Laîka

Laîka

Laïka

Laïka avant son départ en 1957.

Laïka (du russe : Лайка, « petit aboyeur »)[1] est une chienne du programme spatial soviétique et le premier être vivant mis en orbite autour de la Terre. Elle a été lancée par l'URSS à bord de l'engin spatial Spoutnik 2 le 3 novembre 1957, presque un mois jour pour jour après le lancement du premier satellite artificiel Spoutnik 1.

Après le succès de Spoutnik 1, Nikita Khrouchtchev voulait le lancement d'un second engin pour le 7 novembre afin de célébrer le 40e anniversaire de la révolution bolchevique. Dans l'urgence, sans étude préalable, Spoutnik 2 a été construit en quatre semaines.

Laïka mourut environ 7 heures après le lancement, du stress et de surchauffe, probablement due à une défaillance du système de régulation de température. La vraie cause de sa mort ne fut révélée que plusieurs décennies après la mission. Les versions qui subsistèrent jusqu'aux révélations du docteur Dimitri Malachenkov (en) en 2002 affirmaient qu'elle était morte en consommant de la nourriture empoisonnée — qui avait été préparée pour lui éviter de souffrir de la chaleur lors du retour de Spoutnik 2 dans l'atmosphère — ou d'asphyxie à l'épuisement de ses réserves d'oxygène[2].

La capsule spatiale se consuma le 14 avril 1958 en rentrant dans l'atmosphère terrestre.

Malgré la mort de Laïka, l'expérience prouva qu'un être vivant pouvait survivre à un vol en orbite autour de la Terre et subir les effets de l'impesanteur. La mission Spoutnik 2 prépara le terrain pour le vol spatial de l'Homme en fournissant aux scientifiques les premières données sur les réactions des organismes vivants dans l'espace.

Sommaire

Spoutnik 2

Maquette de Spoutnik 2, le satellite qui emmena Laïka dans l'espace.
Article détaillé : Spoutnik 2.

Après le succès de Spoutnik 1, Nikita Khrouchtchev, le dirigeant de l'URSS, voulut envoyer un second satellite dans l'espace, « habité » cette fois-ci, à l'occasion du quarantième anniversaire de la révolution bolchévique, le 7 novembre 1957. Un satellite plus sophistiqué était déjà à l'étude, mais ne pouvait être prêt avant décembre ; ce satellite devint Spoutnik 3[3].

Pour respecter l'échéance imposée, un nouveau satellite, moins sophistiqué, devait être conçu. Selon des sources russes, la décision officielle du lancement de Spoutnik 2 fut prise le 10 ou le 12 octobre, laissant à l'équipe seulement quatre semaines pour concevoir et construire le satellite[4]. En conséquence, Spoutnik 2 fut réalisé dans l'urgence, la plupart des éléments du vaisseau étant construits à partir de croquis approximatifs. En plus de sa mission principale — envoyer un être vivant dans l'espace — Spoutnik 2 contenait une suite d'instruments scientifiques, notamment des spectromètres pour étudier les radiations solaires et les rayons cosmiques[3].

Spoutnik 2 était pourvu d'un équipement autonome de survie constitué d'un générateur de dioxygène ainsi que de dispositifs permettant d'éviter l'hyperoxie et d'absorber le dioxyde de carbone. Un ventilateur, qui s'activait lorsque la température de la cabine dépassait 15 °C, fut ajouté pour maintenir la chienne au frais. Elle était munie d'une combinaison et des sangles permettaient de limiter ses mouvements dans l'étroite cabine capitonnée. Un réservoir de caoutchouc, destiné à recueillir ses urines et excréments était fixé à son bassin. Un électrocardiogramme enregistrait la fréquence cardiaque et d'autres instruments surveillaient le taux respiratoire, la pression artérielle et les mouvements de la chienne[5],[6].

Entraînement

La chienne, qui plus tard serait appelée Laïka, fut trouvée errante dans les rues de Moscou. C'était une chienne bâtarde, âgée d'environ trois ans, et pesant près de 6 kg. Le personnel soviétique qui l'a recueillie lui a donné plusieurs noms et surnoms, parmi lesquels Koudryavka (« petite bouclée »), Zhoutchka et Limontchik.

