- Perspective (perception visuelle)
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La perception visuelle ou oculaire est l’ensemble des transformations par lesquelles la portion visible du monde spatial tridimensionnel est analysée par notre sens de la vue.
Sommaire
Éléments d'histoire
L'Histoire de l'optique montre bien combien l'idée que nous nous faisons de notre perception visuelle a pu varier au fil des âges.
Les anciens Grecs étaient partagés en deux écoles distinctes : les intramissionistes et les extramissionistes. Les premiers comme Empédocle tenaient que la vision résultait de la projection d'un influx provenant de l'œil, les seconds, tels Épicure, pensaient au contraire que les objets du monde environnant projetaient vers l'oeil des rayons.
Plus tard, le monde antique, et notamment le médecin Gallien semble s'être rallié à une sorte de théorie médiane dans laquelle la vision résultait d'une fusion assez mystérieuse entre l'intramission et l'extramission. Cette fusion s'effectuait pour lui sur le cristallin qui constituait donc l'organe de la vision proprement dit.
Vers le Xe siècle, le savant arabe Alhazen reprend la question. Il montre que la théorie d'une interférence sur le cristallin ne tient pas, et, assimilant l'oeil à une chambre noire, prend nettement partie pour la théorie intramissioniste, en attribuant à la rétine le rôle d'écran. Cette manière de concevoir l'oeil constitue pourrait-on dire l'acte de naissance de l'optique. Elle sera plus ou moins acceptée jusqu'au XIX° siècle, même si la variabilité de la netteté de la vision avec l'angle de vue y reste difficile à expliquer.
L'apparition de l'optique physique, et l'évaluation plus fine des qualités optiques de l'oeil humain déjà très nettement clarifiée par Helmholtz, ont mis à mal cette manière de voir, et la vue est généralement considéré comme un phénomène beaucoup plus complexe.
De nos jours, alors que les propriétés optiques de l'oeil et de la transformation par la rétine des informations lumineuses en influx nerveux sont de mieux en mieux comprises (transduction), les rôles attribués aux mouvements des yeux et à l'interprétation de l'image rétinienne prennent une place de plus en plus importante dans la représentation que nous nous faisons du fonctionnement d'ensemble du système visuel.
Vision et perspective
L'impression de réalisme fournie par la représentation en perspective est une propriété très importante de la vision: lorsque nous regardons une photographie ou un tableau réaliste exécuté selon les lois de la perspective, nous avons le sentiment que "c'est ce que nous voyons".
Tenter de relier ce sentiment à l'image du monde formée sur la rétine requiert deux propriétés distinctes de l’optique oculaire :
- On doit d'abord considérer que l’œil, en vision monoculaire, fonctionne comme une lentille stigmatique qui fait correspondre à chaque point de l’espace visible un point sur la surface rétinienne. La perception visuelle est alors assimilée à une projection, et dans cette opération, la longueur des objets de l'espace se trouve convertie en dimension angulaire sur l'image.
- Si on considère, de plus que l'optique oculaire est exempte d'aberration géométrique, les droites de la réalité sont transformées en droites sur l'image[1].
Dans la mesure où ces deux conditions sont remplies, l'image de la réalité formée sur la rétine sera une projection centrale du monde environnant. Autrement dit, l'image rétinienne sera une perspective conique de la réalité.
Cette approche rend bien compte de notre perception "en perspective" de l'espace. Le problème est qu'aucun système optique à l'exception des miroirs plans n'a jamais présenté la double propriété d'être entièrement astigmate et exempt d'aberration. L'optique de l'œil, constituée de la cornée du cristallin et des humeurs aqueuse et vitrée ne fait pas exception, d'autant qu'elle est assez médiocre si on la compare aux meilleures lentilles: Il est clair que notre vue est affectée par l'astigmatisme et l'aberration géométrique.
Cependant, la présence de la pupille qui agit comme un diaphragme, permet à l'œil de fonctionner dans des conditions proches des conditions de Gauss, et donc de répondre assez bien à ces deux exigences.
Autrement dit, la présence de la pupille fait que l'optique oculaire reste toujours d'une ouverture raisonnable.
La présence au niveau de la rétine d'une grande concentration de photodétecteurs au droit de la fovéa renforce cet aspect : Pour ce qui est des objets situés dans le champ de détection de la fovéole (disons 1° à 3°), la surface rétinienne peut raisonnablement être assimilée à un plan et les effets de l'aberration géométrique ne semblent pas devoir prévaloir sur ceux liés à l'inévitable pixellisation de l'image par les cônes, ou sur les défauts d'homogénéïté des divers corps transparents de l'optique oculaire. Sur le champ d'observation central, l'image rétinienne présente peu d'aberration.
