Loi de moore

Loi de moore

Loi de Moore

Croissance du nombre de transistors dans les microprocesseurs Intel par rapport à la loi de Moore. En vert, la fausse hypothèse voulant que ce nombre double tous les 18 mois

Les lois de Moore sont des lois empiriques. Elles ont trait à l'évolution de la puissance des ordinateurs et de la complexité du matériel informatique. Au sens strict, on ne devrait pas parler de lois de Moore mais de conjectures de Moore puisque les énoncés de Moore ne sont en fait que des suppositions qui, si elles ont pu se révéler vraies un certain temps, sont vouées à l'échec de manière certaine à moyen terme.

Il existe en fait trois « lois » de Moore, deux authentiques (au sens où elles furent émises par Gordon E. Moore), et une série de « lois » qui ont en commun de se prétendre « loi de Moore » mais qui n'en sont que des simplifications inexactes.

Sommaire

Énoncés

Le 1er microprocesseur (Intel 4004) a été inventé en 1971. Il s’agissait d’une unité de calcul de bits, cadencé à 108 kHz et intégrant 2 300 transistors. La capacité d’intégration des transistors et la diminution de la gravure ont amélioré les performances des processeurs.

  1. La Loi de Moore a été exprimée en 1965 dans « Electronics Magazine » par Gordon Moore, ingénieur de Fairchild Semiconductor, un des trois fondateurs d'Intel. Constatant que la complexité des semiconducteurs proposés en entrée de gamme doublait tous les ans à coût constant depuis 1959, date de leur invention, il postulait la poursuite de cette croissance (en 1965, le circuit le plus performant comportait 64 transistors). Cette augmentation exponentielle fut rapidement nommée Loi de Moore ou, compte-tenu de l'ajustement ultérieur, Première loi de Moore[1].
  2. En 1975, Moore réévalua sa prédiction en posant que le nombre de transistors des microprocesseurs (et non plus de simples circuits intégrés moins complexes car formés de composants indépendants) sur une puce de silicium double tous les deux ans. Bien qu'il ne s'agisse pas d'une loi physique mais juste d'une extrapolation empirique, cette prédiction s'est révélée étonnamment exacte. Entre 1971 et 2001, la densité des transistors a doublé chaque 1,96 année. En conséquence, les machines électroniques sont devenues de moins en moins coûteuses et de plus en plus puissantes.
  3. Une version commune, variable et sans lien avec les énoncés réels de Moore est : « quelque chose » double tous les dix-huit mois, cette chose étant « la puissance », « la capacité », « la vitesse » et bien d'autres variantes mais très rarement la densité des transistors sur une puce. Ces pseudo « lois de Moore » sont celles le plus souvent diffusées, car elles fleurissent dans des publications grand public et sur de nombreux sites Internet. Leur seul point commun est donc ce nombre de dix-huit mois, qu'on ne trouve pourtant dans aucun des deux énoncés de Moore.

Pertinence et ralentissement

La deuxième loi est à peu près vérifiée depuis 1973, et aurait dû théoriquement continuer encore jusqu'en 2015 avant qu'on ne bute sur des effets de bruits parasites (effets quantiques, désintégrations alpha). Mais depuis 2004, elle souffre d'un petit ralentissement dû à des difficultés de dissipation thermique, qui empêche une montée en fréquence en dépit de la taille plus faible des composants. Les fréquences de processeurs montent à ce jour au-delà de 5 GHz, un record de 500 GHz a été battu par IBM (en coopération avec Georgia Tech) avec un transistor équipé d'une puce à base de Silicium-Germanium qui, pour l'occasion, a été refroidi à -269 °C à l'hélium liquide. Ce transistor fonctionne encore à 350 GHz à température ambiante.

On contourne pour le moment cette difficulté de deux façons :

  • doublement sur une puce du nombre de processeurs, la fréquence restant pour sa part inchangée (Dual PowerPC en 2002, Dual IA en 2004, Intel Core Duo en 2006) ;
  • expérimentation de puces fonctionnant en mode totalement asynchrone. On s'aperçoit en effet que la simple transmission du signal d'horloge à tous les composants consomme la moitié de l’espace et de la puissance électrique[réf. nécessaire] des microprocesseurs actuels.

Autres facteurs

Aspects financiers

Un autre facteur peut freiner la progression des performances des processeurs, et qui n'a cette fois-ci plus rien de physique, mais qui est d'ordre financier. Le coût des chaînes de production augmente lui aussi exponentiellement, à un point tel que même des géants concurrents comme IBM et Siemens ont dû grouper leurs investissements pour arriver à suivre le mouvement.