« Laïka », nom russe désignant des chiens bâtards ressemblant au husky, fut le nom popularisé à travers le monde. La presse américaine la surnommait Muttnik (« mutt » signifiant « chien bâtard » + le suffixe -nik), calembour de « Spoutnik »[7], ou l'appelait « Curly » (« bouclé »)[8]. Son pedigree est inconnu, bien qu'il est couramment accepté qu'elle était née d'un croisement d'un husky (ou d'une autre race nordique) et d'un terrier[9].

L'URSS et les États-Unis avaient précédemment envoyé des animaux en vols suborbitaux[10], notamment sur des missiles soviétiques R-1 en 1951 et 1952. Trois chiens ont été formés pour le vol de Spoutnik 2 : Albina, Mouchka et Laïka[11]. Ce fut le scientifique russe Oleg Gazenko qui sélectionna et entraîna Laïka[12]. Albina vola deux fois sur une fusée-sonde lors de tests en haute-altitude, et Mouchka fut utilisée pour tester l'instrumentation et l'équipement autonome de survie[6],[10].

Pour habituer les chiens au confinement dans la cabine exiguë de Spoutnik 2, ils furent maintenus dans des cages de plus en plus petites pendant des périodes pouvant dépasser 20 jours. Leur étroit confinement eut pour effet de les faire cesser leurs besoins et de les rendre agités, détériorant leur état. Alors que l'utilisation de laxatifs n'améliora pas leur état, les chercheurs constatèrent que seules de longues périodes de formation étaient efficaces. Les chiens furent placés dans une centrifugeuse, qui simulait l'accélération subie au lancement de la fusée, ainsi que dans des machines reproduisant les bruits à bord du vaisseau spatial. Ces conditions expérimentales eurent pour incidence le doublement de leur rythme cardiaque et l'augmentation de leur pression sanguine qui passa de 30 à 65 torr. On les habitua également à consommer un gel nutritif à base d'aliments en poudre et d'eau, leur seule nourriture dans l'espace[6].

Voyage

Maquette de la cabine de Laïka.

Selon un document de la NASA, Laïka fut placée dans le satellite le 31 octobre 1957, trois jours avant le début de la mission[6]. Les températures à Tyuratam, près du cosmodrome de Baïkonour, étaient extrêmement froides à cette époque de l'année, si bien qu'un tuyau relié à un radiateur fut utilisé pour maintenir sa cabine au chaud. Deux assistants furent affectés à sa surveillance avant le lancement. Juste avant le décollage, le 3 novembre 1957, le pelage de Laïka fut épongé à l'aide d'une solution faiblement alcoolisée et soigneusement toiletté. On enduisit d'iode les parties de son corps où des électrodes seraient implantées pour surveiller ses fonctions corporelles[13].

Au maximum d'accélération lors du lancement, le rythme respiratoire de Laïka grimpa jusqu'à trois à quatre fois son rythme normal[6]. Les sondes montrèrent que sa fréquence cardiaque était de 103 battements/minutes (bpm) avant le lancement et avait atteint 240 bpm au début de l'accélération. Après que Spoutnik 2 eut atteint son orbite, la coiffe protectrice fut larguée avec succès. Cependant, le dernier étage du lanceur ne se sépara pas comme prévu, empêchant le système de régulation thermique de fonctionner correctement. Une partie de l'isolation thermique se déchira, ce qui éleva la température de la cabine à 40 °C[14]. Après trois heures en impesanteur, le pouls de Laïka était revenu à 102 bpm[15] ; le retour au rythme cardiaque « normal » prit trois fois plus de temps que lors des essais au sol, signe du stress enduré par la chienne. Les premiers relevés indiquèrent que Laïka était agitée mais qu'elle mangeait sa nourriture[14]. Cependant, au bout d'approximativement cinq à sept heures de vol, Laïka ne donna plus aucun signe de vie[6].

