Musique yiddish

Musique yiddish

Klezmer

Lebedik un Freilech, Vienne, 2009.

Le klezmer est une tradition musicale des Juifs ashkénazes (d’Europe centrale et de l'Est). Elle s’est développée à partir du XVe siècle et ses origines – dépourvues de sources documentaires d’époque mais vraisemblables — seraient les musiques du Moyen-Orient, ainsi que les musiques d’Europe centrale et d’Europe de l'Est (Slaves et Tziganes)[1].

Le mot klezmer vient de l'association des mots klei et zemer, « instrument de chant ». À l’origine le mot klezmer (pluriel : klezmorim) désignait donc les instruments. Le sens a glissé et on a également appelé les interprètes les klezmorim.

En raison de ses origines, la langue de prédilection de la chanson klezmer est le yiddish (une langue d'origine germanique proche de l'allemand, avec un apport de vocabulaire hébreu et slave), mais les langues locales étaient aussi utilisées.

Sommaire

Aspects culturels

Tant qu'ils n’avaient pas une autre activité principale et ne jouaient qu’occasionnellement, les klezmorim étaient principalement des musiciens itinérants, qui ont participé aux mouvements migratoires des juifs d’Europe. À l’instar de la langue yiddish, les klezmorim se sont nourris des musiques des pays qu’ils traversaient, dans lesquels ils ont aussi laissé des influences. Les conditions de vie précaires de ces musiciens qui jouaient dans les fêtes et cérémonies populaires (parfois chrétiennes) ont contribué à donner à leur nom klezmorim une connotation péjorative.

Dans le domaine musical, les bourgeois juifs, souvent proches du mouvement Haskala, préféraient orienter l'éducation de leurs enfants vers la musique classique. Ce sera par exemple le cas pour les violonistes Joseph Joachim, Jascha Heifetz, David Oïstrakh, Nathan Milstein et Yehudi Menuhin. C'est en partie grâce au hassidisme, plus populaire, mouvement qui exprime par chants et danses joie de vivre et amour de Dieu, que la musique klezmer sera plus fermement soutenue.

Thématiques

Les thèmes des chansons font référence à la vie communautaire juive. Le Shabbat est souvent évoqué ainsi que les fêtes religieuses, les rabbins sont des personnages récurrents ; les autres éléments de la vie quotidiennes sont aussi très présents (berceuses, évocation des métiers) et des évènements peuvent être mis en chanson : tragiques comme l’incendie d'un shtetl (village), historiques comme l’émigration vers les États-Unis (dans la chanson Di Grine Kuzine). La mère étant un acteur primordial de la transmission du savoir dans la culture ashkenaze, elle joue un rôle prépondérant dans les chansons (dans A Yiddishe Mame).

Renouveau

La grande immigration juive vers les États-Unis entre 1870 et 1920 a permis de préserver la tradition klezmer, mais elle est progressivement passée de mode. Puis la Shoah a détruit une grande partie de la tradition musicale klezmer en Europe.

Cependant, à partir des années 1970, des artistes se sont à nouveau impliqués dans la musique klezmer, tels que Giora Feidman, The Klezmatics avec David Krakauer, et ont permis de remettre cette musique au goût du jour, voire de la faire évoluer dans des directions nouvelles (cf. John Zorn, Koby Israelite).

En Pologne également, des musiciens juifs, telLeopold Kozłowski, continuent et renouvellent la tradition klezmer, tandis que des musiciens de la jeune génération, tels André Ochodlo, renouent avec un héritage culturel yiddish considéré comme partie intégrante des racines culturelles polonaises.

En France, Klezmer nova, anciennement Orient express moving shnorers, est devenu une référence tant par son exactitude dans l’interprétation des chants traditionnels que par la qualité de ses productions aux orientations jazz.

Depuis les années 1990-2000, des musiciens issus de tous les horizons (classique, jazz, folk, pop, hip hop, electro, reggae …) sont les artisans d’une nouvelle mouvance klezmer qui va bien au-delà de la conservation d'un genre figé. Ce courant actuel se développe tout autant en Amérique qu'en Europe (Europe occidentale, centrale et orientale, Russie). Parmi ces musiciens : 17 Hippies, Socalled...

Aspects musicaux

On retrouve dans la musique klezmer l'influence des musiques d'Europe centrale, d’Europe de l'Est, des Balkans et des musiques tzigane et turque. Par ailleurs, une influence de la musique martiale n'est pas impossible car beaucoup de musiciens conscrits jouaient dans les fanfares militaires à l'honneur au XIXe siècle.

Aux États-Unis la musique klezmer a intégré des éléments du jazz puis des musiques actuelles - folk, rock, electro, hip-hop, spoken word - tout en faisant un retour aux sources dans la vieille Europe.

Bien que les klezmorim se produisaient pour toutes les communautés, leurs musiques sont empreintes de culture juive ashkenaze. Son aspect mélancolique et les complaintes des clarinettes imitent le son du shofar (instruments utilisé lors des offices de Rosh Hashana et Yom Kippour à la synagogue), et son aspect répétitif rappelle le chant du Hazzan (chantre de la synagogue).

