Les Tibétains dans les écoles des minorités chinoises (1950 -1960)

Les Tibétains dans les écoles des minorités chinoises (1950 -1960)

Tibétains dans les écoles des minorités chinoises (1950-1960)

Après l'intervention de l'armée populaire de libération au Tibet en 1950, des enfants tibétains ont été accueillis dans les écoles des minorités chinoises pendant la décennie 1950 - 1960 [1].

Sommaire

L'accueil des enfants dans les écoles des minorités

Après le départ en exil du 14e dalaï-lama Tenzin Gyatso, en mars 1959, le gouvernement tibétain est officiellement dissous par les autorités chinoises le 28 mars 1959. Les Tibétains forment un gouvernement provisoire clandestin le 9 avril 1959. Claude B. Levenson indique qu'une des premières proclamations de ce gouvernement provisoire accuse les autorités chinoises:

« d'avoir enlevé des milliers d'enfants et d'adolescents tibétains conduits en Chine en vue de les endoctriner afin d'en faire des valets dociles de sa politique de colonisation »[2].

Après avoir sollicité les familles afin d'envoyer leurs enfants étudier à Pékin, la RPC « impose l'envoi d'enfants à Pékin où ils recevront une éducation communiste »[3]. L'étude établie par l'université de Laval située au Québec, indique deux raisons à ce déplacement d'enfants ; d'une part ils devaient recevoir une éducation politique et d'autre part être initiés à la culture Han[4].

« des milliers d'enfants furent arrachés à leur famille pour recevoir en Chine une éducation marxiste-léniniste .»
« Enfin, une autre forme de la politique d'immigration consistait à déporter de jeunes enfants issus des minorités nationales vers la région de Pékin en vue de les initier à la culture han. Cette dernière mesure fut inégalement appliquée parce qu'elle provoquait la révolte chez les minoritaires, notamment les Tibétains, qui ne semblaient pas comprendre les «bienfaits» de l'éducation han. »
« À cette époque, les déclarations du gouvernement chinois portaient constamment sur la «supériorité des Han», la «mission civilisatrice des Han», le «devoir moral» pour les non-Han d'accéder au niveau des Han. Pour le gouvernement, les Han, perçus comme «plus avancés», constituaient «le guide des peuples». La tâche du Parti communiste et du gouvernement était donc d'«aider les peuples minoritaires à rattraper le peuple han dans la grande marche vers le socialisme». Pour leur part, les Han considéraient les groupes minoritaires comme des arriérés ou des barbares, voire des chiens, des requins ou des bons à rien qu'il faut tirer de leur infériorité »

Les juristes de la commission internationale précisent dans leurs rapports de 1959 sur le Tibet :

« Les nourrissons étaient tous retirés à leurs parents en présence d'un médecin chinois, puis remis à des nourrices. Pour se justifier quand ils enlevaient les enfants à leurs parents, les chinois racontaient ou bien qu'ils allaient les instruire, ou bien que ces enfants gênaient leurs parents.».

La tibétologue Françoise Pommaret indique que les enfants tibétains sont envoyés en Chine pour «  y étudier et y être endoctrinés ». Certains reviendront en espérant accéder à des postes de responsabilité. En réalité ils seront en général expédiés dans des contrés reculées pour « gagner une expérience révolutionnaire », ils y resteront confinés jusqu'au début des années 1970. [5].

Kalovski Itim dans son pamphlet « Le vrai visage du Dalai-Lama » indique que les étudiants tibétains de l'Institut des minorités nationales devaient être formés comme des dirigeants révolutionnaires et non comme simples administrateurs [6].

L'origine des gardes rouges tibétains

Le tibétologue Gilles Van Grasdorff évoque le rôle des enfants tibétains déplacés lors des évènements de la révolution culturelle au Tibet:

« Les enfants enlevés entre 1951 et 1955 ont été éduqués au communisme maoïste. Certains étaient parmi le million de gardes rouges sur la place Tian'anmen le 18 août 1966. Ce sont ces jeunes Tibétains qui investiront Lhassa quelques semaines plus tard. ».

Selon l'intellectuel et écrivain chinois[7] Wang Lixiong, la majorité des gardes rouges qui parvinrent dans la Région autonome du Tibet étaient « des étudiants tibétains revenant des universités chinoises »[8].

L'historien Tsering Shakya indique que les gardes rouges « sentaient que le Tibet et les Tibétains devaient être “révolutionnarisés” et se voyaient eux-mêmes comme des révolutionnaires avancés venus à l'aide d'élèves attardés dans une région sous-développée » et eurent un effet dévastateur sur la culture tibétaine[9].

