Piétiste

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Piétisme

Le Piétisme (on devrait préciser le piétisme spénérien du XVIIIe siècle), est un mouvement religieux fondé par le pasteur protestant luthérien de Francfort, Philipp Jacob Spener (1635-1705). En 1670, il a débuté par des collegia pietatis (collèges de piété) qui répondaient à une demande des participants de faire preuve de plus de piété. Une première théorisation a été faite par Spener dans son ouvrage Pia desideria (1675) : il y insistait sur la nécessité d'une piété personnelle et sur le sentiment religieux individuel qu'il jugeait préférables à la connaissance de la stricte orthodoxie doctrinale. En 1689, Joachim Feller, professeur de poésie à l'Université de Leipzig, s'est servi du terme piétiste pour les adhérents de Spener de manière honorable. On trouve cette célèbre citation - Was ist ein Pietist? ("Qu'est-ce que c'est qu'un piétiste ?") - dans un des poèmes de la collection Luctuosa desideria (Leipzig, 1689) sur l'étudiant Martin Born (1666 - 1689).

Un des piétistes les plus célèbres est Emmanuel Kant.

Sommaire

Définition

Si, en français, le mot piétisme est dérivé du mot piétiste, traduisant l'allemand pietist octroyé de manière péjorative aux participants des collegia pietatis du Pasteur Spener, les membres de ce mouvement eux-mêmes avaient choisi le mot latin pietas, -atis, pour désigner leur principal exercice spirituel.

En latin, le mot pietas désigne « le sentiment qui fait reconnaître et accomplir tous les devoirs envers les dieux, les parents , la patrie, etc. », par conséquent le moteur psychologique de la déontique bien avant qu'elle ne soit abordée sur le plan logique, mais surtout avant que le concept ne se divise, comme il l'a fait en français entre celui de la piété et celui de la pitié.

Cette remarque sémantique permet d'envisager le piétisme, non plus comme un mouvement religieux daté et localisé, mais comme un état de l'âme universel existant depuis toujours et perdurant évidemment aujourd'hui.

On trouvera dans l'article piété quelques remarques sur le piétisme universel, ou la pratique de la piété : piété antique, piété médiévale, soufisme, hassidisme, etc.

En Allemagne se développe un mouvement mystique de retrait du monde, fuir les malheurs de la civilisation pour se diriger vers une foi réfléchie, intellectuellement démontrée.

La version française de ce mouvement, bien que relativement différente, est appelée le quiétisme. Il prône une tranquillité, un mysticisme visant à obtenir la paix de l’âme grâce à un dialogue interne entre soi-même et Dieu, sans la médiation d'aucune oeuvre ou sacrement. Comme spécimens connus de quiétistes, on trouve Fénelon ou Madame de Brinon, première directrice de Saint-Cyr. Il ne doit pas être confondu avec le jansénisme qui se développait à la même époque.

Le piétisme spénérien

Avant Spener : la piété individuelle

Les mystiques du XVIe siècle

Jacob Boehme, Johann Arndt

Le puritanisme anglo-américain et la morale individuelle

Jean Calvin

L'interprétation personnelle de la Bible

précisisme (précision des règles morales) : presbytérianisme en Angleterre, voetianisme (Gisbertus Voetius) en Hollande versus alliance égale de Dieu avec tous les hommes coccéisme (Johannes Cocceius) seront l'une et l'autre reprises dans les collegia pietatis.

Spener et les collegia pietatis

Sur le plan pratique les premiers collèges de piété devaient ressembler beaucoup à ce qu'on appelle aujourd'hui les groupes de prières. Le mot « piété » y était probablement entendu tant au sens de l' eusebeia (respect des dieux, des personnes) qu'au sens de l'osiotes (respect des règles : sagesse, tempérance). Il était donc tout naturel que de tels groupes qui prônaient la tempérance pour eux-mêmes dénonçassent la vie dissipée des princes, en l'occurrence Georges III, que les écrits de Spener mirent en grande colère, tout particulièrement au moment de la seconde édition de son ouvrage en 1675. La réponse fut apportée par l'intermédiaire de S.-B. Carpzov, issu de cette famille de théologiens luthériens qui avait statué à de nombreuses reprises sur la droite ligne de cette religion. Carpzov, qui avait été au début un ami de Spener, prit violemment parti contre lui. Dans cette campagne de dénigrement, les speneriens furent affublés du nom à l'apparence péjorative de piétistes, dans le sens de fidèles confits en excès de prières ; en même temps leurs adversaires posaient sur eux l'opprobre de schismatiques et faisaient de leur mouvement une secte.

L'extension du mouvement et l'héritage de Spener

Le mouvement se développa, de Leipzig, à Berlin, Augsbourg, et dans la toute nouvelle université de Halle fondée en 1691, sous la férule d'un des principaux disciples de Spener, August Hermann Francke ; il sembla se répandre dans toute l'Allemagne, où il est représenté par Frédéric Christophe Oetinger, Jean Albert Bengel et par Nikolaus Ludwig von Zinzendorf, et plus marginalement Konrad Dippel. Les noms même de piétisme et de piétistes furent conservés par les pratiquants de la doctrine qui ne les désavouaient pas.

