Oreille musicale

Oreille musicale

Oreille absolue

L'oreille absolue, par opposition à l'oreille relative, est la faculté pour quelqu'un de pouvoir identifier une note musicale en l’absence de référence. En Occident, seule une personne sur 10 000 serait dotée d'une oreille absolue « active », c'est-à-dire serait capable de chanter sans repère une note correcte. Ainsi la réputée Juilliard School of Music, à New York, a tenté sans succès de former des élèves pour qu'ils aient l'oreille absolue.

Comme l'oreille absolue constitue un moyen de reconnaissance et d'identification exactes d'un son, les forces militaires, en particulier la marine, se sont intéressées à cette particularité. Mais c’était autrefois, avant les progrès de l’électroacoustique.

Sommaire

Définition

L’oreille absolue est l’aptitude, que possèdent "certains musiciens"[réf. nécessaire], à reconnaître et déterminer, sans référence préalable, le nom d’une ou plusieurs notes successives ou simultanées.

Elle est due à une capacité de discrimination extrêmement fine des fréquences, liée à l’activité des cellules ciliées externes de l’oreille interne, et à une mémoire sonore très développée. Ces musiciens peuvent reconnaître des notes très rapprochées, donc très brèves et nommer la hauteur et le timbre des tonalités qui ont été émises. Certains musiciens sont ainsi capables d’identifier jusqu’à quatorze ou quinze notes déferlées en une seconde. De même peuvent-ils disséquer les harmonies les plus riches et les plus brèves, et en dire tous les composants, identifiant les instruments qui les ont générées de façon intuitive et immédiate, parce qu’ils usent de cette faculté comme d’un réflexe permanent et subconscient. De plus, ils sont capables de distinguer des intervalles de fréquences infimes, qui varient avec la hauteur de la note, correspondant à peu près à 1 Hz pour le la-3.

Mais, pour apparaître, l’oreille absolue nécessite également d’avoir une mémoire auditive exceptionnelle, développée par un apprentissage musical précoce et prolongé. Celui-ci doit, de plus, comporter l’emploi d’une référence tonale (diapason) précise et constante, pour pouvoir coder les caractères physiques de toutes les sonorités musicales, et mémoriser l’image fréquentielle de chacune d’entre elles de façon particulière. Ainsi est-il possible, quand ces sonorités surviennent isolément, d’en reconnaître la nature, et d’en donner le nom. Ce codage implique, pour se constituer, une pratique assidue dès l’enfance. Mais il n’a trouvé toute sa précision que dans la musique occidentale, représenté par le solfège.

Pour ces raisons, notamment la nécessité de donner un nom précis à chaque note, il semble que l’oreille absolue soit moins fréquente dans les autres civilisations musicales.

L’oreille absolue est différente de ce qu’on appelle l’oreille relative, commune à tous les musiciens professionnels, qui consiste à reconnaître ces notes, à condition que leur soit fournie au préalable une référence sonore.

Distinctions

On distingue, selon une terminologie anglo-saxonne, encore peu employée en France, deux catégories d'oreille absolue : l'une passive, l'autre active.

Oreille absolue passive

Les personnes possédant une oreille absolue dite « passive » sont capables d'identifier individuellement chaque note qu'ils entendent, sans référence préalable, mais sont incapables de chanter avec justesse une note demandée.

Oreille absolue active

Les personnes possédant une oreille absolue dite « active » peuvent chanter avec une extrême justesse une note donnée. Ils sont par ailleurs capables, non seulement d'identifier et de nommer une note écoutée, mais également de signaler si celle-ci est un peu trop aiguë ou grave selon le diapason de référence.

En réalité, cette distinction fait appel aux capacités vocales, dont l’apprentissage est très différent. Elle est d’origine anglo-saxonne, et présente peu d’intérêt pratique. Elle n’est plus guère employée, et ne l’a jamais été en France. On peut supposer que toutes les personnes possédant une oreille absolue ne sont pas musiciennes : considérant ce fait, le taux de personnes musiciennes possédant l'oreille absolue serait alors beaucoup plus faible. Néanmoins, une éducation musicale est nécessaire pour le développement complet du potentiel auditif des personnes dotées de cette faculté.

