- Quatrain
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Un quatrain est une strophe de 4 vers, qui peut être soit 1 poème indépendant, soit une strophe d'un poème plus long. Le quatrain se prête à de très nombreuses combinaisons en jouant sur les mètres et sur les rimes, ce qu’ont su exploiter tous les poètes. En témoigne Verlaine dans Les Fêtes galantes où nous prendrons de nombreux exemples, les textes complets étant commodément disponibles dans Wikisource : voir Fêtes galantes.
Sommaire
Combinaisons métriques
Les quatrains isométriques (un seul type de vers)
- Alexandrins (vers de 12 syllabes) :
- « Le soir tombait, un soir équivoque d'automne :
- Les belles, se pendant rêveuses à nos bras,
- Dirent alors des mots si spécieux, tout bas,
- Que notre âme, depuis ce temps, tremble et s'étonne. » Les ingénus – Verlaine, Les fêtes galantes
- Décasyllabes (vers de 10 syllabes) :
- « Votre âme est un paysage choisi
- Que vont charmant masques et bergamasques
- Jouant du luth et dansant et quasi
- Tristes sous leurs déguisements fantasques. » Clair de lune– Verlaine, Les fêtes galantes
- Octosyllabes (vers de 8 syllabes) :
- « Un singe en veste de brocart
- Trotte et gambade devant elle
- Qui froisse un mouchoir de dentelle
- Dans sa main gantée avec art, » – Cortège- Verlaine, Les fêtes galantes
- Heptasyllabes (vers impair de 7 syllabes) :
- « Et quand, solennel, le soir
- Des chênes noirs tombera,
- Voix de notre désespoir,
- Le rossignol chantera. » En sourdine – Verlaine, Les fêtes galantes
- Pentasyllabes (vers impair de 5 syllabes) :
- « Elle est retrouvée.
- Quoi ? - L'Éternité.
- C'est la mer allée
- Avec le soleil. » L’éternité (Rimbaud)
- et d’autres encore, pairs ou impairs : tétrasyllabes à 4 syllabes (Charleroi - Verlaine, Romances sans paroles) / 9 syllabes (Art poétique Verlaine, Jadis et naguère)…..
Les quatrains hétérométriques
Les combinaisons sont extrêmement variées, en voici quelques unes :
- 8/8/12/8 syllabes :
- « Là ! Je me tue à vos genoux !
- Car ma détresse est infinie,
- Et la tigresse épouvantable d'Hyrcanie
- Est une agnelle au prix de vous. » Dans la grotte- Verlaine, Les fêtes galantes
- 6/6/6/4 syllabes :
- « Puisque ta voix, étrange
- Vision qui dérange
- Et trouble l'horizon
- De ma raison. » A Clymène – Verlaine, Les fêtes galantes
- 12/12/12/6 syllabes :
- « Un soir, t'en souvient-il ? nous voguions en silence,
- On n'entendait au loin, sur l'onde et sous les cieux,
- Que le bruit des rameurs qui frappaient en cadence
- Tes flots harmonieux. » Le lac (Lamartine)
- 12/6/12/6 syllabes :
- 6/6/2/6 syllabes :
- « C'était, dans la nuit brune,
- Sur le clocher jauni,
- La lune
- Comme un point sur un i. » Ballade à la lune (Musset)
- 12/3 syllabes :
- « Et, peut-être, en ta terre où brille l’espérance,
- Pur flambeau,
- Pour prix de mon exil, tu m’accorderas, France,
- Un tombeau. » Au moment de rentrer en France (Hugo, Les Châtiments Au moment de rentrer en France (31 août 1870))
- vers libres :
- « Je fis un feu, l'azur m'ayant abandonné,
- Un feu pour être son ami,
- Un feu pour m'introduire dans la nuit d'hiver,
- Un feu pour vivre mieux. » Pour vivre ici (Eluard)
- et d’autres encore...
Combinaisons des rimes
Genre des rimes
- alternance classique rime masculine/rime féminine :
- « Un vieux faune de terre cuite
- Rit au centre des boulingrins,
- Présageant sans doute une suite
- Mauvaise à ces instants sereins » : Le faune (Verlaine, Les fêtes galantes)
- rimes uniquement masculines :
- « Calmes dans le demi-jour
- Que les branches hautes font,
- Pénétrons bien notre amour
- De ce silence profond. » En sourdine (Verlaine, Les fêtes galantes)
- rimes uniquement féminines :
- « Les donneurs de sérénades
- Et les belles écouteuses
- Échangent des propos fades
- Sous les ramures chanteuses. » Mandoline (Verlaine, Les fêtes galantes)
- rimes uniquement masculines ou féminines avec alternance strophique :
- « Le vent de l'autre nuit a jeté bas l'Amour
- Qui, dans le coin le plus mystérieux du parc,
- Souriait en bandant malignement son arc,
- Et dont l'aspect nous fit tant songer tout un jour !
