Le Mangeur

Le Mangeur

Pierre le Mangeur

Pierre le Mangeur (Petrus Comestor)[1] est un théologien né à Troyes[2] vers 1110. L'ouvrage de sa vie L' Historia Scholastica est un recueil des histoires de la Bible destiné à accompagner les clercs itinérants pour leur fournir des références pour les prêches ou les disputes. Elle fut traduite en vernaculaire (français) sous le titre Bible historiale par Guyart des Moulins, dès 1294.

Sommaire

Biographie

Né à Troyes vers 1100, il fréquente l'école claustrale de Saint-Loup, puis en devient chanoine. Il obtient du Pape Eugène III le titre de doyen (decanus trecensis), qu'il conserve de 1147 à 1164.

Vers 1150, il suit à Paris les cours de Pierre Lombard. Il est mentionné comme professeur réputé en 1158, puis il paraît jouir de la dignité de chancelier de l’église métropolitaine, ancien nom de la charge de chancelier de l’université. Il dirige l'école de théologie de Paris pendant cinq ans (Magister in Historiis, tel est le nom sous lequel on le retrouve parfois, cité en autorité) entre 1164 et 1169, lorsqu'il cède sa charge à Pierre de Poitiers (✝ 1205)[3], tout en conservant celle de Chancelier (celui qui délivre les diplômes).

Réputé de très haute culture et fort savant, le cardinal Pierre de Saint-Chrysogone le désigne au Pape Alexandre III pour être candidat à la fonction de cardinal, mais il n'est pas retenu. Il participe probablement au Concile de Latran III, en mars 1179.

Au début des années 1170, il devient chanoine régulier de saint-Victor. Avant 1173[4] il y achève son œuvre majeure, l’Historia Scholastica. Le texte s'en tient à un récit historique dotée d'une grande diversité de sources.

Pierre le Mangeur est un disciple de l' hebraica veritas prônée par Hugues de Saint-Victor et surtout par André de Saint-Victor. Martin Grabmann a regroupé sous le terme d' école biblique-morale qui comprend, outre Pierre le Mangeur, Pierre le Chantre et Étienne Langton[5]. Au début, il ne s'agissait que de traduire la Bible directement depuis l'hébreu (comme saint Jérôme), puis il s'agissait d'admettre l'autorité de l'exégèse juive. Le texte de Pierre le Mangeur montre qu'il recueille nombre de traditions juives et qu'il a des contacts avec les exégètes juifs (cf. les travaux de G. Dahan).

Il est aussi l’auteur de commentaires sur les Épîtres de Paul et sur les Évangiles, mais il restera pour les siècles à venir « Magister historiarum » comme Pierre Lombard est demeuré « Magister Sententiarum ».

Il meurt à Saint-Victor le vendredi 12 octobre 1179. Il a composé lui-même son épitaphe, retrouvée dans l'Abbaye Saint-Victor et qui rappelle les qualités de l’homme :

L'épitaphe de Pierre le Mangeur
Latin Traduction
Petrus eram quem petra tegit, Je suis Pierre que la pierre couvre
dictusque Comestor nunc comedor. dit le mangeur et maintenant le mangé
Vivus docui nec cesso docere mortuus, Vivant j'ai enseigné et je continue même mort
ut dicat qui me videt incineratum je dis cela afin que l'on dise
Quod sumus iste fuit, je suis ce qu'il fut
erimu quandoque quod hic est je serai ce qu'il est


Historia Scholastica

L' Historia scholastica super Novum Testamentum (rédigée entre 1169-1173), Utrecht, Nicolas Ketelaer, 1473, fut traduit en français, en même temps que la Vulgate par Guyart des Moulins à Saint Pierre d'Aire sur la Lys, en 1294, et imprimée sous la requête de Charles VIII vers 1483, 1498 et 1545. Des traductions circulerons en Allemagne dès 1248. L'œuvre, qui ne portait probablement pas de titre à l'origine, est dédiée à Guillaume aux Blanches Mains (il est encore appelé Guillaume de Champagne), frère d'Henri le Libéral, Comte de Troyes (+ 1181), alors archevêque de Sens de 1168 à 1169, puis de Reims où il fut intronisé le 8 août 1176.

