La Méditerranée et le monde méditerranéen à l'epoque de Philippe II

La Méditerranée et le monde méditerranéen à l'epoque de Philippe II

La Méditerranée et le monde méditerranéen à l'époque de Philippe II

La Méditerranée et le monde méditerranéen à l'époque de Philippe II
Auteur Fernand Braudel
Genre Ouvrage historique
Pays d'origine France France
Date de parution 1949

La Méditerranée et le monde méditerranéen à l'époque de Philippe II est un ouvrage de l'historien Fernand Braudel, publié en 1949.

Sommaire

Contexte décriture et présentation de lœuvre

Cest en 1923 quil décide de se lancer sur la thèse « La politique diplomatique méditerranéenne de Philippe II » sous la direction de Lucien Febvre, qui lui a déjà travaillé sur Philippe II. Lucien Febvre écrit à Fernand Braudel et lui dit :

« Philippe II et la Méditerranée : beau sujet. Mais pourquoi pas la Méditerranée et Philippe II ? Un autrement grand sujet encore ? Car entre ces deux protagonistes, Philippe et la Mer Intérieure, la partie nest pas égale ».

Ce changement fera dun espace maritime lacteur principal dune œuvre. Et sera lune des œuvres caractéristiques du mouvement des Annales. En effet, depuis 1930, pour faire face à lécole positiviste, Marc Bloch et Lucien Febvre expriment leur volonté de délaisser lévénementiel, une volonté de passer de la vie politique à la vie économique, à lorganisation sociale et à la psychologie collective, rapprochant ainsi lhistoire des autres sciences humaines. Cette volonté sera notamment cristallisée par la fondation de la revue Les Annales, fondée en 1929, distribuée à Paris en 1936. Febvre devient directeur de recherches de Braudel en 1937.

Cest après 12 ans de compilation darchives (à travers les archives de Madrid, Gênes, Rome, Venise, Simancas ou Dubrovnik conservées durant la guerre rue Monticelli à Paris) et de lectures que Braudel, pressé par Febvre, quelques jours avant la mobilisation de 1939, se lance dans la rédaction de quelques pages dintroduction. Fait prisonnier dans les Vosges le 29 juin 1940, (soit une semaine après la signature de larmistice), il est alors commandant dun petit groupe de soldats encerclé. Il est expédié dans lOflag XII B à la Citadelle de Mayence en juillet 1940, malgré la promesse dêtre libéré avec ses hommes sils se rendaient. Il écrit donc le gros de son ouvrage en Allemagne, il est retenu captif de 1940 à 1945, travail quil jugera comme un « travail refuge ».

Loin de ses notes, il réécrit trois versions du livre sur des cahiers décoliers (on estime sa production à entre 3 000 et 4 000 pages durant sa captivité), seul papier disponible en prison, quil envoie à Lucien Febvre, à Paris. Les bornes chronologiques de son travail seront plusieurs fois modifiées durant sa captivité, passant de 1558 - 1570 à 1550 - 1600. Dans un courrier du 15 février 1941 il dira même hésiter à létendre de 1450 à 1650, car selon lui « il faut voir grand sinon à quoi bon lhistoire » mais, dissuadé par Febvre qui lui rappelle la nécessité daboutir à une thèse, il revient aux bornes originelles.

« Sans ma captivité jaurais sûrement écrit un tout autre livre. » (Ma formation dhistorienBraudel1972)

Avec sa solde, quil touche grâce aux conventions de Genève, il achète des livres allemands sur la Méditerranée et entretient de longues correspondances avec son directeur de thèse et avec sa femme, Paule Braudel, alors en Algérie avec ses enfants. Mais cest une correspondance censurée et ralentie par la guerre. Il obtient certains privilèges durant sa captivité : il a accès aux ouvrages allemands de la bibliothèque universitaire de Mayence à partir du 30 septembre 1941, et donne même des cours de littérature, de géographie et dhistoire aux détenus, les préparant même à la licence dhistoire. En juin 1942, accusé dêtre franc-maçon, il est transféré au camp disciplinaire de Lübeck dans lOflag XC. Pourtant Braudel sy sent mieux. Gaulliste convaincu qui devait se taire à Mayence, il peut enfin faire étalage de ses sympathies, les prisonniers français de Lübeck étant séparés selon leurs penchants politiques. Rappelons dailleurs que le régime de Vichy forma la « mission Scapini » chargée de répandre la doctrine vichyste parmi les prisonniers.

