- Oubapo
-
OuBaPo
L'OuBaPo, acronyme d'Ouvroir de Bande-dessinée Potentielle, a été fondé en novembre 1992 au sein de l'Ou-X-Po et à travers la maison d'édition L'Association. Ce comité crée des bandes dessinées sous contrainte artistique volontaire à la manière de l'Oulipo, Ouvroir de Littérature Potentielle, initié par Raymond Queneau. Quatre OuPus ont été publiés parcourant les diverses recherches, auxquels s'ajoutent les œuvres individuelles de ses membres et sympathisants. L'OuBaPo a tenu sa première séance de travail dans les locaux de l'atelier Nawak, début 1993.
Sommaire
Histoire
Le groupe, constitué en 1992, est formé, lors de la première séance de travail début 1993 de François Ayroles, Anne Baraou, Gilles Ciment, Jochen Gerner, Thierry Groensteen, Patrice Killoffer, Étienne Lécroart, Jean-Christophe Menu et Lewis Trondheim. Groensteen le quitte en 1999, en désaccord à la fois avec la politique d'alors, plus tournée vers les performances que les publications, et avec l'inféodation du mouvement à l'Association, mais aussi et surtout car il ne se sentait pas l'âme d'un créateur formel[1].
Ont également collaboré aux OuPus ou publié des livres estampillés « Oubapo » : Stanislas Barthélémy, Denis Bourdaud, Philippe Coudray, Emmanuel Guibert, Matt Konture, Axel Renaux, Vincent Sardon, Joann Sfar, Tanitoc, Jean-Michel Thiriet, les suisses Ibn Al Rabin, Alex Baladi, Andréas Kündig, l'espagnol Sergio Garcia. Un ouvroir américain existe également piloté par Matt Madden.
Contraintes en bande dessinée
On peut définir un peu mieux quelles sont les contraintes formelles que s'imposent les auteurs dans la réalisation d'un album à caractère OuBaPien. Une première classification des contraintes fut faite et publiée dans le premier Oupus par Thierry Groensteen en 1997 et s'intitule Un premier bouquet de contraintes. Les contraintes peuvent se distinguer en contraintes génératrices et transformatrices.
Génératrices
- Ambigramme : souvent basé sur le principe de l'upside-down, joue sur l'ambiguïté d'un dessin ou d'une situation (qui s'inverse en même temps qu'on inverse le sens de lecture)
- Itération : de différents types, l'itération iconique par exemple consiste à raconter une histoire avec une même case (ou un nombre défini) en changeant les dialogues uniquement.
- Palindrome : création d'une histoire de bande dessinée qui se lit dans les 2 sens (sens normal première à dernière page, sens dernière à première page). On obtient alors 2 histoires à la sémantique différente. C'est une contrainte dérivée de la pluri-lecturabilité.
- Pliage : pliage d'une page qui dévoile un nouveau sens, une nouvelle histoire
- Pluri-lecturabilité : lecture d'une planche sous plusieurs sens (gauche, droite, en diagonale...)
- Restriction : restriction graphique consiste à la limitation ou l'élimination d'un élément graphique de l'histoire (le visage d'un personnage par exemple, ou la notion de personnage elle-même, comme dans La Cage de Martin Vaughn-James). La restriction plastique consiste à se limiter à certaines formes graphiques ou couleurs etc.
- Réversibilité / Upside-Down : lecture de la page avec plusieurs orientations. L'upside-down fut inventé en 1903 par Gustave Verbeck avec The Upside-Downs Little Lady Lovekins and Old Man Muffaroo, il s'agit d'une histoire qui se lit dans un sens, puis on tourne la planche à 180° pour lire la suite. Les textes sont écrits dans chaque sens, endroit et envers.
Transformatrices
- Expansion : enrichissement d'une histoire par un (ou plusieurs) auteur qui insère des cases dans une histoire existante pour en former une nouvelle.
- Hybridation : création d'une histoire par croisement de cases empruntées à d'autres bandes dessinées (d'un même auteur ou non).
- Réduction : à l'opposé de l'expansion, il s'agit de supprimer des cases d'une histoire existante. Gilles Ciment l'a réalisé sur Les cigares du Pharaon de Tintin en le réduisant à 6 cases.
- Réinterprétation graphique : emprunter le style de dessin d'un auteur ou ses personnages pour sa propre histoire.
- S+7 ou N+7 : remplacer un nom dans un dialogue par le 7e nom le suivant dans le dictionnaire. Cette contrainte n'est pas propre à l'oubapo, il s'agit d'une contrainte oulipienne proposée par Jean Lescure.
