Sarbadârs

Sarbadârs

Les Sarbadârs[1] ou Sarbédâriens[2] (brigands) est une des dynasties locales apparue après la chute des Il-Khanides. Damghan devient un foyer de contestation. Les Sarbadârs ne reconnaissent pas la monarchie héréditaire. Ibn Battûta en fait une description très défavorable[3]. En 1357/1358, Pahlavân[4] Hasan Dâmghânî devient sardâr[5] (commandant) de la ville de Sabzevar. La même année, il fait face à une insurrection menée par ʿAlî Moʾayyad à Damghan. ʿAlî Moʾayyad frappe des monnaies chiites (1361/1362) et cela devient la règle lorsque les Sarbadârs adoptent le chiisme comme leur religion officielle. Cependant en 1381, ʿAlī Moʾayyad doit se soumettre à Tamerlan. Damghan subit trois massacres de population en cinquante cinq ans : en 1404 par Tamerlan, en 1448/1449 par le timouride Abd ul-Latif et en 1457 par les Qara Qoyunlu[6].

Sommaire

Histoire

Le premier Sarbadâr est aussi le plus connu dentre eux. ʿAbd al-Razzâq Bâchtînî, est le fils dun riche propriétaire terrien. Il part rejoindre son frère Amīn al-Dîn qui était un lutteur célèbre à la cour de lil-Khan Abu Saïd. ʿAbd al-Razzâq sillustre lui aussi dans ce métier. Son talent est récompensé en lui confiant une mission de percepteur dans le province de Kerman. Il dilapide ses richesses en débauches. Après la mort dAbu Saïd, il revient dans son village natal. Il sassocie à un mouvement villageois de protestation contre les taxes excessives prélevées par le vizir ʿAlâʾ al-Dîn Muhammad Faryûmadî. La population de Bayhaq (Sabzevar) manifeste un profond ressentiment contre ce vizir et sa famille à cause de sa corruption. À la tête dune petite bande, ʿAbd al-Razzâq parcourt la région en pillant les caravanes et en attaquant par surprise les forteresses. En septembre 1337, il sempare de Sabzevar. En novembre, il marche sur Forûmad[7] quil pille. La rébellion des Sarbadârs prend de lampleur faute de forces capables de la contrecarrer. Les armées mongoles ont délaissé le Khorasan et sont alors en campagne en Azerbaïdjan. Le mouvement se heurte cependant aux propriétaires terriens dont un des frères dʿAbd al-Razzâq, Wajîh al-Dîn Mas`ud se fait le représentant. En juin ou juillet 1338, ʿAbd al-Razzâq est assassiné par Wajîh al-Dîn Mas`ud[8].

Cependant Wajîh al-Dîn Mas`ud continue lœuvre dʿAbd al-Razzâq en semparant de Nichapur. Lil-khanide Togha Temür[9], descendant de Khassar frère de Gengis Khan est proclamé khan la même année. Il sétablit à Bastām. Les Sarbadârs reconnaissent nominalement sa suzeraineté[10].

En 1342, Wajîh al-Dîn Mas`ud part en campagne contre Hérat puis en 1344, dans le Mazandaran. Il laisse le commandement à Ay Tīmūr Muhammad, un fils desclave, probablement le fils dun soldat-esclave (gholâm[11]) turc. Wajîh al-Dîn Mas`ud meurt pendant sa campagne dans le Mazandaran, Ay Tīmūr Muhammad prend sa succession. Il reconnaît la suzeraineté de Togha Temür. Il place ses meilleures troupes sur les frontières et en accroît le nombre par lapport des derviches dont le chef Ḥasan Jūrī a été tué par Wajîh al-Dîn Mas`ud. Cest un succès militaire mais un échec politique car les derviches le haïssent car ils le considèrent comme le représentant de Wajîh al-Dîn Mas`ud, lassassin de leur maître. En aout/septembre 1346, les derviches alliés aux descendants dʿAbd-al-Razzāq and Masʿūd se débarrassent du « fils desclave » Ay Tīmūr Muhammad[12].

Vers décembre 1353, les Sarbadârs assassinent Togha Temür et restent ainsi maîtres de tout le nord-ouest du Khorasan, les Kert gardent le sud-est avec pour capitale Hérat. Ces deux dynasties se font une guerre acharnée, aggravée des prétextes religieux : les Kert étaient des Afghans sunnites, les Sarbadârs des Persans chiites. Une troisième dynastie exactement arabo-iranienne, les Muzaffarides, sétait établie dans la province de Kerman et le Fars. Son fondateur, larabe Mubâriz ad-Dîn Muhammad, déjà installé à Yazd et dans la province de Kerman, se rend maître de Chiraz (1353) et dIspahan (1356-1357). En 1358, il est déposé et aveuglé par son fils, Jalâl ad-Dîn Shâh Shujâ` qui lui succède à Chiraz, tandis quIspahan passait à son frère Qutb ad-Dîn Shâh Mahmûd[10].

