- Premiers Israélites (archéologie)
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Données archéologiques sur les premiers Israélites
Vocabulaire en usage : premiers Israélites, proto-Israélites, Hébreux, Yehoudim, Judéens, Juifs
L'archéologie actuelle est une discipline scientifique qui permet, par l'étude du terrain, de rassembler des données et des dates : par rapport à la Bible, elle ne concerne que le contexte, absolument pas le texte. Le mot Hébreux appartient au texte biblique, il ne fait pas partie du vocabulaire des archéologues actuels, il appartient au domaine de l'exégèse. En archéologie, on désigne par premiers Israélites, ou plus rarement par proto-Israélites la population nommée Israël sur la stèle de Mérenptah. Il serait autant incongru de parler d'Hébreux, au sujet de cette population, que de parler de proto-Israélites à l'intérieur d'un texte d'exégèse biblique. Après l'exil à Babylone, Juda devient une province de l'Empire perse, Yehoud : la Judée. Les Israélites sont désormais appelés Yehoudim, les Judéens, ou Juifs. Le terme Palestine, en archéologie, désigne la région, indépendamment de l'époque.
Données archéologiques sur les premiers Israélites en terre de Palestine
Les prospections archéologiques menées depuis 1990 sur les hautes terres de Canaan (vers Béthel et Silo) ont permis d'établir la présence, à partir de -1200, de petites communautés de nomades qui se sédentarisent, probablement pour cultiver leurs céréales. Dès le début, le développement est beaucoup plus rapide dans la moitié nord, plus arrosée et traversée par les voies de communication, que dans la moitié sud, sèche et peu accessible. Les premiers Israélites sont d'origine indigène, ce sont des Cananéens[1] (voir les remarques de Pierre de Miroschedji à ce sujet[2]). Une chose les distingue toutefois : contrairement à leurs voisins, les premiers Israélites n'élèvent pas de porc et ne mangent pas de viande de porc, ce qui permet à l'archéologie de les suivre à la trace, par l'analyse des déchets (os). La forme ovale des installations est très caractéristique[3].
L’archéologue israélien Israël Finkelstein, directeur de l’Institut d’Archéologie de l’Université de Tel-Aviv, coresponsable du chantier de fouilles de Megiddo, est l’un des découvreurs. C’est une méthode statistique qui a permis cette découverte : toute une équipe a effectué un ramassage de tous les débris de matériaux liés à la présence d’une vie[1], lors d’un ratissage systématique de toute la région des hautes terres, à partir de 1990. Chaque débris, daté, a fourni un point sur la carte correspondant à cette date. L’ensemble de toutes ces cartes a, par l’accumulation des résultats, permis de localiser petit à petit les premières présences de vie sur les hautes terres. Des fouilles locales ont, finalement, permis de mettre au jour les murs des enclos, les restes des habitations et des citernes creusées dans le roc, sur le site de Silo[2]. Vers -1000, on estime la population à 40 000 habitants répartis sur 230 sites dans la moitié nord, pour 5 000 habitants répartis sur vingt sites dans la moitié sud. Ces chiffres, très faibles, démontrent l’impressionnant progrès des méthodes d’investigation de l’archéologie aujourd’hui : une telle découverte eût été impossible quelques décennies auparavant. Ils démontrent aussi la portée du résultat négatif des fouilles dans le désert, sur l’itinéraire supposé de la fuite d’Égypte (voir ci-après). L’étude fine de la croissance de cette population au cours du temps démontre que celle-ci est très régulière, ce qui exclut totalement la possibilité d’une arrivée massive à un moment donné, en provenance d’une autre contrée (notamment, aucune arrivée significative en provenance d’Égypte ne s’est donc produite). On observe bien, cependant, un mouvement massif de population d'Israélites, mais beaucoup plus tard, lors de l'invasion du royaume d'Israël (partie nord) par l'Assyrie (-720) : ce mouvement se traduit par une foudroyante croissance de Jérusalem.
