- Réensauvagement
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La notion de réensauvagement (de l'anglais rewilding) désigne la réimplantation d'espèces animales (le plus souvent de grande taille) disparues depuis plusieurs siècles ou millénaires dans une région donnée (effectuée ou en projet).
Elle se distingue de la « simple » réintroduction d'espèces car elle vise à recréer un écosystème disparu depuis longtemps (et sur lequel les données scientifiques sont assez fragmentaires malgré les progrès de la paléontologie) ; l'idée directrice est de reconstituer les écosystèmes préhistoriques au moyen de la réimplantation de formes proches (ou réputées comme telles) des espèces éteintes (en termes de phylogénie ou d'exigences écologiques).
Ces projets sont financièrement et techniquement difficiles à réaliser (les grandes espèces ne peuvent être réintroduites que dans des pays où l'espace est suffisant et la pression humaine faible), ils peuvent sembler utopiques ou fantaisistes ; toutefois, certains cas (parfois involontaires) ont démontré qu'une espèce pouvait bien s'adapter à un milieu d'où elle avait disparu depuis des millénaires, qu'elle ait été introduite volontairement ou de manière fortuite (par exemple, les chevaux en Amérique du Nord, disparus au début de l'Holocène mais revenus avec succès depuis le XVIe siècle), de sorte que le projet n'est peut-être pas aussi farfelu qu'il n'y paraît.
Sommaire
Genèse
La notion de réensauvagement est apparue à la suite des découvertes paléontologiques, et notamment de la preuve d'une extinction massive de grands animaux au début de l'Holocène (particulièrement forte dans les Amériques et en Australie mais constatée aussi sur les autres continents), qui aurait bouleversé les écosystèmes.
Les hypothèses sont encore incertaines : une chasse excessive, un changement climatique brutal, des maladies, ou peut-être une conjonction de ces trois facteurs auraient pu occasionner cette catastrophe écologique.
Selon certains, ces extinctions seraient suspectées d'avoir réduit la biodiversité végétale et animale tout entière, les grands animaux ayant une influence capitale par leur action sur l'écosystème.
A l'heure où de nombreuses grandes espèces (éléphants, rhinocéros, grands félins...) qui ont survécu jusque-là sont de nouveau menacées d'extinction (notamment en Afrique et en Asie du Sud, où elles avaient longtemps été préservées mais sont désormais en danger du fait de la surpopulation et souvent de l'instabilité politique), l'idée est venue de réintroduire certaines d'entre elles (du moins celles qui parviendraient à s'adapter aux climats, à l'espace et à la nourriture disponible) dans des parties du monde où la présence humaine est restée faible : Ouest américain, Sibérie, Patagonie, Afrique du Sud...
Ce projet a été proposé par le zoologue américain Josh Donlan en 2005, dans la revue Nature. [1]
Projets
Aux États-Unis
Les États-Unis sont un des pays où l'extinction des grands animaux (mammifères le plus souvent) est la mieux documentée ; c'est dans ce pays que le projet est apparu, et a partiellement été enclenché.
Plusieurs espèces ont de ce fait été réintroduites :
- le Cheval : la famille des chevaux était d'origine nord-américaine, mais elle s'est éteinte de ce continent alors qu'elle se répandait en Eurasie et en Afrique. En débarquant sur le continent américain, les conquistadors avaient réintroduit, sans le savoir, une espèce sur un continent d'où elle avait été éteinte depuis des millénaires. Les chevaux échappés des élevages, dits mustangs, sont revenus dans les plaines et déserts du continent ; alors qu'ils sont considérés comme des nuisibles par certains, ils ont acquis une popularité certaine (notamment véhiculée par les westerns), et leur présence est encouragée dans certaines réserves ; la popularisation de l'idée du "réensauvagement" a remis ces animaux au goût du jour ;
- les Chameaux et Dromadaires : ces animaux sont aussi apparus en Amérique du Nord : ils ont connu le même sort que les chevaux. Ils ont localement été réintroduits, parfois dans ce cadre ;
- la Tortue du Mexique : elle vivait dans le Sud-Ouest des États-Unis jusqu'à -10 000 ans, elle subsiste dans le centre du Mexique où elle est classée comme espèce vulnérable par l'UICN (bien que ses effectifs progressent grâce aux mesures de protection). Elle présente la particularité de creuser de grands terriers, qui accueillent une riche faune de mammifères et de reptiles, et a été repérée comme une « espèce parapluie » par les écologistes. 26 spécimens ont été réintroduits en 2006 dans le ranch que le milliardaire Ted Turner a consacré à la conservation d'espèces menacées, et d'autres réintroductions seraient envisagées. Ces mesures pourraient utilement consolider la population de l'espèce (bien que sa protection au Mexique reste prioritaire).
