- Les Trois Princes de Serendip
-
Voyages et aventures des trois princes de Serendip
Les Trois Princes de Serendip est un conte persan publié en 1557 par l'imprimeur vénitien Michele Tramezzino.
Les Trois Princes de Serendip (Serendip est le nom de Ceylan ou Sri Lanka en vieux persan) est présenté sur sa page de titre comme traduit du persan en italien par un certain Christoforo Armeno, mais on doute sérieusement que cet Armeno ait existé ailleurs que dans l'esprit fertile de Tramezzino. Il est probable que ce soit Tramezzino lui-même qui ait compilé dans cet ouvrage un certain nombre de contes anciens, principalement indiens.
L'ouvrage rencontra un grand succès, puisqu'une seconde édition parut en 1584, suivie d'une traduction en allemand en 1583 et d'une première traduction en français en 1610. C'est à partir d'une seconde traduction en français, publiée en 1719 (et « enrichie » de nouveaux épisodes), que se fondait la première version anglaise, parue en 1722 sous le titre Travels and Adventures of Three Princes of Sarendip. C'est ce conte qui a donné lieu en 1754 à la création par Horace Walpole, qui avait lu étant enfant la version de 1722, du mot sérendipité (serendipity en anglais).
Il raconte l'histoire de trois hommes partis en mission, qui sur leur chemin ne cessent de trouver des indices en apparence sans rapport avec leur objectif, mais en réalité nécessaires.
Il s'inspire d'épisodes de la vie du roi persan Vahram V, qui régna sur l'Empire sassanide de 420 à 438. Des anecdotes sur son règne sont rapportées sur un mode épique dans des œuvres poétiques comme Shahnameh de Firdausi (1010), Haft Paykar de Nizami (1197) ou encore Hasht Bihisht d'Amir Khusrau (1302). Ces poèmes sont en partie basés sur des faits historiques avec des embellissements empruntés au folklore remontant à des siècles de tradition orale de l'Inde et au Livre des Mille et une nuits. L'histoire du chameau (voir ci-dessous) est la plus connue. Il est difficile de se procurer des traductions des autres épisodes.
Dans l'histoire du chameau, les trois princes utilisent les traces laissées par l'animal (qu'ils n'ont jamais vu) pour le décrire avec précision (boiteux, borgne, ayant une dent en moins, transportant une femme enceinte, chargé de miel d'un côté et de beurre de l'autre). Cependant, ce n'est pas le résultat de ce raisonnement déductif que l'on désigne par sérendipité (la découverte de quelque chose que l'on ne cherchait pas). Leur intelligence et leur sagacité valent qu'ils sont sur le point d'être exécutés par Vahram Gur sous l'accusation d'avoir volé le chameau. Soudainement et sans que personne ne soit venu le chercher, un voyageur fait irruption pour déclarer qu'il a vu le chameau en question errer dans le désert. Vahram gracie alors les trois princes, les comble de somptueux présents et les nomme conseillers. Ce sont ces récompenses non recherchées (serendipiteuses) qui sont le résultat final de leur sagacité.
On trouve d'autres exemples où les trois princes reçoivent des récompenses qu'ils ne cherchaient pas (mariages avec de belles princesses, royaumes, richesse, etc) pour leurs découvertes, astucieuses ou accidentelles. Si celles-ci sont dues à leur capacité de raisonnement, les récompenses non cherchées viennent plus tard. Ainsi, lorsqu'ils rencontrent par hasard et délivrent une jeune esclave dans la forêt, il s'agit d'une situation serendipiteuse. Leur déduction que cette esclave soit en réalité une princesse ne constitue pas une sérendipité : cette dernière survient ultérieurement, lorsqu'ils reçoivent de somptueux cadeaux.
Fragment du conte
« Les trois fils du roi de Serendip (mot du perse ancien pour Sri-Lanka) refusèrent après une solide éducation de succéder à leur père. Le roi alors les expulsa.Il partirent à pied pour voir des pays différents et bien des choses merveilleuses dans le monde.
Un jour, ils passèrent sur les traces d'un chameau. L'aîné observa que l'herbe à gauche de la trace était broutée mais que l'herbe de l'autre côté ne l'était pas. Il en conclut que le chameau ne voyait pas de l'oeil droit. Le cadet remarqua sur le bord gauche du chemin des morceaux d'herbes mâchées de la taille d'une dent de chameau. Il reconnut alors que le chameau aurait perdu une dent. Du fait que les traces d'un pied de chameau était moins marquée dans le sol, le benjamin inféra que le chameau boitait.
Tout en marchant, un des frères observa des colonnes de fourmis ramassant de la nourriture. De l'autre côté, un essaim d'abeilles, de mouches et de guêpes s'activait autour d'une substance transparente et collante. Il en déduisit que le chameau était chargé d'un côté de beurre et de l'autre de miel. Le deuxième frère découvrit des signes de quelqu'un qui s'était accroupi. Il trouva aussi l'empreinte d'un petit pied humain auprès d'une flaque humide. Il toucha cet endroit mouillé et il fut aussitôt envahi par un certain désir. Il en conclut qu'il y avait une femme sur le chameau. Le troisième frère remarqua les empreintes des mains, là où elle avait uriné. Il supposa que la femme était enceinte car elle avait utilisé ses mains pour se relever.
Les trois frères rencontrèrent ensuite un conducteur de chameau qui avait perdu son animal. Comme ils avaient déjà relevé beaucoup d'indices, ils lancèrent comme boutade au chamelier qu'ils avaient vu son chameau et, pour crédibiliser leur blague, ils énumérèrent les sept signes qui caractérisaient le chameau. Les caractéristiques s'avérèrent toutes justes. Accusés de vol, les trois frères furent jetés en prison. Ce ne fut qu'après que le chameau fut retrouvé sain et sauf par un villageois, qu'ils furent libérés.
Après beaucoup d'autres voyages, il rentrèrent dans leur pays pour succéder à leur père. »— Fragment résumé du conte Les Pérégrinations des trois fils du roi de Serendip d'Amir Khusrau, poète persan.
C'est le premier conte de son recueil Hasht Bihist (Les huit Paradis, 1302).
Liens externes
- The Three Princes of Serendip, Robert Boyle
- Texte de Cristoforo Armeno sur le site Gallica de la Bibliothèque Nationale de France ftp://ftp.bnf.fr/008/N0081808_PDF_1_-1.pdf
Bibliographie
- Theodore G. Remer, Serendipity and the Three Princes: From the Peregrinaggio of 1557, University of Oklahoma Press, 1965
- Une version adaptée pour les enfants : Jean-François Bory Dix-huit chameaux dans la vie des frères Sérendip (L'école des loisirs, coll. Mouche) ISBN 2-211-04427-1
- Portail de l’Iran
Catégories : Conte | Littérature perse
Wikimedia Foundation. 2010.