La rentabilité des nouvelles générations de machines dépend d'un futur pour le moins incertain (beaucoup d'utilisateurs de PC, par exemple, commencent à prendre comme critère de choix prioritaire non plus la vitesse d'un PC, mais son niveau de bruit) et il se pourrait que dans ces conditions ce soit une décision de financiers, et non un palier physique, qui mette fin à la loi de Moore.

Vitesse réelle et vitesse subjective

Des machines de plus en plus puissantes mises à disposition des développeurs ont des effets pervers. À l'époque des processeurs « lents » des années 1980 et 1990, les développeurs investissaient beaucoup de temps pour optimiser les programmes et chaque ligne de code que l'on pouvait économiser permettait de gagner des cycles d'horloge et donc d'aller plus vite. Les ordinateurs actuels offrent un confort de travail qui a pour effet de diminuer la vigilance des développeurs[réf. nécessaire]. En outre, les contraintes économiques obligent à toujours produire dans l'urgence, et le temps passé autrefois à optimiser le code a été sacrifié. Ainsi est-on confronté aujourd'hui à un paradoxe : les ordinateurs sont de plus en plus rapides, mais les logiciels de plus en plus lourds et de plus en plus lents (voir Loi de Wirth). Au final, l'utilisateur n'a pas la sensation d'une réelle augmentation de la vitesse, surtout pour des tâches élémentaires comme le traitement de texte. Nombre d'utilisateurs regrettent même les ordinateurs plus « rustiques »[réf. nécessaire] qui, privés de tous les gadgets dont les systèmes sont chargés aujourd'hui, pouvaient s'avérer plus performants en termes de productivité[réf. nécessaire].

Contrainte économique

La loi de Moore pourrait également présenter un intérêt économique de contrôle de la demande par répartition distillée de l'offre. En effet, la miniaturisation progresse en principe grâce à des découvertes et à des optimisations ponctuelles, réalité peu conforme à la régularité de l'évolution exponentielle spécifiée par la loi de Moore. En maîtrisant dans le temps la diffusion des applications technologiques nouvelles, il est possible que les géants des semi-conducteurs définissent eux-mêmes un modèle stable de consommation,[réf. nécessaire] et s'assurent ainsi d'une correspondance entre leurs efforts d'innovation et les désirs de renouvellement de leur clientèle. L'autolimitation de l'offre obligerait ainsi les consommateurs à mettre à jour régulièrement leur matériel. Pour être effective, il faudrait néanmoins qu'une telle autolimitation de l'offre puisse s'appuyer sur une cartellisation forte du marché.

Dans ce cas, assez courant dans l'histoire du capitalisme, les lois du marché obligeraient à brider l'innovation pour assurer une rente à l'ensemble du secteur concerné.

"The Wall"

La loi de Moore s'est jusqu'ici révélée étonnamment exacte, et elle pourrait en principe le rester jusque vers 2015 avant qu'on ne soit réellement confronté aux effets quantiques. En 2015, les processeurs devraient donc contenir plus de 15 milliards de transistors.

En 1999, le transistor CMOS dit « ultime » développé au CEA-Leti à Grenoble a poussé à ses limites le principe du transistor MOSFET avec une section de 18 nanomètres (la dimension d’environ 70 atomes mis côte à côte), c’est 7 fois plus petit que le plus petit transistor industriel de 2003 (130 nm en 2003, 90 nm en 2004, 65 nm fin 2005). Il permettrait un degré d’intégration théorique de 7 milliards de jonctions sur une pièce de . Mais il ne s’agissait-là que d’une simple expérience de recherche pour étudier le fonctionnement des technologies CMOS lorsque l’on s’approche de la taille moléculaire. On serait encore incapable à ce jour de maîtriser l’assemblage coordonné d’un très grand nombre de ces transistors sur un circuit et encore moins de réaliser cela sur un plan industriel.

Le coût de la technologie permettant la réalisation de puces intégrant de plus en plus de transistors augmente dans des proportions vertigineuses. Une autre loi empirique de la Silicon Valley, la loi de Rock, stipule ainsi que le coût de fabrication d’une puce double tous les quatre ans car le procédé de fabrication, la photolithographie, utilisé depuis une quarantaine d’année se rapproche toujours plus de ses limites physiques. Ainsi en 2004, Intel a annoncé un investissement de plus 2 milliards de dollars dans son usine Fab12 en Arizona pour la fabrication de puces à partir de wafers de 300 mm de diamètre, qui ont remplacé les wafers 200 mm vers la fin 2005.

