Orgue numerique

Orgue numerique

Orgue numérique

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Lorgue numérique est un instrument de musique offrant la même disposition que celle dun orgue classique à tuyaux : claviers, pédalier et registres de jeux. La différence essentielle est quau lieu de produire le son par des tuyaux, lorgue numérique emploie des générateurs électroacoustiques dont le signal est envoyé vers des haut-parleurs via des amplificateurs. Le point commun avec l'orgue à tuyaux, justifiant le nom d’« orgue », est la capacité à prolonger les sons de manière indéfinie, contrairement à d'autres instruments à clavier tels le clavecin ou le piano.

Disques optiques générateurs de signal sonore

Sommaire

Brève histoire de lorgue électronique

Dès que la technologie a permis de créer des sons à partir de générateurs électroniques, lidée de construire des instruments de musique est née. Lorgue électronique est le premier instrument qui ait été conçu pour pouvoir générer des sons uniquement à partir de lélectricité. Il ne faut pas le confondre avec lorgue électrique, qui nétait en fait quun harmonium équipé dune petite soufflerie électrique. Plusieurs technologies furent mises au point pour générer des sons : le trigger de Schmitt, loscillateur sur couple condensateur-self, loscillateur à lampe, loscillateur à transistor avec transfo-diviseurs et les générateurs à plateaux rotatifs (disques optiques, disques électrostatiques et disques magnétiques).

Dans les années 30 naissait le fameux orgue Hammond mettant en œuvre une technologie originale : des oscillateurs à lampes produisant un signal sinusoïdal pur et des tirettes ajustables correspondant à différents harmoniques. À partir de 1955 Hammond adoptait le générateur électromagnétique avec plateaux rotatifs. Certaines combinaisons arrivaient à se rapprocher du Ripieno italien, mais on était loin de lorgue à tuyau. En général les harmoniques étaient peu nombreux : 16, 8, 5 1/3, 4, 2 2/3, 2, 1 3/5, 1 1/3 et 1. Cétait une approche grossière de la synthèse de Fourier, mais le son « Hammond » est cependant devenu un son à part entière qui a été adopté par le jazz et le gospel et qui est encore apprécié de nos jours, largement utilisé dans les églises aux États-Unis d'Amérique.

Signaux elementaires.gif

Le trigger de Schmitt a ensuite été le générateur le plus répandu car il était extrêmement aisé à mettre en œuvre. Cétait sans doute un avantage pour le constructeur, mais le son obtenu était dune extrême pauvreté, puisquil sagissait dun signal rectangulaire nayant aucun équivalent dans la nature. La décomposition de Fourrier montre quil nest constitué que dharmoniques impairs. Cest un son creux et agaçant. Dans les années 65-70, la plupart des orgues électroniques dits « liturgiques » étaient équipés de ce type de générateurs. Quels que furent les noms sérigraphiés sur les dominos dappel de jeux, le son était toujours pareil, grossier et pâteux. Cétait lépoque des Vox Continental, Gibson G-101, Farfisa, Viscount, Gem, Bontempi et consort.

Dr Böhm est le premier à avoir essayé de sortir lorgue électronique du ghetto en mettant au point un oscillateur générant des signaux en dent de scie, très riches en harmoniques, réalisé à base de transistors et diviseurs par transformateur. À la fin des années 1960, il mettait sur le marché des instruments étonnants qui offraient des sons très proches de ceux de lorgue classique. Évidemment, ces instruments avaient tous les défauts de lépoque : si chaque jeu était intéressant par lui-même, les mélanges ne donnaient quun vague yaourt sonore. En effet, la même onde passant à travers plusieurs filtres passifs ne pouvait guère donner autre chose quelle-même, et ajouter des jeux les uns aux autres ne donnait absolument pas cet effet dampleur et daugmentation propre à lorgue acoustique. Paradoxalement, lorgue Dr Böhm donnait de meilleurs résultats dans des registrations de détail (très belle Trumpet, très beau Horn Chalmey) plutôt que dans des combinaisons comme ripieno, grand jeu, plein jeu, tutti, au contraire des orgues concurrents de lépoque, Farfisa, Viscount, les jeux individuels étaient horribles.

