Le monde des hommes

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Le Monde des hommes

Le Monde des hommes est un ouvrage de Pramoedya Ananta Toer (plus couramment appelé "Pram" en indonésien) écrit en 1965 en Indonésien. Publié en français en 2001, cette version n’est qu’une traduction de l’Anglais (donc, double traduction de l’Indonésien au français). L’histoire décrit la rencontre entre un natif javanais ayant reçu une éducation européenne et une famille composée de l’alliance libre entre une native et un colon hollandais. Cette rencontre donne à l’auteur un prétexte pour décrire les relation houleuse entre Hollandais et Javanais durant l’époque coloniale pré-indonésienne. Bien que Pramoedya Ananta Toer soit mondialement connu pour ses actions en faveur de la liberté et des droit de l’homme, cette œuvre n’a rencontré que peu de succès en France et reste quasiment confidentielle.

Sommaire

Résumé

Tout pourrait commencer avec l’histoire de M. Mellema, aventurier hollandais qui part s’installer dans les Indes néerlandaises pour faire fortune, quittant épouse et enfant. Cet homme, abusant de sa position, achète une femme dont il se fait sa Nyai1. Peu après, peut-être pris de remords, il lui donne un semblant d’éducation européenne, lui apprend à lire et à écrire. Mère de ses deux magnifiques enfants métis, elle tire profit de cet apprentissage pour gérer et faire fructifier l’exploitation de son maître. L’histoire d’un homme qui devient fou alors que son fils légitime vient réclamer son dû, tentant de répudier concubine et enfants naturels. Un fils qui, comme le père, saura tirer partie des lois néerlandaises en terre javanaise.

Cela aurait tout aussi bien pu être l’histoire de Jean Marais. Un Français en quête d’aventure qui s’engage sous les drapeaux néerlandais pour combattre les Javanais, qui sauvera une première fois une indigène de l’assassinat puis du suicide et en tombera amoureux. Mais si le destin lui donne une merveilleuse petite fille, la guerre lui enlèvera une de ses jambes et la coutume lui volera son amour. Jean, finira sûrement sa vie à Surabaya vendant les meubles européens qu’il dessine et les portraits qu’il peint lui-même.

Malgré la complexité de ces personnages, le Monde des hommes n’est pas leur histoire, car ce roman, c’est l’histoire de Minke, jeune homme de dix-huit ans scolarisé à la Hoogere Burgerschool ou HBS (lycée) de Surabaya en 1898. L’HBS est une école secondaire réservée aux Européens, où sont admis quelques Inlanders ("indigènes") et vremde Oosterlingen ("Orientaux étrangers", c’est-à-dire essentiellement Arabes, Chinois et Indiens). Aux Indes néerlandaises, les métis sont assimilés Européens. Minke y est le seul Inlander et ne doit cet honneur que par le seul fait d’être le fils d’un prince de très haute lignée javanaise et qui finira bupati2 d’une région voisine. Minke, personnage très intelligent, cultivé et autonome est attiré par défit dans la grande demeure de Wonokromo, propriété de M. Mellema. Il découvrira là une demeure pleine de mystère, ne répondant à aucun des critères qu’il connaît. Ici, personne ne se comporte vraiment comme un indigène ou comme un Européen. Il se heurte alors à un mélange des deux, aux mœurs douteuses. Il avait bien été prévenu, cet endroit est maudit, c’est la maison d’une concubine qui ne reçoit plus d’ordres de personne, d’une femme qui a eu l’affront de jeter son maître dehors. Cependant, cette maison c’est surtout celle d’Annelies, une magnifique jeune fille qui éclipse la beauté de toute autre femme. Même la jeune reine Wilhelmine aurait eu triste mine au côté de cette splendide métisse. Et c’est là que Minke tombe amoureux. Très vite une relation naît entre les deux jeunes personnes et cela scellera l’attrait de Minke pour ce lieu.

Perdu, Minke demandera conseil à son ami Jean Marais. Celui-ci lui conseillera fort à propos d’oublier tout préjugé et de se forger sa propre opinion en homme juste. Profitant de l’occasion Minke va s’installer chez Nyai Ontosoroh. Amoureux de la fille il sera hypnotisé par l’esprit de la mère. Nyai Ontosoroh, ne désirant rien de plus que le bonheur de Annelies qu’elle veut affranchir de ses propres souffrances, voit d’un très bon œil cette idylle et accepte volontiers la présence du jeune homme sous son toit, même si cela va l’encontre de toutes le convenances de l’époque.

C’est comme cela que Minke commence à prendre conscience des injustes différences entre colons européens, Métis et Indigène. Tirant profit des notes qu’il prend depuis toujours, il va commencer à écrire en néerlandais - sous un nom d’emprunt - des articles dans un journal local. Il y dénonce ce qu’il voit: les gens ne sont pas appréciés à leur juste valeur mais en fonction de leur sexe, leur origine, ou leur position sociale dans un pays où la complexité des relations humaines est poussée à son paroxysme.

Heureux, il pourrait le rester. Les première appréhensions passées il prend beaucoup de plaisir à vivre dans cette famille où l’intelligence et le savoir sont de mise et où la médiocrité des on-dit reste au delà du mur d’enceinte. Malheureusement, le drame qui se trame déjà depuis cinq années arrive à son comble: M. Mellema qui vivait discrètement dans la maison close tenue par le voisin chinois, aux frais de l’entreprise de sa concubine, est empoisonné. La vie privée des protagonistes est alors exposée sur la place publique. Les tribunaux n’épargneront personne et tout le monde connaîtra la relation intime qui lie Minke à Annelies. L’HBS, se sépare de son meilleur élève pour sauver les apparences. Minke dont l’identité secrète de journaliste est désormais connue décide de s’en remettre au destin.