Ce morcellement général du pays livre le peuple iranien au premier envahisseur résolu. Gengis-khan jadis avait au moins trouvé en face de lui le pouvoir des Khwârazm-Shahs étendu de Kaboul à Hamadan. En face de Tamerlan il y a quatre ou cinq pouvoirs rivaux, profondément divisés entre eux, à qui lidée de lunion contre lenvahisseur turc ne viendrait même pas : les Kert, de race afghane, de religion sunnite, à Hérât, sont les ennemis jurés des Sarbadârs, de race persane, de religion chiite à Sabzevar; les Muzaffarides, de race arabo-persane, au Fars, sont les rivaux des Jalayirides, de race mongole, maîtres de Tabriz et de Bagdad. Tamerlan trouve des adversaires livrés davance. La Perse de 1380 appelait la conquête[13].

En 1381, le Kert Ghiyâth al-Dîn vient de prendre Nichapur aux Sarbadârs. Tamerlan marche sur Hérat. Ghiyâth al-Dîn sest replié dans la forteresse de Sérakhs, au sud de Hérat. La forteresse de Bouchang, au nord-est de Hérât est prise dassaut. La population de Hérat nest pas disposée à se battre contre lenvahisseur. Ghiyâth al-Dîn se soumet à Tamerlan qui lui laisse le gouvernement de Hérat mais se fait livrer toutes les richesses de la ville. Les murailles de la ville sont rasées. Ghiyâth al-Dîn est contraint daller résider à la cour de Tamerlan à Samarcande. Tamerlan marche alors vers le Khorasan partagé entre les Sarbadârs dirigés par Ali Mouayyad, et deux autres principautés lune dirigée par lémir Walî (1360-1384) qui sest rendu maître du Mazandaran, le Gorgan, et la province de Semnan, enfin Alî beg maître de Kalat et Tus dans la région du Khorasan-e-razavi. À lapproche de Tamerlan, Alî beg fait allégeance, Ali Mouayyad menacé par son voisin lémir Walî appelle à laide Tamerlan et fait lui aussi allégeance. Enfin après un bref siège dEsfarayen lémir Walî est vaincu et la ville est détruite. Pendant lhiver 1381/1382, Tamerlan assiège Alî beg dans la forteresse de Kélat. Peu après, Alî beg est envoyé en Transoxiane et exécuté (1382). Tamerlan reprend sa campagne contre lémîr Walî, qui lui envoie un tribut. En 1383, Tamerlan revient de Samarcande et châtie terriblement Sabzevar révoltée. « On entassa près de deux mille prisonniers tout vivants, les uns sur les autres, avec de la boue et de la brique pour en construire des tours. » Le Sistan également révolté eut un sort identique[13].

Voir aussi

Articles connexes : Houlagides, Timourides, Muzaffarides et Injouïdes.

Liens externes

Bibliographie

Notes et références

  1. Sarbadârs en persan : sarbadārān, سربداران, brigands ; gibiers de potence, de sar, سر, tête et badār, بدار, gibet.
  2. Sarbédâriens utilisé par René Grousset, op. cit. [lire en ligne], « La Transoxiane sous le gouvernement de lémir Qazghân. », p. 431 (.pdf) 
  3. Ibn Battûta décrit ainsi les actions des Sarbadârs :