Les réunions des Piétistes d'Alsace, patrie d'origine de Spener, qui avaient lieu surtout à Bischwiller, près de Strasbourg, furent très nombreuses au commencement du XIXe siècle ; puis elle donnèrent lieu à des poursuites vers 1825.

On retrouve des piétistes en Moravie, en Russie, dans les Pays baltes, aux Pays-Bas, en Angleterre et en Amérique

La doctrine

À l'origine, il s'agissait donc d'un groupe de fidèles protestants luthériens qui organisaient des groupe de prière autour de leur pasteur (Spener) ; le fait nouveau et important est que chacun pouvait y prendre la parole ; le fait, scandaleux pour l'époque était que les laïcs eux-mêmes pouvaient prétendre à y analyser les Saintes Écritures.

Ce fonctionnement collégial les avaient amenés très rapidement à la constatation qu'il y avait trop de formalisme dans la pratique religieuse et que l'on accordait plus d'importance au savoir et à la connaissance qu'à la pratique individuelle de la prière et donc à la spiritualité. En ce sens, et de l'intérieur, ce groupe se posait donc en parfait continuateur de Luther.

Ses adversaires, et tout particulièrement les princes de l'époque et leurs émissaires, taxaient ce mouvement d'exagération de piété, au sens de démonstration ostentatoire de piété ; ceci était précisément le contraire de son sens véritable. Cette contre-vérité était assise sur l'affirmation qu'ils préféraient les exercices privés aux cultes publics.

Le mouvement piétiste s'inscrivait dans un mouvement de recherche religieuse que l'on peut trouver aussi chez les Quakers pour la sévérité de leur morale et leur aversion pour les plaisirs mondains, chez les Méthodistes en ce que quiconque se sent inspiré peut prendre la parole dans leurs assemblées, ou bien en France, chez les jansénistes.

Outre l'exemple qui fut donné par son fondateur, le piétisme a influené la vie et l'oeuvre de personnalités comme Emmanuel Kant, à la suite de son père[1], Lessing, etc.

Par bien des aspects la religion dans les limites de la simple raison de Kant, peut sembler s'inspirer des pia desiderata.

Le piétisme comme œcuménisme

La question de la piété individuelle s'est posée à peu près dans toutes les religions ; on le retrouve, par exemple, à propos de la piété chez les successeurs de Socrate, par exemple, chez les disciples de Phédon d'Elis.

Toutefois elle se pose de manière plus spécifique quand on entre dans le cadre du monothéisme.

Un premier monothéisme œcuménique apparaît avec le Nouveau testament et le christianisme.

Plusieurs schismes ont séparé d'abord les chrétiens d'Orient et les chrétiens d'occident, puis les catholiques et les protestants, puis des mouvements séparatistes dans chacun des groupes ainsi formés.

Au siècle des lumières plusieurs mouvements se sont développés mettant en exergue la piété individuelle, les considérations éthiques et le vœu d'un œcuménisme retrouvé.

A côté du piétisme luthérien :

  • chez les Juifs, il existait un piétisme rhénan médiéval, organisé autour du Sefer Hassidim (livre des dévôts), attribué à Yéhuda Hassid (Judas le Pieux), mystique du XIIIe siècle ; on le retrouve en Lithuanie et en Ukraine, en Pologne et en Turquie, à la fin du XVIIe siècle, où ils continuent à s'appeler Khasidim ou Carolins ou Juifs sauteurs. Comme les Piétistes luthériens, ils affectaient une austère piété et des mœurs sévères.

Il est probable aussi qu'il y ait des préoccupations analogues chez les Musulmans.

Le piétisme comme éthique

Partant de la pietas antique essentiellement symbolique, où la figure de la piété apposée sur les pièces impériales témoignait de la piété, de la moralité de l'imperator et de son respect des dieux, la pratique piétiste se caractérise essentiellement par une eusebeia, respect, qui se manifeste par l'ascèse et la tempérance au nom d'un appel (beruf, vocatum) entendu et accepté.

Prenant son essor, au moment même où un Christian Thomasius élabore une pragmatique sociale et politique de l'amour à la fois amour raisonnable et amour comme volonté, le piétisme pourra s'avérer erratique tant que planera sur lui la tentation du séparatisme inhérente à toute expérience mystique trop individuelle.

En revanche, le piétisme retrouvera toute sa portée à l'heure d'une discussion rationnelle de la morale et de la fondation d'une éthique scientifique.

Depuis 1965, la Commission historique pour la recherche sur le piétisme publie des études et une revue, devenue annuelle depuis 1991 : Piétisme et temps modernes.

Références

  1. La notion de personne, par Marcel Mauss

Sources

Plaquette de présentation de Spener par le médiathèque protestante

Référencement en cours

  • Reinhard Breymayer (Herausgeber) : Luctuosa desideria. Wiedergefundene Gedenkschriften auf den Leipziger pietistischen Studenten Martin Born (1666 - 1689). Mit Gedichten von Joachim Feller, August Hermann Francke und anderen. Teil 1. "Luctuosa desideria" und "Vetterliche und Freund-verbundene Letzte Pflicht". Tübingen: Noûs-Verlag Thomas Leon Heck, 2008. - ISBN 978-3-924249-42-7.
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