Données archéologiques sur les premiers Israélites

Données archéologiques sur les premiers Israélites
Pour consulter un article plus général, voir : Israël antique.

Sommaire

La sédentarisation des Israélites en terre de Palestine

Les prospections archéologiques menées depuis 1990 sur les hautes terres de Canaan (vers Béthel et Silo) montrent à partir de -1200, au début de l'âge du fer, la sédentarisation de petites communautés de nomades qui commencent probablement à cultiver des céréales.

Cette sédentarisation est marquée par l'apparition de petits villages en Transjordanie du nord et du centre, en Galilée, dans les collines de Samarie et d'Ephraïm, le territoire de la tribu de Benjamin et dans le nord du Néguev. Elle commence au début du XIIe siècle principalement dans les collines centrales, mais aussi en Transjordanie et dans le Neguev. Au XIe siècle, elle se continue en Galilée (Hazor XII, Dan VI). La ville de Dan est détruite et occupée par des Israélites venant du centre du pays.

Dès le début, le développement est beaucoup plus rapide dans la moitié nord, plus arrosée et traversée par les voies de communication, que dans la moitié sud, sèche et peu accessible.

Pour la plupart d'entre eux, ces villages ne sont pas fortifiés. Certains sont organisés en ovale, à la manière des villages bédouins, témoignant d'une origine nomade (Izbet Sartah, Beer Sheba, Tel Esdar).

L'utilisation de pilier dans les habitations devient assez répandue. Ainsi la maison à quatre pièces, habitation alors assez commune dans la région, deviendra typique des Israélites à l'époque de la monarchie. Celle-ci aussi témoigne d'une origine nomade de cette population.

Il n'y a pas de monuments, ni de bâtiments publics et peu de fortifications.

C'est une population sédentaire non urbaine répartie en petites communautés d'une douzaine de personnes formant une société égalitaire essayant de vivre dans les conditions difficiles des forêts montagnardes et des régions semi-arides. Pour Amihai Mazar, la structure socio-économique de cette population correspond à ce que décrivent les textes bibliques de la période des Juges[1].

Les techniques d'étude du paléoenvironnement (graines, pollens, traces de défrichage etc.) permettent de se faire une idée assez précise du mode de vie de cette population. L'analyse détaillée de Baruch Rosen a montré que le site d'Izbet Sartah abrite une centaine d'habitants sur 350 hectares de terres (une grosse moitié cultivée, une petite moitié en pâtures), produit 53 tonnes de blé et 21 tonnes d'orge par an, utilise 40 bœufs de labour et élève 300 chèvres et moutons[2].

Il est assez difficile d'évaluer avec précision le nombre de personnes sédentarisées à cette époque. Vers -1000, sur la base de 100 personnes par acre occupée, I. Finkelstein les estime à 60 000 habitants.

Vers la fin du XIe siècle, beaucoup de villages sont abandonnés, tandis que certains deviennent des sites urbains. Ce changement est probablement lié à la concentration de la population dans les villes émergentes et la formation de l'état à l'époque de la monarchie.

Identification

La culture de cette population a des caractéristiques fortes, comme la maison à quatre pièces, les jarres à colliers et surtout l'absence d'élevage et de consommation de porc. Ce dernier trait reste le plus déterminant : contrairement à leurs voisins, les premiers Israélites n'élèvent pas de porc et ne mangent pas de viande de porc, ce qui permet à l'archéologie de les suivre à la trace, par l'analyse des déchets (os).

Cependant il s'avère qu'aucun de ces trois facteurs n'est unique à cette population.

Premiers Israélites (hautes terres), Cananéens (vallées), Pelesets (côte)

La stèle de Merenptah

La stèle du pharaon Mérenptah, datée de -1207, cite le pays de Canaan et la population nommée Israël parmi les vaincus. C'est la seule fois que ce nom apparaît en Égypte à cette époque. L'inscription précise, par le déterminatif, que cette population est un groupe nomade ou semi-nomade qui n'habite pas dans une ville[3].

