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Sabino Arana Goiri
Sabino Arana Goiri (26 janvier 1865-25 novembre 1903), est considéré comme le fondateur du nationalisme basque, des symboles nationaux basques - drapeau basque (ikurriña), du nom de la nation basque (Euzkadi), des prénoms basques utilisés aujourd'hui, d'un nombre important de néologismes (Aberri, Abertzale, etc.) et du parti nationaliste basque, EAJ-PNB.
Il se distingue également par sa religiosité, son attitude anti-libérale et anti-socialiste, son rejet du colonialisme (surprenant en cette fin du XIXe siècle européen).
Le père du nationalisme basque
Au milieu du XIXe siècle, la société basque est confrontée au libéralisme qui a renversé la société traditionnelle en France et tente de le faire en Espagne. Les Basques prennent deux fois les armes contre les libéraux de Madrid (guerres carlistes). En 1876 une loi espagnole supprime les institutions juridiques ancestrales des Basques
L'industrialisation de la Biscaye, après la seconde guerre carliste en 1876, provoque le bouleversement d'une société basque jusque-là rurale. En retour, ce développement suscite des réactions de rejet de la part de groupes autochtones envers les travailleurs immigrés espagnols, imprégnés d'idées socialistes, et envers les transformations politiques et sociales qui accompagnaient l'essor industriel.
C'est alors qu'émerge la figure de Sabino Arana Goiri qui va développer une vision positive de la société pré-industrielle, professe un rejet virulent du libéralisme et un catholicisme passionné. Il impose la vision d'un « peuple élu », de tradition rurale, profondément chrétien, qui voit une menace dans le socialisme, la laïcité et le métissage, introduits avec l'arrivée de la race dégénérée des Espagnols.
Sabino Arana, est le fondateur de la doctrine nationaliste et du Parti nationaliste basque, parti qui la défend depuis sa création (1898).
Le PNV (Partido Nacionalista Vasco) en castillan ou EAJ (Euzko Alderdi Jeltzalea) en basque. À ce titre, il est intéressant de voir que la traduction basque du nom du parti est fort différente de sa traduction en castillan ou en français. « Euzko Alderdi Jeltzalea » signifie « parti basque de partisans du JEL », (le JEL en question étant en lui-même un acronyme de Jaungoikoa Eta Lege zaharak) ce qui en français signifie : « Dieu et les vieilles lois », Dieu étant une référence explicite à la religiosité catholique du mouvement à son origine, les vieilles lois faisant références aux fueros, ces lois particulières que les rois d'Espagne devaient jurer de respecter en Pays basque, en en faisant le serment à Gernika, devant l'Arbre du même nom.
Son idée principale fut de distinguer radicalement les peuples (races) basque et latins et de plaider pour l’indépendance politique de la première. (Il convient de rappeler qu'au XIXe siècle, le terme de "race" était couramment employé en Europe pour désigner les peuples.)
En 1897, il appela de ses vœux l’union des Basques « pour le salut de la patrie commune, c’est-à-dire de la race elle-même ». Il créa le néologisme Euzkadi pour désigner cette nation basque réunissant des peuples vivant dans des territoires ayant jusqu’alors connu des destinées relativement séparées mais parallèles, et, pour rompre avec le vocabulaire de l’Ancien Régime, il parla de « guerre de conquête » contre Euzkadi, de « lois basques » (et non plus de fors), et enfin d’« indépendance ». Ainsi, l’Espagne devint, pour la première fois, une puissance étrangère dont il fallait se séparer. Ce qui fut interprété par ses sympathisants comme un progrès fondamental du peuple basque, qui, enfin, osait reconnaitre sa différence.
Le nationalisme basque réclame donc la souveraineté des territoires basques et un retour au régime des fueros, qui incarnent la liberté originelle du Pays basque - ces privilèges (privi-lege, lois particulières) apparaissant comme le signe d'une liberté originelle, qui doit légitimer la revendication d'indépendance.
La logique du nationalisme de Sabino Arana Goiri conduit à une confrontation radicale avec l'idéologie de la souveraineté étatique, qui a triomphé en France en 1789, et a pénétré en Espagne avec les troupes napoléoniennes. L'objectif ultime est et reste la liberté du peuple basque, soit sous forme de séparatisme, soit sous la forme du pacte d'association (tel qu'il existait avec la France ou l'Espagne avant 1789). C'est dans cette même optique que Sabino Arana condamne fortement le colonialisme sous toutes ses formes (alors qu'en même temps un homme de gauche convaincu, républicain et lâïc, comme Jules Ferry, le soutient), prend fait et cause en faveur des Hottentots d'Afrique du Sud, et félicite les États-Unis pour l'indépendance de Cuba. Rejetant le libéralisme, il inspire la fondation du syndicat basque ELA-STV.
Créateur du principal Parti nationaliste basque qui présidera les différentes communautés autonomes basques de 1936 et 1979, le rôle de Sabino Arana a été déterminant dans l'émergence du nationalisme basque, catholique et quelque peu passéiste à l'origine, aujourd'hui recentré et humaniste.
Un précurseur : Augustin Chaho?