Formes d'ondes gravées sur un plateau (technologie optique)

La technologie la plus étonnante fut celle du générateur électrostatique à plateaux rotatifs (différent du système Hammond). Le principe était audacieux : la forme donde dun vrai tuyau dorgue déglise était gravée sur un disque sous forme dune couche métallique (qui dessinait une sorte de montagne russe, voir illustration ci-contre). Il y avait autant de plateaux que de notes (douze) et chaque plateau portait la gravure en anneaux concentriques des différents jeux. Chaque disque, en tournant, agissait comme un condensateur variable et ces variations étaient amplifiées, générant ainsi le son voulu. Une méthode similaire utilisait des disques de verre, les ondes étant matérialisées par une couche d'argenture. L'onde sonore était générée par le passage du disque rotatif dans un lecteur optique semblable à celui utilisé autrefois par le cinéma avec la piste optique (une loupiote d'un côté, un capteur photoélectrique de l'autre traduisant les variations de lumière en oscillations électriques). Cette technologie fut utilisée par la marque allemande Welte pour fabriquer des orgues électroniques, les Lichtton-Orgel. Bien qu'apparenté, ce principe ne doit cependant pas être confondu avec le cellulophone dont le générateur sonore ne cherchait pas à reproduire le son d'un orgue véritable.

À lépoque, dans les années 70, lorgue Dereux qui utilisait la technologie des disques électrostatiques, était considéré par les organistes comme linstrument "électrique" le plus « acceptable » pour loreille et la musicalité. Il est aujourdhui complètement dépassé (le moteur et les courroies dentraînement sont un peu bruyantes, le système d'anti-parasitage s'use à la longue, il est sensible aux chocs), mais on trouve encore quelques instruments en activité dans des chapelles et il est recherché par les collectionneurs et par des organistes qui sont heureux de jouer sur ces instruments, chez eux, et à un coût d'acquisition acceptable. Le choix des jeux est judicieux et le son est superbe. Le principal désavantage de l'orgue Dereux sur l'orgue numérique est que ce dernier propose de restituer l'attaque des notes, le bruit du vent s'engouffrant dans les canaux d'air vers les tuyaux.

Lorgue Dereux était cependant un précurseur de lorgue numérique puisque cétait la première fois quon avait eu lidée dutiliser un son réel enregistré et de le restituer le mieux possible. Les limites de lorgue Dereux étaient liées à la technologie de lépoque.

Lépisode synthétiseur

Un nouveau souffle est donné à lorgue avec la naissance du synthétiseur. Le son « synthé » profitera surtout à des orgues jazzy (avec claviers décalés et pédalier raccourci) et on verra alors lexplosion de ces instruments hybrides, avec boîte à rythme, accompagnement automatique et autres accessoires (portamento, vélocité, after-touch). Cest linvasion des produits japonais avec les orgues Yamaha, Technics, Roland, Korg. Même Hammond trouve un second souffle en adoptant la technologie synthé en 1975. Mais les organistes classiques n'apprécient pas ces sons fabriqués, trop éloignés de ceux des orgues à tuyaux.

Cest grâce aux progrès de la technologie synthé que lorgue électronique va renaître. Il y aura dabord le Mellotron (dans les années 70), étrange machine reprenant le principe de lorgue Dereux, sauf quà la place des disques électrostatiques, chaque touche du clavier déclenche la lecture d'une bande magnétique limitée dans la durée. Trop complexe, trop de problèmes mécaniques (les bandes finissent par bourrer et suser), trop de pleurage, le Mellotron naura quune courte durée de vie, même s'il a permis à la musique électroacoustique de faire ses premiers pas.

La naissance du son numérique

Mais linformatique arrive, et avec elle, lidée de stocker la boucle sonore, non plus sur un disque ou sur un bout de bande magnétique, mais dans de la mémoire informatique. Pour y parvenir, il fallait mettre au point une technologie radicalement différente denregistrement du son : la numérisation ou échantillonnage.

