Roucher

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Jean-Antoine Roucher

Jean-Antoine Roucher
à la prison Saint-Lazare.

Jean-Antoine Roucher, né le 22 février 1745 à Montpellier et mort le 25 juillet 1794 à Paris, est un poète français.

Biographie

Jean-Antoine Roucher est issu d’une famille d’artisans bourgeois de Montpellier, amateurs de belles-lettres. Il est très tôt initié par son père aux auteurs classiques grecs et latins (voir la dédicace de sa grande œuvre poétique "les Mois").

Pendant ses études au petit séminaire (collège diocésain) de sa ville natale, il se fait remarquer comme élève brillant et les jésuites lui suggèrent d'embrasser l'état ecclésiastique. Après réflexion, il rejoint à Versailles son oncle, l’Abbé Gros de Besplas, aumônier de Monsieur, frère du Roi. Son poème écrit à l’occasion du mariage du Dauphin et de Marie Antoinette, La France et l’Autriche au temple de l’hymen, rencontre un certain succès et lui permet d’obtenir grâce à Turgot la charge de Receveur des gabelles, qu’il fait exercer par son frère Roucher d’Aubanel afin de se consacrer à la poésie.

Il acquiert également une grande renommée avec son monumental poème pastoral en douze chants, Les Mois (1779), suivi de longues et intéressantes notes. Il fait partie des deux ou trois poètes français qui remettent en cause la rigidité de l’alexandrin classique, en prenant des libertés avec l’hémistiche pour lui donner de la légèreté. Les salons en vogue s'arrachent le poète, prié de faire la lecture de chaque nouvelle tranche de son ouvrage en cours.

S’opposant durement à La Harpe, il refuse les compromissions que le critique lui propose en échange d'une admission à l’Académie française. La Harpe ne le lui pardonnera jamais et à compter de ce jour dénigrera son œuvre. Roucher sera longtemps en relation avec Turgot ; les deux hommes se retrouvent régulièrement pour commenter les événements politiques du temps. Il publie et édite La collection universelle des mémoires particuliers relatifs à l’Histoire de France (Paris, 1790).

Il fréquente les salons de Julie de Lespinasse et d’Anne-Catherine Helvétius à Auteuil. Cette dernière se prend d’affection pour sa fille Eulalie. C’est là qu’il se lie d’amitié avec Benjamin Franklin. Il étudie assidûment l’anglais.

Sous la Révolution, après avoir éprouvé un certain enthousiasme pour les idées nouvelles, et de l'admiration pour Voltaire et Jean-Jacques Rousseau (dont il est le premier a publier les quatre Lettres à M. de Malesherbes), il prend vite conscience des abus que cette insurrection porte en elle et rédige des articles contre-révolutionnaires. Son inimitié pour Robespierre, auquel il reproche ses excès, lui vaut d’être arrêté sous la Terreur. Antoine Roucher est l'auteur d'une célèbre phrase passée à la postérité sous forme résumée : "Robespierre, surnommé l'incorruptible par des gens qui ne le sont pas".

Il est emprisonné à Sainte-Pélagie puis à Saint-Lazare, où il a entre autres compagnons de captivité Mme de Bonneuil, à laquelle il dédie fin 1793 des "Stances sur les fleurs", puis l'année suivante André-Marie Chénier, Aimée de Coigny, duchesse de Fleury (la Jeune captive) et Hubert Robert, qui le représente une dizaine de fois (dont sur un dessin émouvant avec son fils Pierre-Angélique, dit Émile, « l’Archange », derrière les barreaux de la prison en compagnie d’Aimée de Coigny). En prison, il refond sa première édition (1790) des Recherches sur la nature les causes de la Richesse des Nations d’Adam Smith et introduit les idées libérales en France (chez F.Buisson an 3 de la République).

André Chénier et Jean-Antoine Roucher sont victimes de la répression contre la conspiration des prisons. Transférés à la Conciergerie, ils sont jugés pour « complot monarchiste », condamnés à mort et guillotinés le 7 thermidor an II (25 juillet 1794). L'acte d’accusation de Roucher, signé Fouquier-Tinville, indique : « aristocrate puant, salarié de la liste civile, écrivain stipendié du tyran, fondateur du club de la Sainte Chapelle, conspirateur à la maison d’arrêt de Saint-Lazare, pour Roucher, "ennemi du peuple" : la mort. » Dans la charrette qui emmène Chénier et Roucher vers la guillotine, ils échangent des vers tirés d’Andromaque : « Oui, puisque je perds un ami si fidèle… » (voir la gravure La dernière charrette). Roucher est inhumé au cimetière de Picpus.

