- Arius (prêtre)
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Arius (version latine du prénom Ariuc, 256 - 336) était un prêtre, théologien et ascète chrétien libyen d'origine berbère[1] à l'origine de la doctrine qui porte son nom : l'arianisme.
Sommaire
Biographie
Arius naît en Cyrénaïque dans la région des cinq cités[2]. Il étudie auprès de l'érudit, théologien et martyr Licinius d'Antioche
A l'âge de 55 ans, il est ordonné diacre en 311 par Pierre d'Alexandrie puis nommé prêtre par Achille, un éphémère successeur de Pierre. En 314, on lui confie la communauté chrétienne du nom de Baucalis près du port d'Alexandrie. On lui atteste un excellent comportement résistant pendant la grande persécution de Dioclétien et de ses successeurs. Cette persécution commence en 303 et ne se termine qu'à l'élection de Constantin Ier et l'édit de tolérance de Galère en 311.
Pour la majorité des chrétiens d'alors, Dieu est incorporel et ne peut faire partie de l'univers matériel. Arius commence, en 312, à professer la thèse suivante, issue de la théologie de son maître Licinius qui la tient d'Origène :
- le Fils est infatué au Père,
- le Fils a été créé ipso facto,
- ses qualités morales et individuelles ont conduit Dieu à l'adopter,
- il est l'intercesseur entre Dieu et les hommes,
- la perfection divine étant hors d'atteinte de l'être humain, celle du Fils pourrait être appréhendée.
On débat alors de la question suivante : « La perfection du fils est-elle le fruit de sa propre volonté ou bien est-elle pro rerum natura ? »
Il meurt en 336.
Ses théories se propagent d'autant mieux dans tous les ports d'Orient qu'Arius les met en musique et en vers dans une métrique correspondant aux ballades populaires. Sa propagation vers l'Orient est assez naturelle dans la mesure où ce type de questionnement théologique en provient[réf. souhaitée]. Licinius avait été élève d'Origène. Une christologie proche avait été aussi développée par Denys d'Alexandrie
Articles détaillés : adoptianisme et kénose.Les éléments du conflit avec l'évêque d'Alexandrie
En 314, Le nouvel évêque d'Alexandrie, Alexandre d'Alexandrie et son secrétaire et fils adoptif Athanase, professent d'autres théories en ce temps où le débat christologique est animé. La christologie d'Alexandre professe que « Le Fils est une incarnation du Dieu d'Israël ». Sa théorie est assez proche de celles développées par ceux des gnostiques qu'on finira par nommer docètes. On aboutit vite à un rapport de force entre l'évêque Alexandre et Arius, simple prêtre. En effet Arius soutient que le fils ayant été engendré par le Père, a donc eu un commencement et n'est donc pas éternel, etablissant ainsi une hierarchie dans la relation Père-Fils. Alexandre d'Alexandrie lui opposait la doctrine du fils éternel, immuable et de même nature que le Père.
Le succés de l'hérésie arienne peut s'expliquer par le fait que le dogme de la trinité n'avait à l'epoque pas été encore clairement établi; ce qui sera fait au concile de Nicée en 325.
Ce type de questionnement sur la relation du Père et du Fils ou sur la conception de la messianité est tout à fait éloignée du judaïsme hellénistique. Il montre combien les liens se sont distendus ; ce phénomène est tout à fait normal dans la mesure où la dynamique communauté juive d'Alexandrie, celle à laquelle on doit la Septante, a été détruite par la persécution romaine en 260.
Concile d'Alexandrie
Alexandre est le métropolite de la seule région qui alors comprend plusieurs évêques et de nombreuses communautés. Alexandrie est également la ville la plus prospère de l'empire romain. Il convoque donc un premier concile régional qui réunit sa centaine d'épiscopes en 318. Arius y est immanquablement excommunié après avoir été enjoint de signer une profession de foi qui correspondait à une rétractation totale de sa théologie.