Conversion AD DA.gif

La numérisation ou enregistrement digital consiste à convertir un son capté par un microphone (fig. 1) en une succession de valeurs numériques binaire (des "uns" et des "zéros") quil est aisé ensuite de stocker sur un support idoine (puce mémoire, disquette, CD). Cette opération sappelle conversion A-D pour Analogique-Digital (fig. 2). Cependant, cette conversion oblige à exécuter une opération complexe : léchantillonnage. Les premiers échantillonneurs sont nés dans le monde du synthé ; il faut citer pour mémoire le Mirage de Ensoniq, à la fin des années 70. Il offrait une résolution de 8 bits, il était monophonique, mais il avait déjà un son exceptionnel (il y avait de très beaux sons dorgue). Léchantillonnage consiste à analyser un son en temps réel, plusieurs milliers de fois par seconde ; chaque analyse consiste à mesurer la pression acoustique perçue par le microphone et à la convertir en une valeur numérique, compréhensible pour un ordinateur. Cest cette valeur que lon appelle un «échantillon». Léchantillonnage se fait généralement à 96 kHz sur 20 ou 24 bits pour les professionnels (cest-à-dire 96000 fois par seconde) et à 44,1 kHz lorsque lenregistrement est destiné au disque compact, avec une résolution de 16 bits et en stéréo. Désormais, avec larrivée du DVD-Audio et du SACD, on soriente vers un nouveau standard : échantillonnage à 192 kHz, avec 24 bits de profondeur.

La restitution du son original se fait en réalisant lopération inverse qui consiste à lire linformation numérique stockée en mémoire et à la convertir en signal analogique, on utilise pour cela un convertisseur Digital-Analogique ou D-A (fig. 3) (en anglais DAC pour Digital to Analog Converter). C'est le nombre de convertisseurs qui détermine la capacité de l'orgue numérique à gérer simultanément la conversion de plusieurs échantillons.

Fréquence et résolution

La fréquence déchantillonnage détermine la bande passante supportée par le système. Selon le principe de Shannon, «linformation véhiculée par un signal dont le spectre est borné n'est pas modifiée par l'opération d'échantillonnage à condition que la fréquence d'échantillonnage soit au moins deux fois plus grande que la plus grande fréquence contenue dans le signalCela signifie que pour encadrer la bande passante auditive naturelle de lhomme, que lon estime comprise entre 15 Hz et 24 kHz dans le meilleur des cas, il faut une fréquence déchantillonnage au moins égale ou supérieure à 48 kHz (cest-à-dire le double de la fréquence la plus haute). Les orgues numériques actuels utilisent au minimum une fréquence déchantillonnage de 62,5 kHz, ce qui est amplement suffisant.

Mais la fréquence déchantillonnage seule ne suffit pas pour produire un son de haute qualité. La résolution du signal est également un paramètre très important. Elle est déterminée par le nombre de bits utilisés pour coder chaque échantillon. On trouve sur le marché des instruments dont les sons sont codés sur 16, 20 ou 24 bits. Avec une résolution de 24 bits, on dispose dune dynamique théorique de 144 décibels ce qui offre un confort découte proche de la perfection.

Quest-ce quun orgue numérique ?

Lorgue numérique est donc lhéritier direct de cette technologie de léchantillonnage. Les sons produits ne sont plus générés électroniquement par des oscillateurs, ni synthétisés (comme cétait le cas sur les anciens générateurs analogiques), mais ils sont stockés dans une mémoire statique (en général une eprom, parfois un disque dur) et proviennent dun véritable orgue à tuyaux dont un nombre déterminé de notes a été soigneusement enregistré à laide de deux ou quatre microphones. Un enregistrement à deux microphones donne un son stéréophonique ; un enregistrement à quatre microphones donne un son 3D (codage THX 5.1, présence spatiale). La qualité dun orgue numérique dépend donc de la qualité et du nombre de ses échantillons. Le soin apporté à lenregistrement de chaque jeu et la qualité de l'amplification choisie conditionnent le résultat final.