Un tableau d’Hubert Robert le représente dans sa cellule quelques jours avant son exécution (tableau conservé au Wadsworth Atheneum Museum of Art à Hartford: Connecticut, USA). Un dernier portrait, aujourd’hui au Musée Carnavalet, est peint juste avant sa mort. Il compose alors pour l’orner ces quatre derniers vers, qu’il adresse à sa famille, et qui sont aujourd’hui connus sous le nom de Quatrain de Roucher :

À ma femme, à mes enfants, à mes amis :

   "  Ne vous étonnez pas, objets sacrés et doux,
Si quelqu’air de tristesse obscurcit mon visage.
Quand un savant crayon dessinait cette image
J’attendais l’échafaud et je pensais à vous.

Une partie de la belle et émouvante correspondance qu’il a échangée depuis la prison avec sa famille et ses amis (principalement avec sa fille Eulalie à laquelle il prodiguait d'affectueux et avisés conseils) fut rassemblée après sa mort et publiée sous le nom de Consolations de ma captivité (chez Agasse, imprimeur, 1797), témoignage passionnant sur la vie dans les prisons révolutionnaires.

André Chénier, moins connu à l’époque, et Jean-Antoine Roucher, tous les deux décédés trop jeunes, peuvent être considérés comme les précurseurs du foisonnement poétique que connaîtra le XIXe siècle.


On peut signaler qu’un monumental tableau peint au début du XIXe siècle par Charles-Louis Muller, L'appel des dernières victimes de la Terreur, le représente avec un certain nombre de condamnés, dont André Chénier et Aimée de Coigny, à la Conciergerie. Ce tableau est exposé au musée national de la Révolution française, à Vizille ; le tableau préparatoire se trouve chez l’un de ses descendants.

La poétesse Marceline Desbordes-Valmore, admiratrice de l'homme et du poète, est touchée par la culture familiale de ses descendants et la façon dont ils honorent sa mémoire. Elle compose pour eux un poème Aux petits-enfants du Poète Roucher

« Il est des noms aimés qui s’attachant à l’âme
Vivent comme des fleurs au fond du souvenir :
Gémissant, mais baigné d’harmonie et de flamme,
Le vôtre a des parfums pour tout votre avenir.

Beaux enfants ! Que ce nom mélodieux rassemble
Doux héritiers du cygne, ah, ne nous quittez pas :
Un écho pleure encore où vous parlez ensemble,
Mais une gloire chante où vous posez vos pas. »


Il existe par ailleurs une « Société des Amis de Roucher et André Chénier », dont le siège est situé à la mairie du seizième arrondissement de Paris et qui organise chaque année un colloque sur ou autour de la poésie du XVIIIe siècle.

Sa devise était : « Se regarder passer » (Les Consolations, Lettres à Eulalie).

Les armes de la famille Roucher sont « d’azur à une hachette d’or accompagnée d'une plume passée en sautoir ».

Sources

  • A. Guillois, "Le Poète Roucher", Paris, Calmann Lévy, 1890.
  • F. de Baudus "le lien du sang", Paris, édit. du Rocher, 2000.
  • F. Kermina, "Les Dernières Charrettes de la Terreur", Paris, Perrin, 1988.
  • C. A. Dauban, "Les Prisons de Paris sous la Révolution", Paris, Plon, 1870.
  • J. Mazé, "Visages d’autrefois : Antoine Roucher", Paris, Hachette.
  • J.-F. La Harpe, "Cours de littérature" Paris,1805.
  • "Anthologie de la poésie française" (le XVIIIe siècle sous la direction de Catriona Seth) Paris, La Pléiade, 2000.
  • La collection des 27 Cahiers Roucher André Chénier (4 300 pages).
  • Jules Michelet, "Révolution française"
  • Encyclopædia Britannica Thesaurus "Roucher".
  • G. Lenotre, "Vieux papiers, vieilles maisons".
  • "Enfance des grands hommes ou le Plutarque des grands hommes" sans auteur Paris, Belin, 1836.
  • Alcanther de Brahm "Curiosités de Carnavalet" Paris, Librairie de l'Académie, 1920.
  • Catriona Seth, « Les notes de Roucher ou l’autre poème », Les Notes de Voltaire. Une écriture polyphonique, p. p. N. Cronk et C. Mervaud, Oxford, SVEC 2003:03, p. 95-109.
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