La réintroduction d'autres espèces (souvent de grands prédateurs) est plus controversée, en raison de la cohabitation avec l'homme, le bétail voire les animaux sauvages déjà existants (bisons, cervidés etc.). Ont notamment été évoquées les espèces suivantes :
- l'Éléphant d'Asie ;
- le Lion d'Afrique ;
- le Guépard (un félin d'aspect proche existait en Amérique du Nord jusqu'au Pléistocène supérieur ; il aurait évolué de manière convergente avec les guépards d'Afrique et d'Asie sans leur être apparenté, de même que ses proies : le Pronghorn est la « gazelle » de l'Amérique);
- le Jaguar.
D'autres espèces (le plus souvent menacées d'extinction dans leur environnement d'origine) ont été évoquées, sans susciter autant de controverses que les précédentes (mais leur introduction est très hypothétique pour l'heure) :
- le Cheval de Przewalski ;
- le Guanaco ;
- la Vigogne ;
- le Tapir laineux ;
- le Tapir de Baird ;
- l'Onagre ;
- la Saïga.
Enfin, certaines autres espèces font encore partie de la faune locale, leur statut de conservation est variable selon les espèces et les secteurs géographiques :
- l'Ours noir américain ;
- le Grizzly ;
- le Loup gris ;
- le Bœuf musqué ;
- le Puma ;
- le Coyote ;
- le Pécari à collier ;
- le Bison d'Amérique.
En dehors de ces projets, diverses espèces de grands mammifères ont d'ores et déjà été introduits dans de grands domaines du Sud-Ouest des États-Unis. L'intérêt écologique et génétique de ces animaux, qui vivent librement n'a pour l'instant pas réellement été évalué.
En Russie
La Sibérie orientale a aussi été évoquée comme terre d'élection pour un tel projet, poussé par le scientifique Sergueï Zimov en Yakoutie.
Plusieurs espèces (appartenant le plus souvent à la faune russe) ont été introduites dans une réserve de 160 kilomètres carrés :
- le Renne ;
- l'Elan ;
- le Bœuf musqué ;
- le Cheval semi-sauvage yakoute ;
- le Bison d'Amérique (introduction en cours)[2].
D'autres introductions sont en projet :
- la Saïga (en danger critique) ;
- le Yack (commun en élevage mais très rare à l'état sauvage) ;
- le Tigre de Sibérie (en danger critique) ;
- le Glouton ;
- le Lynx ;
- le Léopard de l'Amour (quasiment éteint dans la nature) ;
- l'Ours à collier ;
- l'Ours brun ;
- l'Ours kodiak ;
- le Lion ;
- le Cerf élaphe ;
- le Bison d'Europe ;
- le Chameau de Bactriane
- la Vigogne ;
- le Lama.
La liste semble composite mais certaines espèces ont eu des parents proches vivant dans des climats froids aux temps préhistoriques (comme le Lion). Par ailleurs, les Russes ont une expérience notable en zootechnie, ils avaient réussi l'introduction de nombreux ongulés en semi-liberté dans la réserve d'Askanya Nova au temps de l'Union soviétique.
En Europe
L'Europe ne dispose pas d'espaces sauvages de grande taille comme les deux continents précédents, mais quelques réserves sont parcourues par de grands ongulés, cousins d'espèces éteintes : le Mouflon, le Bison d'Europe (qui subsiste à l'état sauvage en Pologne et en ex-URSS), l'Aurochs de Heck, le Tarpan voire le Cheval de Przewalski.
L'on y trouve aussi des races rustiques d'animaux domestiques (bovins, moutons, porcins...) très proches des races élevées depuis le Néolithique.
Mais il ne s'agit pas là de "reconstituer" la faune préhistorique, plutôt de permettre l'entretien de certains écosystèmes à peu de frais et sans contraintes majeures, dans des espaces depuis longtemps modifés par l'homme (dans le cadre des civilisations agro-pastorales traditionnelles) ; toutefois, le cas du Cheval de Przewalski est un peu particulier puisqu'il s'agit d'un essai destiné à acclimater les animaux (élevés en zoo depuis des décennies) à des conditions de vie de type « sauvage » en prévision de leur réintroduction en Mongolie, Sibérie et Chine du Nord (en cours).
En Amérique du Sud
Le Brésil et l'Argentine sont de bons candidats potentiels pour accueillir une telle expérience : ils comprennent de vastes plaines, une grande diversité climatique (du climat équatorial au climat subpolaire), et... la faune de grands mammifères sauvages y est étonnamment limitée depuis l'extinction des Megatherium, Glyptodon et autres Smilodon, de telle sorte que plusieurs niches écologiques seraient a priori vacantes.
