- Le Juif errant
-
Le Juif errant (Sue)
Le Juif errant Édition illustrée par Gosselin, 1851.
Auteur Eugène Sue Genre Roman Pays d'origine France Lieu de parution Paris Éditeur Paulin Date de parution 1844-1845 Le Juif errant est un roman français d’Eugène Sue publié en feuilleton dans le Constitutionnel du 25 juin 1844 au 26 août 1845 puis en volume de 1844 à 1845 chez Paulin à Paris.
Un des plus grands succès de librairie du XIXe siècle, le second de Sue après les Mystères de Paris, le titre du Juif errant est cependant trompeur puisqu’il ne constitue pas le sujet du roman. Celui-ci n’est, à proprement parler, que la puissance tutélaire qui, aidé de son homologue féminin, Hérodiade, s’efforcent d’être les anges gardiens des héritiers, qui sont en outre leurs derniers descendants, d’un protestant que la Compagnie de Jésus avait acculé au suicide. Relatant les intrigues menées par les Jésuites pour s’emparer de ce fabuleux héritage, le roman, qui se termine sur la fin des souffrances du Juif errant et d’Hérodiade, est, entre autres, un réquisitoire contre le fanatisme et l’intolérance religieuse. Publié à l’époque du débat autour de l’enseignement secondaire, il suscita une véritable « jésuitophobie ». Avec ce roman de 800 pages, le nombre des abonnés du Constitutionnel passa de 3 600 à 23 600.
Personnages principaux
- Gabriel Rennepont, missionnaire jésuite en Amérique ;
- Rose et Blanche Rennepont, jumelles orphelines de Sibérie ;
- Dagobert, ami de la famille Rennepont et gardien des orphelins ;
- Général Simon Rennepont, père de Rose et de Blanche, inconnu de ses filles ;
- Djalma Rennepont, prince indien ;
- Jacques Rennepont, dit Couche-Tout-Nu, ouvrier parisien ;
- François Hardy, manufacturier fouriériste au Plessis ;
- Adrienne de Cardoville, riche fille du comte de Rennepont ;
- Rodin, jésuite chargé de capter l’héritage Rennepont ;
- Père d’Aigrigny, général des Jésuites en France.
L’histoire
L’histoire débute dans l’Océan polaire, qui entoure les bords déserts de la Sibérie et de l’Amérique du Nord, séparées par l’étroit canal de Bering. Des traces de pas d’homme avec sept clous saillants formant une croix se font remarquer sur la neige du côté de l’Europe, tandis que des pas de femme du côté de l’Amérique. Le Juif errant et sa sœur Hérodiade apparaissent, se tendant mutuellement les bras des deux côtes du détroit. Ils seront les deux puissances protectrices des héros de l’ouvrage.
Sous Louis XIV, le marquis Marius de Rennepont, a abjuré, à l’époque de la révocation de l’édit de Nantes, le calvinisme, mais sa conversion n’était, paraît-il, pas absolument sincère. Les Jésuites l’ont dénoncé et obtenu d’entrer en possession de ses biens. Le marquis de Rennepont est cependant parvenu à leur soustraire et à confier à à la garde et la fructification d’une famille juive, qui se succède de père en fils, une somme de 150 000 francs, au sujet de laquelle, par un testament en date du 13 février 1682, le capital et les intérêts devaient s’accumuler, à partir de l’année 1683, d’année en année jusqu’au 13 février 1832. Les quelques 250 millions produits, à cette date, par les intérêts composés, doivent être distribués à celui ou à ceux de ses héritiers qui, le 13 février 1832, ni la veille ni lendemain, mais dans cette journée même, se présenteront dans une maison sise au n° 3 de la rue Saint-François, à Paris, pour assisteraient à l’ouverture du testament. Pour garder le souvenir du rendez-vous, chaque descendant porte une médaille sur laquelle sont gravés en croix les sept clous de la semelle du Juif-Errant, avec ces mots en exergue : « 15 février 1832, rue Saint-François, n° 3. »
En 1832, les héritiers Rennepont sont au nombre de sept : par la descendance maternelle, Rose et Blanche Simon, filles d’un maréchal de l’Empire, qui a gagné son bâton et son titre de duc sur le champ de bataille de Ligny ; François Hardy, manufacturier fouriériste au Plessis, près Paris, et le prince Djalma, fils de Kadja-Sing, roi de Mondi. Par la descendance paternelle, le sieur Jacques Rennepont, dit Couche-Tout-Nu, artisan débauché et ivrogne ; Adrienne de Cardoville, fille du comte de Rennepont, duc de Cardoville, et Gabriel Rennepont, prêtre des Missions étrangères. Mais le général des Jésuites de 1682 n’a pas manqué de recommander, en mourant, à tous les membres de son ordre, ceux qui vivent et leurs successeurs jusqu’en 1832, de « surveiller furieusement la famille Rennepont et de rentrer per fas aut nefas dans le bien qui a été traîtreusement dérobé à la Société. » La recommandation du père de Noyelle a été fidèlement suivie. Pas un seul jour, ils n’ont perdu la trace des héritiers Rennepont, si bien qu’au 1er janvier 1832, la Compagnie de Jésus sait exactement où se trouvent tous les personnages qui doivent se rencontrer rue Saint-François, le 13 février.
