Ocaml

Ocaml

Objective Caml

OCaml.png

Apparu en 1987 (CAML), 1996 (OCaml)
Développeur INRIA
Dernière version stable 3.11.1 (le 12 juin 2009)[+/−]
Paradigme multiparadigme : impérative, fonctionnelle, orientée objet
Typage Fort, statique
Dialectes JoCaml, Fresh OCaml, GCaml, MetaOCaml, OCamlDuce, OcamlP3L
Influencé par ML (langage)
A influencé F#
Système d'exploitation Multiplate-forme
Licence Q Public License (compilateur)
LGPL (bibliothèques)
Site Web http://caml.inria.fr/

Objective Caml, également connu sous sa forme abrégée OCaml, est l'implémentation la plus avancée du langage de programmation Caml, créé par Xavier Leroy, Jérôme Vouillon, Damien Doligez, Didier Rémy et leurs collaborateurs en 1996. Ce langage, de la famille des langages ML, est un projet open source dirigé et maintenu essentiellement par l'INRIA.

OCaml est le successeur de Caml Light, auquel il a ajouté entre autres une couche de programmation objet. L'acronyme CAML provient de Categorical Abstract Machine Language, un modèle de machine abstraite qui n'est cependant plus utilisé dans les versions récentes de OCaml.

Portable et performant, OCaml est utilisé dans des projets aussi divers que le logiciel de synchronisation de fichiers Unison, l'assistant de preuves formelles Coq, et des outils de vérifications statique des drivers Windows, écrits par Microsoft.

Sommaire

Principes

Caml est un langage fonctionnel augmenté de fonctionnalités permettant la programmation impérative. Objective Caml étend les possibilités du langage en permettant la programmation orientée objet et la programmation modulaire. Pour toutes ces raisons, OCaml entre dans la catégorie des langages multi-paradigme.

Il intègre ces différents concepts dans un système de types hérité de ML, caractérisé par un typage statique, fort et inféré.

Le système de types permet une manipulation aisée de structures de données complexes : on peut aisément représenter des types algébriques, c'est-à-dire des types hiérarchisés et potentiellement récursifs (listes, arbres…), et les manipuler aisément à l'aide du filtrage par motif. Cela fait de OCaml un langage de choix dans les domaines demandant la manipulation de structures de données complexes, par exemple les compilateurs.

Le typage fort, ainsi que l'absence de manipulation explicite de la mémoire (présence d'un ramasse-miettes) font de OCaml un langage très sûr. Il est aussi réputé pour ses performances, grâce à la présence d'un compilateur de code natif.

Histoire

Le langage Caml est né de la rencontre du langage de programmation ML, auquel s'est intéressé l'équipe Formel de l'INRIA depuis le début des années 1980, et de la machine abstraite catégorique CAM de Guy Cousineau, fondée sur les travaux de Pierre-Louis Curien en 1984. La première implantation, écrite par Ascander Suarez puis maintenue par Pierre Weis et Michel Mauny, a été publiée en 1987. Le langage s'est peu à peu différencié de son père ML car l'équipe de l'INRIA voulait adapter un langage à ses propres besoins, et continuer à le faire évoluer, ce qui entrait en conflit avec la « stabilité » de ML imposée par les efforts de standardisation de Standard ML.

Les limitations de la CAM ont conduit à la création d'une nouvelle implantation, mise au point par Xavier Leroy dès 1990, sous le nom de Caml Light. Cette implantation, dont une version récente est encore utilisée dans l'enseignement de nos jours, bien que le système ne soit plus maintenu par l'INRIA, fonctionne grâce à un interpréteur de code octet (bytecode) codé en C, qui lui assure une grande portabilité. Le système de gestion de la mémoire, conçu par Damien Doligez, a aussi fait son apparition dans Caml Light.

En 1995, Xavier Leroy publie une version de Caml nommée Caml Special Light, qui introduit un compilateur de code natif, et un système de modules inspiré des modules de Standard ML.