Au Japon
Dans les temps préhistoriques, l'île japonaise d'Hokkaïdo accueillait des tigres, qui ont disparu à la fin de la dernière glaciation (mais ont survécu dans l'Extrême-Orient russe, en Corée et en Chine). La réintroduction du tigre au Japon que certains envisagent s'inscrirait dans cette optique, mais aussi dans une stratégie de préservation du Tigre de Sibérie, animal menacé d'extinction, dans un environnement proche de celui qu'il occupe encore sur le continent.
En Australie
Avec sa faune unique au monde (composée pour l'essentiel de marsupiaux), et les effets catastrophiques des introductions, volontaires ou accidentelles, d'animaux exogènes (renard, chat, lapin, dromadaire, etc...), l'Australie ne semble pas une terre d'élection pour les opérations de "réensauvagement".
Toutefois, quelques biologistes défendent des projets de réensauvagement "à la marge", pour pallier la disparition de certaines espèces qui parcouraient jadis ce continent. Pour ce faire, il est nécessaire que des formes voisines existent encore sur Terre, ce qui n'est pas le cas pour beaucoup de représentants disparus de la mégafaune australienne (wombat géant, lion marsupial...).
Une exception est le Dragon de Komodo, qui vit dans quelques îles indonésiennes. Le biologiste australien Tim Flannery a suggéré que l'écosystème australien pourrait bénéficier de l'introduction de dragons de Komodo, qui pourrait occuper en partie le grand créneau carnivore laissé vacant par l'extinction du varanidé géant Megalania. Toutefois, Flannery plaide pour la plus grande prudence et une extension progressive de ces expériences, en particulier car « le problème de la prédation des grands varanidés sur l'homme ne doit pas être sous-estimé ». Il se sert de l'exemple de la réussite de la coexistence des hommes avec les crocodiles d'eau salée au nord de l'Australie comme preuve que les Australiens peuvent s'adapter avec succès à une telle expérience.
Voir aussi l'article suivant : Dragon de Komodo.
Justifications
Selon leurs promoteurs, les projets de "réensauvagement" auraient plusieurs buts :
- protéger des animaux souvent menacés dans leurs pays d'origine, par la chasse, la destruction de leur habitat et peut-être par les changements climatiques ;
- favoriser le développement d'une flore qui prospérait il y a quelques dizaines de milliers d'années, mais qui a régressé depuis, peut-être à la suite de l'extinction des grands animaux qui disséminaient leurs graines ;
- limiter les feux de forêts, la prolifération d'animaux et de plantes envahissants (car dépourvus de prédateur) voire le réchauffement de l'atmosphère (thèse de Sergueï Zimov[3],[4]) ;
- également, favoriser le développement de régions économiquement déprimées (comme le Midwest américain) à travers l'écotourisme.
Controverses
Le projet a été critiqué sur plusieurs aspects :
- dans la plupart des cas, les espèces proposées pour la réintroduction ne correspondent pas exactement aux espèces éteintes : le "réensauvagement" aboutirait à introduire des espèces composites, qui n'ont jamais vécu ensemble, il ne s'agirait que d'une sorte de zoo excentrique ;
- les projets de réensauvagement sont basés sur l'introduction de grands animaux : les petites espèces de mammifères, d'oiseaux et de reptiles, les amphibiens, les poissons, sans parler des insectes et autres invertébrés, dont les restes fossiles sont peu connus, et qui ne fascinent pas souvent les foules, ne sont pas ou peu pris en compte ;
- les animaux introduits pourraient apporter des maladies néfastes pour la faune locale, et causer des déprédations indésirables sur les animaux et les plantes qui n'y seraient pas adaptées ;
- ils pourraient aussi cohabiter difficilement avec l'homme, ses cultures et son bétail : sans surprise, c'est le cas des espèces carnivores qui est le plus controversé (de même que celui de l'ours et du loup, pourtant bien présents et communs jusqu'à une époque récente) ;
- les espèces menacées devraient en priorité être protégées dans les pays où elles vivent encore ; réciproquement, la conservation des espèces indigènes (natives) devrait passer avant l'introduction d'animaux d'autres continents.
Liens internes
Liens externes
- Quelques projets de "réensauvagement" appliqués au Tigre : 4 continents pour les tigres.
Notes et références
- Nature, Vol.436, 18 August 2005, p.913-914. Josh Donlan, Re-wilding North America,
- Espèces menacées : Les bisons de retour en Sibérie, Le Courrier de la Nature, n°233, Mai-Juin 2007, p.15.
- BBC NEWS | Science/Nature | 'Pleistocene Park' experiment
- Pleistocene Park Homepage
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