- Pays pagan
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Le Pays pagan est un pays s'étendant sur la frange littorale septentrionale du Finistère, au cœur du Léon. Son nom vient du latin paganus signifiant paysan, et par extension : païen (les campagnes ayant longtemps été les plus hermétiques aux efforts d'évangélisation).[réf. nécessaire]
Sommaire
Localisation
Le terme de Pays pagan est généralement utilisé pour désigner la bande côtière s'étirant de Guissény jusqu'à Kerlouan, cette limitation est cependant imprécise, sujette à débat, et pour certains[Qui ?] le Pays pagan s'étend de Tréflez jusqu'à l'Aber Wrac'h (Aber) et Plouguerneau.
Histoire
La tradition du « droit de naufrage »
Le « droit de bris et de naufrage » est une tradition qui remonte à l'Antiquité[1]. Au Moyen-Âge, les seigneurs tentèrent de s'en emparer aux détriment des populations littorales. On en retrouve des traces innombrables dans les édits et règlements des seigneurs du littoral. Saint Louis ne fit renoncer le duc de Bretagne Pierre de Dreux dit Mauclerc au droit de naufrage qu'en lui permettant de faire payer aux navigateurs des "substitutions" qui lui rapportaient autant que les rapines qu'elles abolissaient.
Le Pays pagan est connu pour son littoral déchiqueté et pour ses écueils rocheux à l'origine de nombreux naufrages et de la mauvaise réputation de ses habitants qui, très pauvres, sont accusés d'entraîner les navires sur les rochers pour piller leurs épaves. Cette pratique dite du « droit de naufrage » est interdite par Colbert en 1681[2] qui enjoint en outre à tous les sujets du roi « de faire tout devoir pour secourir les personnes qu'ils verront dans le danger du naufrage » ; des postes de garde sont alors installés sur le littoral, comme à Kerlouan, où une tourelle est encastrée sur une butte au milieu des rochers de Meneham. Mais la pratique du droit de naufrage a longtemps persisté.
Pol Potier de Courcy, dans La Bretagne contemporaine, livre écrit en 1864, l'atteste en ces termes :
« Les paganis (les "païens") forment une population à part qui s'étend depuis Tréflez à l'est jusqu'à Plouguerneau et l'embouchure de l'Aber-Wrac'h, à l'ouest. Habitués dès l'enfance à regarder l'Océan comme leur tributaire, comme une vache qui aurait mis bas pour eux, disent-ils dans leur énergique langage, faisant ce qu'ils ont vu faire à leurs pères, ils sont loin de comprendre l'atrocité de leur coutume. À voir ces hommes coiffés d'une calotte grecque, le haut de la tête rasé, le reste des cheveux flottant de toute leur longueur sur le dos ou tordus et passés dans les bords relevés de leur calotte de laine bleue; vêtus d'un pourpoint de berlingue[3] brun, leur caleçon arrêté au-dessus du genou, laissant en tout temps à découvert leurs jambes sèches et nerveuses (...), ils vivent d'une idée : la manne de la mer[4]. »
Le même auteur poursuit :
« Le pagan ne voit que la mer (...). À la vue d'un navire en détresse, la plage se couvre de pirates improvisés, désertant dans l'espoir du pillage la ferme, la charrue, l'église même, pour aller au pensé ("bris"). La voix des pêcheurs et des pilotes se renvoyant des avis et des signaux est souvent impuissante contre la force destructrice du vent ; et si le navire, ballotté de vague en vague, vient à se briser sur ces récifs qui lui servent de lit funèbre, le rivage offre la triste ressemblance de ces champs de mort où se précipitent, après la bataille, les animaux carnassiers. Dispersés sur les rochers les plus avancés dans les flots, ils ne songent, avec leurs longues perches armées de crocs, qu'à tirer à sec ces barils, ces caisses, ces ballots,que leur envoie a tempête, et chaque épave qu'ils parviennent à haler à terre est accueillie par des trépignements de joie. Alors intervient parfois la force armée[4]. »
Denis Goulven, médecin à Roscoff vers 1865 observe : « Comment de tels hommes, en présence de la réalisation de leurs rêves, consentiraient-ils à lâcher leur proie devant le sabre de quelques douaniers ? Quand un bris est là, il y aurait à courir le risque d'un boulet en pleine poitrine, ils iraient ; ils semblent obéir fatalement à des instincts de race »[5]. Les mœurs des paganis se sont toutefois adoucies : Pol Potier de Courcy écrit : « Les naufragés ne sont plus maltraités et sont même généralement l'objet d'une pieuse compatissance ».
Aujourd'hui, ce passé est exploité pour vendre les charmes touristiques de la Côte des légendes.
Économie
Le Pays pagan vit du tourisme et de l'agriculture maraîchère. Le goémon, et plus précisément le pioka (ou « lichen de mer ») est récolté les semaines de grandes marées et vendu aux industries cosmétiques. Quelques entreprises dans le bâtiment sont aussi présentes, pour la plupart d'origine locale.
Activité culturelle
Le Pays pagan possède sa troupe de théâtre, Ar vro Bagan, ainsi qu'un bagad et un cercle de danse bretonne. Diverses activités sportives sont par ailleurs proposées avec du football, du handball, du surf, de la voile. Des groupes de musique aussi chantent ce pays avec entre autres le groupe de chants de marins, Les Gourlazous qui se produisent régulièrement dans cette contrée.
Traditions
L'identité « paganiz » est mise en avant depuis quelques années pour affirmer une originalité culturelle (« carnaval pagan » de Plounéour-Trez ou encore Trechou Surf Team de Kerlouan affirmant son côté pagan). Mais dans les faits, cette personnalité est peu marquée et ses traditions et costumes sont très peu éloignés de ceux du Bas-Léon.
Notes et références
- Rhodiens Le droit de s'emparer de tout ce qui appartenait aux malheureux naufragés était déjà inscrit dans la plus ancienne des lois de la mer connue, celle des
- Guillaume Joseph Gabriel de La Landelle, "La semaine des familles", n° du 27 avril 1867, consultable http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k55197080/f5.image.r=Landeda.langFR "Nouveau commentaire sur l'ordonnance de 1681", 1776, titre IX des Naufrages cité par
- Le Berlingue est un tissu, mélange de laine et de fil
- Guillaume Joseph Gabriel de La Landelle, "La semaine des familles", n° du 27 avril 1867, consultable http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k55197080/f5.image.r=Landeda.langFR Pol Potier de Courcy, "La Bretagne contemporaine, 1864, cité par
- Guillaume Joseph Gabriel de La Landelle, La semaine des familles, n° du 27 avril 1867, consultable http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k55197080/f6.image.r=Landeda.langFR
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