Objective Caml, publié pour la première fois en 1996, apporte à Caml un système objet conçu par Didier Rémy et Jérôme Vouillon. Certaines fonctionnalités avancées, comme les variantes polymorphes ou les labels (permettant de distinguer les arguments donnés à une fonction par leur nom, plutôt que leur position) ont été introduites en 2000 par Jacques Garrigue.

Objective Caml s'est relativement stabilisé depuis (malgré l'absence d'une spécification, le document en vigueur étant le manuel officiel maintenu par l'INRIA). De nombreux dialectes de OCaml sont apparus, et continuent d'explorer des aspects spécifiques des langages de programmation (concurrence, parallélisme, évaluation paresseuse, intégration du XML…) ; voir la section Langages dérivés.

Principales caractéristiques

Langage fonctionnel

OCaml possède la plupart des caractéristiques communes des langages fonctionnels, en particulier des fonctions d'ordre supérieur et fermetures (closures), et un bon support de la récursion terminale.

Typage

Le typage statique d'OCaml détecte au moment de la compilation un grand nombre d'erreurs de programmation qui pourraient poser des problèmes au moment de l'exécution. Toutefois, contrairement à la plupart des autres langages, il n'est pas nécessaire de préciser le type des variables que l'on utilise. En effet, Caml dispose d'un algorithme d'inférence de types qui lui permet de déterminer le type des variables à partir du contexte dans lequel elles sont employées.

Le système de typage ML supporte le polymorphisme paramétrique, c'est-à-dire des types dont des parties seront indéterminées au moment de la définition de la valeur. Cette fonctionnalité, automatique, permet d'obtenir une généricité plus puissante que les generics de Java ou C# ou des templates de C++ (certaines choses sont possibles en OCaml mais pas avec ces langages[réf. nécessaire]).

Cependant, les extensions du typage ML requises par l'intégration de fonctionnalités avancées, comme la programmation orientée objet, complexifie dans certains cas le système de types : l'utilisation de ces fonctionnalités peut alors demander un temps d'apprentissage au programmeur, qui n'est pas forcément familier des systèmes de types sophistiqués.

Filtrage

Le filtrage par motif (en anglais pattern matching) est un élément essentiel du langage Caml. Il permet d'alléger le code grâce à une écriture plus souple que des conditions classiques, et l'exhaustivité fait l'objet d'une vérification : le compilateur propose un contre-exemple lorsqu'un filtrage incomplet est décelé. Par exemple, le code suivant est compilé mais il provoque un avertissement :

# type etat = Actif | Inactif | Inconnu;;
# (* type somme : un état est l'une des trois valeurs : Actif, Inactif, Inconnu *)
 
# let est_actif = function
  Actif -> true
| Inactif -> false
;;
  Warning P: this pattern-matching is not exhaustive.
  Here is an example of a value that is not matched:
  Inconnu

Ainsi, le programme fonctionne lorsque la fonction est_actif est appelée avec un état valant Actif ou Inactif, mais s'il vaut Inconnu, la fonction renvoie l'exception Match_failure.

Modules

Les modules permettent de décomposer le programme en une hiérarchie de structures contenant des types et des valeurs logiquement reliés (par exemple, toutes les fonctions de manipulation de listes vont dans le module List). Les descendants de la famille ML sont les langages ayant actuellement les systèmes de modules les plus perfectionnés, qui permettent, en plus de disposer d'espaces de noms, de mettre en œuvre l'abstraction (valeurs accessibles dont l'implémentation est cachée) et la composabilité (valeurs qui peuvent être construites par dessus différents modules, du moment qu'ils répondent à une interface donnée).

