- Mot
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Dans le langage courant, un mot est une suite de sons ou de caractères graphiques formant une unité sémantique et pouvant être distingués par un séparateur (blanc typographique à l'écrit, pause à l'oral).
Sommaire
Étymologie
Le mot français dérive du bas-latin muttum. Il s'agit d'un substantif du verbe latin muttire dont la signification reste obscure. Ce verbe indique généralement la production d'un discours inarticulé et/ou incohérent : au sens propre, muttire, c'est dire mu, soit grogner comme un bovin. Toutefois, il définit également le contraire, soit la formulation d'un énoncé articulé. Dès son origine, le mot se trouve chargé d'une tension sémantique et tiraillé entre deux significations contradictoires. Jusqu'au XIIe siècle, la première signification l'emporte : l'usage de muttum ou de mu est exclusivement péjoratif. Progressivement, la notion se neutralise et devient un simple qualificatif linguistique[1]. Ce faisant il entretient une relation synonymique avec tout une galaxie de concepts alors interchangeables : le verbe, la parole, le dit, le vocable… Cette incertitude se prolonge jusqu'à la fin du XVIIe siècle. Publié en 1690, le Dictionnaire universel d'Antoine Furetière définit encore le mot par la parole et la parole par le mot[2]. Le Dictionnaire français de Richelet (1680) procède par contre à une distinction destinée à rester : le mot désigne « tout ce qui se prononce et s'écrit à part », tandis que la parole constitue le « discours et explication de la pensée par le son et la voix »[3].
On ne retrouve cette distinction arbitraire dans aucune autre langue romane. Équivalents lexicaux de parole, l'espagnol palabra, l'italien parola et le portugais palavra traduisent sémantiquement le mot français. Le roumain cuvânt dérive quant à lui de deux termes latins : conventum (convention) et conventus (assemblée)[1].
Une instance normalisatrice
Une notion problématique
La notion de mot soulève d'importants problèmes d'identification. Elle dépend avant tout de l'intuition des locuteurs, chacun sachant citer des mots ou les identifier sans pour autant pouvoir expliquer quels sont ses critères de jugement.
Cas-limites
Parmi les principaux problèmes se présentant lorsque l'on veut définir la notion de mots, on peut citer ceux-ci :
- dans la langue parlée, il n'existe qu'une chaîne de phonèmes, séparés parfois par des pauses. Le blanc typographique (par exemple) n'a pas forcément de représentation orale, laquelle peut être symbolisée par la ponctuation ;
- toutes les écritures n'utilisant pas le blanc typographique (c'est le cas en chinois, où l'on distingue d'ailleurs les caractères, 字 zì, des mots, 詞 cí, alors que rien n'indique, dans l'écriture de cette langue, les limites entre mots) ou quelque autre séparateur de mots (comme le point, parfois utilisé par les Romains dans les inscriptions monumentales en latin), il ne serait pas possible de trouver des mots dans toutes les langues. Pourtant, on s'accorde pour dire que chaque langue en possède. D'autre part, la grande majorité des langues n'est pas écrite[4] ;
- une personne écoutant un énoncé prononcé dans une langue qu'il ne connaît pas ne pourra pas en identifier les mots. S'il sait ce qu'est un phonème, en revanche, il pourra les identifier sans comprendre le sens de l'énoncé ;
- s'il est possible d'identifier les mots en séparant ceux d'un énoncé par des pauses (dans la phrase jamais.il.ne.vient on ne pourra placer des pauses — symbolisées ici par des points — qu'entre les mots), ou en les permutant (Jean.Pierre.Mot → Mot.Jean.Pierre) que faire de mots comme ceci et ceux-ci ? Est-il logique que le premier ne compte que pour un mot et le second pour deux alors que ceci n'est qu'une manière d'écrire *ce-ci et que ceux ne peut être séparé de -ci sans changer de sens ? De même, que penser d'aujourd'hui qui est historiquement une locution composées de quatre mots (au jour d'hui) lexicalisée ? Au, jour et d(e) peuvent être identifiés comme des mots mais pas hui. Enfin, au, résultat d'une agglutination, compte-t-il pour un mot ou deux (à+le) ? Pomme de terre est-il un mot, ou bien trois ?
Alternatives linguistiques
La plupart des linguistes ont délaissés le mots au profit de terminologies scientifiques plus précises : le vocable, le mot-forme, le lemme (ou lexie), la locution, le lexème, la forme du lexème, le morphème.
Références
- Baratin et al. Lallot, p. 831
- Baratin et al. Lallot, p. 831-832
- Baratin et al. Lallot, p. 833
- De l'écrit à l'oral sur le web
Annexes
Bibliographie
Marc Baratin, Barbara Cassin, Irène Rosier-Catach, Frédérique Ildefonse, Jean Lallot et Jacqueline Léon, « Mot », dans Barbara Cassin (Dir.), Vocabulaire européen des philosophes, Seuil, coll. « Le Robert », 2004, p. 830-844
Articles connexes
- Mots lexicaux - Mots grammaticaux
- Vocable - Lemme - Mot-forme - Locution - Lexème - Forme - Morphème - Radical
- Signe linguistique
- Concept - Signifiant - Signifié
- Syntagme - Mot composé
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