Tenzin Choedrak, qui était le médecin personnel du 14e Dalai Lama[10], a été emprisonné pendant 17 ans dans les prisons du Tibet[11],[12]. Il indique que « dès septembre 1966, à Lhassa comme dans les autres camps du Tibet, les gardes rouges étaient tous des Tibétains. Ils parlaient parfaitement le chinois, mais tous comprenaient notre langue. Chaque après-midi, ils nous imposaient la lecture des journaux de propagande[13] ».

Les exactions commises lors de la révolution culturelle au Tibet entraînèrent la destruction de l'essentiel du patrimoine tibétain. Par ailleurs la communauté religieuse va connaître des persécutions et des humiliations notamment à travers les thamzings, les tortures deviendront une pratique habituelle : viols, mains et langues coupées[14].

Mémoire

En 1995, le Sénat belge propose une journée en mémoire des différents génocides dont celui perpétré « par les communistes chinois contre les Tibétains » en indiquant : « Dès 1951 déjà, des enfants furent transportés manu militari en Chine pour y être « rééduqués » » « A Kham (un exemple parmi de nombreux autres), 84 enfants âgés de moins d'un an furent déportés. Quinze parents qui protestaient furent noyés dans une rivière par des militaires chinois ».[15].

Témoignage

Le Tibétain Shiwo Lobsang Dhargye indique qu'au début des années 1950, les chinois incitaient les familles tibétaines à envoyer leurs enfants étudier en Chine dans les écoles pour les Minorités, mais trés peu de familles y étaient favorables. Les premiers enfants à intégrer les écoles de Pékin étaient issus de familles aritocratiques et marchandes. Mais en 1957 la Campagne des Cent Fleurs venait de commencer, les enfants tibétains « faisant naivement confiance à l'esprit du temps soulevaient des objections sur la politique du Parti et les raisons de l'occupation chinoise » devant ces critiques tous furent renvoyés à Lhassa.

Les chinois décidèrent alors de recruter des enfants dans les classes les plus pauvres. C'est à Xi'an que l'école des Minorités pour les enfants tibétain s'ouvrit. Cet établissement restera le plus important de Chine jusqu'à la rénovation de celui de Pékin dans les années 1970. Shiwo Lobsang Dhargye indique que « les étudiants de Xian, sans expèrience scolaire et sans aptitude particulière à l'apprentissage dépassaient rarement le stade de l'endoctrinement » [16].

Bibliographie

  • Tibet Histoire d'une tragédie de Kim Yeshi Édition La Martinière Février 2009 ISBN: 978-2-7324-3700-2
  • La nouvelle histoire du Tibet, de Gilles Van Grasdorff édition Perrin, octobre 2006 ISBN : 2-262-02139-2.
  • Le Tibet, une civilisation blessée, de Françoise Pommaret Découvertes Gallimard, Paris, 2002

Lien interne

Références

  1. La nouvelle histoire du Tibet de Gilles Van Grasdorff Édition Perrin 2006 Pages 415
  2. Source : La Chine envahit le Tibet par Claude B Levenson
  3. Histoire du Tibet de Laurent Deshayes 1997 Éditeur : Fayard page 330 EAN13 : 9782213595023
  4. Source : Université de Laval
  5. Le Tibet, une civilisation blessée, Page 114 Découvertes Gallimard, Paris, 2002
  6. Le vrai visage du Dalaï-Lama de Kalovski Itim dans Revolutionary Worker du 15 février 1998
  7. Wang Lixiong, un intellectuel atypique
  8. Article « Réflexions sur le Tibet » de Wang Lixiong paru dans la New Left Review, dont des extraits ont été traduits dans le Courrier international du 21 au 27 novembre 2002.
  9. Une histoire du Tibet : Conversations avec le Dalaï Lama, de Thomas Laird, Dalaï-Lama, Christophe Mercier, Plon, 2007, ISBN 2-259-19891-0
  10. The Art of Tibetan Medicine
  11. Statement by Dr. Tenzin Choedrak before US Congress, 8 mai 1996
  12. Victim of Chinese Torture in Tibet
  13. Conversation privée de Gilles Van Grasdorff avec Tenzin Choedrak relatée dans le livre La nouvelle histoire du Tibet de Gilles Van Grasdorff, Éditions Perrin, 2006, p. 419
  14. Armeline Dimier, [http://www.memoireonline.com/08/08/1445/tibet-a-quand-l-independance.html Tibet : à quand l'indépendance ?, Institut d'études politiques de Grenoble, diplôme de sciences politiques.
  15. Proposition, du sénat Belge, de résolution relative à la journée commémorative des victimes de génocides
  16. Tibet Histoire d'une tragédie de Kim Yeshi Édition La Martinière Février 2009 Page 179/285
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