Ainsi, les trois unités syntaxiques de construction syntaxiques sont les structures, les interfaces et les modules. Les structures contiennent l'implémentation des modules, les interfaces décrivent les valeurs qui en sont accessibles (les valeurs dont l'implémentation n'est pas exposée sont des valeurs abstraites, et celles qui n'apparaissent pas du tout dans l'implémentation du module sont inaccessibles, à l'instar des méthodes privées en programmation orientée objet). Un module peut avoir plusieurs interfaces (du moment qu'elles sont toutes compatibles avec les types de l'implémentation), et plusieurs modules peuvent vérifier une même interface. Les foncteurs sont des structures paramétrées par d'autres structures ; par exemple, les tables de hachage (module Hashtbl) de la bibliothèque standard OCaml sont utilisables comme un foncteur, qui prend en paramètre toute structure implémentant l'interface composée d'un type, d'une fonction d'égalité entre les clés, et d'une fonction de hachage.

Orienté objet

OCaml se distingue particulièrement par son extension du typage ML vers un système objet comparable à ceux utilisés par les langages objets classiques. Cela permet un sous-typage structurel, dans lequel les objets sont de types compatibles si les types de leurs méthodes sont compatibles, indépendamment de leurs arbres d'héritage respectifs. Cette fonctionnalité, que l'on peut considérer comme l'équivalent du duck typing des langages dynamiques, permet une intégration naturelle des concepts objets dans un langage globalement fonctionnel.

Ainsi, à la différence des langages orientés objet tels C++ ou Java pour lesquels toute classe définit un type, les classes OCaml définissent plutôt des abréviations de types. En effet, pour peu que le type des méthodes soient compatibles, deux objets de deux classes différentes peuvent être utilisés indifféremment dans un même contexte. Cette caractéristique de la couche objet de OCaml rompt bon nombre de principes communément admis : il est en effet possible de faire du sous-typage sans héritage, par exemple. Le côté polymorphe rompt le principe inverse. Des exemples de code, bien que rares, exhibant des cas d'héritage sans sous-typage existent également.

La force de la couche objet tient à son homogénéité et sa parfaite intégration dans la philosophie et l'esprit même du langage OCaml. Des objets fonctionnels, dont les attributs ne peuvent être modifiés et dont les méthodes, le cas échéant, en retournent une copie avec la mise-à-jour des attributs, ou encore la définition d'objets immédiats, ou à la volée, sont également possibles.

Distribution

La distribution OCaml contient :

  • Un interpréteur interactif (ocaml)
  • Un compilateur bytecode (ocamlc) et l'interpréteur de bytecode (ocamlrun)
  • Un compilateur natif (ocamlopt)
  • Des générateurs d'analyseurs lexicaux (ocamllex) et syntaxiques (ocamlyacc),
  • Un préprocesseur (camlp4), qui permet des extensions ou modifications de la syntaxe du langage
  • Un débogueur pas à pas, avec retour en arrière (ocamldebug)
  • Des outils de profiling
  • Un générateur de documentation (ocamldoc)
  • Un gestionnaire de compilation automatique (ocamlbuild), depuis OCaml 3.10,
  • Une bibliothèque standard variée

Les outils OCaml sont régulièrement utilisés sous Windows, GNU/Linux ou Mac OS, mais existent aussi sur d'autres systèmes comme les BSD.

Le compilateur bytecode permet de créer des fichiers qui sont ensuite interprétés par ocamlrun. Le bytecode étant indépendant de la plate-forme, cela assure une grande portabilité (ocamlrun pouvant a priori être compilé sur toute plate-forme supportant un compilateur C fonctionnel). Le compilateur natif produit un code assembleur spécifique à la plate-forme, ce qui sacrifie la portabilité de l'exécutable produit pour des performances grandement améliorées. Un compilateur natif est présent pour les plates-formes IA32, PowerPC, AMD64, Alpha, Sparc, Mips, IA64, HPPA et StrongArm.

Une interface de compatibilité permet de lier du code OCaml à des primitives en C, et le format des tableaux de nombre flottants est compatible avec C et Fortran. OCaml permet aussi l'intégration de code OCaml dans un programme en C, ce qui permet de distribuer des bibliothèques OCaml à des programmeurs en C sans qu'ils aient besoin de connaître ou même d'installer OCaml.

