- Sociocritique
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La sociocritique est une approche du fait littéraire qui s'attarde à l'univers social présent dans le texte. Pour ce faire, elle s’inspire tant et si bien de disciplines semblables comme la sociologie de la littérature qu'on a tendance à les confondre. Aussi, pour bien comprendre ce qu’elle est, il est important de commencer à partir des racines qui s'y plantent.
La « sociocritique », mot créé par Claude Duchet en 1971, propose une lecture socio-historique du texte. Elle s'est peu à peu constituée au cours des années pré et post 68 pour tenter de construire « une poétique de la socialité, inséparable d’une lecture de l'idéologique dans sa spécificité textuelle » (Claude Duchet).
Sommaire
Historique
On remarque pour une première fois une approche sociale de la littérature dans l'Émile de Rousseau puis, de manière plus importante, dans l'ouvrage De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (1800) de Germaine de Staël. Quelques années plus tard viendra Auguste Comte et son approche historique des arts que l’on retrouvera aussi dans un ouvrage majeur de Taine nommé Philosophie de l'art (1865) où il tente d'expliquer une œuvre par rapport au milieu social de son producteur. On verra aussi les écrits de Gustave Lanson approcher le texte en mettant l’accent sur la lecture elle-même. Ces approches fondamentales à la sociocritique montrent cependant une faiblesse méthodologique et une subjectivité inappréciable dans ce genre d’approche.
L'arrivée des théories marxistes sur la société au début du XXe siècle marqua profondément l'approche sociale de la littérature. À partir d’ici se formulèrent plusieurs approches du fait littéraire différentes, que ce soit en lien avec les notions de lutte des classes, d'économie ou de technologie. Pensons notamment à Theodor W. Adorno, Franz Mehring et Pierre Macherey qui s’accordent d’une manière ou d’une autre pour dire que le contexte de production d'un artiste amène une certaine idéologie qui sera véhiculée d'une certaine façon par leurs œuvres.
L'influence de Marx et de Durkheim
Parallèlement aux marxistes, il s'établit vers les années 30 une école fondée sur la sociologie de Durkheim et menée par Jan Mukarovsky qui considère la littérature par le concept de conscience collective. Ce dernier l’applique à l'interprétation des textes par les sociétés, prétendant qu’elle se fera principalement en fonction d’une culture particulière, donnant ainsi une valeur polysémique à la lecture.
Jean Duvignaud appliquera le même concept mais cette fois-ci en tentant d’expliquer le phénomène de la création en réactions aux contextes sociaux tels que présentés dans des ouvrages comme Ombres collectives. Sociologie du théâtre (1965). Une fusion entre ces deux grands genres, le marxisme et le durkheimisme, se produisit plus tard chez des auteurs mettant en relation les idées des grands penseurs dont ils se réclament. Par exemple, Köhler utilisa la sociologie systématique inspirée (entre autres) par Durkheim au genre littéraire en y introduisant la notion de lutte des classes propre à Marx. Il résulte de ces différentes approches une sociocritique beaucoup plus méthodique et conceptuelle qu’auparavant et qui s'applique surtout aux phénomènes de la création et de l’interprétation littéraire.
Lukács et Goldmann
Vers la même période on observe l’apparition d'une école s'opposant au marxisme menée par Max Weber et sa Wertfreiheit. On y réclame une approche sociologique plus factuelle de la littérature, avec une objectivité plus grande et sans considération politique proposée. Les théories d'Alphons Sibermann et de Hans Norbert Fügen qui en découleront, beaucoup plus intéressantes pour le travail critique présenté ici, proposeront une analyse dont l'objet est uniquement le texte et ses structures. On y refusera l’exploration du contexte de création ou l’interprétation des lectures marquant ainsi une limite claire entre la sociologie de la littérature et la sociocritique. Elle sera cependant rejetée par les partisans des approches dialectiques tels que Georg Lukács et Lucien Goldmann. Elle laisse malgré tout une approche particulière du texte, s'attardant sur le contenu diégétique des œuvres et appréciable par d’autres méthodes critiques comme le structuralisme.
Entre les approches axées sur Marx et Weber, une autre se fondera essentiellement sur la pensée hégélienne. Renonçant aux aspirations politiques ou pratiques du marxisme et s'éloignant de l'idéal véhiculé par la Wertfreiheit, Lukács, Goldmann et Adorno dont nous avons déjà parlé vont formuler diverses approches nouvelles de la littérature. Lukács va chercher dans le texte une essence propre à représenter la problématique sociale de la société de création alors que Goldmann va explorer les structures textuelles faisant preuves de certaines idéologies relatives au contexte de l'auteur (Le Dieu caché, 1956). Adorno va quant à lui affirmer que la littérature est autonome et inutile par son ambiguïté et sa polysémie, marquant ainsi une séparation majeure d'avec les marxistes. On cherchera donc une approche désengagée et dialectique de la littérature, laissant ainsi place à une objectivité plus grande, voir totale, dans la critique sociologique.
La sociocritique: nouvelles perspectives
Durant les années 1970, dans le domaine francophone, la sociocritique a connu une nouvelle impulsion à la suite, notamment, des travaux de l'équipe de Robert Escarpit (production et consommation de la littérature), ceux du sociologue Pierre Bourdieu (« champ littéraire ») et ceux de Claude Duchet sur la « sociocritique ». Plusieurs chercheurs ont ouvert de nouvelles perspectives de recherche tels Jacques Dubois (analyse institutionnelle), Pierre Barbéris, Pierre V. Zima (sociologie du texte), Marc Angenot (théorie du discours social), Jacques Leenhardt (sociologie de la lecture), Edmond Cros (théorie des idéosèmes, théorie du sujet culturel), travaux de l'Institut de sociocritique de Montpellier (Monique Carcaud-Macaire, Jeanne-Marie Clerc, Michèle Soriano), etc.
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