Au temps pour moi

Au temps pour moi

« Au temps pour moi » est une locution exprimant la reconnaissance d'une erreur de la part du locuteur. On rencontre couramment la graphie « Autant pour moi », que, selon l'Académie française, « rien ne justifie[1] », mais qui est défendue par certains hommes de lettres[2] et certains grammairiens[3].

Pour Le Petit Robert[4] ou Le Français correct[5] de Maurice Grevisse, la bonne graphie est « au temps pour moi »[6].

Sommaire

Étymologie

Selon l'Académie française[1], « au temps » est une expression militaire signifiant qu'un des soldats n'était pas dans le temps en faisant un mouvement, et que l'opération doit être reprise depuis le début. Les saluts militaires avec des armes étant parfois très compliqués, une hésitation de quelques soldats dans un peloton peut immédiatement donner une impression de chaos.

L'expression « au temps » est utilisée à plusieurs reprises par Georges Courteline dans son œuvre de 1888 Le Train de h 47[7] :

« — Portez... arme ! Un temps, trois mouvements ! ... un ! [...] Et la paume de la main droite soutenant la crosse du fusil, la main gauche encerclant le canon, ils demeuraient cinq minutes immobiles, au temps, gardant la position, la nuque cuite sous le soleil. »
« Recommencez-moi ce mouvement-là en le décomposant. Au temps ! Au temps ! Je vous dis que ce n'est pas ça ! »

À l'appui de la graphie « Au temps » de cette expression militaire, certains grammairiens[8] allèguent le commandement italien « Al tempo ! », d'usage équivalent.

Au sens figuré, « au temps pour moi » signifie que celui qui parle reconnaît que la faute vient de lui. L'expression est généralement suivie par la correction de l'erreur, si elle n'a pas déjà été exprimée.

« Je crois que j'ai dix euros. Au temps pour moi, j'en ai douze. »

On trouve la graphie « Au temps pour moi » dans deux livres de Maurice Genevoix sur la Première Guerre mondiale : Sous Verdun (1916), où un capitaine, s'apercevant qu'il a ordonné le feu par erreur, donne le contre-ordre : « Cessez le feu ! Au temps ! Au temps pour moi ! » [9] ; et La boue[10] (1921), où, au cours d'une conversation familière avec son lieutenant, un soldat accompagne d'un « Au temps pour moi » la constatation que l'événement ne lui a pas donné raison.

L'Académie française ne se prononce pas sur le moment où le sens (militaire) de « Au temps pour moi » aurait glissé vers celui de « Je me suis trompé » : « Il est impossible de savoir précisément quand et comment est apparue l’expression familière au temps pour moi, issue du langage militaire, dans laquelle au temps ! se dit pour commander la reprise d’un mouvement depuis le début (au temps pour les crosses, etc.). De ce sens de C’est à reprendre, on a pu glisser à l’emploi figuré. On dit Au temps pour moi pour admettre son erreur – et concéder que l’on va reprendre ou reconsidérer les choses depuis leur début. C'est parce que l’origine de cette expression n’est plus comprise que la graphie Autant pour moi est courante aujourd’hui, mais rien ne la justifie[1]. »

Maurice Grevisse dans Le Bon Usage 10ème édtition, 1975[11] souligne que la graphie « au temps » soulève encore un doute, et rappelle qu'André Thérive[12] estimait que « au temps » est un substitut pédantesque de « autant ». De même, selon la treizième édition du Bon usage de Grevisse (refondue par André Goosse) 1993[13], la graphie « Au temps » de l'injonction militaire et gymnastique est peut-être une altération de autant.

Controverse

L'étymologie de cette expression est souvent remise en question[14].

L'article « Au temps pour moi ou autant pour moi ? » est l'un des plus consultés du site langue-fr.net[15].

La thèse de Claude Duneton

À la suite de l'article de Claude Duneton dans Le Figaro littéraire, des internautes défendent la graphie « autant pour moi »[2] en remettant en cause l'étymologie invoquée par les ouvrages comme Le Petit Robert, Le Français correct de Maurice Grevisse ou l'Académie française[6].

Claude Duneton expose dans cet article plusieurs théories en parallèle. Il commence par affirmer que l'expression « au temps » dans son sens propre n'est pas utilisée par les militaires.

Selon lui, l’expression doit se comprendre comme « Je ne suis pas meilleur qu'un autre, j'ai autant d'erreurs que vous à mon service : autant pour moi. »

Claude Duneton croit trouver un argument en faveur de « Autant pour moi » dans l’expression idiomatique anglaise so much for (en).

Ce qu'il considère comme son argument ultime est la présence dans le dictionnaire des Curiositez françoises[16] de 1640 de l'expression « autant pour le brodeur » décrite comme « raillerie pour ne pas approuver ce que l'on dit. vulg. ».

Notes et références

  1. a, b et c Académie française, questions courantes.
  2. a et b Voir par exemple Le Plaisir des mots, Autant par Claude Duneton accessible sur le blog langue-fr.net : Au temps… ou autant pour moi ?
  3. M. Grevisse, dans Le Bon Usage (10e éd., 1975, § 989, 2, note 1,) souligne que la graphie « au temps » soulève encore un doute, et rappelle qu'André Thérive, dans Les Querelles du langage, tome II, estimait que « au temps » est un substitut pédantesque de « autant ». De même, selon la treizième édition du Bon usage de Grevisse (refondue par André Goosse), 1993, § 1051, b, p. 1569 (qui renvoie à J. Damourette et éd. Pichon, Des mots à la pensée, Paris, 1911-1971, § 2690), la graphie « Au temps » de l'injonction militaire et gymnastique est peut-être une altération de autant.
  4. Le nouveau Petit Robert de la langue française, 2007, art. Autant, p. 181.
  5. Maurice Grevisse, Le Français correct. Guide pratique des difficultés, 6e édition revue par Michèle Lenoble-Pinson, De Boeck, Bruxelles, 2009, p. 25, qui s'appuie sur la notice de l'Académie française.]
  6. a et b Autant ? Au temps ? OTAN ? - Ze Blob: un non-blog, non-lu par le monde entier
  7. Gallica - Courteline Georges (1858-1929), Le Train de h 47
  8. Maurice Grevisse, Le Français correct. Guide pratique des difficultés, 6e édition revue par Michèle Lenoble-Pinson, De Boeck, Bruxelles, 2009, p. 25
  9. Premier chapitre, à la date du 26 août. (Tétralogie Ceux de 14, rééd. Le grand livre du mois, 2000, p. 20).
  10. Chapitre X. (Tétralogie Ceux de 14, rééd. Le grand livre du mois, 2000, p. 495.)
  11. Le Bon Usage (10e éd., 1975, paragraphe 989, 2, note 1)
  12. dans Les Querelles du Langage, tome II,
  13. Bon usage, treizième édition de Grevisse (refondue par André Goosse) 1993, § 1051, b, p. 1569 (qui renvoie à J. Damourette et Éd. Pichon, Des mots à la pensée, Paris, 1911-1971, § 2690)
  14. FAQ de fr.langue.lettre.francais
  15. Interview du webmaster de langue-fr.net
  16. Antoine Oudin, Curiositez françoises, pour supplément aux dictionnaires ou Recueil de plusieurs belles propriétez, avec une infinité de proverbes et quolibets, pour l'explication de toutes sortes de livres, Paris, chez Antoine de Sommaville, 1640 [lire en ligne], p. 64, entre Brocher et Broncher en beau chemin. 

Voir aussi

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