Les scientifiques russes avaient prévu d'euthanasier Laïka avec une portion de nourriture empoisonnée. Pendant plusieurs années, l'URSS donna des versions contradictoires, certains affirmant que Laïka serait morte d'asphyxie à la décharge des batteries, d'autres qu'elle avait été euthanasiée. Beaucoup de rumeurs circulèrent sur les circonstances exactes de sa mort. En 1999, plusieurs sources russes avançaient qu'elle était morte au bout de quatre jours, de la surchauffe de la cabine[4]. En octobre 2002, le docteur Dimitri Malachenkov, l'un des scientifiques responsables de la mission, révéla que Laïka périt environ cinq à sept heures après le lancement, d'une défaillance dans le système de régulation de température et du stress. Selon un rapport qu'il présenta au World Space Congress à Houston (Texas), « il s'est avéré pratiquement impossible de créer un système de régulation de température fiable en si peu de temps »[5],[16]. Spoutnik 2 fut finalement détruit (avec la dépouille de Laïka) en rentrant dans l'atmosphère terrestre le 14 avril 1958, cinq mois plus tard, après avoir effectué 2 570 rotations autour de la Terre[17].

Réactions

En pleine guerre froide, la forte concurrence entre Soviétiques et Américains dans la conquête spatiale éclipsa un certain temps la question des violations éthiques de cette expérience. Comme le montrent les coupures de journaux de 1957[2], la presse était davantage préoccupée par les perspectives politiques, alors que la santé et la récupération de la chienne étaient à peine mentionnées. Ce n'est que plus tard qu'eurent lieu des discussions sur le sort de Laïka.

La mission Spoutnik 2 ne prévoyait aucune récupération de Laïka[4] ; la chienne était donc condamnée à mourir dans l'espace. L'expérience déclencha un débat international sur la question du maltraitement et de l'expérimentation animale en général pour les besoins de la science[12].

Au Royaume-Uni, la National Canine Defence League (en) (Dogs Trust) appela tous les propriétaires de chiens à observer une minute de silence par jour pendant le vol de Laïka, tandis que la Royal Society for the Prevention of Cruelty to Animals (RSPCA) reçut des protestations avant même que l'URSS ait fini d'annoncer le succès du lancement. Les associations de protection des animaux suggérèrent au public de venir manifester devant les ambassades soviétiques[18].

En URSS, la polémique était plus faible. Ni les médias, ni les livres des années suivantes, ni le public ne remirent en cause la décision d'envoyer mourir un chien dans l'espace. Ce n'est qu'en 1998, après l'effondrement du régime soviétique, qu'Oleg Gazenko, l'un des scientifiques responsables de la mission, exprima ses regrets d'avoir condamné la chienne à mourir : « Plus le temps passe, plus je suis désolé à son sujet. Nous n'aurions pas dû le faire... Nous n'avons pas appris suffisamment de cette mission pour justifier la mort de la chienne »[2],[19],[17].

Influence

Culture populaire

La NASA baptisa cette parcelle de sol martien Laïka le 9 mars 2005, lors de la mission Mars Exploration Rover.
Timbre poste roumain de 1959.
  • La chienne Laïka apparaît sur le bas-relief du Monument des Conquérants de l'Espace de Moscou, érigé en 1964.
  • Le 11 avril 2008 a été inauguré à Moscou un monument à la mémoire de Laïka. La petite statue, représentant un chien en haut d'une fusée, est située près du complexe de recherche militaire où Laïka fut entraînée pour son vol dans l'espace[20],[21].
  • Le nom Laika apparaît dans celui de plusieurs groupes de musique (Laika Dog, Laika & The Cosmonauts, ou encore Laika) et est le titre de morceaux des groupes Mecano, Arcade Fire, Moxy Früvous et The Cardigans. The Divine Comedy a intitulé l'un de ses morceaux Laika's Theme, instrumental mélancolique présent sur l'album Absent Friends (2004). Le groupe Gorillaz a sorti un album intitulé Laika Come Home. Le vidéo clip de la chanson Moan de Trentemøller est lui aussi un hommage à Laika.
  • Laïka est le nom de plusieurs marques, de chocolat et de cigarettes notamment[12].
  • Un personnage « chienne Leika » du jeu vidéo Starshot: Panique au Space Circus s'en inspire.
  • Euclide Ferrera Da Costa, artiste autodidacte, construisit au sein de sa Maison bleue (Dives-sur-mer, Calvados) dans les années 1960, un petit mausolée à la gloire de Laïka. De forme pyramidale, orné de mosaïques, il est surmonté d’une fusée.