Concile de Bythinie
Arius se réfugie en Bithynie où il reçoit le soutien de Eusèbe de Nicomédie, ville alors capitale de l'empire d'Orient dont l'évêque Eusèbe est un proche de la Cour. Il a une réputation d'érudit qu'il met dans la balance pour pérenniser la cause d'Arius dans une époque où le débat théologique est chose normale, aucune dogmatisation n'étant encore intervenue. Eusèbe motive d'autres prélats. Il convainc Arius d'écrire une profession de foi qui conduirait la crise vers un compromis, dans laquelle celui-ci renonce à son modèle naturaliste de création. Il maintient la supériorité du Père sur le Fils, appelée à être acceptée par la conception méritocratique d'une société romaine où les relations d'infatuation et de hiérarchie ont un poids politique et social et commencent à prendre de l'importance sur le plan religieux et maintient la perception de la vie de Jésus-Christ dans sa dimension eucharistique.
Ses vues sont déclarées acceptables par le concile de Nicomédie. L'excommunication prononcée précédemment par le concile d'Alexandrie est levée. C'est la première fois que le concile local d'une église locale lève l'excommunication prononcée par une autre et ce ne sera pas la dernière. Il est vrai qu'à l'époque, aucun évêque n'a autorité pour se prononcer en dernier ressort sur la validité ou la vérité d'une doctrine. Aucune raison, par ailleurs, n'existe pour que les décrets d'une église locale soient validés par une autre.
Église de Tyr au Liban
En ce temps-là, la communauté libanaise est toute petite et située dans la ville de Tyr car le christianisme ne sera répandu au Liban qu'un siècle plus tard autour du saint homme[3]. L'évêque Paulin de Tyr lui apporte également son soutien.
Église de Palestine
L'évêque en est Eusèbe de Césarée. Sa réputation de théologien et d'érudit s'est répandue dans le monde connu. Il est le premier chroniqueur de l'histoire du christianisme et il a été décemment motivé par l'autre Eusèbe, celui de Nicomédie. Il soutient Arius et met le poids de sa notoriété dans la balance, en se référant, par exemple, à Origène.
Tentatives de solution de la crise
Ossius de Cordoue
Constantin est un païen monothéiste. Il honore Sol Invictus mais s'intéresse depuis longtemps au christianisme en gardant auprès de lui une sorte de conseiller aux affaires spirituelles, Ossius de Cordoue, l'un des rares théologiens occidentaux de l'époque. Il le mandate pour enquêter sur les querelles alexandrines.
On est certain qu'il rencontra Alexandre et possiblement Athanase. On pense qu'il ne rencontra pas Arius ; le contraire eût été considéré comme une offense au puissant évêque monarchique. Toutefois, il s'embarque pour Antioche où Arius s'est réfugié. Il arrive pour la préparation du concile d'Antioche dans laquelle il compte bien intervenir.
Concile d'Antioche
En 325, Arius a 70 ans. Ossius lui propose un troisième brouillon de profession qu'il a probablement préparé avec Alexandre et Athanase, en sorte que la situation se retrouve une station en arrière.
Le texte d'Ossius prévoit :
- Il reconnaît un seul Seigneur Jésus-Christ (en quoi la seigneurie se déplace du Père vers le Fils),
- qui est fils unique engendré et non créé
- le fils existe depuis toujours (on reconnaît l'influence de la théologie de Jean),
- il est immuable et inaltérable (en quoi on reconnaît l'influence du néo-aristotélisme),
- il est l'image non de la volonté mais de l'existence réelle du Père.
S'ajoutent à la profession de foi une série d'anathèmes, c'est-à-dire de malédictions portées sur ceux qui seraient d'un avis différent. C'est la première fois que ce type de procédé est utilisé.
Du fait de la présence d'Ossius, envoyé de l'empereur, de nombreux évêques ariens se sont excusés, Paulin de Tyr par exemple. Or, Antioche est la métropole d'une région très étendue : la Cappadoce, le Liban avec Tyr, la Syrie, l'Arabie et les marches de la Perse. Ce territoire est très étendu mais pas énormément peuplé non plus que chrétien.
