- Nāgārjuna
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Nāgārjuna est un moine, philosophe et écrivain bouddhiste indien (IIe - IIIe siècle), originaire de la région correspondant à l'Andhra Pradesh actuel.
Sommaire
Biographie
Sa vie n'est pratiquement pas connue. La légende le fait naître dans une famille de brahmanes, ce qui expliquerait qu'il fut le premier penseur important du bouddhisme à avoir utilisé le sanscrit et non le pâli dans ses écrits. Il fut le plus grand théoricien de la doctrine madhyamika, la Voie du Milieu, et aurait enseigné à l'université de Nalanda.
Compte tenu de la longueur exceptionnelle que l'on prête à sa vie (plus de 600 ans), il est vraisemblable qu'il y eut plusieurs personnes portant ce nom. On peut cependant le situer vers la fin du IIe siècle par son texte « Lettre à un ami » qu'il aurait adressé au roi Shri Yajnâ de la dynastie Shatavâna.
Une autre tradition rapporte que Nāgārjuna serait allé dans le monde des Nāga, des divinités serpentiformes, pour leur enseigner le dharma. De là proviendrait son nom : Nāgā - ārjuna, « celui qui subjugue les Nāga ». Il aurait été amené à demeurer dans ce monde car, alors qu'il prêchait la doctrine bouddhiste, son attention fut attirée par des êtres humains dont émanaient une aura surnaturelle et un parfum suave, et qui étaient en fait des Nāga ayant pris l'apparence humaine pour pouvoir suivre son enseignement. Ayant été démasqués, ceux-ci l'invitèrent à venir convertir leurs congénères. Mais le temps dans le monde de ces êtres s'écoule plus lentement que le temps dans le royaume des êtres humains. Après y avoir résidé quelque temps, il revint dans le monde des humains, mais près de 600 ans s'étaient écoulés depuis son départ.
Influence
Nagarjuna est un des grands philosophes et métaphysicien du bouddhisme Mahāyāna et le fondateur de l'école madhyamika. Il est également compté parmi les quatre-vingt-quatre mahassidhas, les « grands magiciens » du bouddhisme tantrique tibétain, la tradition du bouddhisme Shingon le classe comme son troisième patriarche - il aurait reçu directement l'enseignement ésotérique de Vajrasattva, le Zen le considère comme étant son quatorzième patriarche. Il est considéré aussi comme le point d'origine, voire le fondateur de l'école Tiantai[1] en Chine.
L'ouvrage le plus célèbre de Nāgārjuna est le Prajñānāma mūla madhyamaka kārikā , « Les stances-racine de la voie du milieu »[2]. Ce livre est aussi connu sous le nom plus simple de Madhyamaka shastra, le « Traité du Milieu ». Un grand nombre de textes lui sont attribués.
Il faut surtout noter son apport essentiel à la logique, par l'usage systématique qu'il fit du tétralemme, sa réfutation de la logique indienne, en particulier des thèses du Nyâya sûtra le conduisit à utiliser trois types de réfutation : l'impossibilité logique (na yujyate), l'impossibilité réelle (nopapadyate), le constat d'inexistence (na vidyate).
Sa renommée s'est étendue dans tout le monde bouddhiste où il est vénéré sous différents noms : chinois : Long Shu 龍樹, Long Meng 龍猛, Long Sheng 龍勝 ; japonais : Ryûju, Ryûmyô bosatsu ; tibétain : Klu-sgrub ; mongol : Naganchuna Bakshi
La pensée logique de Nāgārjuna met à jour et utilise deux aspects intrinsèquement liés : la vacuité d'existence propre (Śūnyatā) et la production co-dépendante ou coproduction conditionnée (pratîtya samutpada)[3]. La vacuité s'oppose frontalement à la conception née de nos habitudes mentales qui suppose une existence réelle aux choses et qui s'exprime intellectuellement dans un concept clef de la métaphysique traditionnelle de l'Inde : svabhava [être propre, existence propre] et que Nagarjuna bat en brèche dans ses textes philosophiques. Nagarjuna prouve en effet à longueur de ses écrits l'absurdité de ce concept d'existence propre qui se surajoute au réel. L'existence propre des phénomènes comme l'existence propre du « je » est illusoire, un mirage, un songe[4]. Nagarjuna va même plus loin : la causalité est vide d'une existence propre[5], le mouvement et donc le changement sont vides d'une existence propre[6]; le temps est également vide d'une existence propre[7]; le nirvâna est vide d'une existence propre[8]; et même le Bouddha en personne est vide d'une existence propre, une illusion, un songe, un rêve[9]. Nagarjuna plonge dans la vacuité tous les principes qui sous-tendent le monde ainsi que ceux qui le transcendent.
