Polydeuce

Polydeuce

Dioscures

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Dioscure, statue romaine tardive du IVe siècle, place du Capitole, Rome

Dans la mythologie grecque, Castor (en grec ancien Κάστωρ / Kástôr) et Pollux (Πολυδεύκης / Polydeúkês), appelés Dioscures (Διόσκουροι / Dióskouroi, c'est-à-dire « fils de Zeus »), sont les fils jumeaux de Léda et les frères d'Hélène de Troie et de Clytemnestre.

Ils prennent part à la chasse du sanglier de Calydon et à l'expédition des Argonautes. Ils combattent Thésée pour récupérer leur sœur Hélène que celui-ci a ravie et enlèvent à leur tour les filles de Leucippe. Lorsque Castor, fils mortel de Tyndare, est blessé à mort dans le combat contre Idas et Lyncée, Pollux décide de partager son immortalité avec lui : ils passent ainsi la moitié de leur temps aux Enfers, l'autre moitié sur l'Olympe, parmi les dieux.

Avatar grec de la figure indo-européenne des dieux jumeaux, les Dioscures sont le symbole des jeunes gens en âge de porter les armes. Ils apparaissent comme des sauveurs dans des situations désespérées et sont les protecteurs des marins. Le feu de Saint-Elme est considéré comme leur manifestation physique ; ils sont associés à la constellation des Gémeaux.

Sommaire

Mythe

Naissance

Les Dioscures apparaissent déjà dans l'Iliade, qui nomme « Castor, le dompteur de chevaux, et Pollux, le boxeur[1] ». Le poème ne mentionne pas le nom de leurs parents, mais Hélène les nomme comme ses frères ; l'Odyssée, en revanche, en fait tous deux les fils de Tyndare et de Léda[2].

Inversement, ils sont tous deux fils de Zeus dans le Catalogue des femmes du pseudo-Hésiode[3] et dans les Hymnes homériques, dont l'hymne qui leur est adressé les qualifie pour la première fois de « Dioscures »[4]. Les Chants cypriens introduisent le motif selon lequel Castor est mortel et Pollux immortel[5].

Aventures

Les Dioscures prennent part la chasse du sanglier de Calydon et à l'expédition des Argonautes. Ils combattent Thésée pour récupérer leur sœur Hélène que celui-ci a enlevée. Ils enlèvent les filles de Leucippe, Phébé et Hilaire, suite à quoi une bataille s'engage contre Idas et Lyncée, tous les deux frères. Ces derniers trouvent la mort, de même que Castor.

Mort

Les Dioscures sont morts tous les deux quand débute la guerre de Troie, ce qui explique qu'ils n'y prennent pas part[6].

La version majoritaire du mythe, dans laquelle les jumeaux ont un destin particulier, se trouve pour la première fois dans l'Odyssée. Pendant la Nekuia, Ulysse les rencontre sous terre où :

« Ils restent vivants tous les deux sous la terre féconde ;
Cependant, même là en-bas, Zeus les comble d'honneurs ;
De deux jours l'un, ils sont vivants et morts à tour de rôle
Et sont gratifiés des mêmes honneurs que les dieux. »[7].

Alcman évoque un sommeil magique, en compagnie de Ménélas, dans le sanctuaire de Thérapné, en Laconie[8] ; chez Pindare, les jumeaux passent un jour sous la terre à Thérapné, l'autre aux côtés de Zeus, sur l'Olympe[9].

Culte

Le culte des Dioscures dérive du culte indo-européen des jumeaux divins ; ils s'apparentent ainsi aux Aśvin, les cavaliers célestes de la mythologie védique[10].

Les Dioscures sont identifiés à la constellation des Gémeaux[11]. Ils sont considérés comme les protecteurs des marins[12], à qui ils apparaissent pendant les orages sous la forme du feu de Saint-Elme[13]. Castor est le prototype du dompteur de chevaux, et Pollux, celui du boxeur : Kastôr dompteur de chevaux et Polydeukès invincible au pugilat. On en fait donc aussi les patrons des athlètes et des compétitions.

Ils sont vénérés dans de nombreuses cités doriennes, mais aussi à Olympie[14]. À Athènes, ils portent le nom d’Anakes ou Anaktes[15], c'est-à-dire « seigneurs »[16] ; leur temple est l'Anakeion. Ils forment un couple important du panthéon des Grands Dieux de Samothrace où ils prennent le nom de Κάϐειροι (Cabires).

