Rear Window

Rear Window

Fenêtre sur cour

Fenêtre sur cour
Image associée au film
James Stewart

Titre original Rear Window
Réalisation Alfred Hitchcock
Acteurs principaux James Stewart
Grace Kelly
Wendell Corey
Thelma Ritter
Scénario William Irish (histoire)
John Michael Hayes
Musique Franz Waxman
Photographie Robert Burks, ASC
Production Alfred Hitchcock (non crédité)
Société de distribution Paramount Pictures (1954-83)
Universal Pictures
(depuis 1983)
Focus Features
(version 2000)
Budget 1 000 000 $
Durée 112 minutes
Sortie 1er août 1954
Langue(soriginale(s) anglais
Pays dorigine États-Unis États-Unis

Fenêtre sur cour (Rear Window) est un film américain réalisé par Alfred Hitchcock, sorti en 1954.

Sommaire

Synopsis

L.B. "Jeff" Jefferies, photographe professionnel, se retrouve cloué dans un fauteuil avec une jambe dans le plâtre. Peu habitué à une vie sédentaire, il trompe son ennui grandissant en observant la cour intérieure depuis la fenêtre de son appartement. Progressivement obsédé par la vie de ses voisins, il soupçonne un représentant de commerce d'avoir fait disparaître sa femme. Après d'énergiques reproches concernant son comportement, Lisa, sa quasi fiancée et Stella, l'infirmière de sa compagnie d'assurance aident "Jeff" à résoudre cette mystérieuse affaire...

Ce qui suit dévoile des moments clés de lintrigue.

Bientôt, il acquiert la conviction quun homme, un voisin d'en face, a tué sa femme et il fait part de ses soupçons à son amie et à un ami détective. La suite des événements lui donne raison et, finalement, l'assassin traverse la cour et vient précipiter le reporter par sa fenêtre. Le premier sera arrêté, Jeff sen tirera avec une deuxième jambe dans le plâtre.

Analyse

Analyse critique féministe

Plaisir scopophilique

Rearwindow trailer 3.jpg

Fenêtre sur Cour fonctionne en grande partie sur le modèle champ/ contre-champ. (... Un) homme immobile regarde au dehors. Cest un premier morceau de film. (Un) deuxième morceau fait apparaître ce quil voit et [un] troisième montre sa réaction. La caméra subjective est dès lors utilisée tout au long de lhistoire. Ce nest quà la fin que sinstalle la caméra dans la cour, selon un principe hitchcockien préférant garder des images en réserve pour le moment le plus dramatique. Lespace est alors vu sous plusieurs angles, devenant ainsi objectif.

Le film met en scène le voyeurisme ou, pour reprendre le terme utilisé par Laura Mulvey, le regard scopophilique (le plaisir de regarder). Il s'agit d'une pulsion sexuelle indépendante des zones érogènes l'individu s'empare de l'autre comme objet de plaisir qu'il soumet à son regard contrôlant. Immobilisé par un plâtre à la jambe, un reporter photographe passe son temps à observer au téléobjectif ses voisins den face. Il y observe un catalogue de comportements, dhistoires ayant pour point commun lamour.

Lhomme est le médiateur du regard du spectateur

Dans un article paru en 1975, « Visual Pleasure and Narrative Cinema », Laura Mulvey sappuyait sur la psychanalyse pour comprendre la répartition des sexes dans le cinéma classique hollywoodien. « Dans un monde gouverné par linégalité des sexes, le plaisir de regarder se partage entre lhomme, élément actif, et la femme, élément passifElle ajoutait que la présence visuelle de la femme « tend à empêcher le développement de lintrigue, à suspendre le cours de laction en des instants de contemplation érotique. »

Elle a défini deux types de regard : tout dabord scopophilique, nous lavons déjà abordé plus haut, ensuite narcissique. Ce dernier correspond à une identification : lécran devient le reflet de soi, plus précisément dun idéal de soi. Généralement, la femme est présentée comme objet du regard mis en spectacle (plaisir scopophilique) et lhomme comme porteur de ce regard, auquel le spectateur masculin sidentifie (plaisir narcissique).

Parlant de Fenêtre sur Cour, Laura Mulvey rappelle lanalyse de Jean Douchet : celui-ci voit le film comme une métaphore du cinéma. Jeffries est le public, les événements qui se déroulent dans lappartement den face correspondent à lécran. Quand il épie par la fenêtre, son regard, élément central du drame, en acquiert une dimension érotique. Tant quil restait du côté du spectateur, son amie Lisa lennuyait, il néprouvait quun faible désir sexuel à son égard. Lorsqu'elle franchit la barrière entre sa chambre et le bâtiment den face, leur relation retrouve une dimension érotique. (...) [Linactivité forcée de Jeff] le cloue à son fauteuil comme le spectateur de cinéma, et le met carrément dans la position fantasmatique occupée par le public.