Technologies mises en œuvre dans l'orgue numérique

Jusquà récemment, les premiers orgues numériques nutilisaient quun seul échantillon pour tout le clavier, cétait nouveau, il y avait donc une pointe de réalisme, mais le résultat était très décevant. En plus, les échantillons étaient pauvres, réalisés à une fréquence de 11 kHz ou 22 kHz sur 8 bits et monophoniques, ce qui avait pour conséquence une surcharge de fréquences parasites dans les aigus (ondes stationnaires), des bruits de fond, du souffle, trop de transitoires, des saletés et des accidents dans les graves, etc. Il faut donc considérer que lorgue numérique véritablement sérieux nexiste que depuis 1998, année au cours de laquelle il a enfin acquis une certaine maturité grâce à un échantillonnage de grande qualité.

Il est néanmoins patent que la qualité des orgues numériques est très inégale et quelle est encore perfectible. Il ne faut pas attendre la moindreémotion musicaledun instrument dentrée de gamme !

Selon que le constructeur cherche à faire un instrument industriel bon marché, vite fait, ou quil se soucie davantage de perfection sonore, la technologie déchantillonnage et de restitution sera différente. Nous avons vu que plus la fréquence déchantillonnage et la résolution sont élevées, meilleure est la qualité du son, car cest de la fréquence déchantillonnage et de la résolution de chaque échantillon que dépend la finesse, la précision et donc la vérité (le « grain ») de londe sonore. Mais on ne peut pas faire un jeu dorgue avec un seul échantillon. En pratique, il existe plusieurs niveaux de qualité. En premier lieu, on distingue deux types déchantillons : les échantillons courts et les échantillons longs.

Les échantillons courts

ne contiennent pas beaucoup dinformation ; ils sont constitués dune seule forme donde (enregistrée à laide dun vrai tuyau) simplement répétée en boucle et le son obtenu, bien que proche de loriginal, manque de vie, de dynamique. Ça sonne toujours « électronique » à cause de la platitude du son.

Les échantillons longs

sont dynamiques. Ils sont constitués de trois éléments concaténés, lattaque, la tenue et la fermeture. Lattaque est le moment particulier de louverture de la soupape lair pénétrant dans le tuyau commence à entrer en vibration ; il se produit alors toutes sortes de bruits, dharmoniques qui sont caractéristiques du jeu (par exemple le chuintement à lattaque du jeu de bourdon). La tenue, dans un échantillon long, nest pas une simple onde rebouclée mais un enregistrement dune certaine durée qui couvre une rotation de phase complète. Il faut en effet savoir quun tuyau dorgue nest pas un simple générateur acoustique stable et uniforme ; cest même tout le contraire dun générateur continu. Le vent produit toujours des ondes stationnaires qui entrent en phase les unes avec les autres et provoquent de légères fluctuations harmoniques perceptibles sur une période cyclique, dont la durée varie dun tuyau à lautre. Pour enregistrer correctement une rotation complète, il faut donc avoir loreille, être musicien plus que technicien, et y passer beaucoup de temps. En pratique, on enregistre le jeu note par note (tuyau par tuyau sil sagit dun jeu composé), sur une durée de 5 secondes (ou plus) pour chaque note, la durée des phases étant généralement inférieure ou égale à 2 ou 3 secondes. Et cest en studio quon isolera patiemment, tuyau par tuyau, chaque phase pour la reboucler (et éviter leclicdu bouclage). Au final, on obtiendra une banque déchantillons (61 pour un clavier de 61 touches) qui auront chacun une longueur différente et dont on aura préservé les petites imperfections et les petites inégalités qui font le réalisme de lorgue acoustique. Arrive enfin léchantillon de fermeture qui va exactement restituer ce qui se passe au moment de lextinction du son dans le tuyau. On appelle cette partie de léchantillon la queue de résonance. Elle est très importante dans les jeux danche, car même si cest presque imperceptible, la fermeture de la soupape provoque toujours un petit couinement ou un petit hoquet au fait que la languette continue de vibrer pendant une fraction de seconde.