L’archéologue Pierre de Miroschedji signe, en tant que Directeur de Recherche au CNRS et en tant que directeur du Centre de Recherche Français de Jérusalem (équipe CNRS d'une vingtaine de personnes), un article dans la revue La Recherche (voir bibliographie), dans lequel il fait le point sur l’état des connaissances aujourd’hui et sur leur degré de fiabilité (consensus ou pas de la communauté des chercheurs sur le terrain). Il rappelle les mésaventures de ce qu’on a appelé l’"Archéologie biblique"[4] et, en particulier, la certitude, une par une, que les villes de la conquête militaire de Canaan n’ont jamais été conquises par les Hébreux[2]. Les destructions constatées signent ce qu’on appelle un “effondrement systémique”, celui d’ailleurs qui a conduit les premiers Israélites à se sédentariser sur la région la plus à l’écart de grandes perturbations qui l’ont accompagné. Pierre de Miroschedji écrit :
« D’une façon générale, aucun archéologue sérieux ne croit plus aujourd’hui que les événements rapportés dans le livre de Josué ont un fondement historique précis. Des prospections archéologiques, au début des années 1990, en particulier, ont révélé que la culture israélite a émergé dans les collines du centre du pays, en continuité avec la culture cananéenne de l’époque précédente[2]. »Il souligne néanmoins que l’on peut tout à fait, en archéologie, se tourner vers le texte biblique et, après l’avoir soumis à la critique, voir quelle part d’information on peut en tirer.
Données archéologiques sur les premiers Israélites en terre d'Égypte
Nous n'avons aucune trace d'une communauté Israélite en Égypte antérieurement à l'exil babylonien. La première trace archéologique d'une communauté judéenne en Égypte est très tardive, elle se situe dans l'île d'Éléphantine sous la domination Perse. Cette communauté est très bien documentée grâce aux nombreux papyrus araméens qui ont été trouvés à Éléphantine (voir Données archéologiques sur la communauté juive d'Éléphantine et -410).
Il n'existe aucune trace des Hébreux de la Bible dans l'archéologie égyptienne. Aucune trace archéologique ne permet d'affirmer que les Hébreux aient été esclaves en Égypte, ni qu'ils aient massivement quitté l'Égypte en traversant le Sinaï. Au contraire, les fouilles en Égypte montrent que l'esclavage n'existait pas : les ouvriers de Deir el-Médineh, bâtisseurs de la vallée des rois n'étaient pas des esclaves, mais des petits fonctionnaires bénéficiant d'un logement individuel. Les 20 000 ouvriers bâtisseurs de la pyramide de Khéphren n'avaient rien d'esclaves et étaient bien traités. Le dessin relevés par Champollion dans la tombe de Rekhmirê montre déjà[5] que les travaux de construction sont faits par des ouvriers et que les travailleurs sémites, lorsqu'il y en a (attention, il ne s'agit pas alors d'Hébreux mais de Sémites), sont traités sur un pied d'égalité. Christiane Desroches Noblecourt, médaille d'or du CNRS, souligne ce point depuis l'exposition Toutânkhamon dont elle était l'organisatrice, à Paris en 1967, sans parvenir à le faire prendre en compte par le grand public.
La stèle du pharaon Mérenptah, datée de -1207, nomme le pays de Canaan et la population nommée Israël parmi les vaincus. C'est l'unique fois que ce nom apparaît en Égypte à cette époque. L'inscription précise, par le déterminatif, que cette population est un groupe semi-nomade qui n'habite pas dans une ville[6].
Il y a consensus, parmi les archéologues, sur le fait que l'esclavage comme système est introduit en Égypte par les Grecs à la fondation d'Alexandrie. Si, antérieurement, il existait effectivement des gens qui n'étaient pas libres (ils pouvaient être vendus), ils étaient en petit nombre et répartis chez des particuliers. Ils étaient dotés d’une pleine capacité juridique, de droits familiaux et patrimoniaux, et étaient même fiscalement responsables[7]. Il y a également consensus sur le fait que, dans toute cette période, le seul document archéologique en Égypte faisant référence à des Israélites est la stèle de Mérenptah[8]. Il y a consensus enfin sur le fait que le mot Hébreux n'apparait nulle part dans aucun document historique quel qu'il soit, la première mention de ce mot se trouvant dans la Bible seulement.
Polémique sur le premier livre d'Israël Finkelstein et de Neil Asher Silberman
La sortie du premier livre de Israël Finkelstein et Neil Asher Silberman, La Bible dévoilée, maintenant réédité en livre de poche, a provoqué diverses polémiques. Le contenu de ce livre et les critiques qui ont été faites[9] font l'objet d'une étude détaillée à la page La Bible dévoilée.
On a présenté comme une théorie personnelle ce qui est en fait le travail de toute une communauté scientifique. Or il ne s’agit pas de théorie : le travail de fouilles est très pratique et fort peu théorique. L’archéologie évoluant très vite, toutes une série de datations au carbone 14 ont été publiées depuis la parution du livre en 2001 (voir la page Israël Finkelstein). Ces résultats non tributaires de subjectivité et d'une précision inégalée, précisent les choses d'une façon importante et, confortant la solidité des datations, confortent le consensus qui existe entre les professionnels, non pas sur des "théories", mais sur les données du terrain. Le tournage du film, en 2005, a tenu compte de quatre ans de moissons de ces nouvelles données : le film est donc plus à jour que le livre. Pour une première découverte, il est préférable de visionner d'abord le film de Thierry Ragobert[10], d'un abord beaucoup plus facile, avant de lire le livre. Pour la mise à jour du premier ouvrage, il est nécessaire de lire, ensuite, le second livre[11], qui contient encore des éléments nouveaux par rapport au film.