L'ouvrage

Louvrage se décompose en trois parties, longuement peaufinées durant sa captivité, même si François Dosse déclare que Braudel aurait saisi la structure du livre bien avant linternement. Mais cest un plan qui lui posera de nombreux problèmes, notamment celui de larticulation espace-temps. Il trouvera cette articulation en 3 parties à la fin octobre 1941. Il remettra la rédaction de la troisième partie à après sa libération car, consacrée à lévénementiel, des recherches lui sont alors nécessaires.

Braudel soutient sa thèse en 1947. Elle est publiée en 1949, comptant 1 160 pages. Le livre est remanié en 1966 (1 222) pages et au total, 8 rééditions paraissent (1949, 1966, 1976, 1979, 1982, 1986, 1987, 1990).

Lœuvre de Braudel va se définir en 3 parties, chacune entrainant un positionnement différent de lhistorien face à son sujet. « Ainsi en sommes nous arrivés à une décomposition de lhistoire en plans étagés. Ou si lon veut, à la distinction dun temps géographique, dun temps social, dun temps individuel ».

Première partie : La Part du Milieu

Cette partie se réserve lidée de décrire ce quil considère comme une Histoire permanente car quasi immobile « faite de retours insistants, de cycles sans cesse recommencés ». Cest une histoire qui fait intervenir la géographie. Mais Braudel ne veut pas se contenter dune description simple des lieux étudiés, critiquant au passage les « traditionnelles introductions géographiques à lhistoire, inutilement placés au seuil de tant de livres ». Celle de Braudel cherche à étudier le rapport de lhomme avec son milieu. « Les faits géographiques, c'est-à-dire la liaison du social et de lespace ». Braudel écrivait dans sa préface que lhistorien choisissant un sujet géographique, ne devait pas se contenter de le définir par ces contours géographiques établis. « Malheur à lhistorien qui pense que cette question préjudicielle [comment définir la Méditerranée de lhistorien] ne se pose pas, que la Méditerranée est un personnage à ne pas définir, car défini depuis longtemps, clair, reconnaissable immédiatement, et quon saisit en découpant lhistoire générale selon le pointillé de ses contours géographiques ». Intéressons nous alors à la définition de la Méditerranée par Braudel. Au nord : les régions tempérées occupées par des sédentaires, terres de chrétienté, contrastées par, au sud, les déserts arides, parcourus par les nomades, processions de lIslam. On constate la liaison quil établit entre géographie, modes de vies et Histoire.

Par exemple, cest dans cette partie quil décrira les îles comme la Sardaigne, la Crète, ou Chypre, mais pas simplement par leur géographie mais par leur rôle historique : comme repaires de pécheurs et de pirates, comme foyers dimmigration. Il décrit les habitants rongés par la malaria due à leau stagnantes des plaines littorales (Languedoc…), les coutumes ancestrales des montagnards (Atlas, Apennin,…).<vr> La géographie est un moyen daider lHistoire pour Fernand Braudel. Il explique que lobservation géographique permet de « déceler les oscillations les plus lentes que connaisse lHistoire » comme le déplacement de site de certaines villes ou la modification des tracés des routes.

Si Braudel divise son ouvrage en 3 parties distinctes, cest aussi car il considère que le temps na pas la même valeur selon ces parties. Il voit alors la nécessité dune division du temps entre différentes vitesses découlement. Il définit donc un temps évènementiel, conjoncturel et de longue durée. Pour sa première partie, Braudel fait forcément appel à lidée de temps longue durée, « dun temps géographique » qui a, selon Braudel, une grande place dans l'histoire.

Deuxième partie : Destins collectifs et mouvements densemble

Dans sa deuxième partie, cest une histoire quil juge profonde qui lintéresse : « lentement rythmésune histoire structurale, on dirait volontiers une histoire sociale, celle des groupes et des groupements ». Il sintéresse à lhistoire économique, balbutiante à lépoque, en dessinant les axes de communication, terrestres et maritimes, en mesurant les distances commerciales en fonction des vitesses moyennes des navires, en cherchant à cerner les dimensions des marchés (comme ceux de la Toscane ou de lAndalousie), le rayon dinfluence des ports (Venise, Marseille…). Il compte les hommes et étudie leur répartition, en signalant régions vides et pleines. Il sintéresse ici aussi aux mécanismes monétaires (selon la fluctuation des arrivées de métaux : or des Caraïbes, argent du Pérou, tarissement de lor du Soudan…) étudie les influences des arrivages : la hausse des prix, leurs incidences sur les revenus, lenrichissement de certaines classes face à lappauvrissement dautres. Cette histoire des structures, installée dans la durée, permet également détudier comment ces mouvements sociaux vont entrainer des faits comme la guerre, et permettre à la discipline historique dêtre en prise sur le présent : « pour les sociétés actuelles, nous avons aussi à nous préoccuper de ce qui a duré, du permanent, donc en partie de lactuel » (Écrits sur lHistoire)