Il existe une catégorie intermédiaire, léchantillon court dynamiquement contrôlé qui consiste à exploiter un échantillon court et à y introduire, par traitement informatique, de petites altérations aléatoires pour lui donner plus de réalisme. Il sagit de simulation et non de reproduction, le résultat est donc douteux car cela à toujours un goût de synthétique.

Dispersion des échantillons (nombre d'échantillons pour un jeu)

En théorie, lorgue numérique parfait devrait avoir autant déchantillons longs quun orgue acoustique possède de tuyaux. En pratique, pour des raisons de coût de production, les fabricants dorgues numériques font des compromis qui sont parfois discutables.

Lorgue numérique dentrée de gamme et bon marché naura que des échantillons courts et en plus, ces échantillons seront utilisés pour plusieurs notes, entre 4 et 12. En changeant la fréquence déchantillonnage à la lecture, on reconstitue les notes manquantes de la gamme par transposition. Pour les douze notes dune octave, on utilise seulement 1, 2 ou 3 échantillons. Pour couvrir 5 octaves, 5 à 15 échantillons suffisent. Évidemment, la qualité sen ressent. Pour faire un mi avec un do, on prend léchantillon du do et on en accélère la lecture, ce qui déforme le timbre et rend le son bizarre (comme lorsquon écoute une voix enregistrée au ralenti ou à laccéléré). Pour trouver les solutions les plus économiques les fabricants poussent le vice plus loin : la première et la dernière octave du clavier peuvent nutiliser chacune quun seul échantillon. Le pire étant de navoir quun seul échantillon décliné sur toute létendue du clavier ce qui a bien été le cas des premiers orgues numériques (et cest toujours le cas des synthétiseurs-échantillonneurs bon marché). Ceux qui appliquent un tel procédé partent en effet du principe que loreille humaine serait moins sensible à la qualité timbrale dans le grave et dans laigu. Cest un postulat qui nest pas valable pour tout le monde, surtout les musiciens qui ont développé plus que quiconque une sensibilité à la qualité du son. Raison pour laquelle la plupart des orgues numériques, bien que nettement meilleurs que ce qui se faisait dans les années 80, continuent de ne pas convaincre les vrais organistes et les vrais musiciens.

Le pire du pire existe, cest une marque italienne dorgues numériques qui la inventé : pour simuler lattaque dun tuyau, un peu de bruit blanc (bruit de synthèse créé par un générateur aléatoire) est ajouté à lenfoncement de la touche, ce qui donne un effet complètement ridicule. Car le bruit est uniforme sur toute létendue du clavier, alors que ce nest jamais le cas dans la réalité : dans un orgue acoustique, chaque tuyau a un comportement différent de son voisin, lun pouvant produire plus de bruit que lautre ou pas de bruit du tout.

De même cette marque italienne a voulu imiter le bruit du vent dans les tuyaux graves (basse, bourdon, bombarde) en ajoutantencore luiun peu de bruit blanc variant de façon aléatoire (un aléatoire généré artificiellement qui na absolument rien de naturel).

Comme il ny a pas de petites économies, même la polyphonie est limitée : sur les modèles dentrée de gamme, il est impossible de plaquer un accord de plus de 8 notes ; les notes supplémentaires sont muettes ce qui pose problème lorsquon espère trouver léquivalent dun orgue classique, par définition totalement polyphonique !

Les convertisseurs

Pour restituer les sons numérisés et les rendre audibles en les envoyant à travers les étages damplification vers les haut-parleurs, il faut disposer en amont dune batterie de convertisseurs, système complexe. Sur les orgues électroniques utilisant la technologie analogique, les notes étaient toutes générées en permanence par un oscillateur général et les touches agissaient comme des interrupteurs envoyant le signal directement vers le ou les amplificateurs. La mise en œuvre de lorgue analogique était suffisamment rudimentaire pour que, dans les années 1970, les orgues soient proposés en kit. Il y avait très peu délectronique et beaucoup de fils (autant de fils de liaison que de notes et de rangs, par exemple 1 600 liaisons sur le modèle III/38). A contrario, lorgue numérique contient beaucoup délectronique et très peu de fils, ces derniers ne transportant plus le son, mais des données numériques entrelacées et multiplexées.

