- Lettre de majesté de Rodolphe II
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La Lettre de Majesté du 9 juillet 1609 est une décision de l'empereur Rodolphe II octroyant la liberté religieuse aux sujets du royaume de Bohême. Ce texte déroge au principe cujus regio ejus religio qui était de mise en Europe centrale depuis la Paix d'Augsbourg. Il organise au contraire la coexistence confessionnelle sur un même territoire, un peu comme le prescrit l'Édit de Nantes en France.
La promulgation de la Lettre de Majesté s'inscrit dans un contexte politique agité. Rodolphe II, atteint de troubles mentaux, délaissait l'exercice du gouvernement et laissait toute liberté à un « parti espagnol » présent au sein de la haute administration pour manœuvrer. Matthias, le frère cadet de Rodolphe II prit la tête d'une fronde des milieux dirigeants, se fit élire roi de Hongrie, et voulut pousser l'empereur à l'abdication. Les États de Bohême, attachés aux libertés politiques du royaume, apportèrent leur soutien à Rodolphe II, mais cherchèrent à le monnayer contre une reconnaissance formelle de la Confessio Bohemica. Après plusieurs refus, le 9 juillet 1609, Rodolphe II sanctionna la Confessio Bohemica et établit la liberté religieuse pour les sujets du royaume de Bohême.
Alors que la tendance était nettement à la reconquête catholique, notamment au sein des élites, la Lettre de Majesté apparaît donc comme une revanche inespérée sur les catholiques. La Lettre de Majesté donne la liberté religieuse aux sujets de Bohême, mais également aux régnicoles. La construction de temples est autorisée. L'Église protestante reçoit une organisation institutionnelle officielle, avec la reconnaissance d'un consistoire à Prague pouvant désigner et consacrer les pasteurs utraquistes. L'université de Prague est confiée aux protestants, qui reçoivent également des garanties juridiques avec la nomination de Défenseurs chargés de faire respecter la Lettre de Majesté.
La Lettre de Majesté donnait certes des garanties au parti protestant, mais ne réglait pas le différend dynastique entre Rodolphe II et Matthias, et présentait bien des zones sujettes à interprétation. Les conflits locaux avec les catholiques ne cessèrent pas. Le camp protestant était par ailleurs divisé entre utraquistes et Frères Moraves, qui se disputaient les bâtiments de culte. Le compromis était donc fragile, et ne résista pas longtemps. La tolérance prescrite ne fut jamais réellement effective, et les incidents entre confessions se multiplièrent, menant finalement à la Défenestration de Prague.
En 1620, au lendemain de la bataille de la Montagne Blanche, l'acte original de la Lettre de Majesté fut lacéré de deux coups de poignard par le parti catholique, geste qui signe la fin du régime de tolérance religieuse en Bohême.
Bibliographie
- Jean Bérenger, Tolérance ou paix de religion en Europe Centrale (1415-1792), Paris, Honoré Champion, 2000.
Voir aussi
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