Le nationalisme basque émerge en 1895, à une époque où la crispation nationaliste des anciennes grandes puissances d'Europe est bien entamée (la France et le Royaume Uni continuent à étendre leur empire colonial, l'Italie et l'Allemagne viennent de terminer leur unification respective, l'Autriche, la Russie et l'Empire Ottoman vivent encore les dernières années de leur domination sur l'Europe de l'Est). Et l'Espagne libérale tente vainement d'imposer son modèle centraliste aux peuples périphériques de la péninsule ibérique. Si on peut reconnaître à Sabino Arana Goiri le titre d'inspirateur du nationalisme basque, il faut reconnaitre que l'abertzalisme n'est pas né de rien. Le terme d'"abertzale" est un néologisme forgé par Sabino Arana Goiri lui-même pour désigner son mouvement. Parmi les Basques qui ont participé à l'éveil du nationalisme ou abertzalisme basque se trouve u Souletin: Augustin Chaho.
S'étant éveillé au sentiment national au moment du Printemps des Peuples, en 1830, en prenant conscience de son identité à Paris, où il venait de débarquer pour y étudier pendant trois ans le droit et la littérature, Augustin Chaho (Agosti Xaho en souletin) ne développe pas une vision abertzale repliée sur de petites frontières. Sa vision de la nation basque se projette dans une vision internationaliste et comme un précurseur de la construction européenne, sur une base démocratique.
Lorsqu'il développe pour la première fois ses théories, Augustin Chaho n'est qu'un jeune journaliste de 25 ans qui publie un premier reportage sur les guerres carlistes. Les historiens s'intéressent depuis peu à Augustin Chaho, qui dès 1836, à travers ses "Paroles d’un bizkaïen aux libéraux de la reine Christine" puis "Voyage en Navarre pendant l'insurrection des basques (1830-1835)" énonce soixante ans avant Sabino Arana, des thèses en faveur de l'indépendance du Pays basque, de sa réunification avec le Pays basque nord, sous une forme républicaine. Il sera le fondateur d'un journal à Bayonne, l’Ariel, un journal politique, sous titré “le républicain de Vasconie" dans lequel il publie des articles en français, mais aussi en euskara, en gascon bayonnais et en béarnais.
Chaho sera d'ailleurs l'inventeur de la formule zazpiak bat (les sept font un, autrement dit les quatre provinces basques du sud et les trois du nord formeront un Pays Basque uni).
Plus tard Chaho créera le tout premier journal exclusivement rédigé en basque Uskal-herriko Gaseta.
Dès 1836, Chaho avait préconisé à plusieurs reprises l’enseignement exclusif du basque dans les écoles, la création d’une académie de la langue basque et l’établissement d’une orthographe unifiée, de bibliothèques, d’une littérature et de livres dans les tous les domaines scientifiques et techniques en basque.
En réalité, la vision d'Augustin Chaho dérange les biographes (hagiographes) de Sabino Arana Goiri, qui lui-même occultait cet héritage. D'abord parce que Chaho, est un basque du nord, souletin né à Tardets en 1811, ayant vécu la majeure partie de sa vie à Bayonne, né 54 ans avant Sabino Arana, qui ne peut ignorer ses prises de positions, d'autant que le souletin sera élu conseiller municipal après avoir proclamé la République à Bayonne, à la tête d'une manifestation d'insurgés au moment de la Révolution de 1848, puis sera élu conseiller général de son canton natal de Tardets.
Au moment de la proclamation de la République, il pense alors que ce modèle va se répandre comme une traînée de poudre à travers l'Europe. Il sera candidat socialiste démocrate à l'Assemblée constituante de 1848, (les premières élections libres de l'histoire en France) où Augustin Chaho fera campagne sur le thème du suffrage universel sans restriction, l’enseignement laïque, gratuit et obligatoire pour tous, la liberté de conscience, de réunion, d’association, de manifestation, la liberté totale de la presse. Bien qu'anti-clérical, il se déclare pour la liberté de prédication et de culte de toutes les religions (catholiques, protestantes et juives, …). Pendant la campagne électorale (à peine âgé de 38 ans), il sera grièvement blessé par un accident qui le laissera durablement hémiplégique.
Ses prises de positions contre la dérive bonapartiste du pouvoir du président Louis-Napoléon, le condamneront au bannissement et à l'exil, puis au silence, tant il sera la cible d'un harcèlement policier permanent de la police impériale.
À la différence des frères Arana Goiri, Chaho est un homme de gauche, républicain, partisan de la laïcité, qui adhèrera aux idées socialistes dès leur apparition et sera le premier à parler de la construction du Pays Basque dans le cadre de l'Europe, à la même époque que l'idée des États Unis d'Europe chère à Victor Hugo.
En dépit de la fougue d'Augustin Chaho, et de sa modernité sur bien des points, son combat reste isolé et s'éteint avec lui. Personne ne poursuit son œuvre. Ce sont bien les frères Arana Goiri et notamment Sabino, qui passe une partie de son enfance entre Hendaye et Bayonne, qui lancent le mouvement de libération nationale basque à la fn du XIXe siècle.
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