Voulant assumer ses responsabilités, sur les conseil éclairés de sa mère adorée, il décide d’épouser Annelies, pour, de son amour, laver la réputation de la femme qui habite son cœur. C’est le début de l’embellie, l’HBS, stimulée par quelques connaissances haut placée de Minke et par un professeur avant d’avant garde, le reprend en son sein. L’année scolaire se terminera sur un diplôme portant la seconde meilleure note du pays suivi d’un mariage d’amour.

Commentaire

Ce roman est riche en informations, il nous en dit beaucoup sur un grand nombre de sujets. La première chose qui saute au yeux est le profil du héros. Minke est un jeune Javanais éclairé car formé par une institution européenne, de plus il a la fibre littéraire et il écrit des articles dans un journal local pour dénoncer la société de ses contemporains. Dans un autre contexte cela ressemble beaucoup à la personnalité de Pramoedya, lui aussi un écrivain éclairé et engagé. On peut donc soupçonner une plus ou moins grande part autobiographique dans cet ouvrage. Si cela ne révèle pas grand chose de l’auteur en lui même, cela apporte un plus à la crédibilité de la narration. Ce monument de la littérature indonésienne dénote aussi par son style: loin de poèmes et nouvelles (là encore une analogie avec Minke qui n’arrive pas écrire de poème en javanais) nous sommes confrontés ici à un roman philosophique voltairien. C’est ainsi que cette histoire dénonce un certain nombre de choses:

L’archaïsme javanais

La société javanaise, est régie par des lois très strictes où le respect des anciens est très profondément ancré et codifié par un nombre incalculable de coutumes qui s’apparentent plus de des procédures qu’à de la politesse. Nous verrons un grand frère qui se permet de consulter les écrits intimes du jeune frère. Nous assisterons à la cérémonie avilissante de celui qui salue le chef de province etc. Il est remarquable, dans l’emploi de terme Indonésien non traduit, que toutes les relations sont codifiées avec des appellations appropriées (Gus, Mas, Noni, Nyai, Nyo entre autres). Ces codes relationnels rendent parfois impossible les relations au sein d’une même famille, tel est le cas de l’impossible communication entre Minke et son père.

La position de la femme

Pramoedya dénonce avec force la position de la femme dans la société de l’époque où la femme n’a aucun droit. Le personnage principal de la Nyai en est une flagrante illustration: elle a été vendue par son père pour que ce dernier profite d’une promotion sociale. Or, si son père n’a rien à se reprocher, elle, « simple » femme, porte la responsabilité de n’être qu’une concubine et par là même une femme sans morale ni vertu. Ceci n’est pas un cas isolé car le personnage très secondaire de la mère de May, en est une autre illustration: la femme est tellement endoctrinée par cette façon de considérer les choses que cette malheureuse, violée, ne songe qu’à se mettre à mort pour laver l’affront. Finalement ce sera son propre frère qui mettre fin à ses jours. C’est le paradoxe de l’esclave coupable de l’esclavagisme.

L’élitisme culturel

La culture, est vue dans de nombreux pays comme un moyen de s’épanouir et de se libérer des préoccupation de la vie bassement matérielle, d’avance dans la vie, de progresser etc. C’est quelque chose de très positif censé améliorer l’avenir de l’humanité. Et bien, dans le Surabaya des années 1890, la culture c’est tout le contraire. C’est un outil de contrition, l’arme du pouvoir, l’ultime moyen de se monter supérieur à son prochain. Le néerlandais est la langue des forts, les autres langues (javanais et malais principalement) sont des langues de faibles. Lorsque qu’un Européen s’exprime en javanais à l’adresse d’un indigène, c’est pour le contraindre à utiliser un langage qui comporte de nombreux codes relationnels pour forcer l’indigène à se mettre verbalement au dessous de l’Européen. Dans la même mesure le tribunal interdira à Nyai de s’exprimer en néerlandais car elle n’est qu’une simple indigène.

La supériorité raciale

Une des pires chose qui ressort dans cette histoire, c’est la notion de race, qui fait partie intégrante de tous les systèmes coloniaux. En effet, en superposition avec les systèmes archaïques de l’époque, on observe une échelle de valeur où le colon se trouve au dessus du Métis lui même au dessus de l’indigène. Il apparaît ainsi qu’un enfant métis peut se retrouver avec plus de droits et d’avantages que son parent Indigène comme cela s’illustre dans la relation entre Annelies, reconnue par M. Mellema son père Hollandais, par rapport à sa mère, Nyai Ontosoroh qui, en tant que concubine, n’a absolument aucun droit filial sur sa propre enfant.

Citation

« Mon grand père m’avait appris que si vous étiez convaincu que vous alliez réussir vos études, vous réussissiez; si vous pensiez qu’elle ne vous poseraient aucune difficulté, elle ne vous en poseraient aucune. Inutile d’avoir peur, quelle que soit la branche choisie, parce que ce type d’appréhension correspondait à une ignorance de départ, laquelle faisait de vous un ignorant en tout. » (Chapitre 13, page 247)

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