Une femme supérieure au héros

Dans un chapitre entièrement consacré au film, Tania Modleski sétonne que « Lisa Fremont est tout sauf sans défense et incapable, en dépit de la caractérisation quen donne Mulveyimage passive de perfection plastiqueet cest , ajoute Modleski, que réside le problème ». Elle concède que le jugement de Mulvey se base avec raison sur le fait que Lisa entretient une obsession pour les vêtements à la mode, et quelle se met sans cesse en scène pour Jeff. À la différence de Mulvey, elle ne généralise pas, et sexplique : " Raymond Bellour a montré comment, dans le cinéma narratif classique, une opposition binaire entre le mouvement et la stabilité fonctionne généralement pour établir la supériorité masculine. Dans Fenêtre sur cour, cependant, cest la femme qui est montrée sans cesse comme physiquement supérieure au héros, non seulement par ses mouvements, mais aussi par sa domination dans le cadre : elle se dresse au-dessus de lui dans presque tous les plans ils sont ensemble. "

Tania Modleski voit dans ce film, et plus particulièrement dans la scène de la bague au doigt, comme « des oppressions de toute sortes que les femmes subissent de la part des hommes. » Le film révélerait, selon Modleski, que « la féminité acceptable est une construction du désir narcissique masculin », ainsi que « la différence est nécessaire pour que le cinéma vive, quelle ne puisse donc jamais être détruite mais seulement niée sans cesse. » Et de remarquer que ce soit à Lisa que le film donne son dernier regard.

Enfin, Tania Modleski montre que le film met laccent sur un double point de vue, puisque dans les contrechamps nous trouvons et Lisa et Jeff dans lembrasure de la fenêtre en train dobserver fixement les voisins den face. Il est donc possible, selon elle, de tenir Lisa pour la représentante de la spectatrice de cinéma. Par ailleurs, Modleski remarque que Lisa et Jeff ont des interprétations très différentes de ce quils observent. Il ny a pas de regard masculin unique. Le spectateur voit en effet, en caméra subjective, à travers une multiplicité de regards. Mais ceux-ci ont pour origine le même point de vue : la fenêtre de lappartement de Jeff. Pourtant chaque personnagechaque spectateurne voit pas la même chose.

Homme passif, femme active

James Stewart in Rear Window trailer.jpg

« La division entre spectacle et récit conforte lhomme dans le rôle actif de celui qui fait progresser lhistoire. » La répartition des rôles est, nous lavons vu, très nette au début du film. Lhomme aventurier et la femme top modèle semble accréditer la dichotomie « homme actif/ femme passive » de Laura Mulvey. Nous avons rapidement abordé la nuance apportée par Modleski. Voyons comment le déroulement du film va jouer avec la théorie de Laura Mulvey.

Lhistoire, dun paternalisme classique au début, va en effet se trouver devant un dilemme : lhomme se devant dêtre actif est coincé, la jambe dans le plâtre. Lisa est donc chargée dagir à sa place. La répartition des regards sen trouve dès lors modifiée. Qui sidentifie à qui, qui regarde qui ? Lisa, objet théoriquement du regard scopophilique de Jeff, va mener laction. Nous avons donc, nous spectateurs, tendance à nous identifier à elle. Nous lui portons le même regard narcissique que celui que nous portons sur le héros. Un regard donc double sur Lisa : narcissique et scopophilique.

Jeff, quant à lui, ressent une empathie très forte lorsque Lisa se trouve dans lappartement du meurtrier. Dans le contexte particulier de Fenêtre sur cour, et après avoir noté la métaphore de Jean Douchet, nous pouvons dire que Jeff porte également un regard narcissique sur elle. Dans la position dun spectateur de salle de cinéma, Jeff sidentifie à Lisa. Un précédente scène montrait quil sy identifiait déjà : « Nous allons lui faire peur encore une fois », assure Jeffries à Lisa et Stella réunies à ses côtés. Il ajoute : « Quand je disnous”, cest vous qui prenez les risques ! »

Il avait précédemment nié tout regard scopophilique sur Lisa. Il se moquait de ses robes à 1100 dollars et hésitait à se marier, elle étant « trop parfaite ». Ce nest quen étant elle quil laime. Cest dailleurs au moment il sidentifie à elle quil lui passe symboliquement la bague au doigt ! Elle réussira à se faire épouser. Cest aussi le moment que choisit le meurtrier pour tourner les yeux vers Jeff. Il avait Lisa, il aura celui qui sy identifiait.

