- Les Quatrans
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L’ensemble des Quatrans est une partie du centre-ville de Caen, reconstruite après la Seconde Guerre mondiale sur des principes proches de ceux des grands ensembles. Ce quartier a pris le nom d’une maison construite au XIVe siècle subsistant sur la rue de Geôle.
Sommaire
La Maison des Quatrans
La totalité de l'ancien hôtel des Quatrans fait l'objet d'un classement au titre des monuments historiques depuis le 24 juillet 1953[1].
Dans la rue Cattehoule (rue de Geôle), l’une des rues les plus importantes de Caen, puisqu’elle reliait la porte Saint-Julien à la place Saint-Pierre, la famille des Quatrans, tabellions du roi à Caen, se fit construire un hôtel à la fin du XIVe siècle. Fidèle au roi de France, Thomas Quatrans émigra en 1417 avant la prise de la ville par les troupes anglaises et sa maison fut confisquée avant d’être offerte à un chevalier anglais. Elle fut ensuite reconstruite dans la deuxième moitié du XVe siècle.
Avec les n° 52 et 54 de la rue Saint-Pierre, cette maison est une des rares survivances de l’architecture médiévale civile à Caen. Comme souvent dans la cité ducale, seule la façade (sur mur gouttereau) donnant sur rue est construite en pans de bois pour des raisons essentiellement esthétiques. Chaque étage est légèrement en saillie sur l’étage inférieur. Très sobre dans sa décoration, cette façade a permis un maximum d’ouvertures sur la rue ; les fenêtres furent agrandies au XIXe siècle, mais on reconstitua les baies originales lors des restaurations rendues nécessaires par les bombardements de 1944. Pour comprendre cette utilisation purement esthétique du bois, il faut rappeler l’importance de l’extraction de la pierre de Caen au Moyen Âge et donc l’abondance de ce matériau qui limitait singulièrement la nécessité d’utiliser du bois dans la construction proprement dite. Beaucoup de maisons de haut rang avaient de telles façades, souvent en pignon comme les n° 52 et 54 de la rue Saint-Pierre, mais le corps principal de la maison était en pierre. À l’arrière, on abrita l’escalier dans une tour polygonale surmontée d’une chambre haute rectangulaire reposant sur des trompes[2] caennaises, typique de la région.
Destructions et Reconstruction
En 1944, pendant la Bataille de Caen, les toitures furent soufflées lors d'un bombardement et les maçonneries fortement ébranlées ; le pignon sud et la tourelle de l’escalier furent gravement endommagés. En 1945 fut ouverte une instance de classement pour la Maison des Quatrans ; la maison et le terrain contigu furent classés en 1953. En 1948, l’association syndicale de remembrement émit le vœu que la Maison des Quatrans soit déplacée, mais finalement on décida de modifier le tracé de la nouvelle rue de Geôle. En mai 1951, l’entreprise Lefèvre, inadaptée au travail de restauration[3], fut chargée de la dépose de la partie supérieure de la tourelle d’escalier en vue de sa restauration ; ce travail fut effectué brutalement et la tourelle fut totalement détruite. La chambre haute ne fut donc pas reconstruite[4].
Les projets de reconstruction du quartier bouleversèrent totalement la physionomie du quartier. Jusqu’en 1950, la première phase de la Reconstruction de Caen opérait avec un langage architectural qui se voulait « traditionnel » (utilisation de toitures à fortes pentes construction des immeubles le long des voies) ; mais en 1953, le projet d’Henry Delacroix pour l’ensemble d’immeubles des Quatrans apparut comme le brusque surgissement de formes et de thèmes modernes. Malgré les fortes réticences des Monuments historiques, ce projet fut exécuté. La logique des îlots est totalement pulvérisée : les rues serpentent sous les immeubles et les bâtiments sont à cheval sur plusieurs îlots. Au niveau du sol, on trouve plusieurs constructions basses, au-dessus de laquelle émergent les volumes discontinus des bâtiments de logements, composés de barres parallèles et d’une tour. On retrouve ainsi dans le quartier des Quatrans bien des caractéristiques des grands ensembles : la gestion collective du sol, l’autonomie du projet, la taille, la volonté de loger décemment une population modeste. Cette ponctuation de barres par des tours monumentales a en effet été préfiguré dans le premier grand ensemble d’avant-guerre, la cité de la Muette à Drancy[5]. Mais dans le cas des Quatrans, il y a deux différences fondamentales : la localisation en centre-ville et le fait que les appartements soient destinés à des propriétaires[4].
Les Quatrans aujourd’hui
Avant 1944, la Maison des Quatrans était au cœur d’un quartier dense et faisait partie d’une chaîne d’hôtels particuliers qui s’alignaient le long de la rue de Geôle. Il se retrouve aujourd’hui doublement isolé du fait, d’une part de la démolition au début des années 1960 des maisons ayant survécu aux bombardements, afin d’élargir la rue de Geôle et de dégager la vue sur le Château, et d’autre part, de sa position en retrait du dispositif urbain moderne qui lui tourne le dos ; la maison se trouve en effet exclu visuellement de la place Letellier, cœur de ce quartier qui a pourtant pris le nom de l’hôtel médiéval. En définitive, la Maison des Quatrans a donc été projetée aux marges du centre-ville proprement dit ; à l’autre extrémité du quartier, rue Gémare, l’hôtel de Mondrainville se trouve également isolé et peu mis en valeur. Le quartier des Quatrans qui devait faire le lien entre le château et le centre-ville reste donc aujourd’hui peu dynamique[6].
Jusqu’en 1944, l’hôtel a conservé sa fonction d’habitation. En 1945, l’administration des Monuments historiques a lancé une procédure d’acquisition de cet immeuble et y installa son agence dès 1953. De 1958 à 1960, on dessina le projet du jardin. Il fut décidé de le clore, mais en l’entourant d’une grille pour permettre de « laisser passer le regard » vers l’intérieur de l’îlot[4]. C’est une sorte de jardin archéologique où sont entreposées des pierres sculptées récupérées dans les ruines, appartenant pour certaines à la Société des antiquaires de Normandie. Par suite de l’extension des missions de la conservation, puis des services de la Direction régionale des Affaires culturelles, la Maison des Quatrans est devenue de plus en plus inadaptée ; la DRAC a alors déménagé pour intégrer des locaux du Bon-Sauveur, rue Saint-Ouen. La Maison des Quatrans accueille aujourd’hui plusieurs associations culturelles, notamment le Centre d’Art polyphonique de Basse-Normandie ou l'Institut international des droits de l'homme et de la paix.
Notes et références
- Ministère de la Culture, base Mérimée, « Notice no PA00111154 » sur www.culture.gouv.fr.
- Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle d’Eugène Viollet-le-Duc. Voûte ou saillie constituée par des pierres disposées en encorbellement et destinée à soutenir une construction en saillie par rapport aux murs de soutien. Voir le
- 1956, cette même entreprise détruisit par mégarde la façade du XVIe siècle de l’ancien collège du Mont. Voir l’extrait de la séance du 8 juin 1957 de la Société des antiquaires de Normandie. En
- Patrice Gourbin, Construire des monuments historiques ? La confrontation des monuments historiques et de la modernité dans la reconstruction de Caen après 1944, Paris, Université Paris 1, 2000
- années 1950-60 comme par exemple à Caen pour la Guérinière (1956). Ce même schéma fut systématiquement utilisé dans les grands ensembles des
- (fr) texte intégral (page consultée le 14 novembre 2008)] Agences d'études d'urbanisme de Caen-Métropole, Analyse de la morphologie urbaine, Caen, mai 2008, p. 8 [
Articles connexes
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