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Obsolescence programmée
L’obsolescence programmée (ou la désuétude planifiée) est le fait de développer et commercialiser un produit en prévoyant de façon précise la date de péremption de ce produit. Ces produits sont conçus de façon à restreindre la durée de vie de l'objet afin d'inciter à l'achat d'un nouveau plus rapidement.
Cette technique de fabrication est particulièrement utilisée par les constructeurs d'appareils électroménagers, d'ordinateurs et plus généralement par les fabricants d'objets électroniques.
Sommaire
Principe
L'obsolescence programmée regroupe l'ensemble des techniques visant à réduire la durée de vie d'un produit afin d'en augmenter le taux de remplacement, éventuellement avec une réduction des coûts de production. En effet, plus le taux de remplacement est élevé, plus la demande est importante pour les produits de remplacement, nouveaux, demande qui profitera au producteur ... ou à ses concurrents. Le secteur bénéficie alors d'une production plus importante, stimulant les gains de productivité (économies d'échelle) et le progrès technique (qui accélère l'obsolescence des produits antérieurs).
Cette stratégie n'est pas sans risques : elle implique un effort de recherche et développement spécifique, n'allant pas dans le sens d'une amélioration du produit ; elle fait courir un risque à la réputation (l'image de marque) du fabriquant ; enfin, elle implique un pari sur les parts de marché futures de la firme (sur les produits de remplacement).
Histoire
L'expression « Obsolescence Programmée » (« planned obsolescence » en anglais) est apparu en 1932 aux États-Unis[1] et prend son essor au milieu des années 50. Il est alors popularisé par le dessinateur industriel Brooks Stevens.
Dans les années 1960, l'expression devient courante. Le constructeur automobile Volkswagen lance une campagne de publicité sur ce thème.
Différents types d'obsolescence programmée
Il existe différentes variantes d'obsolescence programmée. Certaines impliquent d'ajouter sciemment des défauts de conception au produit vendu, d'autres formes plus psychologiques tentent de dévaloriser l'image du produit auprès des consommateurs. Voici un tour d'horizon non exhaustif des mécanismes à la disposition des industriels.
Obsolescence fonctionnelle
La forme la plus courante de cette pratique consiste à placer dans un appareil un élément vital d'une qualité inférieure au reste de l'appareil[réf. nécessaire]. Lorsque cette pièce vient à dysfonctionner l'ensemble du produit devient inutilisable. Le coût de réparation, constitué du prix de la pièce de remplacement du coût de la main d'œuvre et des frais de transport, est alors supérieur au prix d'un appareil neuf vendu dans le commerce. Il devient alors inutile et onéreux de vouloir réparer l'appareil endommagé.
Obsolescence par péremption
Certains produits possèdent une date de péremption à partir de laquelle ils sont annoncés comme « périmés ». Cela s'applique principalement aux aliments et aux boissons, qui ont une date limite de consommation ou une date limite d'utilisation optimale, ainsi qu'aux produits cosmétiques, pharmaceutiques et chimiques. Cependant dans certains cas, les produits restent utilisables après cette date.
Par exemple, un aliment ayant une DLUO risque de voir ses qualités organoleptiques diminuées au-delà de la date indiquée, tout en restant consommable sans risque pour la santé. Une DLC est par contre plus stricte, car elle indique un risque pour la santé du consommateur s'il utilise le produit au-delà.Obsolescence indirecte
Certains produits deviennent obsolètes alors qu'ils sont totalement fonctionnels de par le fait que les produits consommables associés ne sont pas ou plus disponibles dans le commerce... C'est le cas le plus courant d'obsolescence des téléphones mobiles : un téléphone en parfait état peut devenir inutilisable lorsque sa batterie ou son chargeur ne sont plus vendus dans le commerce. De la même façon certaines imprimantes deviennent de facto obsolètes lorsque le fabricant cesse de produire les cartouches d'encre spécifiques à ces modèles. On peut également citer l'exemple d'un vieux moteur de voiture rendu inutilisable du simple fait qu'il est impossible des trouver des pièces de rechange.
L'arrêt de la production de pièces détachées ou de produits consommables est un levier puissant à la disposition des industriels. Le choix d'abandonner la production ou la commercialisation des produits annexes (cartouches, pièces détachées, batteries, etc. ) complique la tache de maintenance et de réparation du consommateur jusqu'à les rendre impossibles.
