Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte

Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte

Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte est un ouvrage de Karl Marx écrit en 1852 qui traite du coup d'État du 2 décembre 1851, par lequel le futur Napoléon III a pris le pouvoir en France et instauré le Second Empire. Il s'intitule Le 18 Brumaire en référence au coup d'État du général Bonaparte (Napoléon Ier) qui, lui, renversa le Directoire le 9 novembre 1799, soit le 18 brumaire an VIII selon le calendrier révolutionnaire : ce coup d'État avait instauré le Consulat puis le (premier) Empire. Marx parle du coup d'État de 1851 comme de la « deuxième édition du 18 Brumaire ». Reprenant Hegel, il affirme au début de son livre : « tous les grands événements et personnages historiques se répètent pour ainsi dire deux fois […] la première fois comme tragédie, la seconde fois comme farce ». Cette remarque place clairement son livre dans une perspective critique, à une époque où paraissent aussi Napoléon le Petit, de Victor Hugo, et Le Coup d'État, de Proudhon.

Cet ouvrage s’inscrit aussi dans la prolongation de Les Luttes de classes en France (1850). Il reprend une grande partie des théories de cet ouvrage notamment l'idée que la République est l'outil ultime de domination de la bourgeoisie. « A la monarchie bourgeoise de Louis-Philippe peut seule succéder la république bourgeoise. Autrement dit : si, au nom du roi, a régné une partie de la bourgeoisie, c’est désormais au nom du peuple que régnera l’ensemble de la bourgeoisie. » Il mène l’analyse de la période allant de 1848 à 1851 sous l'angle de l’antagonisme de classe.

Sommaire

La révolution de Février

Février 1848, c’est la victoire de la bourgeoisie républicaine du journal Le National : écrivains, avocats, fonctionnaires d’esprit républicain, etc. Son accession au pouvoir ne se fit cependant pas comme elle avait pu l’espérer à travers une révolte libérale contre le trône mais par une révolte du prolétariat. Cette domination absolue des républicains bourgeois dura de juin 1848 à la victoire de Napoléon III le 20 décembre 1848. Le système républicain que met en place cette classe possède son talon d’Achille : la dualité entre l’assemblée nationale et le président.

L’assemblée peut dissoudre le président mais celui-ci n’a aucune autorité sur celle-ci. De plus, les membres de l’assemblée sont rééligibles. Cela fera dire à Marx que l’assemblée est incontrôlable, indissoluble, indivisible, toute puissante. De l’autre côté, le président de la république nomme les ministres, distribue les emplois en France, révoque les conseillers généraux et les maires. Et c’est l’élection directe du président qui permet d’abolir la constitution. Alors que les suffrages des français se repartissent sur 750 députés, ils se concentrent sur un homme, le président. Le président représente dès lors l’intérêt supérieur de la nation, au-delà de tel ou tel parti. Il existe dès lors un lien personnel entre le peuple et le président, tandis que le lien unissant le peuple à l'assemblée est qualifié de "métaphysique".

Le coup d’État du 18 Brumaire

Le 13 juin 1849, les petits bourgeois se font renverser par le régime. Condamnant la violence, le parti de l’ordre va donc paradoxalement condamner le moyen d’expression qui sera celui de Bonaparte en 1851. Il s’interdit en théorie l’usage de cette violence. (Alors même que le mouvement était pacifique tant et si bien que dorénavant tout ce qui n’est pas du parti de l’ordre devient socialiste (reprise du manifeste et de la bouc emissarisation). Cette action fut renforcée par le coup d’État de la bourgeoisie le 31 mai 1850 avec la nouvelle loi sur le vote. « Le 10 mars [élections partielles largement remportées par les démocrates sociaux], le suffrage universel se prononça directement contre la domination de la bourgeoisie et la bourgeoisie répondit en proscrivant le suffrage universel ». Et cela renforce d’autant plus le pouvoir de la bourgeoisie que le vote étant réduit, la barre des 2 millions d’électeurs nécessaire à l’élection d’un président devenait plus difficile à atteindre et que donc, conformément à la constitution, l’assemblée devrait avoir le dernier mot. Mais à la suite de cette loi, le parti de l’ordre n’avait plus d’adversaire à affronter. Dès lors la lutte se fera entre les deux sources de légitimités du pouvoir politique (par exemple orléanistes et légitimistes vont jusqu'à s’allier avec la Montagne contre Bonaparte).

La dernière année de présidence de Bonaparte tourna autour de la révision de la constitution soit pour permettre à Bonaparte de se représenter en 1852 soit pour maintenir la constitution et élire un nouveau président, probablement Cavaignac. Le parti de l’ordre voulait le statu quo et ne pouvait donc pas obliger Bonaparte à faire un coup d’État. Mais le la révision de la constitution nécessitait une majorité des trois-quarts que le seul parti de l’ordre ne possédait pas. Une révision générale de la constitution entraînerait un retour au trône pour une des deux dynasties et emmènerait un conflit au sein de la bourgeoisie (nécessité de maintenir la république, terrain neutre où orléanistes et légitimistes peuvent coexister). Une motion fut déposée à l’assemblée, demandant la révision de la constitution sans remettre en cause la république. Cette motion fut repoussée par une coalition de républicains et de monarchistes extrêmes à 446 pour et 278 contre tant et si bien qu’une majorité de l’assemblée se déclara contre la constitution. Par ce vote, « le parlement avait déclaré hors la majorité la constitution et avec elle sa propre domination ; par son vote, il avait aboli la Constitution et prorogé le pouvoir présidentiel, tout en déclarant que l’une ne pouvait pas mourir ni l’autre vivre, tant que lui-même continuait d’exister ». Le 13 novembre 1851, l’assemblée vote contre le rétablissement du suffrage universel, l’assemblée apparaît ainsi comme l’usurpation du pouvoir par une classe. Les groupes parlementaires étaient éclatés, l’assemblée nationale avait perdu la capacité légale de délibérer.