- Le vent de l'autre nuit l'a jeté bas ! Le marbre
- Au souffle du matin tournoie, épars. C'est triste
- De voir le piédestal, où le nom de l'artiste
- Se lit péniblement parmi l'ombre d'un arbre. »(…) L’amour par terre (Verlaine, Les fêtes galantes) (strophe 1 masculine / strophe 2 féminine)
Disposition des rimes
- rimes plates (A/A masc. – B/B féminine) :
- « Mystiques barcarolles,
- Romances sans paroles,
- Chère, puisque tes yeux,
- Couleur des cieux, » A Clymène (Verlaine, Les fêtes galantes)
- rimes croisées : (A masc./B fém./A/B) :
- « Votre âme est un paysage choisi
- Que vont charmant masques et bergamasques
- Jouant du luth et dansant et quasi
- Tristes sous leurs déguisements fantasques. » Clair de lune (Verlaine, Les fêtes galantes)
- rimes embrassées (A masc./B fém./B/A) :
- « Les hauts talons luttaient avec les longues jupes,
- En sorte que, selon le terrain et le vent,
- Parfois luisaient des bas de jambes, trop souvent
- Interceptés ! - et nous aimions ce jeu de dupes. » Les Ingénus (Verlaine, Les fêtes galantes)
Utilisation dans différents types de poème
Quatrain isolé
Le quatrain peut être utilisé seul : il constitue alors un petit poème complet comme l’illustrent de nombreux exemples depuis le Moyen Âge. En voici quelques uns :
- Plaisant et désabusé chez François Villon :
- « Je suis François, dont il me poise
- Né de Paris emprès Pontoise
- Et de la corde d'une toise
- Saura mon col que mon cul poise »
- Mystérieux chez Nostradamus dans ses Centuries :
- « Le lyon ieune le vieux surmontera,
- En champ bellique par singulier duelle:
- Dans cage d'or les yeux luy creuera,
- Deux classes vne, puis mourir, mort cruelle. » (I, 35)
- En forme d’épigramme chez Voltaire :
- « L'autre jour au fond d'un vallon,
- Un serpent piqua Jean Fréron ;
- Que croyez-vous qu'il arriva ?
- Ce fut le serpent qui creva. »
- « A motif que sa flûte file
- Le Faune heureux le dédia
- Sur hollande au bibliophile
- Et haut rimeur Hérédia. »
- En contrerime, formalisée et baptisée par Paul-Jean Toulet: quatrain combinant rimes embrassées (ABBA) et structure métrique croisée (généralement 8-6-8-6), ce qui donne au poème une impression de déséquilibre systématique. Les poèmes du recueil comportent 2,3 ou 4 strophes ; une seule fois le quatrain est autonome (Contrerime LXII) :
- « Me rendras-tu, rivage basque,
- Avec l’heur envolé
- Et tes danses dans l’air salé,
- Deux yeux, clairs sous le masque. »
- suggestif chez Prévert :
- « Un cheval s’écroule au milieu d’une allée
- Les feuilles tombent sur lui
- Notre amour frissonne
- Et le soleil aussi » (‘’Paroles’’ - ‘’L’automne’’) …
Dans des poèmes courts
Il est très utilisé dans des poèmes plutôt courts, de 8 à 20 vers, avec une certaine préférence pour le poème de 4 quatrains (proche visuellement du sonnet sans ses contraintes) comme "L'albatros" de Baudelaire ou « Elle était déchaussée, elle était décoiffée » de Hugo (‘’Les contemplations’’ ).
Dans des poèmes longs
- Le quatrain se présente souvent dans de longs poèmes isostrophiques (uniquement des quatrains) :
exemples : ‘’Booz endormi’’ – Victor Hugo (‘’La légende des siècles’’ La Légende des siècles - I. D'Ève à Jésus : VI BOOZ ENDORMI)
« Booz s'était couché de fatigue accablé ;Il avait tout le jour travaillé dans son aire ;
Puis avait fait son lit à sa place ordinaire ;
Booz dormait auprès des boisseaux pleins de blé. »
Autres exemples célèbres :- Le bateau ivre - Rimbaud Le Bateau ivre
- Liberté – Eluard
- Je vous salue ma France – Louis Aragon …
- Remarque : on trouve parfois l’association de quatrains isométriques et hétérométriques.
Exemples : A Villequier (Hugo -Les contemplations A Villequier) / Le lac (Lamartine – Méditations poétiques Le Lac).
- On le trouve plus rarement dans de longs poèmes hétérostrophiques.
exemple : l'association quatrain et quintil chez Péguy dans Présentation de la Beauce à Notre dame de Chartres :
« Tour de David, voici votre tour beauceronne.C'est l'épi le plus dur qui soit jamais monté
Vers un ciel de clémence et de sérénité,
Et le plus beau fleuron dedans votre couronne.
Un homme de chez nous a fait ici jaillir,Depuis le ras du sol jusqu'au pied de la croix
Plus haut que tous les saints,
plus haut que tous les rois,
La flèche irréprochable et qui ne peut faillir... »
Utilisation dans des poèmes à forme fixe
- dans le rondeau (première strophe) :
« Le temps a laissé son manteau
De vent, de froidure et de pluie,
Et s'est vêtu de broderies,
De soleil luisant, clair et beau. » Charles d'Orléans
« Prince, n'enquerrez de semaine
Où elles sont, ni de cet an,
Que ce refrain ne vous remaine :
Mais où sont les neiges d'antan ? » (Villon – Ballade des dames du temps jadis Le Grand Testament#BALLADE DES DAMES DU TEMPS JADIS)
- comme strophe régulière dans le pantoum :
« Voici venir les temps où vibrant sur sa tige
Chaque fleur s'évapore ainsi qu'un encensoir;
Les sons et les parfums tournent dans l'air du soir,
Valse mélancolique et langoureux vertige! » (Harmonie du soir - Charles Baudelaire Harmonie du soir)
« Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage,
Ou comme cestuy-là qui conquit la toison,
Et puis est retourné, plein d'usage et raison,
Vivre entre ses parents le reste de son âge !
Quand reverrai-je, hélas, de mon petit villageFumer la cheminée, et en quelle saison
Reverrai-je le clos de ma pauvre maison,
Qui m'est une province, et beaucoup davantage ? » (Heureux qui comme Ulysse – Du Bellay Les Regrets, sonnet 31 Les Regrets#31)
Bilan
Le quatrain se révèle d’un emploi extrêmement varié tout au long de l’histoire littéraire malgré son apparente simplicité, ce qui fait de lui la strophe de base de la poésie française.
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