On a retrouvé plus de huit cents manuscrits des Historiæ scolastica datés du XIIe au XVIe siècle. Le plus ancien manuscrit se trouve à Paris, BN, Ms. lat. 16943. La bible historiale, traduction en français, est connue en plus de cent exemplaires et se trouve généralement abondamment illustrée, alors que la version latine ne l'est presque jamais.

Il s'agit d'un abrégé des Écritures, une sorte d'adaptation de l'histoire sainte très narrative, insérée dans l'histoire générale de l'humanité, avec des gloses tirées des auteurs ecclésiastiques et profanes, mêlant les Écritures canoniques à toutes sortes d'emprunts aux apocryphes et aux commentaires des exégètes juifs : Pierre fait souvent appel à l'autorité d'André de Saint-Victor pour améliorer les textes qu'il utilisait.

Longtemps classique dans les écoles, il est « une des œuvres les plus originales de la fin du XIIe siècle » [6].

La diffusion, considérable, se fit en latin, désignée très souvent pendant des siècles, par le mot de Biblia [7]. L'édition de la Patrologie latine par Migne (Migne, PL, cxcviii, 1072) fait référence.

Les premiers commentateurs de l'ouvrage sont Étienne Langton [8] et en 1194 Nigel de Longchamps [9] [10].

Éditions

  • Texte de l'édition d'Emmanuel Navarrus, parue à Madrid en 1699, repris par Migne (PL 198, 1053-1164) est déficiant.
  • Petri Comestoris Scolastica Historia. Liber Genesis, Éd. Agneta Sylwan, Turnhout, Brepols 2005, 226 p. ISBN 2-503-04911-7

Manuscrits

  • Historia scolastica, Épinal, Bibliothèque municipale, ms. 50 (XIIIe siècle)

Bibliographie & sources

  • Gilbert Dahan, Les intellectuels chrétiens et les juifs au moyen âge, Paris, Cerf, 1990.

Lien externe

Note

  1. Ainsi appelé parce qu'il avait dévoré un grand nombre de livres.
  2. Cette certitude est due à Henri de Gand
  3. « Parisius, post magistrum Petrum Manducatorem Petrus Pictavinus tenuit theologigiam. ». Il ne faut pas confondre avec Pierre de Poitiers de Saint-Victor, chanoine du début du XIIIe siècle.
  4. En 1173, la Chronique de Saint-Marien d'Auxerre cite l'ouvrage. cf. Article Pierre Comestor par N. Iung, in Dictionnaire de Théologie Catholique, Letouzey, 1935, p. 1919 : « Petrus Comestor celebris habetur in Francia magistrorum Parisiensium primus, vir facundissimus et in scripturis divinis excellenter instructus ; qui utriusque Testamenti historias uno compingens volumine, opus edidit satis utile gratum, ex diversis historis compilatum. »
  5. Dahan (p. 107) ajoute à cette liste : Pierre Riga, Pierre de Poitiers, le successeur de Pierre le Mangeur, Prévostin de Crémone, Thomas de Chobham, Alexandre Nequam et Guillaume de Montibus.
  6. Article Pierre Comestor par N. Iung, in Dictionnaire de Théologie Catholique, Letouzey, 1935, p. 1921.
  7. Pierre Riché & Guy Lobrichon (Dir.), Le Moyen Âge et la Bible, Beauchesne, 1984, p. 18.
  8. Ms. Stegmüller, RB n° 7710-43 & 107729
  9. Ms. Cambridge, Trinity Coll. B.15.5
  10. Guy Lobrichon, La Bible au moyen âge, Picard, 2003, p. 66, n. 29.
  • Portail du christianisme Portail du christianisme
  • Portail du catholicisme Portail du catholicisme
  • Portail du Moyen Âge Portail du Moyen Âge
Ce document provient de « Pierre le Mangeur ».