Si cette partie doit se définir en termes de temps, elle sapprocherait des études menée par les économistes. Il décide alors dinscrire cette seconde partie dans un temps conjoncturel. Létude de temps en économie est une étude qui a déjà été menée par les économistes, ceux-ci cherchant surtout la notion de cycles économiques qui se répèterait dans l'Histoire. Notion quil reprendra dans la conception de ce « temps social »

Troisième partie : Les évènements, la politique et les hommes

Cette dernière partie est celle de lHistoire évènementielle : « une histoire non de lHomme mais de lindividu ». Elle incarne surement ce quaurait été la thèse de départ de Braudel. « Une agitation de surface », « une histoire à oscillations brèves, rapides, nerveuses ». Il y présente les empires rivaux, espagnol et turc, décrivant leurs institutions complexes, leur population, leurs provinces, estimant les forces militaires, lorganisation des armées, la valeur des flottes, le réseau de fortification. Il met en scène laction et rapporte ici les évènements : labdication de Charles Quint (1556), la paix de Cateau-Cambrésis (1559), la guerre hispano-turque (1561 à 1564)… Cest un récit bien documenté, enrichissant lhistoire militaire et diplomatique. Néanmoins, si on prend lexemple de la bataille de Lépante, on remarque quil sattache plus à ses conséquences durables qua lévénement en lui-même. « Si lon ne sattache pas aux seuls événements, à cette couche brillante et superficielle de lhistoire, mille réalités nouvelles surgissent et, sans bruit, sans fanfares, cheminent au-delà de Lépante. Lenchantement de la puissance ottomane est brisé, la course chrétienne active réapparait, lénorme armada turque se disloque ». Braudel, même si cette partie est événementielle et se rapproche de sa thèse de départ, relègue lévénementiel, caractéristique phare de lécole des Annales. « De toutes, cest lhistoire la plus passionnante, la plus riche en humanité, la plus dangereuse aussi. Méfions nous de cette histoire brulante encore »
Cest un temps court qui va sajouter à la description des évènements. Un temps « à la mesure des individus, de la vie quotidienne, de nos illusions, de nos prises rapides de conscience » (Écrits sur lHistoire, p. 45-46).

Ainsi, par cette répartition, Braudel réorganise son étude de manière à reléguer en arrière plan lévénementiel, à inscrire lHistoire dans une plus vaste mesure. La tripartition temporelle permet aussi davoir accès à cette histoire quasi immobile considérée comme primordiale dans une architecture la géographie sidentifie à la très longue durée. Bâtie en trois parties, qui seront à l'origine de ce qu'on appelle souvent la « triple temporalité braudélienne », La Méditerranée analyse d'abord « la part du milieu », puis « les mouvements d'ensemble », enfin « les événements ». Cette démarche s'inscrit donc dans la continuité du combat de Marc Bloch et Lucien Febvre contre l'histoire uniquement événementielle. Mais le livre n'est pas qu'une simple réponse à sa thèse de départ, elle est aussi le début d'une nouvelle méthodologie. En effet, à travers ce livre, Braudel réclame une nouvelle histoire et critique l'Histoire de ces prédécesseurs.

Le recours aux sciences humaines

Braudel et lécole des Annales jugent lhistoire événementielle comme une histoire de surface, captivante, mais restant un simple récit. Mais lobjectif de l'histoire pour Braudel doit être une histoire sociale sur laquelle on peut construire des explications « de fond ». Il explique néanmoins que lhistoire est morcelée entre différentes « couches profondes » dexplications. « Historiens, nous devons être par surcroit géographes, économistes, juristes à notre propre compte ». «Il sera donc autant question dans nos conférences déconomistes, de sociologues ou de géographes que dhistoriens. »

Critique des sources

Braudel sest confronté, comme tout historien face à ces recherches, à la nécessité de documentation et à la multiplication des sources. Mais dans sa préface, Braudel témoigne de sa difficulté face à cette recherche.
Tout dabord il explique sa difficulté face à une telle masse de documentation. « Nous avons bien une masse prodigieuse darticles, de mémoires, de livres, de publications, denquêtes, les uns dhistoire pure, les autres, non moins intéressants, écrits par nos voisins, les ethnographes, les géographes, les botanistes, les géologues, les technologues… » « Il ny a pas dhistoire possible de la mer sans la connaissance précise des vastes sources de ses archives. Ici la tâche semble au dessus des forces dun historien isolé ». « Pour inventorier et prospecter ces richesses insoupçonnées, ces mines du plus bel or historique, il faudrait non pas une vie, mais vingt vies, ou vingt chercheurs ». On peut aussi remarquer dans cette citation lutilisation par Braudel de sources annexes comme des documents dethnologues, de géographes

