Art poetique

Art poetique

Art poétique

L'art poétique est en général un ensemble de règles dont la finalité serait de produire la beauté, dans une œuvre d'art, principalement dans les ouvrages littéraires. On appelle également, par métonymie, les ouvrages formulant de tels ensembles de règles des arts poétiques. L'Art poétique d'Horace et L'Art poétique de Boileau, sont de célèbres exemples d'arts poétiques.

Sommaire

Histoire des arts poétiques

Du Moyen Âge à l'époque dite « classique », la poésie a toujours été soumise à un art de dire qui avait pour objet de trouver le beau mesuré selon la rigueur de la soumission à la règle poétique, mais aussi à la règle sociale. C'est la grande époque des arts poétiques. Le poète fut tour à tour le protégé du seigneur, du prince ou du roi.

Au XVIIIe siècle, l'art poétique (ensemble de règles concrètes et rationnelles devant régir la production artistique) est concurrencé par les réflexions sur l'esthétique (en tant que théorie générale des beaux-arts et de la perception de la beauté). Cette mutation se fait sous l'influence d'un changement de perspective dans la réflexion sur les arts qui, au lieu de se concentrer sur la production (et éventuellement le jugement) des œuvres, en considère également la réception par un être humain doué autant de rationalité que de sensibilité.[1] L'abbé Jean-Baptiste Dubos, avec ses Réflexions critiques sur la peinture et la poésie de 1719 est un représentant de cette tendance. L'abbé Charles Batteux est l'auteur d'un traité sur Les Beaux-arts réduits à un même principe, de 1746, qui définit comme principe commun à tous les beaux-arts l'imitation de la belle nature, mais concède à chaque art des moyens spécifiques d'imiter. Cependant, l'intérêt pour les arts poétiques de l'âge classique persiste, même s'il doit être considéré comme quelque peu retardataire. Cela se manifeste par exemple dans ce que Géraud Valet de Réganhac publia une traduction en prose et en vers français de l'Art poétique d'Horace et dans la traduction et publication, par l'abbé Charles Batteux, d'un ensemble de quatre poétiques classiques : Les Quatre Poétiques d'Aristote, d'Horace, de Vida, de Despréaux (1771).[2] La publication de L'Essai sur le récit, en 1776, de Bérardier de Bataut relève de ce même intérêt tardif pour les poétiques classiques.

Les bouleversements politiques et sociaux qui eurent lieu à la fin du XVIIIe siècle et tout au long du XIXe siècle, l'avènement de la société industrielle ont suscité une mise en question radicale de l'homme, qui éprouva soudain un doute vis-à-vis du monde et de lui-même. Le principe de l'unité éclata et la poésie rendit compte de cet éclatement. Les romantiques ont lancé le premier cri d'alarme pour dénoncer la contrainte d'un art qui ne pouvait plus satisfaire l'expression de la multiplicité des apparences découvertes. Mais ils restèrent encore soumis à la loi du vers, au régime du genre.

Dans la seconde partie du XIXe siècle, un phénomène nouveau se fait jour: le vers régulier disparaît. Lautréamont donne une œuvre inclassable qu'il intitule Chants. Rimbaud écrit une série de textes qu'il rassemble sous le titre de Une saison en enfer. C'est tout à la fois un poème, une confession, une contestation, une réflexion, une critique. Désormais, les poètes ne recherchent plus les thèmes dits « poétiques » (l'amour, la mer, la mort, etc.) ou bien encore à correspondre à une règle formelle. « Il faut être absolument moderne », déclare Rimbaud.

Un demi-siècle plus tôt, Charles Baudelaire réfléchit déjà sur cet art poétique nouveau, dont il sera l'un des premiers théoriciens: « La modernité c'est le transitoire, le fugitif, le contingent (...) ». C'est le quotidien transfiguré par le regard ou pris tel quel dans un discours qui ferait « éclater le discours ordinaire » (Jean-Claude Renard). D'une part, le laid peut être beau et tout devient passible de poésie. D'autre part, le poète n'est plus rivé au savoir-faire; il est tout à la fois producteur et produit du monde qui l'entoure. « Écrire, c'est plus que connaître analytiquement : c'est refaire » (Francis Ponge). L'écrivain va donc chercher à s'approprier de nouvelles techniques. Rimbaud veut « inventer [...] de nouvelles langues ». Lautréamont est à la recherche d'une « poétique future ». C'est ainsi que le langage devient une arme. Le poète s'efforce de trouver un « langage qui coupe la respiration, qui racle, raille, tranche. Une armée de sabres. Un langage de lames exactes [...] poignards infatigables, éclatants, méthodiques » (Octavio Paz). Pour l'acquérir, il reconsidère en premier lieu les mots. Il ne peut, en effet, promouvoir un monde nouveau avec des mots usés qui ont perdu toute signification. Le sens premier de ces mots doit être retrouvé pour produire ce que Pierre Reverdy appelle « un effet effervescent », provoquant sur le lecteur un choc. Le poète doit oublier le sens commun déformé par l'usage pour retrouver celui qui s'écarte le moins possible de ce qu'il nomme.