Un point de vue, un hors-champ, une intrigue

Communs à tous les personnages sont leur point de vue uniquela fenêtreet ce quils ne voient pas. Limportance de la multiplicité non seulement des regards mais aussi des points de vue est mise en valeur. Car lubiquité nest daucun secours si lon regarde mal ou que lon ne sait pas quoi regarder. De même, la multiplication des regards est inutile sils ciblent tous la même chose.

Jeff avait vu lalliance, non son importance. Lisa et Stella lui apportent un regard nouveau, indiquant la valeur de lobjet : « Il faudrait me couper le doigt pour me la prendre », explique Stella. Lobjet prend un sens différent pour qui le regarde, et devient ou non un indice pour le récit. Le regard de Jeff s'enrichit des autres, jusquà trouver nécessaire celui de Lisa, pour finalement accepter, tout semble lindiquer, de lépouser. Il y a donc une évolution du regard masculin de plus en plus enclin à sintéresser aux autres regards, ici féminins.

Le point de vue, par contre, ne change presque jamais : toujours la même fenêtre de Jeff. La caméra ne veut jamais suivre Lisa ou Stella, de prendre leur point de vue hors de lappartement. Cest sur ce refus que se base toute lhistoire : une multiplication de regards ciblant la même chose, et donc le même hors-champ. Cest ce dernier qui mène indirectement le récit par la volonté des personnages de le connaître. Lhomme na plus la possibilité classique dêtre seul à pouvoir connaître ce que le spectateur ne voit pas, et donc dagir en fonction. Il voit avec les yeux de quelquun dautre, en l'occurrence ici, dune femme.

Un film paternaliste

Nous avons vu comment ce film, dun début très classique, modifie petit à petit la répartition des rôles pour finalement pouvoir être considéré comme émancipateur. Mais en rester serait faire preuve de naïveté. Car ce film na lieu dêtre que dans une société patriarcale. Il se fonde entièrement sur le fait quun homme ne pouvant plus se mouvoir agit via des personnes interposées. Que ce soit des femmes qui agissent explique que le point de vue se borne à rester fixe, fidèle à la répartition classique des genres. Elles ne peuvent quêtre lobjet du regard. Lisa bénéficie, il est vrai, dun regard narcissique, mais cest un regard de pacotille. On ne bénéficie de son point de vue que lorsquil est plus ou moins comparable à celui de Jeff. On ne voit pas avec ses yeux lorsquelle se trouve dans lappartement de Lars Thorwald.

Le point de vue principal reste celui de Jeff. Laura Mulvey avait en partie raison : lhomme reste « le médiateur du regard du spectateur.  » Mais lorsquil ny a plus dhomme pour regarder, sommes-nous condamnés à être aveugles ? Cest sur ce point que Fenêtre sur Cour montre labsurdité du point de vue unique, mais également limportance de cette absurdité pour lintrigue. Car limportant nest pas ce que lon voit, mais ce quon ne voit pas. Lhomme na plus la possibilité classique dêtre seul à pouvoir connaître ce que le spectateur ne voit pas, favorisant lidentification. Il est ici dans la même position que le spectateur : il simagine ce quil va se passer. Cest le propre du suspense.

Fiche technique

Distribution

Autour du film

  • Caméo : à la 25e minute, Hitchcock est visible jouant le rôle d'un personnage qui répare la pendule dans un des appartements faisant face à celui de Jeffries, pendant qu'une personne joue du piano (il s'agit du pianiste et compositeur Ross Bagdasarian).
  • L'artiste Pierre Huyghe a tourné en 1995 un remake de Fenêtre sur cour justement intitulé Remake. Le montage et les dialogues respectent scrupuleusement l'œuvre originale, mais les rôles sont interprétés par des inconnus et l'action est transposée dans un immeuble de la banlieue parisienne.
  • Le clip de la chanson Les voisines du chanteur Renan Luce est un petit remake du film.
  • Dans un épisode des Simpsons, Bart se trouve avec la jambe plâtrée et se met â observer les alentours depuis la fenêtre de sa chambre. Il voit alors son voisin, Ned Flanders tuer sa femme.
  • Dans un épisode de '70s SHOW, Eric se trouve avec la jambe plâtrée. Depuis sa chambre il voit son voisin, Bob Pinciotti tuer sa femme. C'est un épisode spécial halloween.
  • Il est quatorzième dans le classement des meilleurs films de tous les temps sur le site de référence IMDB avec une note de 8,7/10.