La complexité de lorgue numérique réside dans sa capacité à traiter dénormes quantités de données en temps réel. Sur un orgue à tuyaux, lorsque lorganiste tire le Tutti dun instrument de 60 jeux et joue par exemple un accord de 8 notes (7 notes manuelles et une note de pédale), il fait sonner au moins 500 tuyaux simultanément. Pour obtenir exactement le même résultat sur un orgue numérique, cela suppose que lon puisse simultanément lire, convertir, pré-amplifier, mixer et envoyer vers les amplificateurs 1 000 échantillons ! Chaque tuyau correspond à deux échantillons lorsque ceux-ci sont enregistrés en stéréophonie, d' 500 × 2 = 1000. Il en faudra 2 500 si les échantillons sont 3D (codage 5.1). Chaque échantillon ne pouvant être converti quindividuellement, il faut donc autant de convertisseurs qui puissent travailler simultanément.

Lorsqu'un CD est joué sur une chaîne stéréophonique, il ny a que deux convertisseurs qui fonctionnent en continu, un pour le canal droit, lautre pour le canal gauche. Sur un orgue numérique, il faut tirer tous les jeux sur trois claviers, tous les claviers sont accouplés, il y a 40 jeux sous un seul doigt, en comptant les rangs de mixtures et de cornets, cela correspond en moyenne à 50 tuyaux virtuels, donc à 50 échantillons stéréophoniques ou THX. Cest comme si cette touche déclenchait la lecture simultanée (et sans retard) de 50 lecteurs de CD (en stéréo) ou bien de 100 lecteurs de CD (en THX) ! Tout cela survient pour une seule touche enfoncée ! Un cluster est nettement plus exigeant.

Ces considérations techniques sont théoriques. En pratique, les fabricants diminuent les coûts et les prix des instruments de bas de gamme en limitant le nombre de convertisseurs, ce qui a pour conséquence une limitation du nombre maximal de voix simultanées dans la polyphonie. Seuls les instruments haut de gamme garantissent une polyphonie pleine et illimitée qui permettra, notamment, de jouer à quatre mains ou de faire de beaux clusters.

Les haut-parleurs

Disposition des haut-parleurs dans la console

Le son des orgues numériques est traité par des amplificateurs et sort par des haut-parleurs. encore, le pire côtoie le meilleur. Laissons de côté le pire et voyons simplement quelle est la solution choisie par les constructeurs dorgues numériques haut de gamme : multiplier les amplis et les haut-parleurs, et nutiliser que du matériel Hi-fi dédié. Lidéal théorique serait quil y ait autant de haut-parleurs que de tuyaux mais ce ne serait ni raisonnable, ni utile. De même pour l'écoute de l'enregistrement d'un orchestre symphonique, dans cette logique des choses, l'idéal serait de pouvoir séparer chaque pupitre sur un point de diffusion dédié. Cette comparaison est bien entendu absurde car les tuyaux numérisés des orgues numériques ne sont pas enregistrés dans leur spacialisation d'origine, mais en chambre sourde, sortis de leur buffet et de leur acoustique naturelle. L'art du facteur d'orgues numériques consiste donc à reconstituer le mieux possible un son exact et une acoustique artificielle à partir d'échantillons bruts. C'est la raison pour laquelle il est nécessaire de recréer une spacialisation pour donner un relief plus ou moins heureux avec une séparation UT/UT# différentes sur chaque jeu. La technique d'échantillonnage stéréophonique global de tuyauterie d'orgues effectué dans le buffet d'origine et en acoustique naturelle (voir rubrique orgue virtuel) fonctionne parfaitement avec un système stéréophonique sans nécessité de spacialisation artificielle.

