Langage fonctionnel

Langage fonctionnel

Programmation fonctionnelle

La programmation fonctionnelle est un paradigme de programmation qui considère le calcul en tant qu'évaluation de fonctions mathématiques et rejette le changement d'état et la mutation des données. Elle souligne l'application des fonctions, contrairement au modèle de programmation impérative qui met en avant les changements d'état[1].

Un langage fonctionnel est donc un langage de programmation dont la syntaxe et les caractéristiques encouragent la programmation fonctionnelle. Alors que l'origine de la programmation fonctionnelle peut être trouvée dans le lambda-calcul, le langage fonctionnel le plus ancien est Lisp, créé en 1958 par McCarthy. Lisp a donné naissance à des variantes telles que Scheme (1975) et Common Lisp (1984)[2], qui comme Lisp ne sont pas ou peu typés. Des langages fonctionnels plus récents tels ML (1973), Haskell (1987), OCaml, Erlang, Clean et Oz ou CDuce (2003) sont fortement typés.

Sommaire

Machine d'états et effets secondaires

Programmation impérative

Article détaillé : programmation impérative.

En programmation impérative, on travaille sur le modèle des machines à états (cf. Automate fini, machine de Turing et Architecture de von Neumann), avec une mémoire centrale et des instructions qui modifient son état grâce à des affectations successives. On peut représenter un programme par une machine d'états qui représente les états successifs de la mémoire. Cela nécessite pour le programmeur de connaître à tout instant un modèle exact de l'état de la mémoire que le programme modifie.

Afin de réduire la difficulté que représente cette tâche, de nombreuses techniques destinées à réduire le nombre de variables à gérer sont utilisées. On peut citer parmi ces techniques les variables dites automatiques, dont la portée se limite à la procédure dans laquelle elles ont été définies et qui sont désallouées par le compilateur à la sortie de la procédure, l'encapsulation des données, à l'origine de la programmation structurée, et la programmation orientée objet.

Il arrive cependant que des procédures doivent mettre à jour certaines variables ou zones de mémoire dans un but qui n'est pas directement lié à leur fonction, mais uniquement afin que les données partagées restent dans un état prévu par le programmeur. On regroupe ces modifications « à distance » sous le terme générique d'effets secondaires. Les effets secondaires, en programmation impérative, qui sont plus la règle que l'exception, compliquent grandement la compréhension des programmes et sont la source de nombreuses difficultés et de bogues : en effet, si on oublie de mettre à jour certaines données partagées, si l'ordre chronologique des assignations par les différentes parties du logiciel est incorrect, ou si une zone de mémoire a été désallouée au mauvais moment, le programme se retrouve dans un état imprévu.

Programmation fonctionnelle

La programmation fonctionnelle s'affranchit de façon radicale des effets secondaires en interdisant toute opération d'affectation.

Le paradigme fonctionnel n'utilise pas de machine d'états pour décrire un programme, mais un emboîtement de fonctions que l'on peut voir comme des « boîtes noires » que l'on peut imbriquer les unes dans les autres. Chaque boîte possédant plusieurs paramètres en entrée mais une seule sortie, elle ne peut sortir qu'une seule valeur possible pour chaque n-uplet de valeurs présentées en entrée. Ainsi, les fonctions n'introduisent pas d'effets de bord. Un programme est donc une application, au sens mathématique, qui ne donne qu'un seul résultat pour chaque ensemble de valeurs en entrée. Cette façon de penser, qui est très différente de la pensée habituelle en programmation impérative est l'une des causes principales de la difficulté qu'ont les programmeurs formés aux langages impératifs pour aborder la programmation fonctionnelle. Cependant, elle ne pose généralement pas de difficultés particulières aux débutants qui n'ont jamais été exposés à des langages impératifs. Un avantage important des fonctions sans effet de bord est la facilité que l'on a à les tester unitairement. Par ailleurs, l'usage généralisé d'une gestion de mémoire automatique par l'intermédiaire d'un ramasse-miettes (en anglais garbage collector) simplifie la tâche du programmeur.

En pratique, pour des raisons d'efficacité, et du fait que certains algorithmes s'expriment aisément avec une machine d'états, certains langages fonctionnels autorisent la programmation impérative en permettant de spécifier que certaines variables sont assignables (ou mutables selon la dénomination habituelle), et donc la possibilité d'introduire localement des effets de bord. Ces langages sont regroupés sous le nom de langages fonctionnels impurs.

Les langages dits purement fonctionnels n'autorisent pas la programmation impérative. De fait, ils sont dénués d'effets de bord et protégés contre les problèmes que pose l'exécution concurrente. On peut voir par exemple ce qui a été fait dans le cadre du langage Erlang.

L'implémentation des langages fonctionnels fait un usage sophistiqué de la pile car afin de s'affranchir de la nécessité de stocker des données temporaires dans des tableaux ils font largement appel à la récursivité (fait d'inclure l'appel d'une fonction dans sa propre définition). La récursivité peut être rendue plus efficace à l'aide d'une technique dénommée récursion terminale (en anglais tail-recursion), qui consiste à accumuler les résultats intermédiaires dans une case mémoire de la pile et à la passer en paramètre dans l'appel récursif. Ceci permet d'éviter d'empiler les appels récursifs dans la pile en les remplaçant par une simple succession de sauts. Le code généré par le compilateur est alors similaire à celui généré par une boucle en impératif. Certains langages comme Scheme, OCaml et Anubis optimisent automatiquement les appels récursifs de cette manière.