Les outils OCaml sont majoritairement codés en OCaml, à l'exception de quelques bibliothèques et de l'interpréteur bytecode, qui sont codés en C. En particulier, le compilateur natif est entièrement codé en OCaml.

Gestion de la mémoire

OCaml dispose, comme Java, d'une gestion automatisée de la mémoire, grâce à un ramasse-miettes (en anglais garbage collector) incrémental générationnel. Celui-ci est spécialement adapté à un langage fonctionnel[1] (optimisé pour un rythme rapide d'allocation/libération de petits objets), n'a donc pas d'impact sensible sur les performances des programmes. Il est configurable pour rester efficace dans des situations atypiques d'utilisation de la mémoire.

Performances

OCaml se distingue de la plupart des langages développés dans des milieux académiques par d'excellentes performances[2]. En plus des optimisations locales « classiques » effectuées par le générateur de code natif, les performances profitent avantageusement de la nature fonctionnelle et fortement typée[3] du langage.

Ainsi, les informations de typage sont complètement déterminées à la compilation, et n'ont pas besoin d'être reproduites dans le code natif, ce qui permet entre autres de retirer complètement les tests de typage au moment de l'exécution. D'autre part, certains algorithmes de la bibliothèque standard exploitent les propriétés intéressantes des structures de données fonctionnelles pures : ainsi, l'algorithme d'union d'ensembles est asymptotiquement plus rapide que celui des langages impératifs, car il utilise leur non-mutabilité pour réutiliser une partie des ensembles de départ pour constituer l'ensemble de sortie (c'est la technique de path copying pour les structures de données persistantes).

Historiquement, les langages fonctionnels ont été considérés comme lents par certains programmeurs, car ils nécessitent naturellement la mise en œuvre de concepts (récupération de la mémoire, application partielle…) qu'on ne savait pas compiler efficacement ; les progrès des techniques de compilation ont depuis permis de rattraper l'avantage initial des langage impératifs. OCaml, en optimisant efficacement ces parties du langage et en implémentant un ramasse-miettes adapté aux allocations fréquentes des langages fonctionnels, a été un des premiers langages fonctionnels à démontrer l'efficacité retrouvée de la programmation fonctionnelle.

En général, la rapidité d'exécution est légèrement inférieure à celle d'un code équivalent en C. Xavier Leroy parle prudemment de « performances d'au moins 50 % celles d'un compilateur C raisonnable »[4]. Ces prévisions ont depuis été confirmées par de nombreux benchmarks[5]. En pratique, les programmes restent en général dans cette fourchette (de 1 à 2 fois celle du code C), avec des extrêmes dans les deux directions (parfois plus rapide que le C, parfois fortement ralenti par une interaction malheureuse avec le ramasse-miettes). Dans tous les cas, cela reste plus rapide que la plupart des langages récents qui ne sont pas compilés nativement, comme Python, Ruby ou même les langages de la plate-forme .NET.

En ce qui concerne la structuration du code, il dispose de modules permettant de mettre en valeur, ou d'organiser correctement l'architecture d'un programme. Il s'agit avec le typage statique d'une performance indispensable au programmeur du XXIe siècle, la rapidité d'exécution devient alors un critère secondaire[réf. nécessaire].

Utilisation

Le langage OCaml, issus des milieux de recherche, ne bénéficie pas de la puissance publicitaire de certains langages de programmation actuels. Il reste donc relativement peu connu du grand public informatique (ainsi que la plupart des langages fonctionnels), mais est cependant solidement implanté dans quelques niches dans lesquelles les qualités du langage contrebalancent son relatif manque de publicité et de support.

Enseignement

La nature multi-paradigme de OCaml et sa syntaxe légère en font un langage riche et apprécié par les enseignants, qui y voient un moyen d'initier leurs étudiants à différents aspects de la programmation dans un cadre unifié. En particulier, Caml (OCaml ou son petit frère Caml Light) est le langage utilisé par la plupart des classes préparatoires françaises, dans l'optique des épreuves d'informatique des concours d'entrée aux grandes écoles. Il est aussi utilisé dans de nombreuses universités, en France (pour des raisons historiques) mais aussi dans le reste du monde, par exemple en Allemagne, aux États-Unis ou au Japon.