La stèle de Merenptah atteste d'une organisation tribale pleinement developpée à la toute fin du Bronze Récent. Israël est donc reconnu et nommé comme un peuple distinct avant sa sédentarisation au début de l'âge du fer[4],[5]. Ainsi une source archéologique relie l'Israel biblique du Fer II, celui de la monarchie, avec le Bronze Récent II. Comme ces populations occupant les hautes terres du Fer I deviendront l'Israël du Fer II, il y a donc une continuité de population et il n'est pas utile de parler de proto-israélites comme le fait W. Dever[6].

Origine de la population qui se sédentarise au XIIe siècle

Les découvertes archéologiques décrivent la sédentarisation de groupes tribaux qui suivaient auparavant un mode de vie pastoral semi-nomade. Du fait de ce nomadisme il n'y a pas d'évidences purement archéologiques de cette population préalablement à sa sédentarisation. Les populations nomades laissent peu ou pas de traces archéologiques, à moins d'être mentionnées dans des textes anciens.

Plusieurs aspects du Bronze récent ont été associés à l'origine des Israélites :

  • Les populations nomades comme les Shasous et les Apirous ont souvent été évoquées, mais il est hasardeux d'établir un lien direct entre ces termes et les premiers Israélites.
  • Certains lieux de culte, comme Shilo et Beth-El sont à la fois utilisés par la population nomade des hautes terres et expressément mentionnés dans la Bible comme lieu de culte des Israélites.

Plusieurs modèles décrits ci-dessous, ont été présentés pour expliquer l'origine des Israélites en regard des découvertes archéologiques.

Resédentarisation

C'est une idée de Yohanan Aharoni[réf. souhaitée], developpée principalement par I. Finkelstein et W. Dever.

Le modèle repose sur l'idée que la population qui se sédentarise au Fer I est une population indigène, issue de la population cananéenne du Bronze récent. I. Finkelstein s'appuie sur la similarité de la culture et des modes de vies du Bronze récent avec ceux du Fer I, également sur le fait que les villes du Nord retrouvent une culture cananéenne au Xe siècle. La continuité des cultures montre que la population se sédentarisant était déjà présente en Palestine pendant le Bronze récent.

Finkelstein fait la liaison avec un phénomène similaire au Bronze Moyen II. En période de crise (bronze intermédiaire dans un cas, bronze récent dans l'autre) l'économie se tourne vers l'élevage de moutons et de chèvres et un mode de vie plus pastoral, tandis qu'en période stable (BM II, Fer I) il y aurait une tendance à l'agriculture irriguée et à l'élevage de bétail.

Selon W. Dever, les premiers Israélites seraient issus de l'effondrement de la société cananéenne du bronze récent. Ils auraient migré des basses terres de Palestine vers les hautes terres où l'archéologie les retrouve.

Pour Finkelstein, cela est impossible. Selon lui, les populations expulsées des villes cananéennes à la fin du bronze moyen seraient celles qui se resédentarisent au début du Fer I après avoir été nomades pendant le bronze récent : la culture cananéenne décline au cours du XVIe siècle, certains trouveraient alors refuge dans les régions montagneuse de Galilée. Plus tard, vers la fin du Bronze récent, un processus de resédentarisation commencerait et serait à l'origine de la population israélite.

D'après A. Mazar, les traditions cananéenne sont générales à toutes les populations du Fer I et ne pointent pas nécessairement vers l'origine cananéenne d'Israël. La Bible décrit également un mélange culturel, les Israélites adoptant les traditions de ceux qui les entourent. Cette théorie de la resédentarisation est liée à celle d'un Israël émergeant des groupes nomades du Bronze récent, comme les Apirous ou les Shasous. Or, certains shasous ont émigré en Égypte, comme le Jacob biblique. Dans un document égyptien, leur territoire est nommé Yahu[1].

Le modèle Albright - Wright de la conquête

C'est le modèle issu de l'archéologie biblique du milieu du XXe siècle. Albright et Wright aux États-Unis et Y. Yadin en Israël représentent le fer de lance de l'archéologie biblique dans les années 40-70.

En se basant sur les fouilles d'Albright ainsi que sur la découverte par Wright d'une épaisse couche de cendre à Beitin, ils développent l'idée que la conquête de Canaan par les Israélites a eu lieu au XIIIe siècle av. J.‑C. en liant les destructions de Beitin, Hazor, Lachish.