À Sparte

Castor, dompteur de chevaux. Cratère des Niobides, v. 460-450 av. J.-C., musée du Louvre (G 341)

Leur principal lieu de culte est Sparte et la ville voisine de Thérapné. Pindare les appelle les « intendants de Sparte »[17] ». Ils sont le modèle et la garantie de la dyarchie royale[18]. Ils protègent l'armée civique, qui part toujours en campagne avec les δόκανα / dokana, un ensemble de deux bâtons liés entre eux qui les représente[19]. Quand l'un des deux rois reste à Sparte, l'un des Dioscures reste également en arrière[20].

Ils sont vénérés lors des Théoxénies : on dresse pour eux une table et une banquette avec deux coussins, ainsi que deux amphores contenant un mélange de grains. La salle est ensuite close pour permettre aux Dioscures de prendre leur nourriture. Des reliefs et des vases les représentent apparaissant dans les airs, montés sur des chevaux, au-dessus du banquet[21]. Ils sont également figurés par des serpents s'enroulant autour des amphores[21].

Leurs apparitions sont nombreuses. Ils se manifestent au roi Lysandre avant la bataille d'Aigos-Potamos ; celui-ci les associe ensuite à Zeus, Artémis et Apollon dans son ex-voto de remerciement, Delphes[22]. Pausanias rapporte bon nombre de leurs miracles. Un jour, ils se présentent comme des étrangers dans leur ancienne demeure spartiate et demandent l'hospitalité. Le maître des lieux leur refuse leur ancienne chambre, occupée par la jeune fille de la maison – le lendemain, celle-ci a disparu, mais on retrouve dans la chambre l'effigie des Dioscures[23]. Pendant la deuxième guerre de Messénie, leurs fantômes et celui d'Hélène déjouent la tentative des Messéniens d'attaquer Sparte de nuit[24]. Au cours de la même guerre, deux jeunes Messéniens se déguisent en Dioscures, se rendent à des festivités spartiates en l'honneur des jumeaux divins et, profitant de l'adoration qu'ils suscitent, massacrent les fidèles. En punition de ce sacrilège, les Dioscures poursuivent les Messéniens de leur courroux et ne leur permettent pas de regagner leur terre avant l'époque d'Épaminondas[25].

À Rome

Restes du temple de Castor et Pollux sur le forum romain

Le culte de Castor et Pollux apparaît également à Tusculum et Rome.

En 484 av. J.-C., les Romains leur bâtissent un temple sur le Forum romain, en remerciement pour la victoire du lac Régille[26]. Selon la légende, les Dioscures sont intervenus dans le combat en personne, sous l'apparence de grands et beaux cavaliers, puis ont annoncé eux-mêmes sur le Forum la victoire romaine[27].

Leur nom est souvent employé dans les jurons, celui de Castor étant réservé aux femmes.

Représentations artistiques

Ils sont représentés portant une tunique blanche, une chlamyde pourpre et le pilos, un chapeau conique qui a la forme d'une moitié d'œuf et rappelle les circonstances de leur naissance[28]. Ils figurent souvent en compagnie des chevaux Xanthe et Cyllare, comme dans le célèbre groupe, qui encadre actuellement la place du Capitole, à Rome.

Ils figurent sur le coffre de Cypsélos, entourant Hélène, avec Éthra gisant sur le sol à leurs pieds ; une inscription indique : « Les Tyndarides emmènent Hélène et enlèvent Aethra d'Athènes [29] ». On les retrouve également dans les représentations des différents épisodes de la quête des Argonautes, comme les métopes du trésor des Sicyoniens à Delphes[30]. Ils figurent sur le cratère des Niobides, qui représente peut-être le départ des Argonautes, Castor portant le pilos et tenant la bride d'un cheval, Pollux tenant un bâton, le pilos porté autour du cou par une courroie et un manteau sur le bras[31]. Enfin, le rapt des Leucippides est représenté sur un relief en bronze évoquant du temple d'Athéna Chalkioikos (« à la maison de bronze ») et sur le trône d'Apollon à Amyclées[32].

Jean-Philippe Rameau leur consacre une tragédie lyrique, Castor et Pollux.

Référence

Dans le film Volte-face de John Woo, les deux frères Troy s'appellent Castor et Pollux en référence aux deux personnages de la mythologie.