Wikimedia Foundation. 2010.

Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Le Mangeur de Wikipédia en français (auteurs)

Игры ⚽ Поможем написать курсовую

Regardez d'autres dictionnaires:

  • mangeur — mangeur, euse [ mɑ̃ʒɶr, øz ] n. • 1260 fig.; mangiere 1226; de manger 1 ♦ (Qualifié) Personne qui mange (beaucoup, peu). Un gros mangeur. ⇒ bâfreur, bouffeur, gargantua, glouton, goinfre, ogre. « je ne suis pas une grosse mangeuse » (Huysmans). 2 …   Encyclopédie Universelle

  • mangeur — mangeur, euse (man jeur, jeû z ) s. m. et f. 1°   Celui, celle qui mange. •   Par lui [l amour] les loups deviennent des moutons ; Il fait si bien que l on n est plus le même, Témoin Hercule, et témoin Polyphême, Mangeur de gens...., LA FONT.… …   Dictionnaire de la Langue Française d'Émile Littré

  • mangeur — Mangeur, [mang]euse. s. Qui mange. C est un grand mangeur. un beau mangeur. un petit mangeur. c est une grande mangeuse. On appelle les gens de chicane, Ceux qui vexent, qui tourmentent le peuple, Des mangeurs de Chrestiens. On appelle aussi, Un… …   Dictionnaire de l'Académie française

  • Mangeur — (franz., spr. mangschör, »Fresser«), in der Gaunersprache Bezeichnung für den Helfershelfer des Falschspielers, der letzterm verfälschte oder gekennzeichnete Karten zusteckt und nach dem Spiel wieder verschwinden läßt. In Klubs übernimmt die… …   Meyers Großes Konversations-Lexikon

  • Mangeur d'hommes — ● Mangeur d hommes anthropophage …   Encyclopédie Universelle

  • Mangeur d'opium — ● Mangeur d opium opiomane …   Encyclopédie Universelle

  • MANGEUR — EUSE. s. Celui, celle qui est dans l habitude de manger beaucoup. Il s emploie ordinairement avec une épithète. C est un grand mangeur, un beau mangeur, un petit mangeur. C est une grande mangeuse. Il n est pas mangeur. Fig. et fam., Un mangeur,… …   Dictionnaire de l'Academie Francaise, 7eme edition (1835)

  • mangeur — EUSE, n. MDYEU (Albanais 001b, Annecy) / bdyeu (001a PPA) / medyu (Chambéry) / mjeu (Thônes) / mzhyeu (Thônes, Villards Thônes 028 / mzhyeû (Saxel 002), ZA, E || mèzé nm. (Albertville 021). A1) gros mangeur : limojin, limozin an. (002) ; grou,… …   Dictionnaire Français-Savoyard

  • Mangeur de feu — Un mangeur de feu à St Louis, MO, USA en 2004 Un mangeur de feu est un amuseur public souvent un artiste de la rue ou un artiste dans un spectacle comme le cirque. Il place des objets enflammés dans sa bouche et les éteint. Histoire Le mangeur de …   Wikipédia en Français

  • MANGEUR, EUSE — n. Celui, celle qui mange. Il s’emploie ordinairement avec une épithète. Un gros mangeur, Celui qui mange beaucoup. Un petit mangeur, Celui qui mange peu. C’est une grande mangeuse …   Dictionnaire de l'Academie Francaise, 8eme edition (1935)

  • mangeur — I. Mangeur, m. penac. Edax, Mando onis, Manduco onis. II. Il est grand mangeur, Est adolescens escae maximae …   Thresor de la langue françoyse

Share the article and excerpts

Direct link
Do a right-click on the link above
and select “Copy Link”