- Libéralisme-libertaire
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Libéral-libertaire
Libéral-libertaire est un terme forgé en 1972 par le philosophe et sociologue marxiste Michel Clouscard dans son livre Néofascisme et idéologie du désir (voir aussi Critique du libéralisme libertaire).
L'auteur considère que Mai 68, dans ce qu'il appelle ses « aspects gauchistes estudiantins », constitue la « contre-révolution libérale parfaite », un cheval de Troie du capitalisme libéral puis néolibéral, sous un avatar libertaire. Il aurait produit un marché du désir, une société qui confond liberté et libéralisation, qui implique la permissivité pour le consommateur et la répression pour le producteur, selon le modèle américain de consommation de masses régissant la morale et la politique. Tout cela servant, selon lui, à sauver un capitalisme en crise et à créer de nouveaux marchés.
Sommaire
Le libéralisme libertaire dans l'œuvre de Michel Clouscard
Le concept de libéralisme libertaire avancé par le sociologue marxiste Michel Clouscard propose de synthétiser toutes les caractéristiques actuelles du capitalisme et de rendre des évolutions des sociétés industrialisées et post-industrialisées. Il se propose donc de synthétiser la description économique, politique, anthropologique et sociétale qui permet de comprendre le développement ultime de la logique du marché. Sa thèse est que la dernière conquête de marché vise désormais la sphère intime des individus. En effet, soumis à des modèles culturels séduisants déversés par l'imaginaire publicitaire hégémonique et envahissant, les individus en viendraient à une forme de servitude volontaire en acceptant la soumission politique aux règles du travail qui les oppressent. En échange, l'accès à de nouvelles consommations inédites qui forment l'ultime dimension du marché capitaliste : la possibilité de vendre services et produits accomplissant une fantasmatique, mais aussi de légitimer une inflation du prix de vente des marchandises par une hégémonie culturelle légitimant la sur-valeur d'échange
Michel Clouscard montre donc comment le progrès technologique du XX ème siècle a autorisé ce saut qualitatif des nouvelles marchandises produites et offertes à partir de la maîtrise de la production de série et du développement d'une « consommation de masse ». Dès lors, l'idéologie des classes dominantes suit le mouvement : la rigorisme moral de l'époque victorienne est liquidé au profit d'une idéologie jouisseuse appropriée à l'utilisation des forces sociales productives au profit d'une production hédoniste mais largement confisquée par les couches sociologiques les plus favorisées par les rapports politiques capitalistes.
Michel Clouscard identifie le procès de production industriel de nouvelles marchandises des consommations autrefois qualifiées de « honteuses » dans l'ancienne morale rigoriste et forge le concept de marché du désir pour décrire la dimension inédite du marché qui complète le marché traditionnel par la consommation quotidienne et croissante des marchandises « nocturnes », à savoir encore déconsidérées en référence soit à l'ancien système de valeurs soit pour d'autres raisons (éthiques, critique politique, etc.).
En ce sens, le libéralisme libertaire est le concept forgé pour décrire comment l'explosion des forces productives après-guerre conduit le système capitaliste à autoriser et à accomplir des potentialités autrefois latentes et réprimées à un certain stade du développement du processus de production. S'astreindre à prôner une morale respectueuse du mérite et du travail qui avait pour fonction de légitimer une vie de sacrifices devient contradictoire avec la nécessité d'écouler toutes les nouvelles marchandises qui peuvent être produites et absorbés par les clientèles solvables. Selon une logique hétéronome avec la notion de bonheur collectif ou de volonté générale, mais au contraire en suivant la logique sociale de la classe sociale qui produit une société de la jouissance maximale des rapports de production, quitte à augmenter le nombre de privilégiés accédant à l' extorsion du potlatch de la plus-value ( notion centrale de la critique de l'anthropologie politique du capitalisme chez Clouscard )
La morale rigoriste ne serait donc pas rejetée dans l'histoire humaine avant qu'elle ne puisse l'être... mais l' " accomplissement " libertaire se produit dans le contexte politiques des classes sociales.
Analyse socio-économique des controverses idéologiques au sujet des mœurs
Cette liquidation, portée par les courants de la sociologie contemporaine du capitalisme, se propose pourtant comme porteuse d'une émancipation universelle. La critique de Michel Clouscard consiste à noter que le rejet des valeurs traditionnelles ne s'accompagnerait pas d'une critique approfondie ou crédible des fondements de la société capitaliste mais circule comme demande fragmentaire et permet même de liquider le socle des valeurs crédibles de la critique socialiste des rapports politiques au sein du capitalisme. En effet, ce discours de rejet des valeurs répressives n'identifie pas ou ne clarifie pas son lien à l'oppression économique des travailleurs qui lui apporte les matériaux qui lui accorde une effectivité et une crédibilité auprès d'une base sociale. En effet, l'émancipation libertaire - selon l'observation de Michel Clouscard - peut être analysée comme un discours autrefois élitaire, préparé au sein de l'intelligentsia bourgeoise puis répandu comme modèle culturel auprès des cibles sociologiques qui constituent les clientèles solvables. Dans Le Frivole et le Sérieux, il analyse longuement l'émergence et l'implantation de tels discours depuis leur origine anecdotique jusqu'à leur médiatisation, notamment l'existentialisme de Sartre, le sensualisme de Simone de Beauvoir.