Le processus cognitif par lequel le cerveau reconstruit mentalement dans l’espace les formes des objets perçus sur la surface de la rétine participe de l’expérience visuelle globale. La vision n'est pas qu'une simple transduction du signal optique en signal électrique, et certains processus neuronaux largement inconscients sont également mis en œuvre dans l'encéphale.
Vision et champ d'observation
Il est vrai que nous parvenons à "voir" selon un angle de champ assez élevé. Néanmoins, le fonctionnement optique est très éloigné de celui d'un appareil photo à grand angle.
Notre vision ne s'effectue pas de manière uniforme en fonction de la localisation des objets par rapport à la direction du regard. Le champ "monoculaire instantané" correspond de manière grossière au schéma ci-dessous[2].
Notre vision, même si elle est encore susceptible de percevoir des mouvements, est très imprécise dans les directions éloignées du regard. C'est par ses mouvements incessants que l'oeil assure une netteté acceptable dans toutes les directions. Le mouvement de balayage du champ d'observation exercé par la fovée permet l'acquisition de précisions là où elles sont le plus nécessaires.
La configuration de l'oeil n’est pas la même pour chaque espèce animale. En particulier, l’ouverture du champ visuel est assez variable d’une espèce à l’autre. Ainsi, certains mammifères comme le lapin, le cheval et même le chat ont un champ visuel global proche de 360°.
La vision binoculaire frontale monodirectionnelle est caractéristique d’une minorité de vertébrés, dont l’homme. Pour ce dernier, cela implique qu’il n’y a pas un, mais deux sommets pour le « cône de vision », et aussi deux axes du regard à peu près parallèles… En contrepartie, le champ visuel total est pour l’homme de l’ordre de 180° latéralement et 125° verticalement.
Précisions sur quelques notions sous-jacentes
Tous les vertébrés possèdent deux yeux. Chez les mammifères, les deux champs visuels se recoupent, de sorte que la vision binoculaire est, pour la plupart d’entre eux, plus que la somme de deux visions monoculaires.
Une autre différence entre l’œil et la lentille d’une caméra est que champ visuel n’est pas homogène en termes de performance (acuité, photosensibilité, polychromie) et d’attention : la scrutation active est réservée au centre, et la performance décroît par palier vers la périphérie du regard. L’intérêt de cet enchâssement des cônes de vision, c’est que seul le champ de vision attentive est pertinent lorsqu’on « observe » une image.
Imitation graphique des effets de la perspective visuelle
L’expression mathématique exacte de ces principes est évidemment très complexe. Elle l’est d’autant plus qu’on considère les propriétés de solides et non l’espace point par point. Même des notions en apparence simple comme la « distance d’un objet à l’œil » ou d’ « angle solide » d’une surface dans l’espace se révèlent particulièrement ardues voire inapplicables dès qu’on essaie de les employer avec rigueur. Ceci explique que la plupart des représentations graphiques qui cherchent à en rendre compte de la perspective visuelle soient des approximations plus ou moins réalistes (voir photoréalisme), voire des conventions qui renoncent à un aspect ou à un autre de la réalité.
Dans l’imagerie de synthèse, la perspective est simulée par le logiciel de façon photo-réaliste à chaque instant, de sorte qu’elle apparaît comme « allant de soi ». En fait, la perspective est la seule composante du processus de création d’une image qui ne soit pas construite par le graphiste, mais posée par le logiciel. En le faisant « tourner » ou en tournant autour de lui en temps réel, le graphiste a l’illusion de générer un solide tridimensionnel, une « figure 3D » - alors qu’il a un écran bidimensionnel devant les yeux.
Voir aussi
Notes et références
- Bien évidemment, la forme sphérique de la rétine n'étant pas assimilable purement et simplement à un plan l'image réellement formée sur le fond de l'oeil sera projetée sur une calotte sphérique et non pas sur un plan. Il suffit d'effectuer les inversions géométriques qui conviennent pour ramener un cas à l'autre. La différence entre un grand cercle et une droite ne sera perceptible que pour les objets situés très près et ceux très excentrés. Elle sera d'autant moindre qu'on sera plus près des conditions de Gauss.
- Les ellipses représentées sont destinées à rappeler que le cône visuel des animaux est « aplati ». On retrouve cet état de fait dans les proportions dites panoramiques des écrans de cinéma (voir 16/9)
Autres articles connexes
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