents en Moselle en mars 1934 et environ 1400 à la fin de l'année, avec des sections à Sarreguemines, à Forbach, à Grossbliederstoff notamment, selon les rapports de police qui semblent assez bien informés. Les réunions mensuelles à Metz ne rassemblent que quelques dizaines d'adhérents toutefois et les réunions de propagande avec Jean-Renaud n'ont jamais attiré plus de 1000 personnes. Le déclin de la Solidarité française s'observe dès l'été 1935; il se poursuit par la suite et ne surnagent que quelques petits pôles isolés comme Nancy. Ses principaux animateurs sont Me Duluc, avocat au barreau de Nancy, peut-être Jean Lionel-Pélerin à Nancy début 1934, Emile Jaillon, ancien du Faisceau, premier délégué régional début 1934, Robert Collin, le deuxième délégué régional, Gaston Denis, le troisième délégué régional, à partir de mai 1934, Pierre Gondouin à Epinal (expert-comptable, ancien des JP), André Dorio (capitaine à la retraite né en 1886, employé à la direction des travaux de fortification), puis Georges Helmer (agent général d'assurances né en 1881 à Mulhouse) puis enfin Henri Mobré (employé à la mairie de Metz, détaché à l'usine d'électricité, né en 1885) à Metz. De même que la direction nationale a connu nombre de démissions et d'exclusions, les sections locales ont connu aussi des changements fréquents dans leur direction, à Metz et dans la direction régionale surtout. L'activité de la ligue a été restreinte ; elle a participé à l'agitation du mois de février 1934 à Nancy surtout, à quelques heurts avec les militants de gauche, à un vol dans un local de la CGTU à Nancy et à des actions communes avec les ligues du Front national. Certains cadres n'ont fait que passer ; ils ont rejoint d'autres ligues, notamment les Croix-de-feu, tels Gilbert Collot (négociant en bois né en 1899), ancien du Faisceau et des Jeunesses patriotes, le président de la section de Bar-le-Duc, comme d'ailleurs d'autres membres de la section (tel le fondateur de la section, chef de district à la Compagnie de chemin de fer de l'Est, qui lui était Croix de feu depuis 1928) ou Emile Jaillon, qui devient le responsable de « dispos » des Croix de feu de Nancy avant de rejoindre le Parti social français, le Rassemblement national lorrain en 1937 puis le Parti populaire français pendant la guerre. Cf. Jean-François Colas, Les droites nationales en Lorraine dans les années 1930 : acteurs, organisations, réseaux, thèse de doctorat, Université de Paris X-Nanterre, 2002.
  5. Il est le candidat unique de la droite à Verdun, contre le député sortant radical-socialiste élu en 1934 Gaston Thiébaut. Il est aussi membre du Parti national populaire, avatar des Jeunesses patriotes. Il est venu à Verdun en janvier 1936 pour une réunion privée de la Solidarité française avec Jean-Renaud. La presse de droite de la circonscription de Verdun ne signale pas ses appartenances partisanes. Il est soutenu par l'Union catholique ( affiliée à la Fédération nationale catholique) et par les notables d'un groupement politique local, le Centre républicain meusien de l'arrondissement de Verdun, fondé en mars 1934 sous le nom de « groupement républicain de redressement national et paysan » au lendemain de la victoire de Gaston Thiébaut. Ses dirigeants sont le docteur Pierre Richier, maire d'une petite commune, Robert du Granrupt, industriel, catholique membre de l'Union catholique, président d'une section locale d'anciens combattants, et maire depuis 1929 de la commune Les Islettes, Léon Bacquenois, architecte, et Louis Beauguitte, négociant en bois. Il est lié à l'hebdomadaire L'Echo de l'Est de Paul Hutin-Desgrées. L'état-major du Centre meusien présente Mouilleseaux le 2 avril; Pierre Richier affirme qu'il n'est pas fasciste car il n'appartient pas au Francisme, la seule organisation à se réclamer du fascisme selon lui. Ils l'accompagnent ensuite dans les réunions de propagande. Il est en tout cas battu au premier tour, n'obtenant que 43, 2 % des suffrages exprimés. In Jean-François Colas, Les droites nationales en Lorraine dans les années 1930 : acteurs, organisations, réseaux, thèse de doctorat, Université de Paris X-Nanterre, 2002, p. 77 et 80

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