Paul Goma

Paul Goma

Paul Goma, né le 2 octobre 1935 à Mana, village proche d'Orhei en Moldavie (à l'époque Bessarabie), est un écrivain d'origine roumaine et ancien dissident anti-communiste, vivant à Paris (France).

Sommaire

Biographie

Fils d'instituteurs roumanophones, Paul Goma a cinq ans lorsque sa famille doit fuir devant l'Armée rouge, alors qu'en application du protocole secret du pacte Hitler-Staline, l'URSS annexe son pays natal. La famille s'installe à Sibiu, où le communisme (roumain cette fois) la rattrapera cinq ans plus tard, alors que le petit Paul a dix ans.

Paul Goma a montré dès sa jeunesse un esprit contestataire et provocateur, déclarant que "la persécution ou la disparition d'un citoyen n'est rentable pour un pouvoir, que si ce citoyen reste anonyme". En mai 1952, alors qu'il était élève en seconde au lycée "Gheorghe Lazăr" de Sibiu, Goma défend des camarades accusés de menées subversives et, amené à la Securitate, il y est interrogé durant huit jours, après quoi il est exclu du lycée. Il réussit à poursuivre sa scolarité à 100 km. de là, au lycée "Radu Negru" de Făgăraș, passant son bac en 1953. En 1954 il réussit aux examens d'admission en philologie à l'Université de Bucarest et en littérature à l' Institut de littérature "Mihai Eminescu", choisissant ce dernier. Il a comme professeurs Radu Florian, Tamara Gane, Mihai Gafița et T.G. Maiorescu et adhère à l'Union des jeunesses communistes, pensant que la rénovation intérieure peut être plus efficace que la contestation extérieure. Mais suite à ses nombreuses provocations et disputes (entre autres, il manifeste son soutien à la révolution hongroise de Budapest), il en est exclu en novembre 1956 et aussitôt arrêté, puis jugé pour tentative d'organiser une manifestation hostile au socialisme; en mars 1957 il est condamné à deux ans de correctionnelle, et en fera trois (il fut insoumis en prison aussi) à Jilava et à Gherla. En 1960, il est envoyé en résidence forcée et sous contrôle judiciaire dans le village de Lătești, dans la plaine valaque du Bărăgan, où il est assigné jusqu'en 1964.

Ne pouvant pas reprendre ses études là où elles avaient été interrompues, il se réinscrit en première année en philologie, à Bucarest, en 1965. Pensant toujours à la résistance intérieure, il s'inscrit au P.C. roumain. En 1968 il adhère aux positions défendues à Prague par Alexandre Dubček (le Socialisme à visage humain), et comme Nicolae Ceaușescu, le nouveau président roumain, soutient lui aussi Dubček au début, Goma n'est pas inquiété. Il achève ses études en 1970. En 1971, alors que son roman Ostinato (L'obstiné), censuré en Roumanie, paraît en version intégrale en R.F.A. (des amis dissidents ont sorti le manuscrit), il est exclu du P.C.

Au printemps 1977, Goma réussit par le même biais à envoyer une Lettre ouverte au gouvernement roumain à la radio américaine "Free Europe", exigeant le respect des droits de l'homme en Roumanie. Cette lettre y est lue au micro. Paul Goma est aussi l'un des signataires de la "Charte 77". Exclu de l'Union des écrivains, puis arrêté et torturé par la Securitate, il est détenu plusieurs mois à la prison de Rahova. Mais, étant déjà connu en Occident et répertorié par l'ONG "Amnesty International", il ne peut plus être jugé et condamné sans provoquer des protestations internationales, alors même que le régime communiste tente de donner à l'étranger l'image d'une "démocratie populaire indépendante". Le 20 novembre 1977, Paul Goma, son épouse et son fils sont privés de la nationalité roumaine et expulsés vers la France. À Paris, ils demandent et obtiennent l'asile politique. Goma y continue son combat contre le système communiste, la dénonciation de ses crimes (en 2005, le gouvernement roumain a chiffré le nombre de victimes en Roumanie à deux millions entre 1945 et 1989) et de la politique de Nicolae Ceaușescu. La Securitate réagit par un colis piégé (désamorcé par la police française, qui protège alors Goma) puis par plusieurs tentatives d'empoisonnement contre Goma et son fils.

À partir de 1980 sa lutte contre le communisme prend un ton de plus en plus nationaliste et même anti-occidental. Goma refuse la nationalité française, offerte au bout de seulement trois ans de séjour, en même temps qu'au dissident tchèque Milan Kundera (qui l'accepte), et se rapproche des positions défendues avant-guerre en Roumanie par Nae Ionescu, Octavian Goga et Nichifor Crainic. Après la chute de Ceaușescu en décembre 1989, une partie de ses livres est publiée en Roumanie. Il écrit des articles dans les revues "Vatra", "Familia", "Timpul" et "Jurnalul Literar".

Paul Goma a fait partie durant 8 jours de la Commission présidentielle pour l'analyse de la dictature communiste en Roumanie, dont il a été révoqué par son coordonnateur Vladimir Tismăneanu, suite à ses prises de position[1].