Modes musicaux

La musique klezmer semble avoir des origines très anciennes et repose sur certains modes musicaux désignés par des noms de prières juives :

  • Ahavah Rabbah : (abondant amour) correspond au mode Phrygien avec la tierce augmentée, ou le mode majeur avec la seconde, la sixième et la septième diminuées.
  • Mi Chébérakh : (celui qui a béni) mode Dorien altéré, la sous-dominante est augmentée.
  • Adnaï Malakh : (l'Eternel roi) similaire au mode Mixolydien.
  • Magen Avot : (le bouclier de nos pères) similaire au mode mineur.
  • Yishtabach : similaire à Magen Avot.

Rythmique

La musique klezmer était à l’origine utilisée pour animer les danses, et les performances pouvaient durer très longtemps. Ainsi le tempo n'était pas régulier mais s’adaptait à la fatigue des danseurs, et bien sûr des musiciens. Cette irrégularité de tempo s'est inscrite dans la tradition.

La rythmique est marquée par les instruments de percussion mais aussi par des instruments d’accompagnement comme le cymbalum. Elle se décline en divers rythmes correspondant à des danses traditionnelles : Nigoun - Freylekh - Bulgar - Khosidl - Hora lente - Terkish - Sirba - Sher - Taksim - Doina - Kolmeyke - Hopak - Skotshne - Honga - Kasatchok

Instruments

Musiciens pauvres et itinérants allant de village en village, les klezmorim n'utilisaient pas d'instruments chers et lourds comme le piano, introduit plus tardivement aux États-Unis dans les clubs et sous l'influence du jazz, tout comme le saxophone.

Les lois interdisaient souvent aux klezmorim les instruments forts tels les cuivres et les percussions pour ne pas incommoder leurs voisins chrétiens. Pour cette même raison, le nombre de musiciens dans l'orchestre était limité ainsi que la durée de leurs performances.

  • Le violon, fidl en yiddish, instrument facilement transportable et qui se prête à la modulation et au glissando, est le plus symbolique des instruments klezmer.
  • La flûte, à partir du XVIIe siècle, avec le piccolo de fabrication souvent artisanale.
  • Le tsimbl, ou cymbalum, instrument très ancien, aux possibilités rythmiques, harmoniques et mélodiques.
  • Un tambour simple (tshekal) était souvent utilisé en guise de percussion. Le baraban, ou poik[2] qui est une grosse caisse de petit format sur laquelle pouvait être disposée une petite cymbale. Un seul klezmorim peut ainsi reproduire un soutien rythmique efficace.
  • le groyse fidl,[3][du Yid. gros violon], nommé également sekund, kontra ou zsidó bratsch [Hon.] est un alto (violon) à trois ou quatre cordes dont le chevalet plat permet la production d'accords à trois tons, donc un accompagnement harmonique. Les juifs ont utilisé différentes versions de cet instrument avant son remplacement depuis la fin du XIXe siècle par une plus grande prédominance des vents dans les ensembles de klezmorim.
  • La clarinette, au XIXe siècle en ut et mi bémol (à son apparition dans les ensembles de klezmorim) est plus communément aujourd'hui jouée en si bémol[3]. Elle est devenue depuis un instrument essentiel du klezmer. Elle permet d’imiter le son du Shofar et faire chanter les lamentations typiques du klezmer.
  • L’accordéon, à boutons d'abord, à claviers ensuite, comme dans la musique tzigane, apparait à la même époque que la clarinette.
  • La trompette, d'abord à pistons rotatifs dans la tradition musicale ashkénaze du XIXe siècle, et le cornet à pistons. La trompette moderne (pistons de type Périnet[4]) est plus commune aujourd'hui.
  • Violoncelle, le tshelo, et contrebasse sont devenus des instruments klezmer. Certains orchestres utilisent le basy, une petite basse jouée dans les Tatras en Pologne, fabriqué à partir d'un violoncelle standard. Le basy a trois cordes ; aigu et deux cordes de La en octave, que l'on joue simultanément.[2]
  • La balalaïka a pu aussi être utilisée.
  • Le saxophone (XXe siècle) dans le klezmer contemporain, accompagne à merveille et complète la clarinette, (à la tierce par exemple).

Quelques interprètes

Bibliographie

  • Stella-Sarah Roy, Musiques et traditions ashkénazes, Paris, L'Harmattan, Univers musical, 2002.
  • Hervé Roten, Musiques liturgiques juives : parcours et escales, Arles, Actes Sud, Musiques du monde, 1999.

Fictions :

  • Sfar, Joann, Klezmer, tome 1, Conquête de l'Est, Gallimard, 17 novembre 2005 (Bayou)
  • Sfar, Joann, Klezmer, tome 1, Conquête de l'Est (Broché), Gallimard, 1 avril 2006 (Bayou)
  • Sfar, Joann, Klezmer, tome 2, Bon Anniversaire Scylla, Gallimard, 18 mai 2006 (Bayou)
  • Sfar, Joann, Klezmer, tome 3, Tous des voleurs, Gallimard, aout 2007 (Bayou)

Liens externes

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Notes

  1. S.-S. Roy, Musiques et traditions ashkénazes.
  2. a  et b Veretski Pass
  3. a  et b http://www.budowitz.com/
  4. Typologie des instruments à vent fonctionnement d'un piston
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