Il souffre dans le milieu universitaire de la concurrence avec son cousin éloigné Haskell, préféré dans certains cours de programmation fonctionnelle car il ne reprend aucun concept de la programmation impérative.

Recherche

OCaml est un langage assez utilisé dans le milieu de la recherche. Historiquement, les langages de la branche ML ont toujours été étroitement lié au domaine des systèmes de preuves formelles (le ML initial de Robin Milner est ainsi apparu pour être utilisé dans le système de preuves LCF). OCaml est le langage utilisé par un des logiciels majeurs du domaine, l'assistant de preuves Coq.

OCaml est bien évidemment présent dans de nombreux autres domaines de la recherches informatiques, dont la recherche en langages de programmation et compilateurs (voir la section Langages dérivés), ou le logiciel de synchronisation de fichier Unison.

Industrie

Malgré sa communication relativement timide, OCaml a acquis une solide base d'utilisateurs dans des domaines spécifiques de l'industrie. Ainsi, l'industrie aéronautique utilise OCaml pour sa sûreté de programmation et son efficacité pour la formulation d'algorithmes complexes. On peut citer dans ce domaine le projet Astrée (Analyse Statique de logiciels Temps-RÉel Embarqués), utilisé entre autres par la compagnie Airbus. Le compilateur du langage de programmation temps-réel synchrone Lustre, utilisé pour les systèmes critiques tels les systèmes d'avionique des Airbus ou de contrôle de certaines centrales nucléaires, est également écrit en OCaml.

OCaml est utilisé par des acteurs importants de l'industrie du logiciel, comme Microsoft, Intel ou XenSource, tous trois membres du Consortium Caml. Il trouve aussi des applications dans l'informatique financière, comme l'a montré l'entreprise Jane Street Capital[6], qui emploie de nombreux programmeurs OCaml, ou encore Lexifi, entreprise française, spécialisée dans la conception de langages de programmation dédiés à la finance, ayant d'ailleurs été récompensés internationalement.

Enfin, il est aussi utilisé par des projets libres généralistes, comme MLDonkey, GeneWeb, le client pour webradios Liquidsoap, la bibliothèque FFTW[7], ainsi que certains logiciels de l'environnement de bureau KDE[8]. Enfin, les formules mathématiques du logiciel MediaWiki sont générées par un programme écrit en Ocaml.

Présentation du langage

Déclarations et valeurs de base

En mode interactif le code peut être entré simplement à la suite de l'invite « # » qui figure en début de ligne. Par exemple, pour définir une variable x contenant le résultat du calcul 1 + 2 * 3, on écrira :

# let x = 1 + 2 * 3 ;;

Après avoir saisi et validé cette expression, Caml détermine le type de l'expression (en l'occurrence, il s'agit d'un entier) et affiche le résultat du calcul :

val x : int = 7

On peut être tenté d'effectuer toutes sortes de calculs. Cependant, il faut prendre garde à ne pas mélanger les entiers et les réels, ce que l'on fait couramment dans de nombreux langages, car ceci provoque une erreur lors de la compilation :

  # 2.3 + 1.;;
    Characters 0 - 3:
     2.3 + 1.;;
     ^^
    This expression has type float but is here used with type int

Cet exemple simple permet de se faire une première idée du fonctionnement de l'algorithme d'inférence de types. En effet, lorsque nous avons écrit « 2.3 + 1. », nous avons ajouté les réels 2.3 et 1. avec l'operateur + des entiers, ce qui pose problème. En fait, pour effectuer ce calcul, nous devons nous assurer que tous les nombres ont le même type d'une part (par exemple il est impossible d'ajouter 2.3 et 1 car 1 est un entier contrairement à 1. ou 2.3), et d'autre part employer la loi de composition interne + appliquée aux réels, notée « +. » en Caml. Nous aurions donc dû écrire :