Pour autant, tout n'est-il qu'un vaste néant aux yeux de Nagarjuna ? Non, pas du tout ! Les choses sont vides, mais elles apparaissent en dépendance d'autres phénomènes, de la même manière que le rêve n'est bien sûr pas réel, mais pourtant s'est produit, troublant le dormeur de ses charmes et apparences. C'est pourquoi Nagarjuna prétend se situer au milieu entre l'extrême de l'existence et l'extrême de la non-existence ou néant. C'est pourquoi il a appelé son école, l'école du Milieu, le Madhyamika, référence implicite au tout premier enseignement du Bouddha aux cinq disciples de Bénarès[10] où le Bouddha décrit sa doctrine comme Voie du Milieu (ou voie moyenne).
Annexes
Notes
Références
- Ou T'ient'ai (selon le système de transcription Wade).
- 2 traductions de cet ouvrage fondateur de la pensée de Nagarjuna : Traité du milieu, traduit par Georges Driessens, Seuil Points/Sagesses, Paris, 1995 ainsi que Stances du milieu par excellence, traduit par Guy Bugault, Gallimard/Connaissance de l'Orient, Paris.
- Georges Dreyfus, Les deux vérités selon les quatre écoles, , éd. VajraYogini, Marzens, 2000, pp. 155-210; et du même auteur, La vacuité selon l'école mâdhyamika, VajraYogini, Marzens, 1992.
- Voir notamment le chap. XVIII du Madhyamakashastra ou Prajñānāma mūla madhyamaka kārikā. Traité du milieu, traduit par Georges Driessens, op. cit. et Stances du milieu par excellence, traduit par Guy Bugault, op. cit.
- Chap. I du "Traité du Milieu"; op. cit.
- Chap. II du "Traité du Milieu", op. cit.
- Chap. XIX du "Traité du Milieu", op. cit.
- Chap. XXV du "Traité du Milieu", op. cit.
- Chap. XXII du "Traité du Milieu", op. cit.
- Dhammacakkappavatana Sutta, Soutra de la Mise en mouvement de la Roue du Dharma, Majjhima Nikaya, I, 414-420. Traductions et commentaires dans : Rewata Dhamma, Le premier enseignement du Bouddha, Claire Lumière, Vernègues, 1998. Mohan Wijayaratna, Sermons du Bouddha, éd. Le Seuil, Points/Sagesse, Paris, 2006, pp. 91-97
Bibliographie
- Nagarjuna, Traité du milieu, traduit par Georges Driessens, Seuil Points/Sagesses, Paris, 1995.
- Nagarjuna,Stances du milieu par excellence, traduit par Guy Bugault, Gallimard/Connaissance de l'Orient, Paris.
- Nagarjuna, Conseils au roi (La Guirlande précieuse de conseils au roi), traduit par Georges Driessens, Seuil Points/Sagesses, Paris, 2000.
- Nagarjuna, La Lettre à un ami, traduit par Georges Driessens & Michel Zaregradsky, éd Dharma, 1981.
- Nagarjuna, Lettre à un ami, traduit par le Comité Padmakara et commenté par Kangyour Rinpoché, éd. Padmakara, Saint-Léon-sur-Vézère (France), 2007.
- Nagarjuna, Le Traité de la grande vertu de sagesse, traduit du chinois (Kumarajiva) par Étienne Lamotte, Bureaux du Muséon, Louvain, 1944.
- Nagarjuna, Le livre de la chance (Anthologie des soutras, Sûtrasamuccaya), traduit par Georges Driessens, éd. Le Seuil/Points Sagesse, Paris, 2003.
- Georges Dreyfus, Les deux vérités selon les quatre écoles, , éd. VajraYogini, Marzens, 2000.
- Georges Dreyfus, La vacuité selon l'école mâdhyamika, VajraYogini, Marzens, 1992.
- Jean-Marc Vivenza, Nâgârjuna et la doctrine de la vacuité, Albin Michel, 2001.
Articles connexes
Liens externes
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