Ce modèle est devenu obsolète, il est totalement remis en cause car il représente une conquête rapide et totale de Canaan qui ne correspond ni à l'archéologie ni au texte biblique.

Les destructions qui leur servaient d'exemple ont eu lieu à des moments trop espacés pour faire partie de la même campagne. En particulier la destruction de Jéricho est bien trop précoce pour ce modèle.

Entrée en Canaan puis occupation tardive

Ce modèle, proposé dans différentes variantes (conquête à différents moments du Bronze récent, entre le XVe et le XIIIe siècles) s'appuie sur une relecture des textes bibliques et les avancées de l'archéologie.

Le texte de Josué indique précisément que seules trois villes sont détruites pendant la conquête, sans toutefois être occupées par les Israélites par la suite : Jéricho, Ai et Hazor. Cette conquête aurait eu pour seul effet de tuer les chefs cananéens et une partie de la population. L'Ancien Testament raconte l'échec de cette conquête rapide et les difficultés des Israélites pour s'installer en Canaan.

Selon A. Kitchen, les villes cités dans le livre de Josué correspondent effectivement à des villes existantes au XIIIe siècle, et certaines présentent des traces de destruction à ce moment[7]. Pour d'autres comme J. Bimson, la conquête correspond à la destruction de certaines villes cananéennes qui marque la fin du Bronze Moyen, tandis que l'histoire des populations nomades et tribales correspond au Bronze Récent[8].

Infiltration

Albrect Alt en 1925 propose une infiltration progressive des Israélites en Canaan, certains pouvant être passés par l'Égypte et ayant rapporté leur tradition particulière[9]. Ce sont des peuples nomades ou semi-nomades qui arrivent sur une période étendue. Martin Noth y ajoute l'idée d'une fédération de douze tribus liées par un dieu commun et un lieu de culte.

Révolte paysanne

Georges Mendenhall propose ce modèle en 1962. Selon lui, l'apparition d'un mouvement religieux rendit possible la révolte des paysans cananéens contre les collecteurs de taxe venus des villes. Ce serait l'apparition d'un petit groupe d'esclaves venant d'Égypte qui aurait permis le soulèvement de tout un pays contre ses rois. C'est un constat sociologique et culturel qui l'amène à cette conclusion[10]. Cette idée est reprise par Norman Gottwald dans "The Tribes of Yahwe", qui, au grand dam de Medenhall inscrit cette théorie dans une version plus marxiste de l'histoire. Gottwald sera sévèrement critiqué par Lemche, qui reprend l'idée de Medenhall, proposant les Israélites comme descendant des Apirous, mais en fait une évolution progressive, d'abord vers une organisation tribale, puis vers une nation, identifiable en tant que telle sur la stèle de Merenpath. Il n'y aurait pas selon lui d'origine étrangère.

Notes et références

  1. a et b Amihai Mazar, Archaeology of the land of the Bible, 10,000-586 BCE, 1990
  2. Israël Finkelstein et Neil Asher Silberman, La Bible dévoilée. Les nouvelles révélations de l'archéologie., éditions Gallimard 2004, p. 134).
  3. Jacques Briend, Institut Catholique de Paris, film La Bible dévoilée. Les révélations de l'Archéologie, chap. 2 de l'épisode 4
  4. Lemche, Early Israel
  5. J.Bimson, JSOT 49, 1991
  6. Robert d. Miller, Identifying Earliest Israel, BASOR, n°333, février 2004
  7. A. Kitchen, On the reliability of the Old Testament, 2003
  8. J. Bimson, Redating the Exodus and Conquest. 2nd Ed. The Almond press. Sheffield. 1981
  9. Albrect Alt, "The Settlement of the Israelites in Palestine", 1925
  10. The Tenth Generation: The Origins of the Biblical Tradition Johns Hopkins, 1973

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

Bibliographie

  • Israel Finkelstein, The Archaeology of the Israelite settlement, Israel Exploration Society, 1988
  • Amihai Mazar, Archaeology of the land of the Bible, 10,000-586 BCE, 1990
  • Baruch Halpern, The Emergence of Israel in Canaan, SBL, 1983

En français


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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Données archéologiques sur les premiers Israélites de Wikipédia en français (auteurs)

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