Leopoldo Batres

Leopoldo Batres

Leopoldo Batres (Mexico, 1852-1926), administrateur militaire mexicain ayant reçu en France une formation danthropologie, fut le principal archéologue officiel du Porfiriat (1876-1911). Il fut inspecteur général des monuments archéologiques de 1885 à 1911 et entreprit de nombreuses fouilles. Il est particulièrement connu pour ses travaux à Teotihuacan (1905-1910) en vue des célébrations de lanniversaire de lindépendance, à l'occasion desquelles le site devait être présenté comme « la capitale archéologique de lAmérique »[1]. Malgré un réel effort daménagement comprenant la création du premier musée mexicain in situ, la reconstitution de la Pyramide du Soleil quil effectua à cette occasion fut et reste critiquée. De tempérament impérieux et farouchement nationaliste, il entra souvent en conflit avec ses collègues mexicains et étrangers et fut écarté après la chute de Porfirio Diaz (1911).

Sommaire

Famille

dans une famille aisée tirant ses revenus de la fonction publique, de ses propriétés et du commerce, il grandit au cœur de la cité de Mexico, son grand-père Antonio Batres possède un cabinet dantiquités et de curiosités, et il peut visiter avec lui le Museo Nacional, futur Musée National dAnthropologie. Son père, Salvador Batres Arturo (1876), de mère irlandaise, a étudié chez les Jésuites en France et voyage souvent en Europe, en général sans sa famille semble-t-il, mais Leopoldo y effectue au moins un séjour. Sa mère, Francisca Huerta (1879), plutôt libérale et patriote, tient à Mexico un salon bien fréquenté. Il perd en 1879 son seul frère, un ingénieur. En 1881, il épouse Josepha Castaneda y Najera dont il a un fils, Salvador, qui laccompagnera sur ses fouilles comme assistant et directeur de chantier[2],[3].

Carrière

Débuts

Il obtient son premier poste dans les douanes en 1872 grâce aux relations familiales, et accède au grade de capitaine auxiliaire de cavalerie en 1876 alors quil est en poste au port de la Magdalena, Baja California. Il ne participera pas au combat mais enseignera un temps la géographie à lÉcole militaire ; il appuie la création dun musée consacré aux armes, qui verra le jour en 1895 mais ne vivra quune dizaine dannées. De 1881 à 1883, il obtient un congé et se rend en France il suit des cours anthropologie au Musée du Trocadéro avec E.Hamy, A. Quatrefages et P. Topinard, et rencontre Désiré Charnay, explorateur du Mexique. À son retour, on le retrouve collectionneur et vendeur dantiquités, déplorant que les institutions étrangères soient plus intéressées que le Museo Nacional ; il ouvrira en 1885 un « musée privé » il traite aussi ses affaires, comme celui ouvert en 1884 par lantiquaire E. Boban avec qui il a des contacts. En 1884, il bénéficie dun congé de deux mois et se rend à New York et à Paris, ainsi quà la Nouvelle Orléans a lieu tous les ans une exposition internationale[4].

Inspecteur des monuments archéologiques

En 1884, il est muté au Museo Nacional, tout dabord comme simple assistant, mais préférant le travail de terrain, il obtient en décembre 1885[5] un poste dinspecteur et conservateur des monuments historiques quil gardera jusquen 1911, disposant dun local de travail au musée jusquen 1888. Il a le droit de requérir la coopération des gouverneurs et administrateurs locaux pour la gestion des sites et doit être tenu au courant des achats du musée. Cest le début dun système double conflictuel car les prérogatives des directeurs du Museo Nacional et de linspecteur des monuments se recouvrent souvent. Bien que linspectorat soit officiellement rattaché au musée, leurs budgets seront de fait séparés et concurrents[5]. Quoique Batres soit officiellement inspecteur des monuments, Francisco del Paso y Troncoso, directeur nommé en 1889, se voit attribuer la responsabilité des fouilles dans lÉtat de Veracruz dont il est originaire. Porfirio Diaz aimait en effet contrebalancer les pouvoirs[6].

Dans le cadre de son travail à lintérieur du musée, il entame la classification des pièces anthropologiques, quil estime essentielles à la compréhension de larchéologie. Il distingue diverses origines ethniques dans les pièces systématiquement attribuées jusque aux Aztèques. Il appuie la séparation des collections historiques, archéologiques et paléontologiques. Les deux premières prendront de plus en plus dimportance car le régime porfirien considère lhistoire comme un moyen déducation morale et patriotique[7]. En 1908, les sections histoire et sciences seront officiellement séparées.