Ferenc Rákóczy, annulant momentanément cette tension qui est à la base de tout acte d'écriture, préfère postuler une fragile équivalence entre le réel et le langage: « Les mots, ces pierres vivantes nouées comme une conjuration au tréfonds de notre commune humanité. Sorties de la racine du monde, rendues à la glèbe du monde. »[3] Car, pour cet auteur contemporain qui se réclame ouvertement du cratylisme, il ne saurait y avoir de différence entre la vie vécue et la vie du poème, l'une se prolongeant et s'accomplissant simplement dans l'autre. Au point qu'il fait même dire à l'un de ses aphorismes: « Le poète dépend du monde comme la fleur de sa tige. Il passe sa vie à chercher l'équilibre, à répartir son poids, et c'est de cet exercice de jongleur que naissent les images, ces passerelles amovibles jetées au-dessus de l'abîme. » Poussée à l'extrême, cette posture amène tout naturellement à mettre sur un même plan l'action et la parole, ce qui est bien l'esprit de la poésie engagée.

Pourtant, il est sûr, comme le dit Georges Ribemont-Dessaignes, qu'« on ne mange pas le mot pain, qu'on ne boit pas le mot vin ». Le mot ne devient ce qu'il nomme qu'au prix d'un pari incroyable que le poète s'efforce de tenir à tout instant: « Confondons, confondons sans vergogne la Seine et le livre qu'elle doit devenir » (Francis Ponge). L'échec semble alors le lot du poète: « Ce n'est pas sous cette forme-là que je pouvais dire ce que je croyais avoir à dire, ce que j'aurais tant aimé dire; sous cette forme-là, je ne pouvais dire que ce que je n'avais pas à dire, que j'aurais tant aimé ne jamais dire » (Reverdy).

Vers les images

Mais le poète n'est pas toujours attaché à la difficulté d'écrire. Il la résout dans l'oubli des mots, qui alors se forment et s'assemblent d'eux-mêmes ; ils produisent des images dans lesquelles ils proposent une réalité jamais vue, toutes les combinaisons étant possibles depuis que Lautréamont a pu dire: « Beau comme [...] la rencontre fortuite, sur une table de dissection d'une machine à coudre et d'un parapluie.» Dans l'image, il n'est plus de contraintes ; la liberté peut s'exercer sans entraves.

L'efficacité de l'image surréaliste tient dans son extrême concentration, dans l'exactitude de sa forme.

« L'image réconcilie les contraires, mais cette réconciliation ne peut être expliquée par des mots - sinon ceux de l'image, qui ont cessé d'être des mots. L'image est ainsi un recours désespéré contre le silence qui nous envahit chaque fois que nous tentons d'exprimer la terrible expérience de ce qui nous entoure et de nous-mêmes (…) Tel est le sens ultime de l'image : elle-même » (Octavio Paz).

Pour André Breton, l'écriture automatique (dictée intérieure, automatisme de l'inconscient) reste une exigence : elle doit fonctionner comme machine de guerre contre l'esthétique bourgeoise, contre le travail volontaire et réglé du poète. Au cours de l'évolution historique du mouvement surréaliste, certains (Louis Aragon, Paul Éluard), nostalgiques des formes traditionnelles du travail poétique, se sont écartés de la pratique stricte de l'écriture automatique.

Dans le monde occidental, l'art poétique a connu une évolution semblable à celle de la peinture. Jusqu'au XIXe siècle, la fonction de la peinture était principalement de représenter le monde, en conformité avec la théorie de la mimésis, inspirée d'Aristote. L'invention de la photographie a retiré à la peinture son rôle utilitaire. Les peintres abandonnent alors peu à peu la référence à une réalité extérieure : les impressionnistes décomposent la lumière ; les cubistes déconstruisent l'espace ; les abstraits représentent l'acte même de peindre, faisant de la peinture le seul sujet. Ainsi de la poésie : à l'époque romantique, elle cesse peu à peu de chercher son but ailleurs qu'en elle-même jusqu'à devenir « poésie pure ». Dès lors, elle n'a plus d'autre visée que celle de constituer un langage poétique. Paul Valéry, en commentant le travail de Stéphane Mallarmé, explique cette évolution : « Il avait compris de fort bonne heure que le Fait poétique n'est autre que le langage même, et se confond avec lui …» (Variété)

Types poétiques

  • acrostiche : Petite poésie où chaque vers commence par une des lettres du nom de la personne à laquelle on la destine(parfois aussi du sujet de la poésie)
  • Alexandrin (forme du vers)
  • Ballade : Poème de 28 ou 35 vers, composé de 3 grandes strophes égales et symétriques (huitain ou dizains) et d'une quatrième plus courte (quatrain ou quintil) qui sert de dédicace, d'où son nom d'"envoi" et son début habituel "prince..."; les strophes ou couplet
  • Fu : Type de poème chinois
  • Haïku : 17 syllabes, Japon
  • Limerick, forme de poème anglais
  • Pantoum
  • Senryū : 17 syllabes, Japon
  • Sonnet
  • sonnet reflété

Bibliographie

  • J.-M. Gleize, La poésie. Textes critiques : XIVe-XXe siècles, Paris, Larousse, 1995 (Textes essentiels), (ISBN 2-03-741020-4).
  • Giorgio Agamben, "Stanze", Rivages, Poche, 1998.
  • Nathalie Kremer, Préliminaires à la théorie de l'esthétique du XVIIIe siècle, Paris, Kimé, collection Esthétique, 2008.

Notes et références

  1. Pour une bonne introduction à ces questions, voir Nathalie Kremer, Préliminaires à la théorie de l'esthétique du XVIIIe siècle, Paris : Kimé, collection "Esthétique", 2008.
  2. Voir également Nathalie Kremer, Préliminaires à la théorie de l'esthétique du XVIIIe siècle, Paris : Kimé, collection "Esthétique", 2008.
  3. In Dans la noix du monde, éditions L'Âge d'Homme, Lausanne, 2008.

Voir aussi

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