Des sept héritiers, l’un, Gabriel Rennepont, le missionnaire, est en Amérique, dans les montagnes Rocheuses. Quand il est entré dans la Compagnie, on lui a fait faire une donation générale et spéciale de ses biens présents et à venir. On veille sur lui, et il sera de retour le 13 février. La Société a également les yeux sur les cinq autres en Sibérie, en Inde ou à Paris, mais ils ont devant eux un redoutable adversaire en la personne d’Ahasvérus, le Juif Errant, dont la sœur, objet de sa plus tendre affection, honnêtement mariée, a laissé pour descendant le Rennepont de 1682, qui était son héritier direct. Les Rennepont de 1832 étant les arrière-petits-neveux du Juif Errant, celui-ci se doit donc de les défendre.
Ahasvérus assisté par Salomé, fille d’Hérodiade, elle aussi condamnée à marcher jusqu’à la fin du monde n’épargnent pas leur peine pour déjouer tous les artifices des Jésuites, notamment l’abbé d’Aigrigny et Rodin, visant à les empêcher d’arriver à la date prévue. Ainsi, Rose et Blanche Simon seront rigoureusement séquestrées dans un couvent ; mademoiselle de Cardoville sera enfermée comme folle dans la maison de santé du docteur Baleinier ; Djalma sera affilié, malgré lui et à son insu, à l’horrible secte des Étrangleurs ; Couche-Tout-Nu est mis en prison parce qu’il ne peut rendre 10 000 francs que lui ont prêtés les jésuites, pour avoir ainsi un prétexte qui leur permette de s’en débarrasser en temps utile.
Lorsque arrive le jour fatal, la compagnie triomphe. Elle est en possession du coffre-fort Rennepont, quand survient mystérieusement Salomé, qui, entrant par une porte que personne ne voyait, va droit a un meuble auquel personne n’avait fait attention, en tire un codicille qui proroge l’ouverture du testament à quelques mois jusqu’à juin 1832, avant de traverser la salle silencieuse et grave et de se retirer au milieu des assistants stupéfaits. Rodin remplace alors d’Aigrigny et tend aux héritiers divers traquenards qui les mèneront à leur mort, mais, alors qu’il vient d’être nommé général des jésuites, c’est à son tour de mourir, empoisonné par un rival. Seul Gabriel a survécu, mais le trésor finira détruit par son gardien tandis que Gabriel sera mis au ban de l’Eglise pour hétérodoxie.
Bibliographie
- (en) Maria Adamowicz-Hariasz, « From Opinion to Information: The Roman-Feuilleton and the Transformation of the Nineteenth-Century French Press », Making the News: Modernity and the Mass Press in Nineteenth-Century France, Amherst, U of Massachusetts P., 1999, p. 160-84.
- Maria Adamowicz-Hariasz, « La Parution du Juif errant dans Le Constitutionnel », Cahiers pour la Littérature Populaire: Revue du Centre d’Études sur la Littérature Populaire, Winter 1995, n° 15, p. 45-7.
- Maria Adamowicz-Hariasz, « Le Juif errant sur le sol américain », Cahiers pour la Littérature Populaire: Revue du Centre d’Études sur la Littérature Populaire, 1995 Winter, n° 15, p. 49-55.
- Maria Adamowicz-Hariasz, « L’Histoire du texte du Juif errant et ses mystères », Cahiers pour la Littérature Populaire, Winter 1995, n° 15, p. 11-43.
- Maria Adamowicz-Hariasz, « Victimes d’une sourde machination de mauvais prêtres : l’Imaginaire des crimes des Jésuites dans Le Juif errant d’Eugène Sue », Crime et Châtiment dans le roman populaire de langue française du XIXe siècle, Limoges, PU de Limoges, 1994, p. 229-41.
- (it) Rossana Battilana, « Le tecniche narrative nel Juif errant di Eugène Sue », Francofonia, Spring 1984, n° 4 (6), p. 43-52.
- Bénédicte Bauchau, « Le Juif errant d’Eugène Sue : mythe social ou apologie personnelle ? », Lettres romanes, 1983 Aug., n° 37 (3), p. 181-98.
- Claudie Bernard, « La Mystique associative dans Le Juif errant d’Eugène Sue », L’Œuvre d’identité : essais sur le romantisme de Nodier à Baudelaire, Montréal, Université de Montréal, Oct. 1996, p. 131-46.
- Roger Bozzetto, « Eugène Sue et le fantastique », Europe, nov.-déc. 1982, n° 643-644, p. 101-10.
- Jean Fornasiero, « Les Financiers de l’utopie : réalités et représentations du mécénat quarante-huitard », Australian Journal of French Studies, sept-déc 2006, n° 43 (3), p. 322-32.
- Patrick Maurus, « Eugène Sue, ou l’écriture référentielle », Europe, nov.-déc. 1982, n° 643-644, p. 67-77.
- Pierre Orecchioni, « Eugène Sue: Mesure d’un succès », Europe, nov.-déc. 1982, n° 643-644, p. 157-66.
- Roger Ripoll, « Du Roman-feuilleton au théâtre », Europe, nov.-déc. 1982, n° 643-644, p. 148-56.
- Brynja Svane, « Divertir et polItyser : le Jeu du double discours dans Le Juif errant », Europe, Nov.-Dec. 1982, 643-644, p. 56-65.
- Martine Watrelot, « Le Juif errant d’Eugène Sue et Le Compagnon du Tour de France », George Sand Studies, 2003, n° 22, p. 68-79.
Adaptations
- Jacques Fromental Halévy a créé un opéra, le Juif errant (1852), sur des éléments du roman de Sue.
- Portail de la littérature
Catégories : Roman français | Roman paru en 1844 | Roman paru en 1845
Wikimedia Foundation. 2010.