Sa critique n'a pas pour objet premier de condamner les systèmes de valeurs ou les propositions existentielles qui convergent autour d'une tendance globale à l'émancipation de l'ancien cadre moral et à la défense de thématiques libertaires, mais d'en faire une critique sociale. Car, dans la définition de Marx, l'idéologie s'identifiant à une interprétation philosophique idéaliste de la réalité contemporaine permise par l'oppression d'une classe sociale par une autre, le grand courant d'émergence de l'idéologie libertaire peut donc se lire comme le nouveau régime spirituelle des classes supérieures permettant de conserver l'aliénation de la force de travail et de l'existence des classes dominées, tout en présentant la conquête d'avantages inédits plus spécifiques aux classes favorisées comme une conquête générale qui transcenderait les clivages sociaux. Il note donc que la critique qui émerge notamment en Mai 68 est menée par des intellectuels qui ignorent la détermination économique qui expliquerait en dernière instance leur propre discours.
Dès lors, Michel Clouscard oppose à la thèse de « trahison » de la classe ouvrière ayant cédé à la consommation, l'examen de la consommation réelle et la nécessité de reconsidérer leurs accusations simplificatrices aux distinctions actualisées entre bien d'équipement et biens de consommation. Sa thèse consiste à montrer que la consommation ouvrière n'est que la récupération minime et légitime d'une part de la plus-value extorquée au cours de vies de travail. En ce sens, il faut relativiser la généralité de la consommation des surplus et des nouvelles marchandises qui permettent une « ère nouvelle » dans l'optique freudo-marxiste. Les nouvelles consommations ludiques, libidinales, transgressives (le LSD par exemple) ne sont possibles qu'au prix d'une nouvelle donnée structurelle de la misère ouvrière qui est peu lisible dans les périodes de prospérité, mais qui s'exprime en période de crise sociale. Enfin, les conditions de la classe ouvrière (précarité, chômage, inflation constante, etc.) et une donne géopolitique extrêmement inégalitaire entre les nations industrialisées et les nations sous-développées complètent la modération du lyrisme libertaire.
De la même façon que l'étude de la société anglaise apportait la compréhension de la relation entre l'idéologie victorienne et l'industrie du XIXème pour comprendre l'horizon d'aliénation des travailleurs, le libéralisme libertaire est donc le concept de l'idéologie et de la pratique du capitalisme contemporain. Ce concept indique que l'étude de la société française contemporaine permet de mettre dans une relation semblable l'idéologie libertaire et la production de série et l'industrie légère des XXe et XXIe siècles.
Le libéralisme libertaire chez Alain Soral
Une polémique existe encore pour savoir si cette critique de la société a été reprise ou non récemment par l'écrivain Alain Soral, notamment dans son livre Jusqu'où va-t-on descendre ? Abécédaire de la bêtise ambiante. En effet, Michel Clouscard s'est démarqué publiquement de celui-ci dans un article du journal L'Humanité[1].
Pourtant, Alain Soral considère aussi que la forme d'idéologie libertaire actuelle s'appuie sur une base sociologique identifiable : les « li-li-bo-bo », ou libéraux-libertaires bourgeois-bohèmes, assimilables à ceux que d'aucuns appelleraient les « soixante-huitards » ou « gauchistes » convertis au libéralisme économique. Dans sa critique du mouvement de Mai 68, il tourne en dérision le personnage grotesque du libertaire en le définissant en ces termes : « petit-bourgeois à prétention libertine » (conception proche de celle du Michel Houellebecq de l'époque de l’Extension du domaine de la lutte). Une truculence évidente l'amène à s'amuser des contradictions intimes de ses personnages.
L'exemple-type du « li-li » chez Soral est le Californien Jerry Rubin, principal leader anarcho-communiste-libertaire des mouvements étudiants des années 1960 — notamment en matière de révolution sexuelle avec son livre Do it! — et donc référence principale de Mai 68. Hippie (ou plus précisément Yippie) révolutionnaire dans les années 1960, il termina vingt ans plus tard en jeune Yuppie de Wall Street, millionnaire et carnassier (l'un des principaux actionnaires de la marque Apple), prônant un libéralisme économique total.
Le libéralisme libertaire dans la vie politique française
De nos jours, des hommes politiques comme Édouard Fillias[réf. nécessaire] (ancien président d'Alternative libérale) ou Daniel Cohn-Bendit[2] se définissent comme étant des libéraux-libertaires.
Articles connexes
Voir aussi
Notes et références
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