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Mathématiques modernes
L'expression « mathématiques modernes » renvoie à une profonde remise en question de l'enseignement des mathématiques dans les pays du bloc occidental à partir des années 1960. Elle a visé à améliorer la formation scientifique et à incorporer certaines des mutations formidables connues par les mathématiques au début du XXe siècle. L'introduction des mathématiques modernes a souvent été vécue difficilement, et a donné lieu à des critiques.
Sommaire
Le contexte
En pleine guerre froide, le lancement de Spoutnik 1 par les Soviétiques provoqua un véritable traumatisme aux États-Unis, où il fut comparé par plusieurs journaux à une forme de Pearl Harbor technologique. Afin d'améliorer les compétences scientifiques de la population et de rattraper les ingénieurs soviétiques, réputés très bons mathématiciens, un ensemble de réformes de l'école américaine, portant principalement sur le niveau primaire (grade school), fut décidé : les New Math (« mathématiques nouvelles »).
Dès le début des années 1960, la nouvelle méthode de formation fut aussi adoptée par les pays d'Europe de l'Ouest. En particulier, elle fut adoptée au Royaume-Uni, en France, en Allemagne de l'Ouest...
Il faut rappeler enfin que la France avait connu une première réforme de l'enseignement de la géométrie au début de 1905, sous l'égide de la Commission Borel.
Principe de la réforme
Elle insiste sur les structures mathématiques à travers des concepts abstraits comme la théorie des ensembles ou les bases de numération autres que la base 10, et principalement la base 2, essentielle en électronique et en informatique. C'est là l'aspect le plus visible de la réforme à l'école primaire, et celui où l'influence des travaux du groupe Bourbaki est la plus sensible. Le programme commençait par l'étude de la théorie naïve des ensembles, au lieu de l'arithmétique ; on espérait ainsi développer la pensée logique et les facultés d'abstraction des élèves. La théorie des ensembles était enseignée au moyen de diagrammes bigarrés.
Au niveau du collège étaient introduites les notions de structure de groupe, d'anneau et de corps algébrique, avec un symbolisme issu de la théorie des ensembles (quantificateurs logiques notamment) ; à partir de la classe de quatrième, la géométrie était détachée de la notion de dessin et de construction, pour endosser une structure axiomatique d'ailleurs discutable[1]. Mise à part l'utilisation de la théorie des ensembles et une approche différente de l'arithmétique, l'approche déductive de la géométrie euclidienne céda ainsi la place à une approche basée sur le programme d'Erlangen, et la mise en pratique du calcul fut remplacée par une approche théorique.
Les classes de lycée voyaient l'intrusion massive de l'algèbre linéaire, les problèmes de géométrie du baccalauréat se transformant en questions d'algèbre pures.
Arguments invoqués par les gouvernements
- Autorité de la Recherche scientifique. - En France, la réforme fut pilotée par des chercheurs regroupés au sein de la Commission Lichnerowicz, sans grande concertation avec le corps enseignant, à charge pour les inspecteurs de l'éducation nationale de transmettre les instructions et de mettre en place les stages de recyclage. Le cheminement intellectuel et le rayonnement international du collectif Bourbaki furent souvent invoqués par les tenants de la réforme pour justifier sa mise en place ; cependant, plusieurs Bourbakis se désolidarisèrent ultérieurement de la commission Lichnerowicz, notamment Jean Dieudonné.
- Pédo-psychologie. - L'étalement des programmes pour les différents niveaux de classe se réclamait des recherches de Jean Piaget.
- L'électronique et l'informatique. - Il n'est jamais trop tôt pour former la jeunesse aux métiers d'avenir : on considérait généralement en 1970 que la pratique de l'informatique « en l'an 2000 » nécessiterait de bonnes connaissances du système binaire, ou du « calcul en base deux » : d'où l'intérêt de l'enseignement des bases de numération.
Limites du changement de programme
De nombreux parents et professeurs, y compris aux États-Unis, se sont plaints du nouvel enseignement, à leurs yeux trop éloigné des compétences moyennes des élèves, et les privant de sujets plus traditionnels comme l'arithmétique. De plus, le programme demandait un nouveau savoir de la part des professeurs, qui ne reçurent pas toujours la formation adéquate.
Les craintes ne se limitèrent pas uniquement aux catégories sus-citées. En effet, les mathématiques ne sont pas seulement un instrument de pensée mais aussi un outil au service des sciences et des techniques. Très rapidement, les physiciens ont douté de l'efficacité des mathématiques modernes, certains allant même jusqu'à y voir une des raisons du déséquilibre de l'enseignement scientifique de l'époque.
L'abstraction des Mathématiques modernes telle l'introduction de la géométrie euclidienne sans le moindre support concret concernant les droites, plans, surfaces et autres ne fit qu'aggraver l'incompréhension des jeunes élèves. Le langage ensembliste et ses innombrables arcanes n'avaient véritablement aucun intérêt hors du niveau supérieur, sauf pour quelques rares élèves doués, qui en sortaient avec un très bon niveau.
La mise en pratique a confirmé ces craintes. La réaction des élèves fut paradoxale : après le baccalauréat, ils s'orientaient davantage vers les sciences physiques et l'ingénierie, utilisant davantage leurs compétences de calcul (algèbre) plutôt que leur goût pour les idées abstraites.
La réforme des mathématiques modernes fut abandonnée par la plupart des corps enseignants (en France, par exemple, la géométrie traditionnelle revint dans les programmes de lycée à partir de 1983, au détriment de l'algèbre linéaire).
Articles connexes
Notes
- ↑ Le théorème de Thalès était érigé en axiome à partir de la classe de quatrième. La notion de mesure algébrique, à mi-chemin entre la notion de distance et celle de vecteur, ajoutait à la confusion dans la formulation de cet axiome.
Références
- Évelyne Barbin, Actualité d'Émile Fourrey (1993), préface aux Récréations Géométriques, éd. Vuibert, Paris ISBN 2-7117-8896-2
- Rudolf Bkouche, Bernard Charlot, Rouché - Faire des mathématiques : le plaisir du sens (1991), éd. Armand Colin
- Renaud De La Taille, Réponse à A. Lichnerowicz - Science et Vie N° 651 (Dec 1971), Science et Vie Magazine.
- Maurice Mashaal - Les maths modernes à l'école in Pour la Science, n° spécial Bourbaki, février-mai 2000
- Georges Papy, Mathématique moderne 1, Bruxelles-Paris, Marcel Didier, 1964.
- Paul René Machin - Prof de maths, Nouvelles Editions Debresse - Paris, 1974
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