Transparence référentielle

Les langages fonctionnels ont comme autre propriété la transparence référentielle. Ce terme recouvre le principe simple selon lequel le résultat du programme ne change pas si on remplace une expression par une expression de valeur égale. Ce principe est violé dans le cas de procédures à effets de bord puisqu'une telle procédure, ne dépendant pas uniquement de ses arguments d'entrée, ne se comporte pas forcément de façon identique à deux instants donnés du programme. La transparence référentielle est, comme nous allons le voir, une propriété extrêmement utile.

Prenons un exemple. En C, si n désigne une variable globale contenant un entier à incrémenter (donc une case mémoire visible par tout le programme), et inc(k) une fonction qui augmente la valeur de n de la quantité k :

int n = 2;
int inc(int k) { n = n + k; return n; } /* incrémentation par effet de bord */
f(inc(1) + inc(1));

Dans cet exemple, la fonction inc(i) ne retourne pas la même valeur lors des deux appels : l'un des arguments de la fonction f vaudra 2 + 1 = 3 et l'autre 3 + 1 = 4. Il s'avère donc impossible de remplacer inc(i) + inc(i) par 2 * inc(i) car la valeur de inc(i) diffère à chaque appel. Ce comportement est fondamentalement différent de celui d'une fonction mathématique. À l'échelle d'un programme important, cela signifie que le remplacement d'une fonction par une autre peut nécessiter des modifications à d'autres endroits du programme, et qu'il peut s'avérer nécessaire de retester l'intégralité du système, car on n'est pas assuré qu'un tel remplacement n'a pas modifié son comportement global. Au fur et à mesure que la complexité du système augmente, le coût d'un changement s'accroît aussi. À l'inverse, la propriété de transparence référentielle permet d'assurer que le remplacement d'une fonction par une autre équivalente ne risque pas de modifier le comportement global du programme. Autrement dit, elles sont mathématiquement égales. Cette propriété facilite la maintenance logicielle. Elle permet aussi d'appliquer de façon automatique des preuves de fonctionnement. Elle a enfin pour autre avantage de sensiblement réduire l'importance de l'ordre d'exécution, celui-ci étant assuré par l'ordre d'appel des fonctions ; un corollaire est que la parallélisation d'un programme fonctionnel peut être réalisée de façon automatique.

Des fonctions passées en paramètre

Les langages fonctionnels emploient des types et des structures de données de haut niveau comme les listes extensibles. Il est ainsi généralement possible de réaliser facilement des opérations comme la concaténation de listes, ou l'application d'une fonction à une liste - le parcours de la liste se faisant de façon récursive -, en une seule ligne de code.

Un mécanisme puissant des langages fonctionnels est l'usage des fonctions d'ordre supérieur. Une fonction est dite d'ordre supérieur lorsqu'elle peut prendre des fonctions comme argument (aussi appelées callback) et/ou retourner une fonction comme résultat. On dit aussi que les fonctions sont des objets de première classe, ce qui signifie qu'elles sont manipulables aussi simplement que les types de base. Elles correspondent, en mathématiques, aux fonctionnelles. Les opérations de dérivation et d'intégration en sont deux exemples simples. Les fonctions d'ordre supérieur ont été étudiées par Alonzo Church et Stephen Kleene dans les années 1930, à partir du formalisme du lambda-calcul qui a influencé la conception de plusieurs langages fonctionnels, notamment celle d'Haskell. Toutefois la Théorie des Catégories Cartésiennes Fermées caractérise les fonctions d'une façon plus moderne à l'aide de la notion de problème universel.

Impact du paradigme fonctionnel

La programmation fonctionnelle reste peu utilisée en dehors du milieu universitaire et des hobbyistes. Dans le milieu industriel, les langages Erlang (développé par Ericsson pour des besoins de programmation concurrentielle et des impératifs de robustesse), Common Lisp et Scheme sont utilisés. Mais le développement des langages fonctionnels est limité par le déficit en outils et en bibliothèques de qualité commerciale, et surtout par le manque de programmeurs formés. Notons aussi le langage F# développé par Microsoft Research.

Enfin, les langages fonctionnels souffrent encore d'une réputation de lenteur aujourd'hui complètement injustifiée : certains compilateurs Scheme, comme les compilateurs Stalin ou Bigloo, les compilateurs pour Common Lisp, les langages dans la lignée de ML, tels que Objective Caml ou encore Haskell produisent des exécutables dont les performances moyennes sont comparables à ceux produits par les compilateurs C ou C++. Un code sans effet de bord étant beaucoup plus robuste et plus facile à maintenir, on le préférera à un programme dont la gestion de la mémoire et la prédiction du comportement seront difficiles à maîtriser, quitte à perdre un peu en efficacité.

En dehors des universités et de secteurs industriels spécifiques, XSLT est peut être un vecteur de popularisation du paradigme fonctionnel. Dédié au traitement XML, il permet à un programmeur de conserver ses langages impératifs ou objets, tout en découvrant une autre logique de programmation.

Références

  1. Paul Hudak, « Conception, evolution, and application of functional programming languages », dans ACM Computing Surveys, vol. 21, no 3, September 1989, p. 359-411 [texte intégral] 
  2. auxquels il faut ajouter XSLT et Anubis.
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