La république se trouve dans un état de décomposition, où le parlement est divisé, les rumeurs de coup d’État enflent, le bourgeois est inquiet du possible rétablissement du suffrage universel, par la fin du monde annoncée pour le deuxième dimanche de mai 1852 (fin de la présidence de Napoléon) tant et si bien que le mot d’ordre devint plutôt une fin dans la frayeur qu’une frayeur sans fin ! Et Bonaparte comprit ce cri, ce besoin de statu quo, de tranquillité pour les affaires (d’autant plus motivé à garder le pouvoir parce qu’accablé de dettes). Le coup d’État devint une évidence pour le peuple parisien qui n’attendait plus que la date. Il monta - par l’intermédiaire de sa presse - le peuple contre l’assemblée et les partis, montrant que Bonaparte était empêché de réaliser ce qu’il désirait de bon pour la France. Bonaparte prend le pouvoir mais ne sert pas les intérêts de la bourgeoisie. Toute l’activité révolutionnaire de la bourgeoisie se retourne contre elle-même. Le coup d’État parachève l’objectif de février 1848 à savoir renverser la dynastie des Orléans. La révolution crée les conditions où la classe bourgeoise parvient à son expression ultime de manière à pouvoir être renversée sans jamais pouvoir être ressuscitée. Le 2 décembre, c’est la chute définitive et complète du règne de la bourgeoisie.

Le régime de Bonaparte après le 18 brumaire au-dessus de l’intérêt de classe dominante

« La France ne semble donc avoir échappé au despotisme d’une classe que pour retomber sous le despotisme d’un individu, et, qui plus est, sous l’autorité d’un individu sans autorité [...] L’État semble s’être rendu indépendant de la société, de l’avoir subjuguée ». Marx nuance cependant ce jugement en expliquant que le pouvoir sert avant tout les paysans à parcelles (à l’instar de son oncle). Le paysan ne peut se représenter lui-même, il se doit d’être représenté par des gens qui apparaissent comme leurs maîtres. La dynastie Bonaparte représente donc la paysannerie conservatrice et c’est ainsi que la dynastie des Bonaparte ne représente pas le progrès intellectuel, mais la foi superstitieuse du paysans, son préjugé plutôt que son jugement, non pas son avenir mais son passé ». Mais le développement de la parcelle entraîne inéluctablement la dépendance du paysan envers le Capital. L’intérêt du paysan n’est donc plus comme sous Napoléon Ier le même que celui de la bourgeoisie mais celui du prolétariat, contre l’ordre bourgeois ? La foi que le paysan a dans Napoléon III, c’est la foi en l’État centralisateur, bureaucratique.

Marx face aux Napoléons

Marx est admiratif de Napoléon Ier qu’il qualifie de génie au contraire de son neveu qu’il considère idiot, médiocre et grotesque. Pour Marx Napoléon Ier est révolutionnaire, ainsi il fixe les dates de 1789-1814 pour parler de la Révolution française. L’Empire représente à ses yeux l’achèvement de la société féodale. Il admire la Révolution pour la nouveauté, le bouleversement qu’elle apporte. Et c’est pourquoi il est très critique quant à la révolution de 1848 en ce sens qu’elle « ne fut que le retour du spectre de la vielle révolution ». Mais cette révolution suit un ordre inverse c'est-à-dire qu’elle ne va pas toujours vers un plus, vers un approfondissement de la révolution mais plutôt vers la réaction.

Les conséquences idéologiques sur Marx

La révolution de 1848 perfectionne la machine au lieu de la briser, elle s’émancipe d’une classe, devient un être abstrait, bureaucratisé (il reprend là la critique du Droit de Hegel et que ainsi la révolution doit changer qualitativement). L’analyse du 18 brumaire et de la période qui suit février 1848 montre à Karl Marx que seul le prolétariat a un potentiel révolutionnaire, que seul lui peut changer la donne (même s'il n’est pas encore assez mur). Il montre comment les autres classes, conscientes de ce potentiel (que ce soient les petits bourgeois ou Bonaparte) l’utilisent et cela contre le prolétariat lui-même. Pour Marx, la paysannerie est contre-révolutionnaire, c’est elle qui est responsable de la situation en France.

L'année 1848 fut aussi l’arrivée des paysans ainsi que des petits bourgeois sur la scène politique (Maurice Agulhon). On retrouve dans cet ouvrage des critiques semblables à celles de Mendès France ou Mitterrand contre De Gaulle quant à la concentration du pouvoir.

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