Il se trouve donc 60 évêques pour signer la profession de foi d'Ossius et trois pour la rejeter, Théodore de Laodicée, Narcise de Néromias et Eusèbe de Césarée. Tous trois sont excommuniés et anathémisés. Ossius avait prévu que l'idée qu'Eusèbe de Césarée pût être excommunié ferait le tour du monde connu en un rien de temps et il imaginait que cela nuirait à sa réputation et affaiblirait sa crédibilité de théologien. Mais le concile d'Antioche laisse une porte de sortie, prévoyant une prochaine réintégration, au Concile d'Ancyre (Ankara) qui procédera à l'élection du successeur de Philologion d'Antioche.
Le concile d'Ancyre mute en concile de Nicée
Constantin surprend tout le monde en déplaçant le concile de 300 km d'Ancyre à Nicée. Les 400 convocations pour le concile de Nicée, doivent parfois rattraper en cours de route les évêques déjà partis pour Ancyre. A cette occasion, le concile, jusqu'ici local et destiné à régler des questions locales dans la vie d'une église, se mute en concile oecuménique de toutes les églises et par la même occasion en un tribunal qui condamnera Arius en 325. Les évêques présents y adoptent le terme homoousios (traduit par consubstantialité) signifiant que le Fils est de même substance que le Père.
Anathématisé et exilé pendant plusieurs années, Arius demeure soutenu par Eusèbe de Nicomédie, se fait absoudre par quelques conciliabules et est rappelé d'exil par Constantin.
Le débat allait durer aussi longtemps que la longue vie d'Arius et d'Athanase. Il mourut subitement d'une violente colique en l'an 336, lors d'une dernière tentative de conciliation. Ses partisans prétendirent qu'il avait été empoisonné, et ses adversaires virent dans cette mort extraordinaire une punition de Dieu.
Sa théologie fit de grands progrès, entre autres par le choix de l'évêque goth et arien Wulfila (311-383) pour évangéliser les germains, dans le cadre d'une soumission du pouvoir spirituel au pouvoir temporel développée par Constantin et ses successeurs. Constantin se fera d'ailleurs baptiser sur son lit de mort par un évêque arien, Eusèbe de Nicomédie[4]. On peut penser qu'il agissait en connaissance de cause, Constance, son fils et successeur ayant été élevé dans l'arianisme. Ainsi, les empereurs Constance II et Valens qui règnent sur l'Orient sont ariens. Lors de la dissolution de l'empire romain, l'arianisme des royaumes barbares s'oppose au christianisme orthodoxe. En 589, le dernier roi arien, Récarède Ier, roi Wisigoth d'Espagne, est le dernier à se convertir.
Voir aussi
Bibliographie
- J.-M. Le Mayeur et al., Histoire du Christianisme - tome 2 - naissance d'une chrétienté, Desclée, 1995, p.249-274.
- Richard E. Rubenstein, Le jour où Jésus devint Dieu, La Découverte, 2000.
- Annick Martin, "Le fulgurant succès d'Arius" in Les premiers temps de l'Église, éd. Gallimard/Le Monde de la Bible, 2004.
Écrits
Clavis Patrum Graecorum 2025-2042
Notes
- Gilbert Meynier, L’Algérie des origines :De la préhistoire à l’avènement de l’Islam, p151n, Paris, La découverte, 2007, ISBN 2707150886 Cf
- Cyrène, Bérénice, Arsinoë, Apollonia et Ptolémaïs, dans le nord-ouest de la Cyrénaïque. Elle comprenait les cinq villes de
- Antiquité tardive, Points, Seuil Peter Brown, la société et le sacré dans l'
- Eusèbe de Césarée, De vita Constantini, IV, 68-64
Liens internes
Liens externes
- Des gnostiques à Arius : les hérésies des premiers siècles : Ecrit par l'historienne Alix Ducret
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