Cette pratique ne se limite pas aux produits consommables et aux pièces dérivés. Le même mécanisme d'obsolescence indirecte est possible également pour l'industrie des services et des logiciels. Par exemple, en juillet 2006 Microsoft abandonne le service de support et de maintenance corrective pour les logiciels Windows 98 et Millenium[2]. Cette décision implique que depuis cette date les bugs et les failles de sécurité ne sont plus corrigées par Microsoft. Par cette mesure, Microsoft tente d'inciter ses clients à acheter la nouvelle version de son logiciel.
Obsolescence par notification
Proche de l'obsolescence indirecte, l'obsolescence par notification est une forme évoluée d'"auto-péremption". Elle consiste à concevoir un produit pour qu'il puisse signaler à l'utilisateur qu'il est nécessaire de réparer ou remplacer tout ou partie de l'appareil. On peut citer l'exemple des imprimantes qui avertissent l'utilisateur lorsque les cartouches d'encre sont vides. En soi ce mécanisme n'est pas un mécanisme d'obsolescence. Cependant si les cartouches ne sont pas complètement vides lorsque le signal est émis, il s'agit bel et bien d'une obsolescence programmée de la cartouche.
L'aspect intéressant de ce genre de techniques de préemption forcée réside dans l'interaction entre deux produits : dans l'exemple de l'imprimante, un produit "consommable" (la cartouche) est déclaré obsolète par un autre produit (l'imprimante elle-même). Cette technique est possible quand le constructeur produit à la fois la machine et les recharges.
On peut aussi noter le cas d'imprimantes affichant un message d'erreur bloquant leur fonctionnement régulier ("réservoir d'encre usagée plein") pour lequel le fabricant n'assure aucun service et invite a renouveler le matériel. L'usager se retrouvant ainsi avec une imprimante ne fonctionnant plus, et ne peut dépasser ce message. L'imprimante s'est ainsi rendu inutilisable elle même, et l'usager est contraint de renouveler leur matériel.
Obsolescence par incompatibilités
Principalement observée dans le secteur de l'informatique, cette technique vise à rendre un produit inutile par le fait qu'il n'est plus compatible avec les versions ultérieures. Dans le cas d'un logiciel, le changement de format de fichier entre deux versions successives d'un même programme suffira à rendre les anciennes versions obsolètes puisque non compatibles avec le nouveau standard.
Les changements de formats ou de standards sont souvent nécessaires pour prendre en compte les innovations d'un produit. Cependant ils peuvent aussi être créés artificiellement.
Obsolescence esthétique
Certains produits (notamment les chaussures et les vêtements) subissent parfois une obsolescence subjective. Les modes vestimentaires et les critères d'élégance évoluent parfois rapidement. Bien que totalement utilisables, certains produits perdent leur valeur parce qu'ils ne sont plus «à la mode». Certains fabricants peuvent tenter d'exploiter ce principe en lançant des opérations marketing et des campagnes publicitaires dont le but est de créer des modes et d'en discréditer d'autres.
Plus une mode est éphémère, plus vite les objets et les vêtements qui s'y réfèrent seront obsolètes.
Modèle économique
Les techniques d'obsolescence programmée reposent sur deux principes fondamentaux :
- Le fabricant doit être en situation de monopole ou d'oligopole. En effet lorsque le marché est dynamique et réellement concurrentiel, il est difficile d'imposer aux consommateurs des produits ayant une durée de vie limitée. Ainsi les techniques d'obsolescence forcée sont plus facilement utilisées dans les secteurs technologiques à faible concurrence. Par exemple, sans qu'il y ait d'accords officiels entre eux, les grands constructeurs de téléphones mobiles semblent avoir fixé à deux ans la durée de vie de leurs produits.
- La durée de vie programmée de l'appareil doit rester secrète. Le consommateur ne doit pas être informé de la durée de vie de l'appareil qu'il achète. Il ne doit pas non plus savoir à l'avance où se situe le défaut de conception. En effet si ces données étaient rendues publiques par les constructeurs, elles auraient un impact sur le choix des consommateurs.