Pour fabriquer des transistors toujours plus minuscules, on utilise des rayonnements de longueur d’onde toujours plus courte et la course à la miniaturisation entraînera la photolithographie dans le spectre des rayons X de plus en plus durs (rayonnement UV puis rayons X… ). Mais dans cette gamme de longueurs d’ondes il devient difficile, voire impossible de concentrer efficacement les rayons. Au milieu des années 1990, on estimait ne pas être en mesure de fabriquer industriellement des transistors de moins de 400 atomes (100 nm) de section avec un tel procédé. Aujourd’hui, on considère possible de repousser les dimensions critiques des transistors CMOS à environ 20 nm, des démonstrations en laboratoire ayant déjà eu lieu. Mais cet ultime ordre dimensionnel constituera alors une limite industrielle et physique pour cette technologie. Dans l’industrie du silicium, cette limite s’appelle « the Wall ».

Changement progressif des besoins, développement durable

Les nouveaux besoins (informatique "verte", netbooks...) s'expriment moins en termes de millions de transistors par mm² qu'en mégahertz par watt et c'est pourquoi certains constructeurs comme ARM introduisent des processeurs ne cherchant plus à suivre la loi de Moore[2]. Ses processeurs de 2009 possèdent parfois 100 000 transistors, soit moins qu'un Intel 286 à 12 MHz de 1982[3], mais consomment juste un quart de watt, et vont équiper en 2009 une dizaine de modèles de netbooks fonctionnant sous Linux ou d'autres systèmes.

Par ailleurs, faire descendre le traitement d'une tâche interactive de 20 secondes à 2 secondes, puis à 200ms, est intéressant. Le faire tomber ensuite à 20ms n'apporte pas nécessairement quelque chose, et certainement rien si cette tâche est isolée. Si les besoins industriels réclament de plus en plus de puissance, il n'en va pas indéfiniment de même de ceux du particulier. On voit ainsi émerger les besoins des parties prenantes des entreprises, qui réclament que soient pris en compte les impacts environnementaux et sociaux de leur activité en matière de développement durable.

Ainsi, certains commentateurs[4] mettent en doute la pertinence de la loi de Moore en matière de développement durable :

  • le doublement périodique de la puissance a pour effet de diminuer la durée d'amortissement des équipements, donc de générer des déchets,
  • l'un des problèmes posés est la consommation électrique, plus que la puissance de calcul.

Un rapport d'information du Sénat sur les nouvelles techniques de l'information [5] mentionne la loi de Moore comme la principale accélération technique de ces dernières décennies. Ce rapport souligne la nécessité de définir un système de valeurs dans la nouvelle société de l'information, qui évite le scientisme.

Voir aussi la section systèmes d'information de l'article développement durable.

Changement de paradigme

Lorsque la loi de Moore aura atteint ses limites, changer de paradigme consistera en la transition de la microélectronique aux nanotechnologies. C’est-à-dire un ensemble de technologies radicalement différentes, complémentaires ou concurrentes telles que l’utilisation des nanotubes dans les transistors moléculaires, les ordinateurs à ADN), l’informatique quantique, … Technologies couramment regroupées sous le vocable « nano-informatique » qui introduisent notamment les systèmes ubiquitaires et l'informatique diffuse.

Lors de l'Intel Developer Forum de septembre 2007, Gordon Moore a prédit que sa loi de doublement du nombre de transistors dans une puce tous les deux ans ne serait plus valide dans dix à quinze ans[6]. En effet, l'industrie approche de plus en plus des limites physiques de la micro-électronique où les transistors ne seront plus constitués que de quelques atomes et l'isolant entre eux d'un seul. L'industrie devra alors chercher des méthodes entièrement nouvelles, tel que l'empilement des transistors en 3 dimensions[7].

Puces mémoires : quelques repères

(Indiqués par Gordon Bell dans son exposé « Computing laws »)

Selon la loi Moore

Actuellement

  • 2007 : 3 gigabits × 8

À Venir

  • 5 gigabits × 25

Notes et références

Bibliographie

  • Chasing Moore's Law: Information Technology Policy In The United States, William Aspray, SciTech Publishing, 2004, (ISBN 1891121332)
  • Nano-informatique et Intelligence Ambiante, Jean-Baptiste Waldner, Hermes Science, London, 2006, (ISBN 2746215160)
  • Les ordinateurs de demain, Alain Schuhl, Éditions Le Pommier, Paris, 2004, (ISBN 274650183X)

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

  • Portail des micro et nanotechnologies Portail des micro et nanotechnologies
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