La norme du "haut de gamme" de l'orgue numérique à échantillonnage partiel en chambre sourde débute avec 7 amplificateurs pour 13 haut-parleurs. Certains fabricants dorgues numériques ont réussi la plupart des fabricants de chaînes stéréophoniques ont échoué : ni distorsion, ni saturation. Mais cela na rien de surprenant, la puissance est répartie sur 13 voies indépendantes et cest un principe acoustique connu : Quand le nombre de voies augmente, les collisions acoustiques diminuent (à cause de la spatialisation). Nest-ce pas dailleurs le principe de lorgue à tuyau chaque son se produit en un point différent dans lespace ? Il paraît en tout cas naturel quil y ait 2, 3 ou 4 voies par clavier afin de simuler la spatialisation de lorgue. La plupart des orgues numériques disposent de haut-parleurs situés à hauteur des jambes, ce qui n'est pas sans rappeler la disposition d'émission du son des harmoniums.

Conclusion

Orgue numérique à 4 claviers. La console reproduit en tous points celle dun orgue classique. Seuls quelques potentiomètres trahissent la présence de lélectronique.

Le meilleur orgue numérique serait un instrument à échantillonnage complet de tous les tuyaux, fonctionnant avec des banques de sons d'orgues identifiées (Cavaillé-Coll, Clicquot, Silbermann, etc), reproduisant fidèlement (avec une amplification de qualité HIFI) un grand choix de jeux échantillonnés afin que lorganiste puisse composer librement son instrument, des mixtures échantillonnées tuyau par tuyau (et non note par note). La plupart des fabricants proposent des orgues numériques à échantillonnage réduit (quelques tuyaux seulement sont échantillonnés en chambre sourde pour chaque jeu) ; on peut citer, par ordre alphabétique, Allen, Baldwin, Benedikt, Briston, Cantor, Content, Copeman Hart, Eminant, Hoffrichter, Johannus, Phoenix, Rodgers, Van der Poel, Viscount et Wyvern; les orgues Monarke et Makin sont fabriqués sous licence Johannus.

Même si la qualité sonore des orgues numériques n'atteint évidemment pas celle d'un bon orgue à tuyaux, ils possèdent néanmoins quelques avantages sur ceux-ci :

  • Dabord, il est possible, avec le même instrument, de basculer dun style baroque à un style romantique ou symphonique grâce à un filtrage du son spécifique à chaque esthétique. On a le choix entre plusieurs tempéraments historiques : mésotonique, Tartini-Vallotti, Werkmeister-III ou égal. On peut bien sûr modifier le diapason (pour imiter les orgues baroques qui sont souvent accordés en La 415, 427 ou 390).
  • On peut enregistrer ce que lon joue sur ordinateur grâce au MIDI et, si on le souhaite, convertir cet enregistrement en partition (très pratique pour immortaliser une improvisation ou plus modestement pour se corriger, pour juger de lacoustique en prenant du recul : on peut sécouter jouer sans jouer). Précisons cependant que cette fonctionnalité commence également à voir le jour sur certains orgues à tuyaux.
  • On peut jouer en silence, avec un casque sur les oreilles, ce qui est bien pratique pour ne pas déranger les voisins ou pour travailler la nuit.
  • Et bien sûr, un orgue numérique tient parfaitement laccord. Pas besoin daccorder les anches tous les quinze jours !…

Principaux fabricants d'orgues numériques

Il n'existe pas à proprement parler une production industrielle de l'orgue numérique classique car le marché est naturellement limité et il est de toute évidence beaucoup plus réduit que le marché de l'orgue de variété et du synthé. C'est pourquoi la plupart des grandes marques ne sont en fait que de petites unités de production et à la rigueur des petites chaînes de montage peu automatisées et persiste un certain artisanat.

Les marques les plus connues mondialement sont : Allen (États-Unis), Rodgers (qui est un département de Roland, Japon/États-Unis), Johannus (Pays-Bas).

Les autres marques sont : Ahlborn (Italie), Baldwin (États-Unis), Dr Böhm, Cantor (Allemagne), Content (Pays-Bas), Copeman-Hart (États-Unis), Eminent, Hoffrichter (Allemagne), Lowrey, Makin, Monarke (Pays-Bas, division de Johannus), Van der Poel, Viscount (Italie), Wyvern, Wersi, etc.