Il existe cependant des exceptions notables à ces deux principes. Dans certains cas, le consommateur est parfaitement conscient de la durée de vie limitée et dispose de plus d'une offre concurrentielle. L'exemple du sapin de Noël est révélateur : la plupart des acheteurs de sapins savent pertinemment que l'arbre qu'ils achètent est promis à une mort rapide et certaine. Le choix d'acheter un produit jetable est alors fait en toute connaissance de cause car il se base sur des critères économiques à court terme. Acheter un sapin « jetable » est un bon choix économique si l'on fait abstraction des coûts externes (déchets, épuisement des ressources naturelles, transport).
Les défenseurs de l'obsolescence programmée avancent que cette technique dynamise le marché et créée des conditions favorables aux entreprises innovantes. Connaître (et provoquer) la fin de vie d'un produit permet d'anticiper et prévoir l'évolution des ventes sur le long terme, ce qui réduit les risques économiques et donc facilite la planification des investissements industriels.
À l'inverse, les opposants à ces techniques considèrent que la péremption rapide des produits est le pendant de l'industrie de masse. Pour ceux-ci, l'obsolescence est le revers de la médaille du progrès technologique tel qu'il est conçu actuellement.
L'un des secteurs les plus soumis à l'obsolescence est la production de microprocesseurs pour les ordinateurs personnels. Ce marché est dominé par deux constructeurs mondiaux. En effet la production de microprocessseurs est soumise à la loi de Moore qui prédit qu'il y a un intérêt économique au contrôle de la demande par répartition distillée de l'offre. En effet, la miniaturisation progresse en principe grâce à des découvertes et à des optimisations ponctuelles. En maîtrisant dans le temps la diffusion des applications technologiques nouvelles, il est possible que les géants des semi-conducteurs définissent eux-mêmes un modèle stable de consommation et s'assurent ainsi d'une correspondance entre leurs efforts d'innovation et les désirs de renouvellements de leur clientèle. L'autolimitation de l'offre obligerait ainsi les consommateurs à mettre à jour régulièrement leur matériel. Pour être effective, il faut néanmoins qu'une telle autolimitation de l'offre puisse s'appuyer sur une cartellisation forte du marché et à brider l'innovation pour assurer une rente à l'ensemble du secteur concerné.
De plus, les constructeurs pour s'assurer de pouvoir écouler leur production se basent sur un accord tacite avec les éditeurs de logiciels. En effet ceux -ci mettent en place des mécanismes qui bloquent parfois l'installation de leurs logiciels sur des ordinateurs anciens ou de faible puissance. Ces ordinateurs bien que parfaitement fonctionnels sont donc rendus obsolètes par le fait que les nouvelles versions imposent des critères de performance trop élevés.
Réciproquement les constructeurs informatiques offrent souvent les dernières versions pré-installées de certains logiciels pour chaque achat de matériel. Ils augmentent ainsi le degré de péremption des versions antérieures.
Le phénomène d'obsolescence planifiée n'est pas une stratégie mais un corolaire de la production de masse. Elle fait partie intégrante du modèle économique de l'industrie actuelle. Ainsi il est certain que si les constructeurs informatiques proposaient des ordinateurs plus chers et plus résistants (disposant par exemple d'une espérance de vie de 10 ans) c'est l'ensemble de l'industrie qui serait profondément remis en cause.
Pour l'historien et critique social Christopher Lasch, qui constate que « la spéculation financière est devenue bien plus rentable que la production, et la production elle-même est dirigée par des stratégies marketing reposant sur la technique bien connue de l'obsolescence programmée », « l'idéal de la publicité est un univers de biens jetables, où l'on se débarrasse de choses dès qu'elles ont perdu leur attrait initial. Que quoi que ce soit doive être réparé, rénové ou remplacé est une notion étrangère à l'éthique publicitaire »[3].
Notes et références
- ↑ Giles Slade, Review: Made to Break, 8 octobre 2006 [(en) lire en ligne (page consultée le 3 décembre 2007)]
- ↑ Julie de Meslon, Microsoft tire un trait sur Windows 98 et Millenium dans 01net le 10 juillet 2006 [lire en ligne (page consultée le 3 décembre 2007)]
- ↑ Christopher Lasch, Les femmes et la vie ordinaire (1997), Climats, 2006, p. 164-165.
Liens externes
- (en) « Consumer Society Is Made To Break » par Adbusters
- (en) The story of stuff
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