# 2.3 +. 1. ;;
- : float = 3.3

Fonctions

Les programmes sont souvent structurés en procédures et en fonctions. Les procédures sont composées d'un ensemble de commandes utilisées plusieurs fois dans le programme, et regroupées par commodité sous un même nom. Une procédure ne renvoie pas de valeur, ce rôle étant dévolu aux fonctions. De nombreux langages disposent de mots-clefs distincts pour introduire une nouvelle procédure ou une nouvelle fonction (Procedure et Function en Pascal, Sub et Function en Visual Basic, etc.). Caml, quant à lui, ne possède que des fonctions, et celles-ci se définissent de la même manière que les variables. Par exemple, pour définir l'identité, on peut écrire :

# let id = function x -> x ;;

Après saisie et validation de l'expression, l'algorithme de synthèse de types détermine le type de la fonction. Cependant, dans l'exemple que nous avons donné, rien ne présage du type de x, aussi la fonction apparaît-elle comme polymorphe (à tout élément de l'ensemble 'a, elle associe une image id(x) qui est élément de l'ensemble 'a) :

val id : 'a -> 'a = <fun>

Récursivité

La récursivité consiste à rédiger une fonction qui fait référence à elle-même, sur le modèle de la récurrence mathématique. En Caml, les fonctions récursives sont introduites à l'aide du mot-clef rec. Par exemple, pour définir la factorielle, nous pouvons écrire :

let rec factorielle = function
  0 -> 1
| n -> n * factorielle (n - 1) ;;

Il existe deux types de récursivité :

- non-terminale : il faut remonter la pile d'appels pour avoir le résultat final. La fonction factorielle ci-dessus en est un exemple.

Déroulement :

(* Appel *)
# factorielle 3;;
3 * factorielle 2
2 * factorielle 1
1 * factorielle 0
(* On remonte *)
1 * 1
1 * 2
2 * 3
(* Sortie *)
6

- terminale : après le dernier appel, on a le résultat final.

let rec factorielle_t accu = function
  0 | 1 -> accu
| n -> factorielle_t (n - 1) (n * accu) ;;
 
let factorielle n =
  factorielle_t n 1;;

Le paramètre accu est un "accumulateur", un paramètre souvent utilisé pour transformer des fonctions non-terminales en fonctions terminales. A chaque appel récursif, l'accumulateur initialisé à 1 sera multiplié par le n courant, puis renvoyé une fois qu'une des deux conditions d'arrêt (n = 0 ou n = 1) est atteinte.

Déroulement :

(* Appel *)
# factorielle 3;;
factorielle_t 3 1
factorielle_t 2 3
factorielle_t 1 6
(* Sortie *)
6

C'est moins lourd mais cela nécessite l'utilisation d'une fonction dite "chapeau" pour rendre factorielle_t plus "user-friendly", c'est-à-dire cacher le paramètre accu qui n'a aucun sens pour l'utilisateur non averti : on écrit n! et pas (n accu)! .

C'est le programmeur qui doit décider quelle récursivité est la mieux adaptée. Elles ont chacune leurs avantages et leurs défauts.

Définitions internes

Il est possible de définir des valeurs ou des fonctions à l'intérieur d'une fonction. On utilise pour cela la syntaxe suivante :

# let factorielle n =
    let rec auxiliaire resultat = function
         0 -> resultat
       | n -> auxiliaire (n * resultat) (n - 1)
     in auxiliaire 1 n ;;

Cette écriture est un exemple de récursivité terminale : le programme est analogue à une boucle, et est considéré comme tel par le compilateur (qui produira par exemple le code ASM d'une boucle, égalant ainsi les performances du code impératif correspondant).

La définition de fonctions internes est pratique lorsqu'elle permet de raccourcir le code, par exemple en implémentant une fonction qui incrémente de 1 tous les éléments d'une liste. Mais cela peut rendre le code plus compliqué à comprendre.