Philatélie

Laïka est représentée sur plusieurs timbres de différents pays :

  • 1957, URSS, Tchécoslovaquie, Roumanie (1,20 Lei) ;
  • 1962, Albanie ;
  • 1963, Hongrie, Mongolie ;
  • 1964, Pologne ;
  • 1971, Émirats arabes unis ;
  • 1992, Congo (50 F) ;
  • 2007, Hongrie (3,50 ft).

Autres

Notes

Tous ces liens ont été visités le 30 août 2007. Mettre à jour où possible.

  1. Лайка en russe est une appellation générique de chiens originaires du Grand Nord.
  2. a , b  et c (en) Message from the First Dog in Space Received 45 Years Too Late, Dogs in the News, 3 novembre 2002.
  3. a  et b (en) James J. Harford, Korolev's Triple Play: Sputniks 1, 2, and 3, NASA, 1997.
  4. a , b  et c Anatoly Zak, The True Story of Laika the Dog, 3 novembre 1999.
  5. a  et b (en) Malashenkov, D. C. , Abstract:Some Unknown Pages of the Living Organisms' First Orbital Flight, ADS, 2002.
  6. a , b , c , d , e  et f (en) Sven Grahn, Sputnik-2, more news from distant history, 1er décembre 2004.
  7. (en) Tara Gray, A Brief History of Animals in Space, NASA, 1998.
  8. (en) Space Dog Lives, The British Library.
  9. (en) Andrew J. LePage, Sputnik 2: The First Animal in Orbit, 1997.
  10. a  et b (en) Dogs in space, Space Today Online, 2004.
  11. (en) Dr David Whitehouse, First dog in space died within hours, BBC, 28 octobre 2002.
  12. a , b  et c (en) Animals as Cold Warriors:Missiles, Medicine and Man's Best Friend, National Library of Medicine, 19 juin 2006.
  13. (en) Memorial to Laika.
  14. a  et b (en) Sputnik 2, NASA, 20 octobre 2005.
  15. (en) John B. West, Historical aspects of the early Soviet/Russian manned space program, Journal of Applied Psychology, octobre 2001, Vol. 91, Issue 4, 1501-1511.
  16. « It turned out that it was practically impossible to create a reliable temperature control system in such limited time constraints. », Dimitri Malachenkov.
  17. a  et b (en) The Story of Laika.
  18. (en) On this day, BBC, 3 novembre 1957.
  19. « The more time passes, the more I'm sorry about it. We shouldn't have done it... We did not learn enough from this mission to justify the death of the dog. », Oleg Gazenko.
  20. (en) Russia opens monument to space dog Laika, Associated Press, 11 avril 2008.
  21. (ru) Памятник четвероногому космонавту, NTV, 11 avril 2008.
  22. J.F. Kennedy, collection "Chroniques de l'Histoire", Sélection du Reader's Digest 1996, page 61.

Références

Webographie

Tous ces liens ont été visités le 30 août 2007. Mettre à jour où possible.

Bibliographie

  • Dubbs, Chris, Space Dogs: Pioneers of Space Travel, Writer's Showcase Press, 2003 (ISBN 0-5952-6735-1)
  • Gowortschin, G. G., Soviets in Space - An historical Survey, Spaceflight, Mayo 1965
  • Nicogossian, A., Mohler, S., Gazenko, Oleg, Space and Its Exploration, American Institute of Aeronautics & Ast, 1993 (ISBN 1-5634-7061-6)
  • Szabo, Julia, The Underdog: a Celebration of Mutts, Workman Publishing Company, 2005 (ISBN 0-7611-3348-8)
  • Tschernow, V. N., Jakowlew, V. I., Scientific Research During the Flight of an Animal in an Artificial Earth Satellite, Artificial Earth Satellite, 1, 1958

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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