Cest aussi durant cette préface quil va remettre en question la crédibilité des sources, de par la vision parfois restreinte de leurs écrivains. « Cette masse de publications écrase le chercheur comme une pluie de cendres. Trop de ces études parlent un langage dhier, désuet à plus dun titre. Ce qui les intéresse, ce nest pas la vaste mer, [… mais les gestes des princes et des riches, une poussière de faits divers sans commune mesure avec la puissante et lente histoire qui nous préoccupe. Trop de ces études sont à reprendre… »
Autre exemple du document, après une Renaissance, lécriture était laffaire de nobles, Braudel nous raconte quau XVIe apparaît « La Renaissance des pauvres » (l222), qui sacharnent alors à témoigner de leur époque. « Paperasse déformante » répondra Braudel : « elle y prend une place hors de vérité. Cest dans un monde bizarre, auquel manquerait une dimension que se trouve transporté lhistorien lecteur des papiers de Philippe II ».

Lapport des autres sciences vers une histoire globale

Si Braudel affirmait dans la citation précédente la nécessité de se tourner vers des sources autres que simplement historiques (économie, géographie, archéologie…), « Devant tant dactivités nourricières, comment ne pas se tourner vers cette histoire économique et sociale ? » il nhésitait pas non plus à accuser la France de son retard en matière dhistoire économique, ni de la division des sciences humaines entre spécialités. Braudel écrivit le 26 octobre 1941 à Lucien Febvre, durant sa captivité et ses lectures allemandes : « en France, la géographie humaine et léconomie politique sont effroyablement en retard » par rapport à lAllemagne. Il cite des auteurs comme Weber et « léthique protestante », Von Below (Bloch était son auditeur) Meinecke (Lidée de la raison dÉtat dans lHistoire Moderne de 1924) Werner Sombart (Der Moderne Kapitalismus1923-28) Alfred Philippson (Das Mittelmeergebiet1904-22)

« Cest seulement par suite de nos insuffisances intellectuelles, par suite du triomphe utile mais dangereux des spécialistes, que cette étude une de la société est morcelée en tant de branches différentes, y compris celle, vénérable, de lHistoire » (Écrits sur lHistoire)

« LHistoire que jinvoque est une histoire neuve capable pour se renouveler et sachever de mettre à sac les richesses des autres sciences sociales ses voisines » (revue LHistoire) ; géographie, ethnologie, la statistique, léconomie, le droit et la sociologie quil jugera « Plus scientifiques que lHistoire, mieux articulées […] Nos méthodes ne sont pas les leurs, mais nos problèmes, oui bien » (revue LHistoire)

Braudel restera dailleurs toujours en contact avec des collègues comme le sociologue Gurvitch, le démographe Sauvy, lethnologue Lévi-StraussOn peut dailleurs retrouver certaines ressemblances. Lhistoire palié nest pas sans rappeler la vision de Gurvitch qui distinguait plusieurs formes de temps, lorsque Levis Strauss distingue lhistoire comme sintéressant aux faits conscients et lethnologie comme sintéressant aux faits inconscients, Braudel affirme que lécole des Annales sintéresse aux deux, et enfin Braudel nhésite pas à appeler les historiens à suivre les modèles quAlfred Sauvy réalisa, modèle mathématiques, permettant danalyser la population.

Existe-t-il une hiérarchie dans les sciences sociales ? Lhistoire est au carrefour. Existe-t-il des sciences auxiliaires ? Braudel répond : « dans mon esprit, toutes sciences de lhomme est auxiliaire, tour à tour, les unes des autres ». Dans les faits, Braudel accordait en fait une place dominante à l'histoire.