Sur le terrain, il tente de créer un réseau de protecteurs officiels des sites pour mettre fin au réemploi des matériaux des constructions archéologiques. Le budget ne prévoit pas la rémunération de cette tâche, qui est donc confiée avec un bonheur inégal à des personnalités locales. Ces dernières doivent aussi avoir à lœil les explorateurs ou scientifiques étrangers attirés par ce qui est désormais officiellement considéré comme un patrimoine national à protéger. Une législation a en effet été mise en place à partir de 1880 à la suite, entre autres, des fouilles du Français Charnay. Batres refuse dailleurs fermement la demande de Hamy pour que soient envoyées à Paris les caisses laissées par Charnay en 1880 à Tenenepanco[8]. Il répond aussi négativement à une proposition de fouilles qui seraient réalisées aux frais de la France, contre le droit de cette dernière à un tiers des trouvailles. Averti par Hamy du retour de Charnay, de concert avec le législateur Vallarda, Batres demande un renforcement durgence des lois en vigueur. Mais sa proposition est jugée préjudiciable aux droits des propriétaires terriens et la législation ne sera renforcée quen 1895[5]. Durant toute sa carrière, il sopposera le plus souvent aux fouilles des chercheurs étrangersbien quil ne soit pas toujours tenu compte de son avis[2]. Il fait aussi campagne contre le trafic des fausses antiquités[2], bien quil ait lui-même été mis en cause par la rumeur dans la vente de faux crânes de cristal[9]. Batres a également pour fonctions de servir de guide aux visiteurs éminents locaux et étrangers auxquels il vante le potentiel de larchéologie mexicaine, et de les persuader de participer au financement des travaux.

Chalchiuhtlicue de Teotihuacan, transportée au Museo Nacional par les soins de BatresMusée National dAnthropologie

Il publiera tout au long de sa carrière de nombreux articles et rapports de fouilles assortis de photos, et commandera des reproductions picturales ou sculpturales à des professionnels compétents.

En octobre 1887, il est envoyé en Europe pour une tournée dobservation des musées espagnols, français et anglais. Il est nommé à son retour membre de lAcadémie de lInstruction publique, et ne travaillera plus au Museo Nacional après 1888. Il fouille alors de nombreux sites : le centre de Mexico, Monte Albán et Mitla (Oaxaca 1901-02), La Quemada (Zacatecas 1903), Xochicalco (restauration du Temple de Quetzalcoatl en 1910), Morelos, lIle des Sacrifices, Veracruz, Teotihuacan entre 1905 et 1910.

Il est connu également pour avoir fait transférer la Pierre du Soleil (1885, depuis la cathédrale de Mexico) et la déesse des eaux Chalchiuhtlicue (1889, depuis la Pyramide de la Lune) au Museo Nacional de Mexico. Le bien fondé du transfert de cette dernière fut contesté et donna lieu à une polémique animée dans la presse, lavocat devenu archéologue A. Chavero prenant la tête de lopposition. Un article sur ce transfert quil publia dans La Nature donna lieu à la fabrication en France de broches, boutons et pommeaux de canne portant le motif de la déesse[10].

En 1911, devant lhostilité que lui manifeste le nouveau gouvernement, il part pour lEurope et ne revient que sous Venustiano Carranza (1915-1920)[11].

Autres

En 1895, il est chargé avec dautres archéologues de renom didentifier les restes des héros de lindépendance avant leur inhumation à lemplacement du futur monument Ángel de la Independencia.

Il dirige la construction de larc de triomphe de style précolombien représentant lÉtat du Yucatan pour les fêtes du centenaire de lindépendance (1910).

Il établit des cartes archéologiques, dont une de l'ensemble du pays publiée en 1910 pour lanniversaire de lindépendance[2].

Teotihuacan

Leopoldo Batres commence à explorer et fouiller le site dès les années 1880. En 1884 il découvre le Temple de lAgriculture et y met à jour entre 1884 et 1886 des peintures muralesune des premières découvertes du genre - quil ne réussit pas à faire conserver par manque de moyens. Il les fait néanmoins copier en trois exemplaires par un artiste qualifié ; une des copies sera offerte au Musée du Trocadero. Il est pour cette découverte fait citoyen dhonneur de lÉtat de Mexico par le gouverneur[12].