Le scandale de la "Semaine rouge"

Après 1989, Paul Goma se montre très irrité par la relative indifférence que les régimes communistes est-européens et leurs crimes suscitent en Occident, en comparaison avec la mémoire de la Shoah qui, elle, est bien mieux entretenue par les historiens, les écrivains et les cinéastes[2]. Au lieu de suivre l'exemple de ceux-ci, Paul Goma place son témoignage littéraire dans l'engrenage de la concurrence mémorielle (Nicolas Trifon), exige des auteurs juifs qu'ils assument les responsabilités pour les crimes commis contre les Roumains, et qu'ils cessent de monopoliser l'histoire avec le mythe du génocide unique, celui dont ils ont été victimes, et de culpabiliser toutes les autres nations, dans le but politique et économique de les dominer et de leur extorquer des fonds, sans aucune analyse critique de leurs propres agissements criminels anti-roumains (et en général anti-goim), avec le soutien et l'approbation de la quasi-totalité des cercles israélites. Cette déclaration lui aliène la plupart des anciens dissidents tels Doina Cornea, Romulus Rusan, Ana Blandiana, Gabriel Liiceanu, Andrei Pleșu ou Mihai Stănescu, qui se désolidarisent publiquement de lui[3].

En 2002, Paul Goma publie son essai : La semaine rouge 28 juin - 3 juillet 1940 ou la Bessarabie et les Juifs, où il relate son traumatisme de jeunesse, lorsqu'il fut témoin de la réaction d'une partie de la population non-roumanophone de Bessarabie lors de l'ultimatum de Staline à la Roumanie et de l'évacuation de ce territoire par les autorités roumaines fin juin 1940. Paul Goma attribue spécifiquement aux Juifs des pillages et atrocités commises alors contre la majorité moldave, puis enchaîne en tentant de "légitimer" les crimes contre l'humanité du régime fasciste roumain contre les Juifs après le 22 juin 1941 (attaque de l'Axe contre l'URSS), par la vengeance contre les actes commis l'année précédente.

Les historiens roumains ont qualifié la Semaine rouge de "manifeste politique qui réinterprète l'histoire, utilise des sources tendancieuses, et n'en choisit que celles qui peuvent servir son propos, rendant une population tout entière (250 000 juifs moldaves) responsable de l'action des commandos communistes, dont les membres n'étaient pas majoritairement juifs. LaSemaine rouge ne sert pas la dénonciation des crimes du communisme, mais des thèses antisémites et négationnistes"[4]. Les sources primaires concernant les évènements décrits dans la Semaine rouge se trouvent dans les Archives militaires roumaines[5] et sont citées par des historiens de renom tels Dinu Giurescu ou Mihai Pelin[6],[7],[8].

Face à ces critiques, Paul Goma a tenté de crédibiliser son essai en multipliant les références et en renonçant à certaines approximations, généralisations et amalgames : il publia plusieurs variantes entre 2002 et 2005. La première mouture est parue chez l'éditeur moldave "Museum" de Chișinău en 2003, la deuxième chez "Criterion Publishing House" à Bucarest (2003), la troisième chez "Vremea", également à Bucarest (2004). Le résultat fut l'inverse de ce qu'il espérait: son isolement s'accentua tant en Roumanie qu'en France. La Roumanie refuse de lui rendre sa nationalité d'origine, et il est toujours apatride. En 2006, une pétition en faveur de Goma, signée par 300 personnes, s'est heurtée aux fins de non-recevoir du président Traian Băsescu.

Distinctions

  • Prix du prosateur, Union des Écrivains de la République de Moldavie, Mars 1992.
  • Prix du prosateur, Union des Écrivains de Roumanie, 25 mai 1992.
  • Citoyen d'honneur de Timișoara, 30 janvier 2007.

Ouvrages publiés en français

Notes et références

  1. Ziua, 27/04/2006
  2. Paul Goma et Norman Manea : le témoignage littéraire dans l'engrenage de la concurrence mémorielle, par Nicolas Trifon
  3. « Mihai Dinu Gheorghiu: L'honneur perdu d'un dissident roumain », Le Monde du 29 mai 2007
  4. Paul Goma et Norman Manea : le témoignage littéraire dans l'engrenage de la concurrence mémorielle, par Nicolas Trifon
  5. Arhivele Militare Române, fond 948, Secția a 3-a operații,dosare 527, 98, 1836, 1891,etc.
  6. Dinu C.Giurescu: Les juifs de Roumanie (1939-1944), 1997, http://www.itcnet.ro/history/archive/mi1997/current10/mi47.htm
  7. Dinu C. Giurescu: Qui est responsable?, 1998, http://www.itcnet.ro/history/archive/mi1998/current7/mi5.htm
  8. Mihai Pelin, La semaine des souffrances, dans Antonescu: le Pétain roumain et ses guerres, vol.I, p.29-130, Ed. Iosif Constantin Drăgan, Venise, 1988.

Voir aussi

Biographies

  • Mariana Șipoș, Le destin d'un dissident : Paul Goma, Ed. Universal Dalsi, 2005
  • Elvira Iliescu, Paul Goma - 70, Ed. Criterion, 2005

Liens externes


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