Bibliographie

  • Laura Mulvey, “Visual Pleasure and Narrative Cinema”, Screen, 16:3, Autumn 1975, traduction partielle in Ginette Vincendeau et Bérénice Reynaud, « Vingt ans de théories féministes sur le cinéma », Cinémaction, numéro 57, 1993. http://www.panix.com/~squigle/vcs/mulvey-vpnc.html
  • Tania Modleski, Hitchcock et la théorie féministe, Les femmes qui en savaient trop, traduit de laméricain par Noël Burch, Éditions LHarmattan, Paris, 2002. (Première édition en anglais, 1988)
  • Émile Baron, « Regard, féminisme et avant-garde » [Sur Riddles Of The Sphinx de Laura Mulvey et Peter Wollen], Cadrage, Internet, http://www.cadrage.net/dossier/regardfeminisme/regardfeminisme.html, Juin-Juillet 2001.

Liens externes

(fr+en) Fenêtre sur cour sur lInternet Movie Database

  • Portail du cinéma Portail du cinéma
  • Portail des États-Unis Portail des États-Unis
Ce document provient de « Fen%C3%AAtre sur cour ».

Wikimedia Foundation. 2010.

Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Rear Window de Wikipédia en français (auteurs)

Игры ⚽ Нужно решить контрольную?

Regardez d'autres dictionnaires:

  • Rear window — may refer to: *the car glass of an automobile located at the rear *Rear Window, a 1954 film directed by Alfred Hitchcock *Rear Window (1998 film), a remake …   Wikipedia

  • Rear Window — Infobox Film name = Rear Window image size = 215px caption = theatrical poster director = Alfred Hitchcock producer = Alfred Hitchcock (uncredited) writer = Cornell Woolrich (story) John Michael Hayes starring = James Stewart Grace Kelly Wendell… …   Wikipedia

  • Rear Window — Filmdaten Deutscher Titel: Das Fenster zum Hof Originaltitel: Rear Window Produktionsland: USA Erscheinungsjahr: 1954 Länge: 112 Minuten Originalsprache: Englisch …   Deutsch Wikipedia

  • rear window — The central window at the rear of a vehicle. Although the American term is backlight, most Americans still call it the rear window or back window. Also see heated rear window …   Dictionary of automotive terms

  • Rear Window Captioning System — The Rear Window captioning system (RWC) is a method for presenting, through captions, a transcript of the audio portion of a film in theatres for deaf and hard of hearing people. The system was co developed by WGBH and Rufus Butler Seder.On the… …   Wikipedia

  • Rear Window (1998 film) — Infobox Film name = Rear Window image size = 150px caption = Videotape cover director = Jeff Bleckner producer = Christopher Reeve Jeff Bleckner writer = Larry Gross Eric Overmyer starring = Christopher Reeve Daryl Hannah Robert Forster music =… …   Wikipedia

  • Rear Window Captioning — Sous titrage par rétroviseur Le sous titrage par rétroviseur est un système équipant certaines salles de cinéma, et qui consiste à retranscrire sous forme textuelle la bande son du film projeté, afin de le rendre accessible aux spectateurs… …   Wikipédia en Français

  • Rear Window Captioning System — Sous titrage par rétroviseur Le sous titrage par rétroviseur est un système équipant certaines salles de cinéma, et qui consiste à retranscrire sous forme textuelle la bande son du film projeté, afin de le rendre accessible aux spectateurs… …   Wikipédia en Français

  • Rear window captioning — Sous titrage par rétroviseur Le sous titrage par rétroviseur est un système équipant certaines salles de cinéma, et qui consiste à retranscrire sous forme textuelle la bande son du film projeté, afin de le rendre accessible aux spectateurs… …   Wikipédia en Français

  • Rear window captioning system — Sous titrage par rétroviseur Le sous titrage par rétroviseur est un système équipant certaines salles de cinéma, et qui consiste à retranscrire sous forme textuelle la bande son du film projeté, afin de le rendre accessible aux spectateurs… …   Wikipédia en Français

Share the article and excerpts

Direct link
https://fr-academic.com/dic.nsf/frwiki/1415908 Do a right-click on the link above
and select “Copy Link”