En 1905, il reçoit les pleins pouvoirs pour cinq ans afin de remettre le site en état pour quil soit exhibé comme « capitale archéologique dAmérique »[1] à loccasion du centenaire de lindépendance. Porfirio Diaz est convaincu de limportance des monuments archéologiques pour le prestige national et cest la première fois quun budget important est consacré aux recherches et à la restauration dun site ; un chemin de fer est même installé pour lenlèvement des déblais et le transport des matériaux. Batres en fera le premier site mexicain aménagé. Il le délimite par un mur, fait aménager une allée et planter des arbres. Il établit des règles pour la visite, organise des excursions, des visites guidées, et fonde le premier musée mexicain situé sur un site archéologique ; débuté en 1905 et inauguré en 1910, il sera reconstruit en 1963 puis en 1994. Il fait installer à proximité des pyramides des ateliers les pierres découvertes sont cataloguées, nettoyées et conservées[13]. Cependant, manquant d'une réelle formation archéologique, il commet de grandes erreurs. Estimant que la Pyramide du Soleil est constituée d'une accumulation de couches, il « pèle » lextérieur pour retrouver une putative structure intérieure plus ancienne. Il enlève ainsi une part non négligeable du matériau dorigine. Une partie sera tant bien que mal remise en place après réalisation de lerreur, mais des pierres servant à lancrage des plaques et du stuc de surface, invisibles à lorigine, apparaissent désormais en surface. Lapparence du sommet change aussi : alors que lédifice comprenait à lorigine quatre degrés égaux, il dédouble le dernier et aboutit à cinq degrés[14] . Ce travail est fortement critiqué dès son époque, mais Batres aura néanmoins réussi à assurer la conservation de lensemble.

Principales publications

  • Cuadro arqueológico y etnográfico de la República Mexicana (1885),
  • Étude sociologique et ethnographique sur les races du Mexique in "Le Trait dUnion", Mexique, (7 articles du 7/9 au 10/11 1884)
  • La piedra del agua (1888),
  • Excavaciones en la calle de las Escalerillas (1902),
  • Exploraciones de Monte Albán (1902),
  • Exploraciones en Huexotla, Texcoco (1904)
  • El Gavilán, México (1904),
  • La lápida arqueológica de Tepatlaxco (1905),
  • Teotihuacan (1906).
  • Antigüedades Mejicanas Falsificadas: Falsificación y Falsificadores (1909)
  • Il prend en 1896 la direction de LÉcho du Mexique, journal francophone (ancien Trait dUnion)[15].

Organisations

Il devient membre de la Société dAnthropologie de Paris le 21 décembre 1882.

Références et notes

  1. a et b Selon le ministre de lInstruction publique J. Sierra, cf Carlos R. Martínez Assad La patria en el Paseo de la Reforma, Fondo de Cultura Economica USA (February 11, 2006) p74
  2. a, b, c et d Ian Graham Alfred Maudslay and the Maya, British Museum, 2002 p217-218
  3. Elvira Pruneda El largo quehacer de Leopoldo Batres, 2009, UNAM p1-8
  4. Pruneda p8-13
  5. a, b et c Mechthild Rutsch Natural History, National Museum and Anthropology in Mexico in "Perspectivas Latinoamericanas", 1-2004 p106-108 lire en ligne
  6. Pruneda p29
  7. Mechthild Rutsch Natural History, National Museum and Anthropology in Mexico in "Perspectivas Latinoamericanas", 1-2004 p98 lire en ligne
  8. Elles parviendront néanmoins en France en 1889 après intervention du ministère des Affaires étrangères. cf Pruneda p30
  9. Pascal Riviale, Eugène Boban ou les aventures dun antiquaire au pays des américanistes, Journal de la Société des Américanistes, 2001, tome 87. lire en ligne
  10. Pruneda p35
  11. Memorias de Francisco Vázquez Gómez,Segunda parte - Capítulo II
  12. Pruneds p16-17
  13. UN ACERCAMIENTO A LOS APORTES ARQUEOLÓGICOS DE LEOPOLDO BATRES EN LA EXPOSICIÓN LOS ARCHIVOS DE PIEDRA, Centro Comunitario Ecatepec "Casa de Morelos", par E. Pruneda, commissaire dexposition, département de restauration de lINAH, Service de presse du CNCA, 21/2/2006
  14. Joyce Kelly Archaeological Guide to Central and Southern Mexico University of Oklahoma Press (1 décembre 2001) p127
  15. Collec. CEMCA

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