Fonctionnement

L'audition et la distinction des fréquences sont faites au niveau de l'oreille interne dans le limaçon (plus précisément dans l'organe de Corti) mais son identification, c'est-à-dire l'attribution d'un nom et d'une étiquette, est une activité de la partie droite du cerveau. L'identification de la note peut alors s'effectuer ou bien en référence à une note de base (le diapason) - c'est l'identification relative - ou bien sans avoir besoin de réentendre cette note de référence - c'est l'identification absolue. La capacité d'identifier et de nommer correctement une note sans note de référence demande donc une bonne audition, une bonne capacité de mémorisation et une bonne communication entre la partie droite et la partie gauche du cerveau.

Plusieurs hypothèses ont été émises sur l'origine de cette capacité particulière : s'agirait-il d'une plus grande facilité de communication entre les lobes ? D'un meilleur développement du lobe gauche ? Des études semblent prouver que le système auditif d'une personne possédant l'oreille absolue est en tout point identique à celui d'une personne normale.

Avantages et inconvénients

Il est cependant nécessaire de préciser que les musiciens dotés de l'oreille absolue, active comme passive, peuvent être désavantagés lorsqu'il s'agit, comme c'est le cas au cours d'examens dans les écoles de musique et conservatoires, de prendre une « dictée musicale » dans laquelle le diapason change. En effet, le diapason de référence étant le La dit « La 440 » (442 pour l'orchestre) - c'est-à-dire une fréquence de 440 (442 pour l'orchestre) vibrations par secondes - lorsque, par exemple, un morceau de musique baroque, c'est-à-dire en « La 415 », est donné en dictée, l'oreille absolue se retrouve en décalage par rapport aux sons émis. Dans ce cas, elle ne sert plus à rien, et constitue même un handicap pour le musicien. Cependant ce type d'exercice est rare, et le "diapason baroque" qui serait à 415 est aujourd'hui sérieusement remis en question par les musicologues. Dans tous les autres cas de dictée où le diapason du la 440Hz est respecté, l'oreille absolue est un avantage immense.

Un autre inconvénient, plutôt d'ordre sociologique, est l'incapacité de supporter un morceau à la justesse approximative ce qui peut faire croire à une certaine prétention. Cela concerne plus généralement toute personne ayant eu une oreille, même relative, formée à la justesse.

L'utilité de l'oreille absolue ne fait pas de doute, particulièrement pour des activités telles la direction d'orchestre ou la pratique d'un instrument non tempéré. Néanmoins, ce n'est pas une nécessité pour être un bon musicien. Ron Gorow ("Hearing and Writing Music", September Publishing, 2002) disait même à ce sujet que « si vous avez l'oreille absolue, Dieu vous bénisse. Sinon, ne vous en inquiétez pas. Procurez-vous un diapason (...) et au travail ! Ne gaspillez pas votre argent en méthodes vous promettant la capacité d'identifier les tons. Elles sont sans récompense autre qu'impressionner vos amis. »

Comme la capacité intellectuelle, la capacité à reconnaître les notes instantanément peut varier selon l'âge, mais aussi selon le moment de la journée. Une personne ayant l'oreille absolue ne reconnaîtra pas les notes aussi facilement à la fin d'une grosse journée de travail que le matin quand elle est fraîche et en forme.

Indépendamment des problèmes de diapason, l'oreille absolue est un avantage indéniable pour un autre type d'exercice musical. En effet, l'exercice de la dictée atonale, où les notes s'enchaînent sans lien de cohérence, avantage de loin les possesseurs d'une oreille absolue, qui peuvent noter chaque note indépendamment des autres, et donc ne se « perdent » pas dans ce type d'exercice où les possesseurs d'oreilles relatives sont très vite désarçonnés. Ce type de dictées est justement utilisé dans les examens d'écoles de musique et de conservatoires afin de détecter les élèves capables de suivre et de noter en dehors de tous repères, et donc dotés d'une oreille absolue.