    « Il y avait dans le Khorâçân deux hommes, appelés lun Maçoûd et lautre Mohammed, et qui avaient cinq compagnons audacieux. Ils étaient connus dans lIrâk sous le nom de Chotthâr, Brigands, Voleurs ; dans le Khorâçân, sous celui de Serbedârs ; et enfin, dans le Maghreb, sous celui de Sokoûrah, Oiseaux de proie, Vautours.
    Tous sept convinrent de se livrer au désordre et au brigandage, et de piller largent des habitants. Le bruit de leurs excès se répandit ; ils établirent leur séjour sur une montagne inexpugnable, située au voisinage de la ville de Beïhak, appelée aussi Sebzévâr. Ils se plaçaient en embuscade pendant le jour, en sortaient le soir et durant la nuit, fondaient sur les villages, coupaient les communications et semparaient des richesses des habitants. Les méchants et les malfaiteurs, leurs pareils, vinrent en foule se joindre à eux ; leur nombre devint considérable, leur puissance augmenta, et les hommes les craignaient. Ils fondirent sur la ville de Beïhak et la prirent ; puis ils semparèrent dautres villes, acquirent de lopulence, rassemblèrent des troupes et se procurèrent des chevaux. Maçoûd prit le titre de sultan. Les esclaves senfuyaient de la maison de leurs maîtres et se retiraient près de lui. Chacun de ces esclaves fugitifs recevait de lui un cheval et de largent ; et, sil montrait de la bravoure, Maçoûd le nommait chef dun détachement. Son armée devint nombreuse et sa puissance considérable. Tous ses partisans embrassèrent la doctrine des shiites, et entreprirent dextirper les sonnites du Khorâçân et de soumettre cette province tout entière aux dogmes râfidhites. Il y avait à Mechhed Thoûs un cheïkh râfidhite nommé Haçan, qui était considéré par eux comme un homme pieux. Il les assista dans leur entreprise et ils le proclamèrent khalife ; il leur ordonna dagir avec équité. Ils firent paraître une si grande probité que des dînârs et des dirhems tombaient à terre, dans leur camp, et que personne ne les ramassait, jusquà ce que leur propriétaire survînt et les ramassât. Ils semparèrent de Neïçâboûr. Le sultan Thoghaïtomoûr envoya contre eux des troupes, mais ils les mirent en déroute. Le sultan fit alors marcher son lieutenant, Arghoûn Châh, qui fut vaincu et fait prisonnier. Ils le traitèrent avec bonté. Thoghaïtomoûr les combattit en personne, à la tête de cinquante mille Tartares ; mais ils le défirent, semparèrent de plusieurs villes, entre autres de Sarakhs, de Zâveh, de Thoûs, une des principales places du Khorâçân. Ils établirent leur khalife dans le mechhed, mausolée, dAly, fils de Moûça Arridha. Ils prirent aussi la ville de Djâm et campèrent tout auprès, avec lintention de marcher contre Hérât, dont ils nétaient quà six journées de distance.  »

    — Ibn Battûta, op. cit, vol. II [lire en ligne], « Histoire des Râfidhites », p. 251-252 (.pdf) .

  4. Pahlavân en persan : pahlavan ou pahalavan, پهلوان, héros.
  5. Sardâr en persan : sardār, سردار, général en chef.
  6. (en) Chahryar Adle, « Dāmḡān », in Encyclopædia Iranica en ligne
  7. Forûmad, Farumad, Furmak, ou Faryûmad en persan farūman, فرومد. Cest actuellement un simple village dans la province de Semnan, à la limite avec la province du Khorassan. 36° 31′ 09″ N 56° 44′ 40″ E / 36.5191667, 56.7444444, daprès Iran > Places > Forshom to Fotuhabad sur http://indexmundi.com.
    On peut voir des photos des ruines de la grande mosquée de Forûmad sur Forumad sur http://www.archnet.org/.
    Voir aussi (en) Chahryar Adle, « Faryūmad (modern Farūmad) », in Encyclopædia Iranica en ligne
  8. (en) J. Aubin, « ʿAbd-al-Razzāq Bāštīnī », in Encyclopædia Iranica en ligne
  9. Thoghaïtomoûr dans le texte d'Ibn Battûta, Togha Temür ou Taghay Temür
  10. a et b René Grousset, op. cit. [lire en ligne], « Dissolution du khanat mongol de Perse. », p. 489-490 (.pdf) 
  11. gholâm en persan : ḡolām, غلام, serviteur ; esclave équivalent de larabe mamelouk : mamlūk, مملوك, possédé au pl. mamālīk, مماليك, qui avaient disparu avec la période mongole, redeviennent importants avec lIl-Khanide Ghazan. Lorsquune terre attribuée (eqtâ` en persan : eqṭāʿ, اقطاع, parcelle de terrain attribuée à qqn.) reste sans héritier, elle est attribuée à un de ces soldats-esclaves âgés. Voir (en) H. Algar, « Barda and bardadārī, slaves and slavery. », in Encyclopædia Iranica en ligne
  12. (en) J. M. Smith, Jr., « Ay Tīmūr (or Teymūr), Moḥammad », in Encyclopædia Iranica en ligne
  13. a et b René Grousset, op. cit. [lire en ligne], « Conquête de lIran oriental par Tamerlan. », p. 534-536 (.pdf) 

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