Maison de la Culture

Maison de la Culture

En France, les maisons de la culture sont des établissements culturels créés en 1961, à l'initiative d'André Malraux, alors ministre des Affaires culturelles.

Sommaire

Historique

C'est surtout en France que se développe le concept de maison de la culture. Mais le Québec et la Belgique en offrent quelques exemples.

En France, le terme apparaît dans les années 1930, dans la bouche d'André Malraux et Gaétan Picon, militants de la Ligue des intellectuels contre le fascisme[1].

Nommé ministre des Affaires culturelles en 1959, Malraux relance cette notion, en l'évoquant au Festival de Cannes de 1959, à travers les ciné-clubs qui devaient y prendre place. Le 17 novembre suivant, il annonce aux députés qu'une par département devrait voir le jour avant trois ans, afin que « n'importe quel enfant de seize ans, si pauvre soit-il, puisse avoir un véritable contact avec son patrimoine national et avec la gloire de l'esprit de l'humanité »[2]

En mars 1961, la Commission de l'équipement culturel et du patrimoine artistique du IVe plan acte l'ouverture de vingt ans en quatre ans[2]. Dès lors, Malraux en fait la pierre angulaire de sa politique, « modernes cathédrales »[3], pour rendre effectif l'objectif de « rendre accessible les œuvres capitales de l'humanité au plus grand nombre de Français », mentionné dans le décret de création du ministère des Affaires culturelles.

Face à un ministère naissant et la faiblesse des budgets, il faut donc rapidement affirmer la légitimité de l'action culturelle en ouvrant les premiers lieux. Le chantier du déploiement est confié à Émile Biasini, directeur du théâtre, de la musique et de l'action culturelle en décembre 1959. On profite des projets déjà engagés pour les faire inclure dans le nouveau concept, au prix de lieux mal adaptés, et un ensemble hétérogène. On s'appuie également sur les structures déjà existantes en province, particulièrement les théâtres nés de la décentralisation dramatique, du fait de la proximité des missions et de leur bonne implantation sur le terrain. Mais Roger Planchon à Lyon, et Hubert Gignoux à Strasbourg déclinent la proposition pour se concentrer sur le théâtre[2].

La première maison de la culture est inaugurée, sous la direction de Reynold Arnould en 1961, au Havre, initialement prévue pour être un musée, ce qui oblige les spectacles à se dérouler sous un chapiteau. À Bourges, en 1963, le palais des congrès resté inachevé en 1939, est réaménagé pour devenir la maison de la culture de Bourges, et accueillir la Comédie de Bourges de Gabriel Monnet, labellisée également centre dramatique national. Le ministère achète à Paris un ancien cinéma pour y installer le Théâtre de l'Est parisien et Guy Rétoré. À Caen, on profite de la reconstruction du théâtre municipal rasé par la Libération pour élargir ses ambitions sous l'égide de Jo Tréhard[2].

Mais en dix ans, seules sept sont effectivement ouvertes.

Le concept

Le concept de maison de la culture s'inscrit à la fois dans l'engagement d'une politique de décentralisation culturelle, partiellement débutée sous le Front populaire et la Quatrième République, et dans la pensée malrucienne du choc esthétique. L'idée est de créer à travers la France, des structures d'accueil pour la diffusion sur tout le territoire, et non plus seulement à Paris, de la culture savante, auprès du public le plus large.

La définition est confiée à Pierre Moinot qui, en mars 1961, dans le cadre du plan quinquennal pour la culture, décrit un lieu pluridisciplinaire de rencontre entre l'homme et l'art pour faire « naître une familiarité, un choc, une passion, une autre façon pour chacun d’envisager sa propre condition. Les œuvres de la culture étant, par essence, le bien de tous, et notre miroir, il importe que chacun y puisse mesurer sa richesse, et s’y contempler. » Il forge l'idée d'une « rencontre intime » par la confrontation directe avec l'œuvre, sans « l’écueil et l’appauvrissement de la vulgarisation simplificatrice », en dehors d'une médiation artistique[1].

Contrairement aux autres structures déjà conçues, les maisons de la culture ne sont pas spécialisées, elles doivent abriter aussi bien des représentations théâtrales que des ballets ou des expositions d'art. Fidèles à la conception de Malraux, elles excluent toute médiation culturelle, privilégiant la confrontation directe aux œuvres.

Le projet est fortement critiqué. D'abord, les structures sont implantées sans réelles discussions avec les collectivités locales, qui doivent pourtant cofinancer pour moitié l'équipement. De plus, les premières, pour une ouverture rapide, prennent place dans des projets qui ne sont pas conçus originellement pour la polyvalence. Ainsi, la maison de la culture du Havre ouvre dans un musée, celle de Caen dans un théâtre, celle de Bourges et Thonon dans des palais des congrès, et le Théâtre de l'Est parisien, dans un cinéma.