Notes

  1. Iliade [détail des éditions] [lire en ligne] (III, 237), voir aussi Odyssée [détail des éditions] [lire en ligne] (XI, 300).
  2. Odyssée (XI, 298-300).
  3. Catalogue des femmes [détail des éditions] [(en) lire en ligne] (frag. 24 MW).
  4. Gantz, p. 323.
  5. Stasinos, Chants cypriens [détail des éditions] [(en) lire en ligne] (frag. 8 PEG).
  6. Iliade (III, 243-244).
  7. Odyssée (XI, 301-304). Extrait de la traduction de Frédéric Mugler pour Actes Sud, 1995.
  8. Alcman (PMG 7).
  9. Pythiques (XI, 61-64) ; Néméennes (X, 55-59).
  10. Burkert, p. 212.
  11. Hygin, Astronomie [détail des éditions] [(la) lire en ligne] (II, 22) ; Ovide, Métamorphoses [détail des éditions] [lire en ligne] (VIII, 370), Fastes [détail des éditions] [lire en ligne] (V, 695-720).
  12. Hymnes homériques [détail des éditions] [lire en ligne] (aux Dioscures) ; Alcée de Mytilène (frag. 34a LP).
  13. Aétius (II, 18) = Xénophane de Colophon, VS (21 A 39) ; Métrodore de Chios, VS 70 A 10.
  14. Pausanias, Description de la Grèce [détail des éditions] [lire en ligne] (V, 15, 5).
  15. Plutarque, Vies parallèles [détail des éditions] [lire en ligne] (Thésée, 33, 2-3) ; Élien, Histoires variées [lire en ligne] (V, 4).
  16. Le terme ϝάνακες est le pluriel dorien de ϝάναξ ; Pierre Chantraine, Dictionnaire étymologique de la langue grecque, Klincksieck, Paris, 1999 (édition mise à jour) (ISBN 2-252-03277-4) à l'article ἄναξ.
  17. « ταμίαι Σπάρτας / tamiai Spartas ». Pindare, Odes [détail des éditions] [lire en ligne] (Néméennes X, 52).
  18. Pierre Carlier, « La vie politique à Sparte sous le règne de Cléomène Ier : essai d'interprétation », Ktèma 2 (1977), p. 76, n. 42.
  19. Plutarque, De l'amour fraternel (478a).
  20. Hérodote, Histoires [détail des éditions] [lire en ligne] (V, 75, 2).
  21. a  et b Burkert, p. 213.
  22. Lévy, p. 107-108
  23. Pausanias (III, 16, 2-3).
  24. Pausanias (IV, 16, 9).
  25. Pausanias (IV, 27, 1-3).
  26. Tite-Live, Histoire romaine [lire en ligne] (II, 20, 12 et II, 42, 5).
  27. Diodore de Sicile, Bibliothèque historique [détail des éditions] [lire en ligne] (VIII, 32) ; Justin, Abrégé des Histoires philippiques de Trogue Pompée [détail des éditions] [lire en ligne] (XX, 3).
  28. Lucien de Samosate, Dialogue des dieux [lire en ligne] (20).
  29. Pausanias (V, 19, 3).
  30. George N. Szeliga, « The Composition of the Argo Metopes from the Monopteros at Delphi », American Journal of Archaeology, vol. 90, no3 (juillet 1986), p. 297-305.
  31. Interprétation de C. Robert in Annali dell'Istituto di Corrispondenza Archeologica LIV (1882), p. 273-289, suivi par E. Simon, « Polygnotan Painting and the Niobid Painter », American Journal of Archaeology, vol. 67, no1 (janvier 1963), p .49.
  32. Lévy, p. 108-109.

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

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  • (en) Walter Burkert (trad. John Raffan), Greek Religion [« Griechische Religion des archaischen und klassichen Epoche »], Blackwell, Oxford, 1985 (éd. orig. 1977) (ISBN 978-0-631-15624-6) , p. 212-213.
  • (en) Timothy Gantz, Early Greek Myth, Johns Hopkins University Press, 1993 [détail de l’édition], p. 323-328.
  • Edmond Lévy, Sparte : histoire politique et sociale jusqu’à la conquête romaine, Seuil, coll. « Points Histoire », Paris, 2003 (ISBN 2-02-032453-9) , p. 107-108.
  • Salomon Reinach, « Les théoxénies et le vol des Dioscures », Revue archéologique (1901).
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