Manipulation de listes

Les listes sont très utilisées en programmation, en particulier pour les traitements récursifs. Pour construire une liste, plusieurs écritures sont possibles :

# 1 :: 2 :: 3 :: [] ;;
# [1 ; 2 ; 3] ;;

Ce faisant, on obtient une liste d'entiers, que Caml note de la façon suivante :

- : int list = [1 ; 2 ; 3]

Pour connaître la longueur d'une liste sans utiliser la fonction du module List définie à cet effet, on peut écrire :

(* Longueur d'une liste *)
# let rec longueur = function
      [] -> 0
    | t :: q -> 1 + longueur q ;;

Lors de l'analyse de cette fonction par l'algorithme d'inférence de type, il apparaît que la liste peut contenir n'importe quel type de données, de sorte que la fonction possède le type suivant :

val longueur : 'a list -> int = <fun>

La fonction suivante crée une liste de couples à partir de deux listes : La longueur de cette liste sera égale à la longueur de la liste passée en paramètre qui est la plus courte.

# let rec couple l1 l2 =
    match (l1, l2) with
      ([],_) | (_,[]) -> []
    | (a :: q, b :: p) -> (a, b) :: couple q p;;

A noter le caractère _ qui indique que le premier (ou le deuxième) élément du couple n'a pas d'importance. i.e. il suffit qu'une des deux listes du couple soit vide pour que la fonction se termine.

(* Typage *)
val couple : 'a list -> 'b list -> ('a * 'b) list = <fun>

Le type des éléments de chaque liste n'est pas forcément le même : 'a et 'b. On peut donc avoir (int list) et (float list) pour former (int * float) list

Fonctions d'ordre supérieur

Les fonctions d'ordre supérieur sont des fonctions qui prennent une ou plusieurs fonctions en entrée et/ou renvoient une fonction. La plupart des langages fonctionnels possèdent des fonctions d'ordre supérieur. Concernant Caml, on peut en trouver des exemples dans les fonctions prédéfinies des modules Array, List, etc. Par exemple, l'expression suivante :

# List.map (fun i -> i * i) [0; 1; 2; 3; 4; 5] ;;

produira le résultat suivant :

- : int list = [0; 1; 4; 9; 16; 25]

La fonction map prend en argument la fonction anonyme qui, à tout entier i, associe son carré, et l'applique aux éléments de la liste, construisant ainsi la liste des valeurs élevées au carré.

Autre exemple :

let doThis f i = f i

La fonction doThis prend en paramètre une fonction f et une valeur i et renvoie f appliquée à i.

(* renvoie 2 *)
doThis (fun i -> i+1) 1
 
(* renvoie la fonction incrémentation de 1 *)
doThis (fun i -> i+1)
 
(* renvoie [2;2;3] *)
doThis (fun l -> match l with [] -> [] | e::l -> (e+1)::l) [1;2;3]

Voici encore un exemple :

let rec doThat f e = function
  [] -> e
  | x::l -> f x (doThat f l)
 
(* Exemple d'application *)
(* renvoie la somme des éléments de la liste = 4 *)
doThat (+) 0 [1;1;2]
 
(* renvoie la somme des éléments (int) d'une liste *)
doThat (+) 0
 
(* renvoie le produit des éléments (float) d'une liste *)
 
doThat (*.) 1.

Arbres et types récursifs

Pour définir un arbre binaire de type quelconque, on se sert d'un type récursif. On peut ainsi avoir recours à l'écriture suivante :

type 'a arbre =
  Feuille
| Branche of 'a arbre * 'a * 'a arbre;;

Cet arbre se compose de branches qui se ramifient à souhait, et se terminent par des feuilles. Pour connaître la hauteur d'un arbre, on utilise alors :

 
let rec hauteur = function
  Feuille -> 0
| Branche (gauche, _, droite) -> 1 + max (hauteur gauche) (hauteur droite);;

Recherche de racine par dichotomie

let rec dicho f min max eps =
  let fmin = f min and fmax = f max in
    if fmin *. fmax > 0.
    then failwith "Aucune racine"
    else if max -. min < eps then (min, max) (* retourne un intervalle *)
    else let mil = (min +. max) /. 2. in
      if (f mil) *. fmin < 0.
      then dicho f min mil eps
      else dicho f mil max eps ;;
 