De ce fait, trois villes profitent de la contestation de 1968 pour reprendre possession des maisons de la culture, à Caen, Firminy et Thonon.

De plus, on reproche aux maisons de la culture, comme à l'ensemble de la politique malrucienne, leur conception élitiste de l'art. Ainsi l'Appel de Villeurbanne, réunissant des directeurs de maisons de la culture et de théâtres publics, prône un théâtre engagé, avec une véritable politique de médiation.

Héritage

France

En 1991, les maisons de la culture ont été regroupées avec les centres d'animation culturelle et les centres de développement culturel au sein du label Scène nationale, par Bernard Faivre d'Arcier, poursuivant ainsi les préceptes de pluridisciplinarité, de décentralisation et d'action locale. Ainsi, par la permanence de cette volonté de polyvalence culturelle et par l'ouverture de structures « spécialisées » à d'autres arts, Augustin Girard affirme que la maison de la culture, longtemps considérée comme un échec, est finalement un succès, le concept ayant dépassé les lieux originels[1].

L'implication des collectivités locales a également permis une prise de conscience des édiles locaux de l'importance d'une politique culturelle locale, initiant la municipalisation de la culture et la décentralisation, qui prennent leur essor dans les années 1970.

Aujourd'hui, seuls quelques établissements ont conservé le titre de maison de la culture, comme à Amiens, Grenoble, Bobigny et Nevers.

Canada

À Montréal (au Canada), un réseau important de maisons de la culture ont été déployées depuis les années 1980, inspirées directement par le modèle français.

Belgique

En Belgique, des maisons de la culture et des centres culturels ont existé dès l'après-guerre, sans que cela soit dû à une initiative gouvernementale. C'était le fruit de décisions d'autorités locales, comme le centre culturel d'Uccle, à Bruxelles, ou le palais des beaux-arts de Charleroi, qui fonctionne comme une vraie maison de la culture. D'ailleurs, déjà avant la guerre était apparu en précurseur le palais des beaux-arts de Bruxelles. Situé en plein centre de la ville, au cœur d'un quartier groupant de grands musées et le palais des Académies, c'est un vaste centre polyculturel jouxtant le palais des congrès. Construit dans la capitale belge, entre 1925 et 1930, dans le style Art déco, il fut conçu, audacieusement à l'époque, pour y développer des activités regroupant les arts plastiques, l'architecture, la littérature, le théâtre, la musique, la danse et le cinéma dans un bâtiment spécialement dessiné par l'architecte Victor Horta, (qui avait été un des pères du Modern Style), et largement financé par le mécène Henry Le Bœuf. Il s'y donne chaque année le plus prestigieux concours musical du monde, le concours Reine-Élisabeth, ainsi que les grandes expositions thématiques Europalia et d'autres manifestations, comme des expositions de peinture et de sculpture. Le palais abrite aussi une salle de théâtre et une salle de cinéma qui fut englobée, en 1961, dans la Cinémathèque royale de Belgique. À partir de 1968, le plan quinquennal de politique culturelle du ministre Pierre Wigny présida à la création d'un réseau de maisons de la culture, de centres culturels et de maisons de jeunes avec la collaboration de responsables tels que Marcel Hicter et Henry Ingberg. Un des exemples les plus réussis en est la maison de la culture de Tournai, de l'architecte Simone Guilissen-Hoa, avec sa salle ronde polyvalente conçue par le service théâtre du scénographe Frank Lucas. On doit retenir aussi le centre de la Marlagne où se tiennent, en pleine nature, des stages de formation d'animateurs. La fédéralisation de la Belgique ayant entraîné des conceptions différentes entre francophones, néerlandophones et germanophones, les réseaux de langues française, flamande et allemande se sont développés séparément.

Notes et références

  1. a, b et c Augustin Girard, « 1961. Ouverture de la première maison de la culture », Infolettre no 43, 17 février 1999, ministère de la Culture et de la Communication
  2. a, b, c et d « Maison de la culture », dans Emmanuel de Waresquiel (dir.), Dictionnaire des politiques culturelles de la France depuis 1959. Paris : Larousse / CNRS éditions, 2001.
  3. « Religion en moins, les maisons de la culture sont les modernes cathédrales », discours d'André Malraux, à l'Assemblée nationale, en 1966.

Sources

Voir aussi


Wikimedia Foundation. 2010.

Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Maison de la Culture de Wikipédia en français (auteurs)

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