Limportance de la géohistoire

De tous ces apports, nous avons vu que Braudel réintègre de manière prépondérante la géographie dans la première partie, léconomie dans la deuxième. Mais lapport géographique va se décliner sous de nombreux termes pour Braudel tout au long de son sujet : géopolitique, géoéconomie, géohistoire, nous verrons même que cette logique du « géographie avant tout » va laisser planer lidée dun déterminisme géographique pour lhistoire de lHomme.
Par le choix de placer une région comme acteur principal, Braudel a alors la volonté de traiter une province comme une identité géographique et politique « résultant dune collaboration étroite de forces naturelles et forces humaines » mais avec « une part de lhomme restant prépondérante. »

La géohistoire se trouve directement dans le sillage de Lucien Febvre, même si celui ci était beaucoup moins déterministe que Braudel, qui avait esquissé la rencontre entre géographie et histoire dans « La Terre et lÉvolution Humaine ». Il est aussi lhéritier de Marc Bloch (dont on reconnaît létude économique à travers « La Société Féodale » de Marc Bloch) il sinspire des leçons de la géographie humaine comme avec le Tableau de la France de P. Vidal de la Blache, des thèses régionales de R. Blanchard, de J. Sion ou dA. Demangeon, qui rendait compte de la formation des paysages en considérant les évolutions historiques.

Braudel donne ici la définition de la géohistoire : « Poser les problèmes humains tels qu'on les voit étalés dans lespace et si possibles cartographiés, une géographie humaine intelligente, les poser dans le passé compte tenu du temps, détacher la géographie de cette poursuite des réalités actuelles à quoi elle sapplique uniquement ou presque, la contraindre à repenser avec ses méthodes et son esprit, les réalités passées. De la traditionnelle géographie historique à la Longnon, vouée presque exclusivement à létude des frontières dÉtats de circonscriptions administratives sans souci de la terre elle-même, du climat, du sol, des plantes et des bêtesfaire une véritable géographie humaine rétrospective, obliger les géographes (ce qui serait facile) à prêter plus dattention au temps et les historiens (ce qui serait plus malaisé) à sinquiéter davantage de lespace » (deuxième édition, tome 2, page 295). « Tous les étages, tous les milliers détages, tous les milliers déclatements du temps de lhistoire se comprennent à partir de cette profondeur, de cette semi-immobilité, tout gravit autour delle » (Écrits sur lHistoire)

La géohistoire arbitre, détermine lHistoire, en englobant aussi bien les phénomènes dordres climatiques que les faits de culture. Cette géohistoire globale a vocation à devenir une « Histoire totale » car la géographie impose ses lois intangibles aux sociétés, « retenons la fragilité congénitale des hommes vis-à-vis des forces colossales de la nature » (Civilisation matérielle). Cette vocation est aussi dût à la possibilité offerte par la Terre à lHomme : « Sans le maïs rien neut été possible des pyramides géantes des Mayas ou des Aztèques, des murs cyclopéens du Cuzco ou des merveilles impressionnantes du Machu-Pichu » (Civilisation matérielletome 1 p133). Il voit dans cette géohistoire lexemple même du déterminisme de civilisation dont parle Pierre Gourou (« La Civilisation végétale », n°5, p385-396). La géographie deviendrait alors la grille de lecture des sociétés, certains sont avantagés par leurs situations (le port de Gênes, jugé contraint à laventure par sa géographie contraignante) ou désavantagé (Braudel justifiera le retard de la France à lépoque moderne par le gigantisme de son territoire dans Civilisation Matérielle).

Le milieu (ou lespace) devient le mot clé de lécriture, le fondement du devenir des civilisations, à tel point que Fernand Braudel, contredisant son refus des systèmes de causalités, utilise lespace comme facteur explicatif des divers aspects des civilisations : « Une civilisation est à la base un espace travaillé par les hommes et lHistoire » (La Méditerranée, tome 2 p107) ; lHistoire simmobilise au sol. La civilisation se définit et se réduit parfois à lespace « une civilisation, quest-ce, sinon la mise en place ancienne dune certaine humanité dans un certain espace ? » (Civilisation matérielle, tome 1, p. 495)

De plus, la géohistoire, de par son étude « quasi immobile », va lui permettre de valoriser la longue durée, de minorer le poids de lHomme comme acteur de lHistoire. « La géographie était le meilleur moyen de ralentir lHistoire » (novembre 1984) et ainsi minorer le poids de lévénementiel, déterminant le rythme des temporalités.

Bibliographie

  • BRAUDEL Fernand, Écrits sur lHistoire, Paris, Flammarion, 1977
  • BARGUIERE André, LÉcole des Annales, Paris, Odile Jacob, 2006
  • BOURDE Guy, Les Écoles Historiques,
  • CARMIGNANI Paul (sous la dir.), Autour de F. Braudel, Presse Universitaire de Perpignan, 2002
  • DAIX Pierre, Braudel, Paris, Flammarion, 1995
  • DOSSE François, LHistoire en miettes, Paris, La Découverte, 1987
  • GEMELLI Giuliana, Fernand Braudel, Paris, Odile Jacob, 1995
  • SALES Véronique (sous la dir.), Les Historiens, Paris ? Armand Colin, 2003
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