Les marques connues qui n'existent plus : Dereux, Garrel, Givelet-Coupleux, Hohner

La technologie de lorgue numérique comparée à celle du simulateur d'orgues à tuyaux (orgue virtuel)

Depuis plusieurs années, une nouvelle génération d'orgues numériques se développe à vitesse grand V sous l'appellation d'"orgue virtuel" ou "simulateur d'orgues à tuyaux". La caractéristique première de cet instrument nouveau réside dans le fait que le son est généré par un micro-ordinateur avec un logiciel permettant d'utiliser des banques de sons d'orgues constituées de l'enregistrement de tous les tuyaux d'instruments identifiés. On sort du système des sons génériques des orgues numériques "classiques" décrits plus haut : il ne s'agit plus d'entendre UNE montre 8', mais LA montre 8' de tel orgue, restituée avec l'acoustique d'origine. L'organiste choisit virtuellement au fil de ses interprétations l'orgue qui lui chante le mieux : LE Cavaillé-Coll de St Etienne de Caen, LE Silbermann de Freiberg, LE Schnitger de Zwolle, etc Une révolution dans le domaine de l'orgue numérique.

La technologie de lorgue numérique comparée à celle du synthétiseur

Il existe dans l'opinion courante une confusion entre orgue numérique et synthétiseur numérique. Ce chapitre entend dissiper cette confusion.

Un synthétiseur sérieux (nous ne parlons pas des jouets vendus par la grande distribution) coûte en général plus de 2000 €. Comme on dit que les orgues numériques actuels ont hérité de la technologie des synthé-échantillonneurs, on a tendance à ne pas comprendre quun orgue soit beaucoup plus cher quun synthé. En fait, les deux technologies sont sans doute cousines, mais elles ne sont absolument pas comparables tant du point de vue qualitatif que quantitatif.

Dans le cas du synthé, il ny a quun seul clavier en plastique, généralement mou et à ressort. Sauf à utiliser un séquenceur Midi, on ne peut jouer quun seul timbre à la fois, et la polyphonie est limitée, par exemple à 32, 64 ou rarement 128 notes (on est loin des 500 notes minimum requises pour un accord de 8 notes sur le Tutti dun orgue numérique). Même si la banque de timbres du synthé offre 256 ou 1024 sons, on ne peut en jouer quun seul à la fois, ou deux avec une division clavier (lorsquelle est possible). Lempilement de plusieurs sons diminue le nombre de voix. Dans le cas du synthétiseur numérique, on devine donc que le nombre de convertisseurs est limité (cest en fait le nombre de voix).

Dans le cas de lorgue numérique, il y a plusieurs claviers avec un toucher classique (toucherlourd”), ainsi quun pédalier, chaque jeu est entièrement polyphonique, et surtout, cest très important, les jeux peuvent sadditionner, ce qui est impossible sur un synthé (les plus performants permettent dadditionner 4 timbres au maximum mais cela divise par 4 le nombre de voix polyphoniques). Si lon tient absolument à comparer lorgue au synthé, il faut donc comprendre que lorgue numérique serait comme un clavier-maître capable de piloter autant de synthés quil y a de jeux (imaginez alors le prix de revient et lencombrement de lengin). Et que dire des tirasses, accouplements, cantus firmus ou basses manuelles ? Il importe dailleurs de souligner quaucun synthé (à lexclusion de très bons et très chers échantillonneurs) nest capable de produire un vrai son dorgue (même si le fabricant en propose). Il suffit de comprendre la technologie du synthé (un timbre uniformément répandu sur létendue dun clavier) pour deviner que le principe des reprises dune fourniture, dune cymbale ou dun plein jeu y est pratiquement irréalisable.

Schéma de fonctionnement d'un orgue numérique

Schéma de fonctionnement d'un orgue numérique utilisant la technologie des sons d'orgue échantillonnés.

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