  (* Approximation de la racine carrée de 2 *)
  # dicho (fun x -> x *. x -. 2.) 0. 10. 0.000000001;;
  - : float * float = (1.4142135618, 1.41421356238)

Différentes implémentations

Il existe plusieurs implémentations d'OCaml, autres que la distribution standard. On trouvera:

  • OCaml-Java, une distribution pour la JVM contenant ocamlc, ocamlrun, ocamldep, ocamldoc, ocamllex, menhir, un compilateur ocamljava vers la JVM.
  • OCamIL, qui est implémentée en .NET. Elle contient un compilateur vers du bytecode OCaml(exécutable par ocamlrun) un compilateur vers .NET un outil comme ocamlyacc nommé ocamilyacc.

Langages dérivés

De nombreux langages étendent OCaml pour lui ajouter des fonctionnalités un peu plus exotiques.

  • F# est un langage de la plateforme .NET développé par Microsoft Research, basé sur OCaml (et en partie compatible)
  • MetaOCaml ajoute un mécanisme de quotations et de génération de code au runtime, qui apporte des fonctionnalités de métaprogrammation à OCaml
  • Fresh OCaml (basé sur AlphaCaml, un autre dérivé de OCaml) facilite la manipulation de noms symboliques
  • JoCaml ajoute à OCaml un support du Join Calculus, orienté vers les programmes concurrents ou distribués
  • OcamlP3L apporte une forme particulière de parallélisme, basée sur les « squelettes » (skeleton programming)
  • GCaml ajoute le polymorphisme ad-hoc à OCaml, permettant la surcharge des opérateurs ou un marshalling conservant les informations de typage
  • OCamlDuce permet au système de types de représenter des valeurs XML ou liées à des expressions régulières. C'est un intermédiaire entre OCaml et le langage CDuce, spécialisé dans la manipulation du XML

Voir aussi

Liens externes

Références

  1. « Les programmes fonctionnels sont des programmes qui allouent en général beaucoup et on constate que de très nombreuses valeurs ont une durée de vie très courte. D'autre part, dès qu'une valeur a survécu à plusieurs GC, elle a de grandes chances d'exister pour un bon moment » — Développement d'applications avec Objective Caml
  2. « Generating efficient machine code has always been an important aspect of OCaml, and I spent quite a bit of work on this at the beginning of the OCaml development (95-97). Nowadays, we are largely satisfied with the performances of the generated code. » — Xavier Leroy, sur la mailing list caml
  3. « Guarantees provided by the type system can also enable powerful program optimizations. » — Xavier Leroy, Introduction to types in compilation
  4. (en)mailing list thread : « Our blanket performance statement "OCaml delivers at least 50% of the performance of a decent C compiler" is not invalidated :-) »
  5. (en)shootout : OCaml vs. C benchmark
  6. conférence Caml Trader : Adventures of a functional programmer on Wall Street[pdf]
  7. La bibliothèque FFTW, réalisant une Transformée de Fourier rapide, est constituée de code en langage C. Cependant, pour des raisons de performances, le code C est généré et optimisé automatiquement par un compilateur, genfft, écrit en OCaml. Le processus de génération et spécialisation des routines est décrit dans l'article A Fast Fourier Transform Compiler, de Matteo Frigo (MIT) [lire en ligne (page consultée le 9 décembre 2007)]. On trouve dans la documentation FFTW une appréciation concernant l'utilisation de OCaml : « The genfft suite of code generators was written using Objective Caml, a dialect of ML. Objective Caml is a small and elegant language developed by Xavier Leroy. The implementation is available from http://caml.inria.fr/. In previous releases of FFTW, genfft was written in Caml Light, by the same authors. An even earlier implementation of genfft was written in Scheme, but Caml is definitely better for this kind of application. » — FFTW Acknowledgments
  8. sources du logiciel Kalzium
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