Quasicristal

Quasicristal

Quasi-cristal

Un quasi-cristal est un solide qui possède un spectre de diffraction essentiellement discret (comme les cristaux classiques) mais dont la structure n'est pas périodique (alors que les cristaux classiques sont périodiques).

Découverts en 1982, les quasi-cristaux ont mis fin à une certitude qui durait depuis deux siècles, restreignant la notion d'ordre à celle de périodicité. En 1992, l'Union internationale de cristallographie a modifié la définition d'un cristal pour englober celle d'un quasi-cristal, en ne retenant que le critère de diffraction essentiellement discrète[1].

Sommaire

Découverte

Diagramme de diffraction d'un quasicristal, montrant une symétrie d'ordre 5

Physiquement, la figure de diffraction d'un matériau est un moyen relativement simple d'accéder à des informations sur la structure de ce matériau. En particulier, la présence de pics de Bragg dans une figure de diffraction (on parle aussi de figure de diffraction discrète) indique que le matériau a une structure fortement ordonné.

En particulier, les cristaux, jusqu'à encore récemment définis comme des structures périodiques (c'est-à-dire telles que les positions des atomes se répètent de la même manière dans tout le matériau), ont des figures de diffraction discrètes. Réciproquement, il a longtemps été implicite qu'un matériau dont la figure de diffraction est discrète était nécessairement périodique, c'est-à-dire que c'était un cristal. On montre que ceci équivaut à dire que sa figure de diffraction ne peut admettre que des symétries d'ordre 2, 3, 4 ou 6, ce qui est connu sous le terme de restriction cristallographique[2].

Cette certitude selon laquelle seule une structure périodique pouvait avoir une figure de diffraction discrète fut ébranlée en 1982, lorsque le chercheur D. Shechtman et ses collègues, alors qu'ils travaillaient sur un alliage d'aluminium et de manganèse rapidement solidifié, observèrent une figure de diffraction discrète ayant indiscutablement une symétrie d'ordre cinq, ce qui était incompatible avec la restriction cristallographique énoncée ci-dessus[3].

Par la suite, l'expérience de Shechtman fut facilement reproduite à travers divers laboratoires dans le monde, et de nombreuses autres symétries "interdites" (c'est-à-dire incompatible avec une structure périodique) furent également observées, condamnant définitivement la restriction cristallographique. Le terme de quasi-cristal s'imposa progressivement pour désigner ces matériaux qui, bien que non périodiques (donc pas des cristaux au sens classique du terme), diffractaient comme des cristaux (c'est-à-dire en formant des pics de Bragg)[4]. En 1992, l'Union internationale de cristallographie a modifié la définition d'un cristal pour englober les quasi-cristaux.

En outre, le premier quasicristal "naturel" (non synthéthisé en laboratoire) a récemment été découvert en 2009 dans des échantillons provenant des montagnes de Koriakie (Russie)[5].

Modélisation mathématique

La structure des quasi-cristaux fut rapidement rapprochée de travaux mathématiques antérieurs, comme ceux de H. Bohr et A. Besicovic sur les fonctions presque-périodiques datant des années 1930, et surtout ceux sur les pavages non périodiques, comme par exemple le pavage de Penrose découvert en 1974.

L'année 1985 est marquée par le travail fondamental de A. Katz et M. Duneau, à l'école Polytechnique, sur la description de quasi-cristaux par la méthode de coupe et projection : des structures apériodiques présentant des figures de diffraction discrètes peuvent en effet être obtenues en sélectionnant dans un espace de grande dimension les points entiers contenus dans une fine "tranche" de pente irrationnelle, puis en projetant ces points dans l'espace "observable" (au plus tridimensionnel)[6].

Coupe irrationnelle du plan et projection sur une droite : on obtient une séquence apériodique.

Par exemple, en sélectionnant les points entiers du plan qui sont entre deux droites parallèles de pente irrationnelle et en projetant orthogonalement ces points sur une de ces deux droites, cette droite est découpée en segments "courts" ou "longs" qui alternent de façon non périodique (mais régulière !). Lorsque la pente est égale à l'inverse du nombre d'or, on obtient la séquence dite de Fibonacci.

Croissance et stabilité

Les principales interrogations restent liées à l'origine de la stabilité de ces structures et de leur mode de croissance. Pensez par exemple que pour assembler un pavage de Penrose en ajoutant tuile à tuile, il est nécessaire de connaître la configuration de l'ensemble du pavage pour ne pas se planter... quel démon "shechtmannien" y a-t-il derrière ?

Propriétés physiques

Notons pour finir que l'étude des quasi-cristaux s'étend sur tous les domaines de la physique tant le caractère atypique de ces structures a une large incidence sur ses différentes propriétés physiques. On peut citer en particulier ses qualités d'isolant thermique et électrique bien que ce soit des alliages métalliques. Du point de vue de ses propriétés mécaniques, ils sont extrêmement fragiles et durs. Ceci leur confère d'excellentes qualités tribologiques, c'est-à-dire d'usure aux frottements. Ainsi on peut les imaginer rentrant dans la composition de certains revêtements (ce qui a été réalisé dans le cas d'une poêle anti-adhésive) ou en tant qu'isolant thermique.

Notes et références

  1. On continue cependant à utiliser le terme de quasi-cristal pour distinguer les cristaux à structures apériodiques des cristaux périodiques "classiques".
  2. En modélisant une structure périodique plane par le réseau formé par les positions des atomes, on peut exprimer matriciellement sa symétrie d'ordre n : le réseau doit être stable sous l'action d'une matrice de rotation d'angle 2π / n. Dans une base adaptée au réseau, cette matrice est entière, et donc sa trace aussi. Comme cette trace vaut 2cos(2π / n) (dans toute base), ce sont les propriétés de la fonction trigonométrique cosinus qui assurent que n vaut forcément 1, 2, 3, 4 ou 6.
  3. D. Shechtman, I. Blech, D. Gratias, and J. W. Cahn, Metallic Phase with Long-Range Orientational Order and No Translational Symmetry, Phys. Rev. Lett. 53, 1951-1953 (1984)
  4. D. Levine and P.J. Steinhardt, "Quasicrystals: A New Class of Ordered Structures," Phys. Rev. Lett. 53 (1984) 2477 - 2480
  5. Bindi L, Steinhardt PJ, Nan Yao, Lu PJ, Natural quasicrystals, Science, 2009;324:1306-1309
  6. Katz A., Duneau M., Quasiperiodic patterns, Phys. Rev. Lett. 54, 2688 - 2691 (1985)

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • (en) B. Grünbaum, M. Shephard, Tilings and Patterns, 1986.
  • (en) D. P. DiVincenzo et P. J. Steinhardt (Eds.) Quasicrystals: The State of the Art, World Scientific, 1991.
  • (en) C. Janot, Quasicrystals. A primer, seconde édition, Oxford University Press, 1992.
  • (en) M. Senechal, Quasicrystals and Geometry, Cambridge University Press, 1995.
  • (en) Moody, R.V. (Ed.) The mathematics of long range aperiodic order, Proc. of the NATO Advanced Study Institute, 1997.
  • (en) J. Patera, Quasicrystals and Discrete Geometry, American Mathematical Society, 1998.
  • (en) M. Baake et R; V; Moody (Eds.), Directions in Mathematical Quasicrystals, American Mathematical Society, 2001.
  • (en) Hans-Rainer Trebin (Ed.), Quasicrystals: Structure and Physical Properties, Wiley-VCH, 2003.
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