- Substitution : remplacer un dessin par un autre, ou prendre les planches d'un autre auteur pour l'intégrer dans son récit avec un autre texte
Autres contraintes
D'autres contraintes existent comme le tireur à la ligne dont un exemple a été fait par Étienne Lécroart et J-C Menu. Mixant des contraintes génératrices et transformatrices comme l'expansion, ce principe consiste à intercaler par généralement 2 auteurs des suites de cases. À l'étape A, le premier auteur réalise 2 cases (A-A), à l'étape B le second intercale 3 cases ce qui fait une histoire de 5 cases (B-A-B-A-B) et on continue l'histoire de cette manière.
Une contrainte supplémentaire du défi est de faire commencer le dialogue d'une série A par la lettre a, d'une série B par un b etc.
Une œuvre oubapienne peut ne pas être limitée à une contrainte précise mais dans cet esprit mixer plusieurs types de contraintes différentes.
On se rend compte que ces contraintes, quelles qu'elles soient, sont très difficiles à mettre en place et demandent beaucoup d'imagination de la part des auteurs, ceci afin de créer une bande dessinée non seulement "à contraintes" forte sur un plan technique mais racontant une véritable histoire. La liste proposée n'est bien sûr pas exhaustive car potentiellement illimitée tant que la dite imagination des auteurs ne se tarit pas.
Valeur artistique et intérêt intellectuel
Juger des productions oubapiennes selon les critères esthétiques habituel est inopérant : en effet, basées sur des contraintes parfois très fortes, elles semblent souvent forcées, et plus ressortir de l'exercice de style, du divertissement (ce qui apparaît encore plus avec les pliages), que de l'œuvre[2]. Au-delà de la « critique salutaire de l'idéologie naïve de l'expression et de l'inspiration[3] », leur apport à la bande dessinée est pourtant réel, tant elles « font sentir combien une bande dessinée est une totalité organique, dont les différents ingrédients et paramètres sont pris dans un réseau serré de déterminations réciproques[4] ».
Thierry Groensteen relève trois apports principaux : en minorant là l'importance du dessin, dans les réinterprétations graphiques ou les bandes dessinées sans dessin, l'Oubapo rappelle à la fois que l'essence de la bande dessinée n'est pas dans la représentation mais dans « l'agence spatial du multicadre, investi par un discours séquentiel » et que textes et dessins sont totalement interdépendants[5] ; en malmenant l'homogénéité du style, « l'Oubapo participe à l'avènement d'une conception plus ouverte de la bande dessinée[6] » ; les exercices relevant de la plurilecturabilité « encouragent des lectures translinéaires » et des approches moins conventionnelles de la narration[7], tout en rappelant l'importance de la séquentialité[4].
Production OuBaPienne
Bibliographie
- François Ayroles :
- Jean qui rit & Jean qui pleure (1995) : itération iconique partielle
- Étienne Lécroart :
- Pervenche & Victor (1994)
- Ratatouille (2000)
- Cercle Vicieux (2000) : palindrome
- Le Cycle (2003) ! substitution, réinterprétation graphique
- L'élite à la portée de tous (2005) : palindrome, itération, réinterprétation graphique
- Les caïds de la gaudriole (2007) : Plurilecturabilité, itération, hybridation, etc.
- Bandes de sonnets (2007) : Distribution réglée, hybridations, plurilecturabilité, etc.
- Luc et François Schuiten :
- Nogegon (1990) : troisième volume de la série Les Terres creuses, un album palindrome où chaque vignette a son symétrique (cadrage, tons, histoire).
- Lewis Trondheim :
- Moins d'un quart de seconde pour vivre (1991) avec Jean-Christophe Menu : itération iconique. À partir d'un jeu de cases donné par Menu, Trondheim écrit 100 strips (histoires en 4 cases)
- Le Dormeur (1993)
- Les Trois chemins (2000) avec Sergio Garcia
- Les Trois chemins sous la mer (2003) avec Sergio Garcia
- Bleu (2003)
- La nouvelle pornographie (2006)
Jeux de société
- Oubapo, Le Scroubabble, L'Association, 2005
- Anne Baraou & Vincent Sardon, Coquetèle, L'Association, 2002)
Expositions
- 2000, Participation à l'exposition du Collège de 'Pataphysique à la Collégiale de Chartres.
- 2003, Galerie Anne Barrault, Paris.
- 2005, au CNBDI d'Angoulême en marge du Festival d'Angoulême 2005.
- 2007-2008, au Musée des Arts décoratifs de Paris dans le cadre de l'expo Toy Comix
Annexes
Documentation
Articles de revues, dictionnaires, collectifs
- Thierry Groensteen, « Ce que l'Oubapo révèle de la bande dessinée », dans 9e Art n°10, Centre national de la bande dessinée et de l'image, avril 2004, p. 72-75
Internet
- (en) OuBaPo-America
- (fr) Sites de l'expo Toy Comix au musée des Arts décoratifs de la ville de Paris
Notes et références
Notes
Références- Portail de la bande dessinée
Catégories : Ouxpo | Esthétique de la bande dessinée
Wikimedia Foundation. 2010.