Théories actuelles

Le psychologue soviétique Alexei Leontiev a émis l'hypothèse, à partir de travaux réalisés auprès de blessés de la Seconde Guerre mondiale, que l'oreille absolue pouvait s'acquérir en combinant un apprentissage vocal et auditif : l'effort musculaire réalisé par l'appareil phonatoire au moment de la reproduction d'un son est mémorisé et, quand un son est entendu, la personne tente alors de reproduire mentalement l'effort nécessaire pour l'émettre, ce qui lui permet ensuite de dire quelle est sa hauteur. D'après les expériences réalisées, de nombreuses personnes seraient ainsi parvenues à acquérir cette fameuse oreille absolue.

Hérédité

Il n'y a pas de lien de parenté prouvé qui soit à l'origine d'une quelconque oreille absolue. Cependant, il arrive souvent que des frères et soeurs aient l'oreille absolue, ou bien plus rarement, une famille entière.

L'oreille absolue a une origine à la fois génétique et environnementale. Il y a une vingtaine d’années, un auteur américain, J. Profita, a observé, en étudiant des familles de musiciens, que la transmission de cette particularité auditive s’effectuait selon une des lois de la génétique tout à fait classique, la dominance autosomiale récessive à faible pénétration.

Ce don inné comporte une possibilité de discrimination des fréquences sonores à la fois très fine et très rapide. Il s’objective, chez le sujet jeune, par la mesure du taux plus ou moins élevé des otoémissions provoquées de l’oreille interne ; ce taux est significativement plus élevé chez les musiciens professionnels ayant l’oreille absolue. Mais il faut savoir que la mesure de ce taux, assez simple à réaliser, s’abaisse physiologiquement avec l’âge. Une importante mémoire auditive est également nécessaire ; son origine génétique est vraisemblable, mais n’est pas sûrement démontrée.

Mais l’environnement, à la naissance et pendant les premières années de la vie, a un rôle essentiel dans l’apparition de ce don. Pour qu’il apparaisse dans sa plénitude, il est presque indispensable que, très précocement l’entourage musical de l’enfant lui rende agréable et facile la pratique assidue d'un exercice musical, comportant en outre l'attribution d'un nom à chaque sonorité entendue, c'est à dire l'emploi d'un solfège, tel celui qui est pratiqué dans la musique occidentale.

Ces notions récentes expliquent pourquoi cette particularité se rencontre souvent dans des familles de musiciens, notamment professionnels (les BACH, Léopold et Wolfgang MOZART, etc.)

Selon Diana Deutsch,(in WARD and al.) professeur de psychologie de l’Université de Californie à San Diego, les Asiatiques ont une probabilité plus forte d’avoir l’oreille absolue que les Occidentaux. L’étude a porté sur des étudiants en première année d’un conservatoire de musique, les uns à Pékin, qui parlent le mandarin, et les autres à Rochester aux États-Unis, qui parlent l’anglais. Les tests ont notamment montré que, pour ceux qui avaient commencé leur éducation musicale à l’âge de quatre ou cinq ans, près de 60 % des sujets chinois ont l’oreille absolue, contre 14 % des sujets américains. Les chiffres étaient de 42 % et 0 %, respectivement, si l’éducation musicale n’avait commencé qu’à l’âge de huit ou neuf ans. La raison de cette disparité tient sans doute au fait que le mandarin est, contrairement à l’anglais, une langue tonale où le sens d’un mot peut varier selon le ton employé. L’étude suggère également que la capacité à acquérir l’oreille absolue serait universelle à la naissance.

Articles connexes

Lien externe

http://recorlsa.online.fr/oreillemusicienne/index.html

Bibliographie

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