- Le Diable au corps de Raymond Radiguet
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Le Diable au corps (Radiguet)
Pour les articles homonymes, voir Le Diable au corps.Le Diable au corps est un roman de Raymond Radiguet paru en 1923.
Résumé
Le livre raconte l'histoire du narrateur (son prénom n'est jamais clairement explicité mais on le devine à la fin), François, qui rencontre Marthe, une jeune fille mariée à un soldat parti au front. De leur passion commune pour la poésie et l'art nait une idylle qui, tout au long du livre, prend forme. Celle-ci durera quatre années et s'achèvera par la naissance d'un enfant issu de François et Marthe, mais que cette dernière fera passer pour l'enfant légitime de son mari, ceci alors que les deux familles sont au courant. Le sujet et l'histoire du livre feront scandale, ainsi que la liberté de ton (surtout vis-à-vis de la guerre et du mari).
Analyse et commentaire
La littérature des débuts du XXe siècle en France, a profondément été marquée par les conséquences de la Première guerre mondiale. De nombreux écrivains ont parfois fait œuvre d'historiens de la guerre. D'autres ont essayé d'analyser le sentiment humain au sortir de cette "peste", pour reprendre une expression d'Albert Camus.
C'est dans ces conditions qu'au lendemain de la guerre de 14, se développe une littérature d'analyse qui se propose de rendre compte de toutes les formes d'introspection auxquelles l'individu peut se prêter. L'homme est tour à tour présenté comme un être fuyant qu'il faille chercher sur les routes du monde ; l'objet de nombreuses analyses métaphysiques , et aussi le feu follet d'un univers de rêve qui voudrait trouver dans l'évasion l'exutoire de toutes ses douleurs.
Cette sensibilité en littérature nous plonge dans une sorte de vaste enquête sur la connaissance de la nature humaine. Raymond Radiguet tient bien sa place dans cette mouvance du roman psychologique. Auprès de chefs-d'œuvre tels que L'Atlantide de Pierre Benoit, L'Amour du prochain de Jacques Chardonne, ou même la sulfureuse Thérèse Desqueyroux de François Mauriac.
En 1923, Raymond Radiguet publie Le Diable au corps, un roman qui noue une intrigue assez simple dans laquelle se mêlent les questions de liberté, de famille, de passion et surtout d'absurdité sur un phénomène tel que la guerre.
En effet, pendant la guerre, un jeune adolescent désœuvré se livre à la quête d'émotions fortes. Il apprend très vite à rédiger des lettres enflammées à de jeunes élèves filles. Il polissonne aussi selon une humeur changeante. L'expression est la somme de toutes les contradictions qu'il connaît. A quinze ans à peine, le héros devient l'amant de Marthe, une jeune fille de trois ans son aînée. Cette dernière vient d'être mariée à un soldat qui est au front. Son idylle avec le jeune adolescent prend très vite les allures d'une passion d'enfant qui est près de se transformer en une véritable aventure sentimentale. Elle a bientôt un amour assez solide pour le gamin et ne cache pas sa déception de n'être pas de son âge. Pourtant le garçon ne s'embrigade pas dans cette différence d'âge qui se présenterait comme un handicap. Bien au contraire il trouve le moyen de s'affirmer. C'est dans ce sens que nous pouvons comprendre son acharnement à s'opposer à tout ce qui est de la volonté du mari de Marthe. Il n'y va pas de main morte car il n'hésite pas un seul instant à enlever la jeune femme. Mais comme il n'est qu'un enfant, l'aventure s'arrête où elle a commencé. La fin du roman est marqué par la mort de Marthe, alors qu'elle vient de donner naissance à leur fils. Son mari qui fait figure de pauvre dupe de cette romance accepte d'élever l'enfant de cet autre enfant qu'il aurait bien voulu connaître.
Autour de cette intrigue, l'auteur a voulu peindre le cycle de la vie dans ses bornes qui sont l'enfance et la maturité. Mais on peut y voir aussi l'expression du risque que la société encourt en se livrant à toute sorte de calculs aux fins proprement égoïstes. Voilà une adolescence meurtrie par l'ennui provoqué par quatre années de guerre. On assiste à la désorganisation de la cellule familiale, à la déstabilisation des institutions et surtout à la négation de la valeur intrinsèque de l'homme. Il semble désormais être ravalé à l'état de machine dont le fonctionnement reste conditionné par des forces extérieures.
Le style et l'écriture simples de ce texte consolident le refus de l'auteur pour tout ce qui se complexifie d'une manière ou d'une autre. C'est un premier roman de Raymond Radiguet (1903-1923), publié l'année même de sa mort. L'auteur, qui insistait sur le caractère délibérément fictif de toute entreprise romanesque réussie, a toujours nié que le roman eût une quelconque dimension autobiographique.
Le ton désabusé et cynique de Radiguet n'est pas sans rappeler un certain "gidisme", présent notamment dans L'Immoraliste. La lucidité et la justesse de l'analyse rapprochent encore ce roman de la grande tradition moraliste (Stendhal ou Madame de La Fayette).
La publication du Diable au corps provoqua un grand scandale, car il postulait la guerre comme condition même du bonheur des amants et portait atteinte au respect sacré dû au soldat. La mort prématurée de l'auteur contribua probablement à l'élaboration d'un mythe jamais démenti autour de ce roman.
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