Notes
- ↑ a et b film La Bible dévoilée. Les révélations de l'Archéologie, chap. 4 de l'épisode 4
- ↑ a , b , c et d Pierre de Miroschedji, revue “La Recherche” n° 391, pages 32, 38 et 40
- ↑ Dans le film La Bible dévoilée. Les révélations de l'Archéologie, Thierry Ragobert montre de très belles vues aériennes de ces habitats (chap. 3 de l'épisode 4)
- ↑ L’"Archéologie biblique", c’était, selon l’expression consacrée, "une bible dans une main, une pioche dans l’autre"
- ↑ dessin reproduit dans le livre de Christiane Desroches Noblecourt, Le fabuleux héritage de l’Égypte, Télémaque, 2004, p. 190
- ↑ Jacques Briend, Institut Catholique de Paris, film La Bible dévoilée. Les révélations de l'Archéologie, chap. 2 de l'épisode 4
- ↑ Bernadette Menu, Dictionnaire de l’Antiquité, sous la direction de Jean Leclant, PUF 2005, p. 839
- ↑ Jean-Pierre Corteggiani, Institut Français d’Archéologie Orientale, film La Bible dévoilée. Les révélations de l'Archéologie, plage 3 de l’épisode 2
- ↑ Pour les critiques sur le plan archéologique, voir |William G. Dever, Who where the Early Israelites and where did they come from ?, 2003, traduit sous le titre Aux origines d'Israël. Quand la Bible dit vrai, Éditions Bayard, 2005, livre qui présente une excellente bibliographie. Pour le texte biblique, voir Une relecture de la Bible à partir de l’archéologie par J.-M. Van Cangh.
- ↑ film La Bible dévoilée. Les révélations de l'Archéologie
- ↑ Israël Finkelstein et Neil Asher Silberman, Les rois sacrés de la Bible. À la recherche de David et Salomon, éditions Bayard, 2206.
Documents pour approfondir le sujet
- André Lemaire, La Naissance du monothéisme : Point de vue d'un historien, Bayard, 2003
- Pierre de Miroschedji, revue “La Recherche” n°391 du 01-11-2005, dossier spécial intitulé “Les archéologues récrivent la Bible”, sur les travaux récents des archéologues en Israël.
- Un film en quatre parties, “La Bible dévoilée. Les révélations de l'Archéologie”, a été réalisé en 2005 par Thierry Ragobert, écrit par Isy Morgensztern et Thierry Ragobert, sur le travail d'Israël Finkelstein et de Neil Asher Silberman, avec la participation de Jacques Briend, Professeur honoraire de l'Institut catholique de Paris, et de Thomas Römer, Professeur d'Ancien Testament à l'université de Lausanne. Israël Finkelstein et Neil Asher Silberman jouent leur propre rôle. Le film a été diffusé sur Arte et sur France 5, le coffret de deux DVD est sorti en février 2006 aux Éditions Montparnasse.
- Revue “Le Monde de la Bible”, hors série 2006, Bayard. Reportage sur le tournage du film “La Bible dévoilée” et textes de Jacques Briend, Professeur honoraire de l'Institut catholique de Paris, William M. Schniedewind (Professeur d'études bibliques à l'Université de Californie), Pierre Bordreuil et Françoise Briquel-Chatonnet (membres du Laboratoire des Études sémitiques anciennes CNRS-Collège de France).
- Israël Finkelstein et Neil Asher Silberman, Les rois sacrés de la Bible. À la recherche de David et Salomon, Éditions Bayard, 2006.
L’ouvrage est à jour sur les datations au carbone 14. La bibliographie comporte 363 références, classées par thèmes en 120 catégories
- Christiane Desroches Noblecourt, Le fabuleux héritage de l’Égypte, Télémaque, 2004.
Articles connexes
- Histoire de la Palestine
- La Bible dévoilée
- Données archéologiques sur la conquête de Canaan
- Données archéologiques sur l'Exode et Moïse
- Stèle de Mérenptah
- Données archéologiques sur David et Salomon
- Données archéologiques sur les Philistins
- Données archéologiques sur Omri et les Omrides
- Données archéologiques sur les premiers écrits en hébreu ancien
- Données archéologiques sur la communauté juive d'Éléphantine
- Juifs de l'Égypte hellénistique et romaine
- Teraphim
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